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12/04/2022 | FRANCE | N°20VE00307

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 avril 2022, 20VE00307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Frère Bourgeois a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 16 juin 2018 par laquelle l'administration a rejeté sa demande de dégrèvement d'office.

Par un jugement no 1806323 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 janvier 2020 et le 28 octobre 2021, la SA Frères Bourgeois, à laquelle se sont substituées en cours d'instance la

SA Frères Bourgeois Holding et la SA FG Bros, représentée par Me de Waal, avocat, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Frère Bourgeois a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 16 juin 2018 par laquelle l'administration a rejeté sa demande de dégrèvement d'office.

Par un jugement no 1806323 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 janvier 2020 et le 28 octobre 2021, la SA Frères Bourgeois, à laquelle se sont substituées en cours d'instance la SA Frères Bourgeois Holding et la SA FG Bros, représentée par Me de Waal, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle portant sur l'interprétation des principes de primauté, d'effectivité, de coopération loyale et de recours juridictionnel effectif au regard d'une règlementation nationale, telle que celle de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales, en vertu de laquelle l'administration peut refuser de faire droit à une demande de dégrèvement d'office sans que sa décision soit susceptible de recours, alors même que l'imposition dont le dégrèvement est demandé a été perçue en violation du droit de l'Union européenne, révélée postérieurement par une jurisprudence de la Cour de justice ;

3° de faire droit à sa demande et de prononcer la restitution des retenues à la source appliquées sur les dividendes perçus en 2006 et 2007 pour un montant de 151 581 euros ainsi que le versement d'intérêts moratoires ;

4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5° de condamner l'Etat aux frais et dépens.

Elle soutient que :

- l'administration était tenue de faire droit à sa demande de dégrèvement d'office au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) issue de son arrêt Sofina (22 novembre 2018, aff. C-575/17), sans qu'y fasse obstacle la décision du Conseil d'Etat du 30 décembre 2013 rejetant son pourvoi en cassation, conformément aux principes dégagés par la CJUE dans son arrêt Kühne et Heitz (13 janvier 2004, aff. C-453/00) ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la décision contestée du 18 juin 2018 par laquelle l'administration a rejeté sa demande de dégrèvement d'office était insusceptible de recours ; le tribunal a ainsi méconnu les principes d'effectivité du droit de l'Union européenne et du droit à un recours juridictionnel effectif ;

- elle justifie, par les documents produits, que son résultat était déficitaire au cours des années 2006 et 2007 et de l'application effective de retenues à la source sur les dividendes qu'elle a perçus ces mêmes années.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que :

- les moyens ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, l'appelante ne démontre pas, par les pièces produites, avoir été en situation déficitaire au cours des années 2006 et 2007 ; au regard des pièces produites pour justifier de l'application effective de retenues à la source sur les dividendes perçus lors de ces mêmes années, sa demande de dégrèvement d'office ne pourrait être satisfaite qu'à hauteur de 35 775 euros.

Par une ordonnance du 12 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Frères Bourgeois, après avoir vu sa réclamation préalable du 7 mars 2008 rejetée le 16 juin 2008, a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution de la retenue à la source au taux de 15% opérée sur les dividendes qu'elle a reçus de diverses sociétés françaises en 2006 et 2007 en application des dispositions des articles 119 bis et 187 du code général des impôts et des stipulations de la convention fiscale franco-belge tendant à éviter les doubles impositions, signée à Bruxelles le 10 mars 1964. Par un jugement du 14 octobre 2010, confirmé par un arrêt du 21 mars 2012 de la cour administrative d'appel de Paris, le tribunal a rejeté sa demande. Par une décision du 30 décembre 2013, le Conseil d'Etat a refusé d'admettre le pourvoi exercé par cette société contre l'arrêt du 21 mars 2012. La SA Frères Bourgeois a, par la suite, adressé à l'administration une demande, reçue le 8 décembre 2017, de dégrèvement d'office des retenues à la source pratiquées sur les dividendes perçus en 2006 et 2007, sur le fondement des dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales. Par une décision du 16 juin 2018, l'administration a refusé de faire droit à sa demande. La SA Frères Bourgeois, à laquelle se substituent la SA Frères Bourgeois Holding et la SA FG Bros, relève appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 16 juin 2018.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 5° Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ; ". Aux termes de l'article R. 351-4 du même code : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, (...) pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales : " La direction générale des finances publiques ou la direction générale des douanes et droits indirects selon le cas, peut prononcer d'office le dégrèvement ou la restitution d'impositions qui n'étaient pas dues, jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, ou, en cas d'instance devant les tribunaux, celle au cours de laquelle la décision intervenue a été notifiée ".

4. La décision de l'administration de faire usage du pouvoir que lui confèrent les dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales revêt un caractère purement gracieux. Il en résulte que le refus d'accorder un dégrèvement sur le fondement de ces dispositions est insusceptible de recours. Par conséquent, le recours pour excès de pouvoir formé par la SA Frères Bourgeois contre la décision du 16 juin 2018 par laquelle l'administration fiscale a refusé de mettre en œuvre la faculté que lui confèrent les dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales était manifestement irrecevable. Par ailleurs, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, cette irrecevabilité du recours opposée par le tribunal administratif à sa demande ne méconnait ni le principe du droit au recours effectif, ni les principes d'effectivité et de primauté du droit de l'Union. Enfin, dès lors qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt d'apprécier l'usage fait par l'administration de son pouvoir de prononcer des dégrèvements d'office, la SA Frères Bourgeois Holding et la SA FG Bros ne peuvent utilement soutenir en tout état de cause que l'administration était tenue de faire droit à la demande de dégrèvement d'office présentée par la SA Frère Bourgeois.

5. Il résulte de ce qui précède que la SA Frères Bourgeois Holding et la SA FG Bros ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la SA Frère Bourgeois. Par suite, sans qu'il y ait lieu d'examiner les conclusions tendant à ce que la cour prononce la restitution des retenues à la source, leur requête doit être rejetée sur le fondement des dispositions précitées de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, y compris leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens, ces dernières étant au surplus dépourvues d'objet.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA Frères Bourgeois Holding et de la SA FG Bros est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Frères Bourgeois Holding, à la SA FG Bros et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

Le rapporteur,

M. BOUZARLe président,

P. BEAUJARDLa greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 20VE00307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00307
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Dégrèvement.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Validité de la décision du directeur.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours - Mesures purement gracieuses.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CABINET PAUL HASTINGS (EUROPE) LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-04-12;20ve00307 ?
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