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19/05/2022 | FRANCE | N°19VE02540

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 19 mai 2022, 19VE02540


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Labastere 64 a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 62 169,90 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 19 mai 2017, en réparation du préjudice qu'elle a subi à raison de la faute qu'aurait commise l'établissement du service d'infrastructure de la défense d'Ile-de-France (ESID-IDF), en s'abstenant de mettre en œuvre ses obligations de maître d'ouvrage conformément aux dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décem

bre 1975 relative à la sous-traitance, et de mettre à la charge de l'Etat le ver...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Labastere 64 a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 62 169,90 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 19 mai 2017, en réparation du préjudice qu'elle a subi à raison de la faute qu'aurait commise l'établissement du service d'infrastructure de la défense d'Ile-de-France (ESID-IDF), en s'abstenant de mettre en œuvre ses obligations de maître d'ouvrage conformément aux dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703704 du 13 juin 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, respectivement enregistrés les 12 juillet 2019, 21 février et 16 septembre 2020, la société Labastere 64, représentée par Me Soliveres, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 62 169,90 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 12 juillet 2019, en réparation du préjudice qu'elle a subi à raison de la faute commise par l'ESID-IDF, en s'abstenant de mettre en œuvre ses obligations de maître d'ouvrage conformément aux dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'Etat, maître d'ouvrage, qui avait connaissance de sa présence sur le chantier en qualité de sous-traitant, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne mettant pas en demeure la société Altiver, sous-traitante de premier rang et qui devait être considérée comme entrepreneur principal en vertu de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1975, de régulariser sa situation, conformément aux dispositions de l'article 14-1 de la même loi ;

- cette faute lui a directement causé un préjudice de 62 169,90 euros, correspondant au solde des travaux qu'elle a exécutés et que la société Altiver ne lui a pas réglé.

Par des mémoires en défense, respectivement enregistrés les 8 novembre 2019 et 17 juillet 2020, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Labastere 64 le versement de la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de la construction d'une structure multi-accueil de soixante berceaux sur la base des Loges, à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), l'établissement du service d'infrastructure de la défense d'Ile-de-France (ESID-IDF), service déconcentré du ministère des armées, a confié à la société ETPO, par un marché notifié le 11 février 2015, le lot n° 1 " clos et couvert ", la date de début des travaux ayant été fixée au 9 mars 2015 pour une durée de douze mois. La société ETPO a, par un marché du 15 juin 2015, sous-traité une partie de ces travaux, correspondant à la fourniture et la pose des menuiseries en aluminium, à la société Altiver, qui a été agréée par le maître d'ouvrage le 7 juillet 2015. La société Altiver a elle-même sous-traité une partie de ces derniers travaux à la société Labastere 64, pour un montant total de 129 375,90 euros hors taxe (HT). N'ayant, après achèvement des travaux, reçu paiement de ceux-ci qu'à hauteur de 67 206 euros HT par la société Altiver, laquelle a été placée en redressement judiciaire, la société Labastere 64 a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat, maître d'ouvrage, à lui verser une indemnité de 62 169,90 euros HT, correspondant au reliquat de travaux impayé, au titre de sa responsabilité pour faute. Par un jugement du 13 juin 2019, dont la société Labastere 64 relève appel, ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " Le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l'égard de ses propres sous-traitants ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage (...) ". Aux termes de l'article 6 de cette loi : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. / (...) Le sous-traitant qui confie à un autre sous-traitant l'exécution d'une partie du marché dont il est chargé est tenu de lui délivrer une caution ou une délégation de paiement dans les conditions définies à l'article 14 ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " A peine de nullité du sous-traité les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié (...). Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant (...) ". Enfin, aux termes de l'article 14-1 de cette loi : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : / - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6 (...), mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés (...) ".

3. Il résulte des dispositions citées au point 2 que, lorsque le sous-traitant direct du titulaire d'un marché de travaux a confié à un sous-traitant de second rang tout ou partie des missions qui lui incombent sans délivrer de caution ou de délégation de paiement à ce sous-traitant de second rang, le maître d'ouvrage public est tenu, lorsqu'il a connaissance de cet état de fait, de mettre en demeure le sous-traitant direct du titulaire du marché de régulariser sa situation. A défaut, il engage sa responsabilité quasi-délictuelle.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le 18 janvier 2016, l'ESID-IDF a participé à un constat contradictoire sur l'état de réalisation du marché de travaux confié à la société ETPO, auquel ont participé cet entrepreneur principal et la société Labastere 64, laquelle en a contresigné, sous son propre timbre, le procès-verbal alors dressé par le maître d'ouvrage. Par ailleurs, il est constant que ce dernier a également constaté, lors d'une réunion du 23 février 2016, la présence sur le chantier de la société Labastere 64 et a, en conséquence, adressé à la société ETPO, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 26 février 2016 et reçue le 3 mars suivant, une mise en demeure de régulariser la situation de son sous-traitant non déclaré et de lui communiquer le contrat de sous-traitance correspondant. Ainsi, l'ESID-IDF doit être regardé comme ayant eu une connaissance suffisante de la présence de la société Labastere 64 sur le chantier, au plus tard, le 26 février 2016, soit antérieurement à l'achèvement des travaux, le 10 mars 2016. En revanche, il ne ressort d'aucun élément de l'instruction que l'ESID-IDF aurait été informé en temps utile, avant cette date d'achèvement, de ce que la société Labastere 64 était intervenue, non pas en qualité de sous-traitant de premier rang de la société ETPO, laquelle n'a pas répondu à la mise en demeure qui lui a été adressée le 26 février 2016, mais en qualité de sous-traitant de second rang de la société Altiver, sous-traitante de premier rang déjà agréée. Dans ces conditions, en ne mettant pas la société Altiver en demeure de régulariser la situation de la société Labastere 64, en application des dispositions précitées de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, le maître d'ouvrage n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité quasi-délictuelle.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Labastere 64 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

6. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Labastere 64 d'une somme en remboursement des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens.

7. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le ministre des armées sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société Labastere 64 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre des armées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Labastere 64 et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 21 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président-assesseur,

M. Toutain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.

Le rapporteur,

E. B...La présidente,

C. SIGNERIN-ICRE

La greffière,

M. A...La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02540
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-03 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Rémunération du co-contractant. - Prix. - Rémunération des sous-traitants.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SCP SALESSE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-05-19;19ve02540 ?
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