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01/03/2022 | FRANCE | N°20VE01039

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 01 mars 2022, 20VE01039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à leur charge au titre des années 2011 et 2012 à concurrence de la somme globale de 51 689 euros.

Par un jugement no 1802236 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 ma

rs 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Michelot, avocat, demandent à la cour :

1° d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à leur charge au titre des années 2011 et 2012 à concurrence de la somme globale de 51 689 euros.

Par un jugement no 1802236 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mars 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Michelot, avocat, demandent à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de faire droit à leur demande ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B... soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur leurs moyens et leurs conclusions mais s'est borné à reprendre les moyens présentés par l'administration.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- au regard des termes de l'article L. 123-12 du code de commerce, qui n'exigent ni de caisse enregistreuse, ni l'enregistrement comptable par mode de règlement et qui autorisent l'enregistrement mensuel, la comptabilité, bien qu'imparfaite, ne pouvait pas être considérée comme n'étant pas probante, ce qui excluait la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle a procédé le service, qui par nature ne peut être qu'imparfaite ; elle ne pouvait davantage être qualifiée de non probante alors que, par ailleurs, la comptabilisation des stocks, des achats et des marges n'a pas été remise en cause ;

- s'agissant de la méthode de reconstitution, même si la consommation de viande est importante, elle ne peut être considérée comme principale ; il aurait fallu retenir un autre composant des plats ; les poids moyens d'agneau dans les menus est évalué au gramme près, ce qui permet de douter de la réalité de cette précision ; l'étude par catégorie de vins vendus fait apparaître un taux moyen de marge de 2,65 alors que celui retenu par les services fiscaux a été de 3,3.

Sur le bien-fondé des pénalités :

- le caractère intentionnel des faits reprochés et la volonté de diminuer ou d'éluder l'impôt ne sont pas établis.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar ;

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est le gérant et associé de la SARL RMP Plaisirs du Maroc, qui exerce une activité de restauration traditionnelle marocaine. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant en matière d'impôt sur les sociétés sur les exercices clos en 2011 et 2012 étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 31 décembre 2013. L'administration a écarté la comptabilité tenue par cette société, qu'elle a regardée comme non probante et a en conséquence procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires. Par une proposition de rectification du 15 juillet 2014 notifiée à M. et Mme B..., l'administration a tiré les conséquences de cette procédure en procédant à des rehaussements à l'impôt sur le revenu, après avoir considéré, sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts, que M. et Mme B... étaient bénéficiaires de revenus distribués et leur a proposé des rectifications pour les années 2011 et 2012. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande de décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à leur charge au titre des années 2011 et 2012 à concurrence de la somme globale de 51 689 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., le tribunal, qui ne s'est pas borné à reprendre les moyens présentés par l'administration, a répondu à l'ensemble des moyens invoqués par les requérants et statué sur leurs conclusions. Par suite, le moyen tiré du défaut de réponse à un moyen et de l'omission à statuer sur leurs conclusions doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

3. Par une décision du 9 décembre 2020, postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, le directement départemental des finances publiques des Yvelines a prononcé le dégrèvement, en droits, à concurrence d'une somme de 3 511 euros des contributions sociales auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012. Les conclusions de la requête de M. et Mme B... relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

En ce qui concerne le surplus des conclusions de la requête :

S'agissant de la base légale des impositions :

4. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; ". Les bénéfices reconstitués à raison de l'activité d'une société ne peuvent, de ce seul fait, être regardés comme distribués au maître de l'affaire sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts.

5. Cependant, l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse suivie devant le juge de l'impôt, de justifier l'imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée.

6. En réponse au moyen relevé d'office par la cour, tiré de l'inapplicabilité des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts, le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir que les impositions en litige trouvent également leur fondement légal dans les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

7. Aux termes de ces dispositions : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". L'administration a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL RMP Plaisirs du Maroc, dont M. B... est le gérant, après avoir écarté sa comptabilité au motif qu'elle n'était pas probante. Elle a ensuite tiré les conséquences de cette procédure en pratiquant des rehaussements à l'impôt sur le revenu au motif que M. et Mme B... étaient bénéficiaires de revenus distribués. Il ne résulte pas de l'instruction que les requérants soient privés, du fait de cette substitution de base légale, d'une garantie de procédure. Par suite, il y a lieu de substituer à la base légale retenue initialement par l'administration celle invoquée par le ministre devant la cour.

S'agissant du bien-fondé des impositions :

8. M. B..., qui ne conteste pas être le maître de l'affaire, soutient que c'est à tort que l'administration a considéré que la comptabilité de la SARL RMP Plaisirs du Maroc était non probante et procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires. Il appartient à l'administration d'établir la preuve de l'existence de tels revenus.

Quant au rejet de la comptabilité :

9. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ". Aux termes de l'article 286 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I.-Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : / (...) / 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. / Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat, ou le montant des courtages, commissions, remises, salaires, prix de location, intérêts, escomptes, agios ou autres profits. Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 € pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois. / Le livre prescrit ci-dessus ou la comptabilité en tenant lieu, ainsi que les pièces justificatives des opérations effectuées par les redevables, notamment les factures d'achat, doivent être conservés selon les modalités prévues aux I et I bis de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales ; ". Enfin, aux termes de l'article L. 86 du livre des procédures fiscales : " Les contribuables soumis aux obligations comptables du code de commerce doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, les livres, les registres et les rapports dont la tenue est rendue obligatoire par le même code ainsi que tous documents relatifs à leur activité ".

10. En l'espèce, à l'occasion des opérations de contrôle de la SARL RMP Plaisirs du Maroc, le vérificateur a écarté comme irrégulière et non probante la comptabilité de la société aux motifs qu'elle ne disposait pas de caisse enregistreuse et par suite de bandes de caisse, que les recettes avaient été enregistrées à la main et globalement en fin de journée sans distinguer les moyens de paiement utilisés et, enfin, que les seules pièces justificatives produites étaient une copie de notes non numérotées et rédigées à la main, ayant également servi à prendre la commande auprès des clients du restaurant. Alors que la SARL RMP Plaisir du Maroc n'a pas été en mesure de justifier les résultats déclarés en l'absence de justificatifs du détail des recettes journalières, M. et Mme B... ne peuvent utilement soutenir que les relevés bancaires indiquaient les moyens de paiement utilisés, de tels documents, non produits au demeurant, n'étant pas de nature à justifier à eux seuls le montant des recettes déclarées. Par suite, sans qu'y fassent obstacle les dispositions invoquées de l'article L. 123-12 du code de commerce, l'administration a pu à bon droit considérer que la comptabilité de la SARL RMP Plaisirs du Maroc ne présentait pas de caractère probant et procéder à la reconstitution de ses recettes, la circonstance que l'administration n'a pas remis en cause les achats, les stocks et la marge de l'entreprise étant à cet égard sans incidence.

Quant à la reconstitution des recettes :

11. Pour procéder à la reconstitution des recettes de la SARL RPM Plaisirs du Maroc, le service a employé la méthode dite " des viandes ". En notant que la majorité des plats sont composés de viande et, principalement de viande d'agneau, il a évalué la quantité de viande d'agneau nécessaire à la préparation des plats, la proportion des plats composés d'agneau dans les plats vendus, le nombre d'assiettes réalisables et le prix moyen d'un repas. Il a pour cela pris en compte la quantité de viande achetée, en se fondant sur les factures d'achat de la société. Il a également appliqué, par souci de réalisme économique, un taux de perte évalué à 5 % sur la viande consommée.

12. L'administration a ainsi apporté la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé de la reconstitution à laquelle elle a procédé. M. et Mme B... n'apportent pas d'éléments de nature à remettre en cause cette appréciation en se bornant à mentionner que le service aurait pu prendre en compte une autre viande composant les plats servis et que la précision du poids retenu de l'agneau dans chaque plat est sujette à caution. S'ils soutiennent également que le taux moyen de marge pour les boissons alcoolisées est trop élevé au regard de l'étude par catégorie de vins vendus, ces observations ne sont pas assorties des justifications permettant d'en apprécier le bien-fondé.

S'agissant du bien-fondé des pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

14. Compte-tenu des manquements relevés au point 10, de l'importance des montants des gains en résultant et de leur caractère répété, alors que M. B..., en sa qualité de gérant de la société, ne pouvait ignorer qu'il devait déclarer les revenus de sa société, c'est à bon droit que l'administration a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales de la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B..., à concurrence des dégrèvements à hauteur de 3 511 euros de cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. et Mme B... est rejetée.

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N° 20VE01039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01039
Date de la décision : 01/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : MICHELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-03-01;20ve01039 ?
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