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16/06/2022 | FRANCE | N°18VE03960

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 16 juin 2022, 18VE03960


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2014 par lequel le recteur de l'académie de Versailles l'a radiée des cadres pour abandon de poste, ainsi que la décision du 19 mars 2015 par laquelle le recteur a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté, d'enjoindre au recteur de la réintégrer rétroactivement dans ses fonctions à compter du 4 décembre 2014 et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Blin de la somme de 2 500 euros au tit

re des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2014 par lequel le recteur de l'académie de Versailles l'a radiée des cadres pour abandon de poste, ainsi que la décision du 19 mars 2015 par laquelle le recteur a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté, d'enjoindre au recteur de la réintégrer rétroactivement dans ses fonctions à compter du 4 décembre 2014 et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Blin de la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1503777 du 4 juin 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 28 novembre 2018 et 7 janvier 2020, Mme C..., représentée par Me Blin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'annuler la décision du 18 septembre 2018 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa demande du 10 juillet 2018 tendant au retrait de l'arrêté contesté du 4 décembre 2014 ;

4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de la réintégrer rétroactivement dans ses fonctions à compter du 4 décembre 2014 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Blin de la somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- en écartant ses moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté du 4 décembre 2014 et du signataire du mémoire en défense du rectorat, en se fondant sur des délégations de signature produites par l'administration après la clôture de l'instruction et qui ne lui ont pas été communiquées, le tribunal administratif a méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;

- il n'est pas établi que M. E... A... disposait d'une délégation de signature du recteur lui permettant de signer l'arrêté contesté du 4 décembre 2014 ;

- le jugement attaqué, en tant qu'il écarte le moyen tiré de l'incompétence de M. G... B... pour signer le mémoire en défense du recteur, est insuffisamment motivé ;

- en écartant le moyen tiré de ce que le recteur aurait dû lui proposer un emploi adapté ou l'inviter à formuler une demande de reclassement, le tribunal administratif n'a pas correctement pris en compte sa situation de fait ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté les moyens tirés, d'une part, de ce que la mise en demeure de rejoindre son poste n'était pas assortie d'un délai approprié pour ce faire et, d'autre part, de ce qu'elle ne pouvait être regardée comme ayant entendu rompre tout lien avec le service ;

- en la maintenant durant une période prolongée sans poste approprié, en la poussant à prendre un congé pour convenance personnelle et en ne lui proposant pas un emploi adapté ou un reclassement, le recteur a commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat, avant même qu'elle ne soit radiée des cadres pour abandon de poste par l'arrêté contesté du 4 décembre 2014 ;

- compte tenu de sa situation personnelle et familiale, qui l'avait conduite à établir son domicile en Ariège, de l'impossibilité matérielle en résultant de rejoindre le poste auquel elle avait été affectée à Orsay, et des propositions de travail à distance qu'elle avait alors formulées pour y remédier, il ne peut lui être imputé d'avoir entendu rompre tout lien avec le service, de sorte que sa radiation des cadres pour abandon de poste est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- son absence de recrutement par le recteur de l'académie de Toulouse est entachée discrimination ;

- le traitement de sa carrière administrative par les recteurs des académies de Versailles et de Toulouse révèle un déficit dans la gestion des ressources humaines et une méconnaissance des possibilités qu'offre désormais la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de cette dernière loi ;

- la décision de radiation des cadres pour abandon de poste n'a pas donné lieu à la consultation préalable de la commission administrative paritaire ;

- le poste auquel elle avait été affectée à Orsay, compte tenu de l'éloignement de son domicile situé en Ariège, étant incompatible avec les règles de santé et de sécurité au travail prévues par le décret n° 82-453 du 28 mai 1982, elle doit être regardée comme ayant exercé son droit au retrait, et non comme étant en situation d'abandon de poste ;

- sa radiation des cadres pour abandon de poste est entachée de détournement de procédure et de pouvoir.

Par une décision du 28 septembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles a accordé à Mme C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 février 2020.

Par une lettre du 19 mai 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen, d'ordre public, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée du 18 septembre 2018, qui ont le caractère de conclusions nouvelles en appel.

Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2022, Mme C... a présenté ses observations sur ce moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Mme C....

Une note en délibéré, enregistrée le 15 juin 2022, a été présentée par Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 8 février 2007, le recteur de l'académie de Versailles a admis Mme C..., professeure certifiée titulaire, à la retraite d'office pour invalidité à compter du 24 septembre 2007. Après que cette décision a été annulée par un arrêt de la cour n° 10VE01442 du 2 février 2012, le recteur a réitéré sa décision, par arrêté du 3 avril 2013. Par un jugement n° 1303877 du 10 février 2014, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté et enjoint au recteur de réintégrer rétroactivement Mme C..., en reconstituant sa carrière, à compter du 24 septembre 2007. En exécution de ce jugement, le recteur de l'académie de Versailles a, par arrêté du 23 avril 2014, réintégré rétroactivement l'intéressée à compter de cette dernière date. Entre temps, Mme C... avait sollicité et obtenu, par arrêté du 7 avril 2014, son placement en disponibilité pour convenances personnelles, au titre de la période du 3 mars au 31 août 2014. A l'issue de cette période de disponibilité, le recteur a, par arrêté du 24 septembre 2014, rattaché administrativement Mme C... au collège Alain Fournier à Orsay, pour la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2015, puis, par arrêté du 13 octobre 2014, affecté l'intéressée sur un emploi de professeur en technologie au sein de ce collège, à compter du 3 novembre 2014. Mme C... n'ayant pas rejoint son poste à cette dernière date, le recteur, après l'avoir vainement mise en demeure de reprendre ses fonctions par lettre du 6 novembre 2014, a prononcé, par un arrêté du 4 décembre 2014, sa radiation des cadres pour abandon de poste. Le recours gracieux présenté par l'intéressée à l'encontre de cet arrêté, le 18 décembre 2014, a été rejeté par décision du 19 mars 2015. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2014, ainsi que la décision du 19 mars 2015 ayant rejeté son recours gracieux, et d'enjoindre au recteur de l'académie de Versailles de la réintégrer rétroactivement dans ses fonctions à compter du 4 décembre 2014. Par un jugement du 4 juin 2018, ce tribunal a rejeté sa demande. Mme C... relève appel de ce jugement et demande, en outre, à la cour d'annuler la décision du 18 septembre 2018 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa demande du 10 juillet 2018 tendant au retrait de l'arrêté du 4 décembre 2014.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 18 septembre 2018 :

2. Les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 18 septembre 2018, qui n'ont pas été soumises au tribunal administratif, ont le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables. Elles doivent, dès lors, être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, si le caractère contradictoire de la procédure fait, en principe, obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces produites au cours de l'instance qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties, le juge peut toutefois régulièrement se fonder, pour écarter un moyen d'incompétence, sur un arrêté de délégation de signature publié au bulletin officiel d'un ministère ou au recueil des actes administratifs d'une préfecture, sans être tenu de communiquer préalablement cet arrêté aux parties. Ainsi, et en l'espèce, le tribunal administratif, pour écarter les moyens tirés par Mme C... de l'incompétence de M. E... A..., signataire de l'arrêté contesté du 4 décembre 2014, et de M. G... B..., signataire du mémoire en défense produit par le recteur de l'académie de Versailles le 10 mars 2016, a pu régulièrement se fonder sur les délégations de signature respectivement consenties par ce dernier aux intéressés par des arrêtés des 2 janvier 2013 et 7 janvier 2016, qui ont été publiés au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Ile-de-France, sans communiquer ces pièces à la requérante. Enfin, est sans incidence la circonstance, alléguée par Mme C..., selon laquelle elle n'aurait pu alors consulter ces arrêtés sur le site internet de cette administration en raison d'une opération de maintenance informatique.

4. En deuxième lieu, pour soutenir que le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé, Mme C... fait valoir que le tribunal administratif a affirmé que M. G... B..., signataire du mémoire en défense produit par le recteur de l'académie de Versailles le 10 mars 2016, avait été nommé secrétaire général de l'académie de Versailles par un décret du 1er aout 2017, sans que la preuve en soit fournie et alors que ce décret est postérieur au mémoire. Toutefois, le bien-fondé du motif retenu par le tribunal est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation du jugement attaqué. Par suite, le moyen ainsi soulevé doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ressort du point 9 du jugement attaqué que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré par Mme C... de ce que le traitement de sa carrière par l'administration et, notamment, les décisions contestées des 4 décembre 2014 et 19 mars 2015, révèlerait une méconnaissance des dispositions de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, au motif que ce moyen n'était pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé. Dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis d'examiner ce moyen doit être écarté.

6. En quatrième lieu, il ressort du dossier de première instance que le mémoire en défense produit par le recteur de l'académie de Versailles, le 10 mars 2016, a été signé par M. Jean-Marie Pelat, secrétaire général de cette académie. D'une part, M. B... avait été nommé et détaché dans cet emploi, du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2019, par arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 19 novembre 2014, régulièrement publié au bulletin officiel de ce ministère du 1er janvier 2015. D'autre part, M. B... bénéficiait d'une délégation de signature lui ayant été consentie par arrêté rectoral du 7 janvier 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Ile-de-France, à l'effet de signer, notamment, les " mémoires en défense devant les tribunaux administratifs ". Dès lors, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que M. B... n'avait pas qualité pour représenter le recteur devant le tribunal administratif et, par suite, que celui-ci aurait admis à tort la recevabilité du mémoire en défense ainsi produit.

7. En dernier lieu, si Mme C... soutient que le tribunal administratif aurait écarté à tort, au prix d'erreurs de droit, de fait ou encore d'appréciation, plusieurs des moyens qu'elle développait à l'encontre de sa radiation des cadres pour abandon de poste, de telles erreurs, qui ont trait au bien-fondé du raisonnement suivi par ce tribunal, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation des décisions attaquées :

8. En premier lieu, l'arrêté contesté du 4 décembre 2014 ayant radié Mme C... des cadres pour abandon de poste a été signé par M. Philippe Diaz, secrétaire général adjoint et directeur des ressources humaines de l'académie de Versailles. Ainsi qu'il a été exposé au point 3, M. A... bénéficiait d'une délégation de signature lui ayant été consentie par arrêté rectoral du 2 janvier 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Ile-de-France, à l'effet de signer, notamment, tous les actes relevant " de la gestion des personnels d'encadrement, des personnels enseignants, administratifs, techniques, ouvriers ou de service sous l'autorité du recteur de l'académie de Versailles (...) ". Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté du 4 décembre 2014 serait entaché d'incompétence doit être écarté.

9. En deuxième lieu, la radiation des cadres prononcée à l'égard d'un agent public en cas d'abandon de poste n'est pas subordonnée à la consultation préalable du comité médical ou de la commission administrative paritaire. Ainsi, Mme C... ne peut utilement invoquer, à l'appui ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté contesté du 4 décembre 2014, une absence de saisine préalable de ces organismes consultatifs.

10. En troisième lieu, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de l'exécution du jugement n° 1303877 du 10 février 2014, mentionné au point 1, lui enjoignant de réintégrer Mme C... dans ses fonctions, le recteur de l'académie de Versailles, à l'issue de la période de disponibilité pour convenance personnelle qu'avait obtenue l'intéressée du 3 mars au 31 août 2014, l'a affectée, par arrêté du 13 octobre 2014, reçu le 18 octobre suivant, sur un emploi de professeur de technologie au sein du collège Alain Fournier à Orsay à compter du 3 novembre 2014. Si Mme C..., qui vivait depuis plusieurs années en Ariège, avait entre-temps proposé en vain au recteur, par lettres des 2 et 16 octobre 2014, d'assurer ces fonctions d'enseignement " à distance ", il est constant que l'intéressée, au jour du 3 novembre 2014, n'a pas rejoint son poste à Orsay, ni ne s'est alors manifestée auprès des services académiques ou de son chef d'établissement. En conséquence, le recteur, par une lettre du 6 novembre 2014 reçue le 13 novembre suivant, a mis Mme C... en demeure de reprendre ses fonctions, dans un délai de 48 heures suivant la réception de ce courrier, en lui indiquant qu'à défaut d'y déférer, il pourrait prononcer sa radiation des cadres pour abandon de poste, sans procédure disciplinaire préalable, et en lui rappelant, par ailleurs, que ses fonctions exigeant un enseignement devant les élèves, l'exercice de telles missions à distance n'était pas envisageable. Cependant, Mme C... n'a pas rejoint son poste dans le délai lui ayant été ainsi imparti et ne s'est, d'ailleurs, pas davantage manifestée jusqu'au prononcé, par l'arrêté contesté du 4 décembre 2014, de sa radiation des cadres pour abandon de poste. A cet égard, la requérante, pour contester cette dernière décision, ne saurait sérieusement soutenir que ce délai de 48 heures aurait été insuffisant, compte tenu de l'éloignement entre son domicile en Ariège et son collège d'affectation en Essonne, alors qu'il lui appartenait au préalable, compte tenu du jugement du 10 février 2014 et de ce qu'elle n'avait pas sollicité le renouvellement de sa disponibilité pour convenance personnelle au-delà du 31 août 2014, de prendre ses dispositions pour être en mesure de reprendre ses fonctions d'enseignement au sein de l'académie de Versailles, à la date de rentrée fixée au 3 novembre 2014 et dont elle avait été clairement informée le 18 octobre précédent. Dans ces conditions, le moyen tiré par Mme C... de ce que la mise en demeure du 6 novembre 2014 n'aurait pas été assortie d'un délai approprié pour qu'elle puisse rejoindre son poste doit être écarté.

12. D'autre part, pour soutenir que son abandon de poste n'était pas caractérisé, Mme C... prétend que le recteur de l'académie de Versailles ne pouvait légalement la réintégrer, par son arrêté du 13 octobre 2014, dans des fonctions d'enseignante en technologie au sein d'un collège de cette académie mais aurait dû, eu égard à son état de santé et à sa domiciliation en Ariège, lui proposer un poste adapté ou, à défaut, l'inviter à présenter une demande de reclassement, ainsi qu'il ressortirait des motifs du jugement du 10 février 2014 annulant l'arrêté du 3 avril 2013 la plaçant à la retraite d'office pour invalidité. Toutefois, il ressort des motifs de ce jugement que Mme C..., compte tenu de son état de santé, avait été déclarée, d'un côté, définitivement inapte uniquement à l'exercice des fonctions qu'elle avait précédemment occupées, par voie de détachement, en tant que directrice du centre départemental de documentation pédagogique de l'Ariège mais, de l'autre, apte à l'exercice de fonctions d'enseignement en tant que professeur de technologie, emploi qu'elle avait occupé antérieurement à ce détachement et dans lequel elle avait, d'ailleurs, sollicité sa réintégration à plusieurs reprises au cours des années 2012 et 2013. Par suite, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à exciper, à l'occasion de la présente instance, de l'illégalité de l'arrêté de réintégration du 13 octobre 2014. Par ailleurs, Mme C..., après avoir reçu, le 13 novembre 2014 la mise en demeure de rejoindre le poste d'enseignement auquel elle avait été ainsi affectée, n'a pas déféré à cette injonction et n'a fourni à l'administration aucun élément, d'ordre matériel ou médical, de nature à justifier de son absence depuis la rentrée fixée au 3 novembre 2014 et jusqu'à la date d'édiction de l'arrêté contesté du 4 décembre 2014, la seule invocation de l'éloignement de son domicile et de sa proposition corrélative d'enseignement " à distance " ne pouvant, pour les motifs déjà exposés au point 11, être regardée comme établissant une justification pertinente. Enfin, si la requérante soutient également que cette carence prolongée à rejoindre son poste traduirait un nécessaire droit au retrait, ces fonctions étant, selon ses dires, incompatibles avec les règles de prévention de la santé et de la sécurité au travail prévues par le décret n° 82-453 du 28 mai 1982, elle n'établit, ni même n'allègue, s'être, à l'époque, manifestée auprès de l'administration afin d'exercer ce droit. Ainsi, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le recteur de l'académie de Versailles a pu, à juste titre, estimer que le lien avec le service avait été rompu du fait de la requérante et, par suite, prononcer légalement, par l'arrêté contesté du 4 décembre 2014, sa radiation des cadres pour abandon de poste.

13. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué, qui est légalement fondé pour les motifs précédemment exposés, serait entaché de détournement de procédure ou de pouvoir.

14. En dernier lieu, Mme C..., à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation, soutient également, d'une part, que le recteur de l'académie de Versailles aurait, dans la gestion de sa carrière antérieurement à l'édiction de l'arrêté attaqué, commis des fautes de nature à engager sa responsabilité, d'autre part, que son absence de recrutement sur les postes auxquels elle avait postulé au sein de l'académie de Toulouse serait entachée de discrimination et, enfin, que le traitement de sa carrière par ces deux recteurs révèlerait un déficit dans la gestion des ressources humaines, ainsi qu'une méconnaissance des possibilités d'emploi qu'offre désormais la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. Toutefois, ces circonstances sont sans aucune incidence sur la légalité de la mesure de radiation des cadres dont la requérante a fait l'objet pour abandon de poste. Par suite, ces moyens doivent être écartés comme inopérants.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par la requérante aux fins d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Versailles.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président-assesseur,

M. Toutain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022.

Le rapporteur,

E. D...La présidente,

C. SIGNERIN-ICRELa greffière,

C. YARDELa République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 18VE03960 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03960
Date de la décision : 16/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Eric TOUTAIN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : BLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-16;18ve03960 ?
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