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12/04/2022 | FRANCE | N°20VE02002

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 avril 2022, 20VE02002


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge en droits et majorations des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1711023, 1811186 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a déchargé des contributions sociales à concurrence d'une réduction en base correspondant à l'application du coe

fficient de 1,25 au titre de l'année 2012, et a rejeté le surplus de ses demandes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes, M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge en droits et majorations des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1711023, 1811186 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a déchargé des contributions sociales à concurrence d'une réduction en base correspondant à l'application du coefficient de 1,25 au titre de l'année 2012, et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 août 2020, 7 octobre 2020 et 8 mars 2021, M. C..., représenté par la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, société d'avocats aux Conseils, demande à la cour :

1° d'annuler les articles 3 et 4 du jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3° de rejeter l'appel incident du ministre ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ;

- l'administration ne l'a pas informé de l'engagement de la procédure de contrôle ;

- il est fondé à se prévaloir des irrégularités dont est entachée la procédure de vérification de comptabilité de la SARL Cabinet C... ; c'est à tort que le tribunal a considéré que les irrégularités de la procédure de contrôle de la société étaient sans incidence sur la régularité de la procédure menée à son encontre ;

- il est fondé à se prévaloir, sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la décision du 26 septembre 2016 abandonnant l'ensemble des rectifications notifiées à la SARL Cabinet C... au titre de l'année 2012 ;

- les dépenses de déplacement à Antibes et les frais engagés sur des circuits automobiles, que l'administration fiscale a remis en cause, ont été exposées dans l'intérêt de l'entreprise ;

- l'administration fiscale n'a pas établi son intention délibérée d'éluder l'impôt ;

- la décharge de la majoration de 1,25 de la base des prélèvements sociaux au titre de l'année 2012 a, à bon droit, été prononcée par le tribunal en application de la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017.

Par un mémoire en défense et d'appel incident, enregistré le 5 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête et à l'annulation des articles 1 et 2 du jugement attaqué.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que le tribunal a réduit à tort la base des contributions sociales relatives à l'année 2012, à concurrence du coefficient de 1,25, dès lors que ce coefficient n'a été appliqué qu'aux revenus déclarés ou non discutés.

Par une ordonnance du 8 février 2022, l'instruction a été fixée au 8 mars 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution

- la décision n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017 du Conseil constitutionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion ;

- les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est associé et gérant de la SARL Cabinet C..., qui a pour activité l'assistance administrative, financière et technique aux administrateurs et mandataires de justice dans le cadre des procédures collectives. La SARL Cabinet C... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2012, 2013 et 2014, à l'issue de laquelle le service a remis en cause certaines charges portées en déduction de son résultat fiscal. Les rectifications relatives à l'exercice 2012 ont toutefois été abandonnées sur décision du supérieur hiérarchique, au motif que n'avait pas été respecté le délai de 60 jours de réponse aux observations de la SARL Cabinet C.... Par deux propositions de rectification du 15 décembre 2015 et du 29 juin 2016, l'administration fiscale a notifié à M. C... des rehaussements d'imposition en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre des années 2012, 2013 et 2014, à raison des revenus réputés lui avoir été distribués par la SARL Cabinet C.... M. C... relève appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des majorations dont elles ont été assorties.

Sur la régularité du jugement :

2. Si l'ampliation du jugement notifiée aux parties n'est pas signée, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen d'irrégularité du jugement manque en fait et ne peut qu'être écarté.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, il résulte des propositions de rectification du 15 décembre 2015 et du 29 juin 2016 que les rehaussements d'imposition en litige ont été notifiés à M. C... dans le cadre d'un contrôle sur pièces, par lequel le service a tiré les conséquences des rectifications notifiées à la SARL Cabinet C..., à raison des revenus réputés distribués à son gérant et unique associé. Le service n'a, ce faisant, pas procédé à un examen de sa situation fiscale personnelle, ni étendu la vérification de la comptabilité dont a fait l'objet la SARL Cabinet C.... Le requérant n'est par suite pas fondé à soutenir qu'il aurait dû être préalablement informé de ce contrôle sur pièces.

4. En second lieu, l'imposition d'une personne morale à l'impôt sur les sociétés constitue une procédure distincte de l'imposition à l'impôt sur le revenu de son dirigeant ou associé, alors même qu'elle résulterait d'excédents de distribution révélés par une rectification des bases de l'impôt sur les sociétés, que l'administration entend imposer en tant que revenu distribué, entre les mains de son bénéficiaire. Il suit de là que les moyens selon lesquels la procédure d'établissement des suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à la SARL Cabinet C... aurait été irrégulière sont, compte-tenu de l'indépendance des procédures d'imposition, inopérants au regard des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à la charge du requérant.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

5. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ".

6. Au cours de la vérification de comptabilité de la SARL Cabinet C..., l'administration fiscale a remis en cause la déduction de dépenses exposées à l'occasion de déplacements du gérant à Antibes et de frais de location de circuits automobiles, dont elle a considéré qu'ils n'avaient pas été exposés dans l'intérêt de l'entreprise. Le service a relevé que le principal client de l'entreprise et les sociétés en liquidation judiciaire dont elle s'occupe sont situés en région parisienne, que les frais étaient engagés en fin de semaine, que les dépenses de restaurant, de vêtements et de meubles étaient sans lien avec l'activité de l'entreprise, que le fait de disposer d'un bureau à Antibes ne constituait pas un établissement stable dès lors qu'aucun des clients de la société n'était situé dans le Sud de la France et qu'à supposer que la société ait exercé une activité accessoire de marchand de bien, l'achat de deux biens immobiliers à Vallauris et Antibes en 2013 ne pouvait justifier le montant de près de 10 000 euros par an des dépenses. L'administration fiscale a également établi que la SARL Cabinet C... avait supporté des frais de location de circuits automobiles sans lien avec l'activité professionnelle de l'entreprise. Elle était par suite fondée à regarder les sommes correspondantes comme des revenus distribués, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, à M. C..., gérant et unique associé de la SARL Cabinet C....

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

7. M. C... se prévaut sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales de la prise de position formelle contenue selon lui dans la décision du 26 septembre 2016 par laquelle le supérieur hiérarchique a annulé les rappels et rehaussements portant sur l'année 2012 qui avaient été maintenus dans la réponse aux observations du contribuable adressée à la SARL Cabinet C... le 13 avril 2016, et décidé que les sommes distribuées à M. C... seraient diminuées à due concurrence. Les impositions supplémentaires mises à la charge de M. C... au titre de l'année 2012 étant conforme à cette décision, celui-ci n'est en tout état de cause pas fondé à s'en prévaloir.

Sur les pénalités :

8. Aux termes de termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

9. Pour assortir les rehaussements d'imposition de la majoration de 40 % prévue par les dispositions rappelées au point précédent, l'administration fiscale a relevé que le requérant, seul titulaire de la signature et associé à 100 %, a fait supporter des frais étrangers à l'activité de la SARL Cabinet C..., pour des montants importants, dont il ne pouvait ignorer qu'ils n'étaient pas justifiés par l'intérêt de l'entreprise, et qu'il a exclusivement bénéficié de cette majoration indue des charges supportées par la société. L'administration doit être regardée comme ayant, ainsi, suffisamment établi l'intention M. C... d'éluder l'impôt.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur l'appel incident du ministre :

11. Si le ministre fait valoir que le tribunal a réduit à tort la base imposable des suppléments de contributions sociales auxquelles M. C... a été assujetti au titre de l'année 2012, au motif que le coefficient de 1,25 n'aurait été " appliqué que sur des montants déclarés ou non contestés ", il ne résulte pas de l'instruction, notamment de la décision du 28 septembre 2017 qui notifie en dernier lieu les bases d'impositions, que le coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôts n'a pas été appliqué aux suppléments de contributions sociales en litige. La circonstance que ces rectifications sont conformes aux déclarations ou ont été acceptées au cours de la phase précontentieuse ne s'oppose pas à ce que soit appliquée la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017. Il s'ensuit que l'appel incident doit être rejeté.

12. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a réduit la base d'imposition des revenus distribués en 2012, et déchargé M. C... en conséquence, à concurrence du coefficient de majoration de 1,25 de l'assiette des contributions sociales.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Cabinet C... est rejetée.

Article 2 : L'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cabinet C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

La rapporteure,

O. DORIONLe président,

P. BEAUJARDLa greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 20VE02002 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02002
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, LE GUERER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-04-12;20ve02002 ?
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