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15/11/2022 | FRANCE | N°21VE01340

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 15 novembre 2022, 21VE01340


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Cambridge a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Par décision du 17 avril 2020, le directeur départemental des finances publiques des Yvelines a prononcé le dégrèvement total des imposition

s en litige au titre de l'année 2010 ainsi que le dégrèvement partiel des impositions e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Cambridge a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Par décision du 17 avril 2020, le directeur départemental des finances publiques des Yvelines a prononcé le dégrèvement total des impositions en litige au titre de l'année 2010 ainsi que le dégrèvement partiel des impositions en litige au titre de l'année 2011, à hauteur de 37 555 euros en droits et 40 710 euros en pénalités en ce qui concerne les rappels de TVA, et à hauteur de 54 887 euros en droits et de 61 254 euros en pénalités en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.

Par un jugement nos 1900462, 1900463 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Versailles a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de la SCI Cambridge dans la limite de ce dégrèvement et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 10 mai 2021, et les 1er juin et 1er juillet 2022, la SCI Cambridge, représentée par Me Couve-Dumez, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de dire que la SCI Cambridge bénéficie d'un crédit de TVA au titre de l'année 2010 d'un montant de 9 388 euros et de prononcer en sa faveur la décharge, en droits et pénalités, des rappels de TVA au titre de l'année 2011 pour un montant global de 42 526,99 euros ;

3°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2011 pour un montant de 214 011 euros de pénalités et de 216 836 euros d'intérêts de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- au titre de l'année 2010, elle est fondée à déduire la TVA afférente à trois factures de M. C... B... du Gard, ainsi qu'à une facture de la SCP Vincent Dragon ;

- au titre de l'année 2011, elle est fondée à déduire la TVA afférente aux factures de la société Carcenac associés, du fournisseur Véolia, du fournisseur Lodier, du fournisseur Dit, de la société Alès, de la SCP Dragon ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires est erronée dès lors que les appartements vendus en l'état futur d'achèvement n'ont pas été livrés au 31 décembre 2011 ; les acomptes perçus en 2011 ne peuvent être imposés, dès lors que l'article 38-2 bis du code général des impôts rattache ces produits à l'exercice au cours duquel intervient la livraison de l'immeuble.

Par décision du 15 juin 2022, le directeur départemental des finances publiques des Yvelines a accordé à la SCI Cambridge un dégrèvement de 3 793 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 février et 14 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin de décharge à hauteur de la somme de 3 793 euros et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est tardive en ce qui concerne les rappels de TVA notifiés en 2013 ;

- les autres moyens soulevés par la SCI Cambridge ne sont pas fondés.

Par ordonnance du président de la cour du 16 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juillet 2022 à 12h00, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Couve-Dumez pour la SCI Cambridge.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Cambridge exerce, selon ses statuts constitutifs, une activité de promotion immobilière. A la suite d'une vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, portant sur les exercices clos en 2010 et 2011, l'administration a mis à sa charge, selon la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011 et des rappels de TVA au titre la période du 1er novembre 2010 au 31 décembre 2011. Par des décisions faisant suite aux réclamations présentées par la SCI Cambridge, l'administration a prononcé le dégrèvement partiel, en droits et pénalités, de ces impositions. La SCI Cambridge demande la décharge, en droits et pénalités, des rappels de TVA et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés restant à sa charge.

Sur l'étendue du litige :

2. Le directeur départemental des finances publiques des Yvelines a prononcé, le 15 juin 2022, postérieurement à l'introduction de la requête, un dégrèvement de 3 793 euros. Par suite, les conclusions de la requête de la SCI Cambridge sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre :

3. Aux termes de l'article R. 196-1 livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a. De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) ". L'article R. 199-1 de ce même livre dispose : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10. ".

4. D'une part, il résulte de l'instruction que les rappels de TVA litigieux avaient fait l'objet d'un premier avis de mise en recouvrement du 23 décembre 2013. Le ministre fait valoir la tardiveté de la réclamation introduite par la SCI Cambridge le 6 septembre 2017, soit après expiration du délai mentionné à l'article R. 196-1 précité. Toutefois, la SCI Cambridge soutient qu'elle avait formé une nouvelle réclamation préalable le 8 décembre 2016, portant sur ces mêmes rappels, ce que l'administration ne conteste pas.

5. D'autre part, si le ministre soutient que la réclamation du 8 décembre 2016 a été expressément rejetée par décision du 7 avril 2017 et que, par suite, la SCI Cambridge n'a pas saisi le tribunal compétent dans le délai de deux mois prévu à l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, elle ne produit pas l'accusé de réception de la décision du 7 avril 2017 permettant d'établir sa date de notification. Par suite, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir soulevée par le ministre.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

6. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ". Il résulte de l'instruction que les bases de l'impôt sur les sociétés et de la TVA assignées à la SCI Cambridge au titre de l'exercice clos en 2011 et des périodes du 1er novembre 2010 au 31 décembre 2011 ont été évaluées selon la procédure prévue en cas d'opposition à contrôle fiscal, régulièrement mise en œuvre. Par suite, la société supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions correspondantes.

En ce qui concerne la TVA déductible :

7. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 2. La taxe est exigible : (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) ". Si le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe devient exigible chez le prestataire de services, il ne peut être exercé que lorsque le bénéficiaire des prestations s'est acquitté du prix demandé et qu'il détient une facture mentionnant la TVA. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la TVA et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.

8. En premier lieu, la SCI Cambridge a versé aux débats trois factures en date du 10 décembre 2010 de M. C... B... du Gard, architecte, chacune d'un montant de 4 784 euros. Toutefois, seul le paiement du troisième acompte est établi par la production d'un relevé bancaire de son compte auprès de la Caisse d'Epargne faisant état d'un chèque de banque débité le 21 février 2011 pour 4 784 euros avec pour libellé " Honor. 10.354. Acompte3 Chq Bq " et d'un chèque de banque du 21 février 2011, dont elle allègue qu'il se rapporte à l'acompte 3. Pour ce qui est des deux autres acomptes, la société requérante n'en établit pas le paiement en se bornant à produire des relevés de son compte auprès de la Banque du bâtiment et des travaux publics mentionnant, d'une part, un virement interbancaire du 15 décembre 2010 pour un montant de 4 784 euros avec pour seul libellé " virement interbancaire ", ainsi que, d'autre part, un chèque n° 2515976 débité le 28 février 2011 pour le même montant, dès lors qu'aucune mention ne permet de faire le lien entre ce virement et ce chèque et les acomptes 1 et 2 et qu'aucun extrait de son grand livre n'est produit.

9. De même, la SCI Cambridge n'établit pas la déductibilité de la TVA afférente à une facture de 600 euros de la SCP Dragon, huissier de justice, du 3 novembre 2010, en produisant simplement cette facture et ses relevés bancaires faisant état du débit d'un chèque de 600 euros.

10. Elle verse enfin aux débats une facture du fournisseur Véolia du 11 mai 2011 d'un montant de 7 902,20 euros mentionnant un acompte payé le 14 février 2011 de 5 106 euros ainsi que ses relevés bancaires faisant état, à la date du 24 novembre 2011, du débit d'un chèque de 2 796,20 euros, soit le montant correspondant à la somme restant due à la société Véolia après paiement de l'acompte. Toutefois, le libellé n'indique aucunement le numéro du chèque, qui n'est pas produit, et le règlement a lieu en novembre 2011, alors que la facture du 11 mai 2011 indique que le règlement est à effectuer avant le 3 juin 2011, sans escompte. Il n'est dès lors pas établi que le débit de ce chèque corresponde effectivement au paiement de cette facture.

11. En second lieu, si la SCI Cambridge a fourni des factures de la société Carcenac associés, une facture du fournisseur Dit et deux factures de la société Alès, elle n'en établit pas le paiement en produisant des relevés bancaires indiquant des décaissements en faveur de ces sociétés, mais dont le montant ne correspond pas à celui indiqué sur les factures. Les allégations selon lesquelles la différence de montant entre les factures de la société Carcenac associés et les débits enregistrés correspondrait à une retenue de garantie opérée directement ne sont corroborées par aucun document permettant d'établir la réalité de cette allégation, aucune retenue de garantie n'étant par ailleurs mentionnée sur lesdites factures. De même, la société requérante ne produit aucun document permettant d'établir que, ainsi qu'elle le soutient, les décaissements opérés constituent des règlements partiels des factures produites.

12. Il résulte de ce qui précède que la SCI Cambridge est fondée à demander seulement le bénéfice d'un crédit de TVA reportable en ce qui concerne le troisième acompte de M. C... B... du Gard, d'un montant de 4 794 euros.

En ce qui concerne le chiffre d'affaires au titre de l'exercice clos en 2011 :

13. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées (...) ". Aux termes de l'article 1605 du code civil : " L'obligation de délivrer les immeubles est remplie de la part du vendeur lorsqu'il a remis les clefs, s'il s'agit d'un bâtiment, ou lorsqu'il a remis les titres de propriété. ". En l'absence de toute disposition législative définissant les actes ou opérations qui, au regard de la loi fiscale, doivent être regardés comme constitutifs d'une livraison, il y a lieu, en ce qui concerne les immeubles, de se référer à l'article 1605 du code civil, qui identifie la date de cette livraison à celle de la remise des clés ou des titres de propriété.

14. La SCI Cambridge avait vendu en l'état futur d'achèvement deux lots par actes notariés en date du 1er juin et du 16 juin 2011 prévoyant une livraison au plus tard au cours du 4ème trimestre de l'année 2011 et des prix d'achat de 668 000 euros TTC et 609 000 euros TTC, soit 1 067 725 euros HT. Se basant sur les termes de ces contrats, l'administration fiscale a déterminé le chiffre d'affaires de cette société comme s'élevant à 1 067 725 euros au titre de l'exercice clos en 2011. Toutefois, il résulte de l'instruction que les travaux afférents à ces constructions avaient fait l'objet d'un arrêté interruptif de travaux du 6 juin 2011 qui n'a pris fin qu'avec la délivrance d'un permis de construire modificatif le 20 juillet 2012 et qu'en 2012, les acquéreurs de ces lots ne s'étaient pas encore vus remettre les clés de leur appartement. La circonstance que ce retard dans la remise des clés soit imputable aux manœuvres dolosives de la société requérante ne saurait avoir pour effet de tenir la livraison comme établie au 31 décembre 2011. Par ailleurs, l'encaissement, au cours de l'année 2011, de deux acomptes est sans incidence, dès lors que, en application du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, les acomptes se rattachent à l'exercice au cours duquel est survenue la livraison du bien. Il s'ensuit que la SCI Cambridge est fondée à solliciter la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011 afférentes au rehaussement de son chiffre d'affaires de la somme de 1 067 725 euros.

En ce qui concerne les charges relatives à l'exercice 2011 :

15. Aux termes du 1° de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

16. En premier lieu, si la SCI Cambridge demande la déductibilité en charges d'une facture de la société Alès d'un montant de 37 653,97 euros hors taxes, elle n'établit pas en avoir assumé le paiement en produisant des relevés bancaires indiquant des décaissements en faveur de la société Alès, mais dont le montant ne correspond pas à celui de cette facture. Elle n'établit pas non plus que ces décaissements constitueraient un paiement partiel, aucune facture mentionnant un acompte n'étant produite à ce titre. Par suite, l'administration fiscale est fondée à rejeter la déductibilité en charges de cette facture.

17. En second lieu, la SCI Cambridge a produit une facture du cabinet d'assurance Pillot relative à la conclusion d'un contrat d'assurance dommage ouvrage mentionnant le paiement d'un acompte à hauteur de 7 000 euros TTC, ses relevés bancaires indiquant un décaissement, le 11 janvier 2011, de la somme de 7 000 euros sous le libellé " ASS DO D201044027 PILLOT " ainsi qu'un courriel, du 29 avril mais dont l'année est inconnue, du cabinet Pillot à l'attention du gérant de la SCI Cambridge confirmant la conclusion du contrat d'assurance D 627 D 629, et enfin deux chèques n° 5662 et 43486301 en mars 2011, à hauteur de 7 000 euros et de 8 247,15 euros. Toutefois, la facture produite n'est pas régulière en la forme dès lors qu'elle ne comprend aucun numéro, ni aucune date. Les éléments produits sont contradictoires, dès lors que les relevés bancaires indiquent un décaissement au 11 janvier 2011, alors que le courriel du 29 avril mentionne une transmission de chèques en mars 2011. Par ailleurs, le libellé de l'opération bancaire ne se réfère pas au contrat D 627 D 629, mais semble impliquer que le décaissement concerne une assurance dommage au titre de l'année 2010. Au vu de ces éléments, c'est à bon droit que l'administration fiscale a rejeté la déductibilité en charges de cette facture.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Cambridge est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant du rehaussement de son chiffre d'affaires de 1 067 725 euros et des rappels de TVA résultant du rejet de la déductibilité de la TVA afférente à une seule des factures d'acompte de M. C... B... du Gard.

Sur les frais liés au litige :

19. Il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme réclamée par la SCI Cambridge au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SCI Cambridge dans la limite du dégrèvement mentionné au point 2.

Article 2 : La base de l'imposition à l'impôt sur les sociétés de la SCI Cambridge est diminuée de 1 067 725 euros. La SCI Cambridge est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales résultant de cette réduction de base.

Article 3 : La SCI Cambridge sera remboursée d'un montant de 784 euros à raison de la TVA déductible figurant sur la troisième facture d'acompte de M. C... B... du Gard du 10 décembre 2010.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le jugement nos 1900462, 1900463 du 9 mars 2021 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Cambridge et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.

La rapporteure,

C. A... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

V. MALAGOLI

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 21VE01340


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