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14/02/2023 | FRANCE | N°20VE02895

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 14 février 2023, 20VE02895


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 18 septembre 2019 par laquelle le centre hospitalier George Sand a prononcé sa révocation à compter du 1er octobre 2019, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier George Sand de le réintégrer dans un délai de quinze jours à compter du jugement et sous astreinte de cent euros par jour de retard, et de mettre à la charge du centre hospitalier George Sand une somme de 1 500 euros en application des dispos

itions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 18 septembre 2019 par laquelle le centre hospitalier George Sand a prononcé sa révocation à compter du 1er octobre 2019, d'autre part, d'enjoindre au centre hospitalier George Sand de le réintégrer dans un délai de quinze jours à compter du jugement et sous astreinte de cent euros par jour de retard, et de mettre à la charge du centre hospitalier George Sand une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000027 du 15 septembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 18 septembre 2019, enjoint au centre hospitalier George Sand de réintégrer M. C... dans ses effectifs à compter du 1er octobre 2019 dans un délai d'un mois, mis à la charge du centre hospitalier George Sand le versement à M. C... de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, rejeté les conclusions présentées par le centre hospitalier George Sand au titre de ces mêmes dispositions ainsi que le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 novembre 2020 et le 23 juin 2021, le centre hospitalier George Sand, représenté par Me Touche, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande et les conclusions d'appel de M. C... ;

3°) de condamner M. C... à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la caractère contradictoire de la procédure disciplinaire a été respecté ;

- les faits qui fondent la sanction sont établis ; en effet, la relaxe au bénéfice du doute prononcée par le tribunal correctionnel pour les mêmes faits que ceux qui ont par ailleurs entrainé la révocation, ne lie pas le juge administratif quant à l'établissement de leur matérialité, dont la preuve peut être faite par tout moyen, y compris les témoignages qui ont été à tort écartés ;

- la sanction infligée est proportionnée au regard de la gravité des faits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2021, M. C..., représenté par Me Bouillaguet, conclut au rejet de la requête et à ce que le centre hospitalier George Sand soit condamné à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la décision du 18 septembre 2019 a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le dossier soumis au conseil de discipline comportait des rapports établis de manière non contradictoires, qui ne permettent pas d'identifier les agents concernés et ont été conservés au-delà des délais de prescription ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation quant à la sanction retenue, contre l'avis du conseil de discipline ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'il n'a pas commis les violences qui lui sont reprochées et qu'il a été définitivement relaxé par le tribunal correctionnel de Bourges le 12 décembre 2019 de ces mêmes faits ;

- la sanction du quatrième groupe prononcée à son encontre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tissier-Lotz pour le centre hospitalier George Sand.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., agent des services hospitaliers qualifié de classe normale, titularisé le 1er février 2011, exerçait ses fonctions au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Dun-sur-Auron depuis le 27 août 2012. A la suite de faits survenus le 5 mai 2019, il a été suspendu à titre conservatoire le 13 mai 2019 et une procédure disciplinaire a été diligentée à son encontre à l'issue de laquelle, par une décision du 18 septembre 2019, le directeur du centre hospitalier George Sand a prononcé la révocation de M. C... à compter du 1er octobre 2019, confirmée par une décision du 4 novembre suivant rejetant le recours formé le 15 octobre 2019 par M. C... contre cette décision. Le centre hospitalier George Sand interjette appel du jugement du 15 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 18 septembre 2019 et lui a enjoint de réintégrer M. C... dans ses effectifs à compter du 1er octobre 2019 dans un délai d'un mois.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa version alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation. (...) ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. La sanction en litige est fondée sur le fait que M. C... aurait, le 5 mai 2019, commis un acte violent envers un résident alors qu'il lui donnait à dîner, en le saisissant par la nuque et lui portant un coup de tête tout en hurlant. Si M. C... conteste les violences qui lui ont été imputées, il ressort des pièces du dossier que l'incident en cause a été précisément décrit par l'une des infirmières de l'établissement dans le rapport circonstancié qu'elle a établi le lendemain des faits et dont le contenu a été confirmé par l'établissement d'une fiche de déclaration d'événements indésirables rédigée le même jour et en des termes concordants. Cette dernière a indiqué avoir constaté une marque rouge sur le front de la victime. Si une résidente qui dînait également dans la salle à manger a simplement indiqué la survenue d'une altercation entre les deux personnes, la version circonstanciée des faits donnée par l'infirmière de service n'a été contredite par aucune des autres personnes également présentes. Au cours de l'entretien qui s'est tenu le 7 mai suivant, avec la cadre supérieure de santé de l'établissement, en présence d'une infirmière de coordination, M. C... a seulement reconnu s'être emporté, avoir tenu les mains de la personne dont il s'occupait et crié, tout en indiquant avoir reçu un coup de tête de la part du résident mais également " ne pas être fier " de ce qu'il avait fait. Il ressort des autres pièces du dossier que l'attitude de l'intéressé envers les résidents a, à plusieurs reprises, fait l'objet d'une vigilance de la part de son encadrement ainsi que cela ressort des évaluations de M. C..., notamment au titre des années 2016 et 2018, et que l'agent a exprimé son rejet du concept d'" humanitude " et assumé que la violence est parfois le seul moyen de se faire comprendre de certains résidents eux-mêmes violents. Dans ces conditions, nonobstant la relaxe au bénéfice du doute prononcée par le juge pénal, la matérialité des faits reprochés à M. C... à l'occasion du dîner du 5 mai 2019 doit être tenue pour établie.

5. Les violences commises sur une personne vulnérable, telles que celles décrites au point précédent, constituent, nonobstant l'attitude de la personne prise en charge, des manquements aux obligations professionnelles de M. C... lesquels sont fautifs et justifient le prononcé d'une sanction disciplinaire. Pour contester le caractère proportionné de la sanction prise à son encontre, M. C... se prévaut de ses notations et de la sanction du troisième groupe qui a été proposée par le conseil de discipline. Toutefois, ces circonstances sont sans incidence sur la nature des fautes reprochées à l'intéressé, qui relèvent de la maltraitance. En outre, il ressort des évaluations de M. C... que l'attention de ce dernier avait été appelée à plusieurs reprises sur l'importance de s'inscrire et de progresser dans une culture de la bientraitance et de veiller à son savoir-être auprès des résidents. A cet égard, le caractère parfois agressif du résident qui a été victime de la brutalité de M. C... ne saurait constituer une circonstance de nature à amoindrir la gravité d'actes violents commis par un soignant sur une personne dépendante. Enfin, le conseil de discipline n'a pas majoritairement voté en faveur d'une sanction disciplinaire du troisième groupe. Ainsi, en l'absence de toute prise de conscience par l'intéressé de la gravité de ses agissements et de son refus de suivre les formations de nature à modifier sa prise en charge des résidents, la révocation prononcée ne constitue pas une sanction disproportionnée. Par suite, le centre hospitalier George Sand est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision de son directeur du 18 septembre 2019 au motif d'une telle disproportion.

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C....

Sur les autres moyens soulevés par M. C... :

7. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. C..., les rapports relatifs au fonctionnement général de l'EHPAD de Dun-sur-Auron, établis en juin 2016 et avril et mai 2015, lesquels signalent le comportement de M. C... parmi plusieurs faits imputables à d'autres agents, ont été soumis à un débat contradictoire dans la mesure où il est constant qu'ils étaient joints au rapport transmis au conseil de discipline et à l'intéressé qui a, par suite, été mis en mesure d'en discuter la teneur. Dans ces conditions, nonobstant l'ancienneté des faits relatés dans ces rapports annexes, lesquels en tout état de cause ne sont pas à l'origine de la procédure disciplinaire en litige, et l'absence de mention de l'identité de certains agents mentionnés dans les documents produits devant le conseil de discipline, dont une version non anonyme est produite devant la cour, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Enfin, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, alors en vigueur : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce la sanction de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.

9. Outre les textes sur le fondement desquels elle est adoptée, la décision en litige mentionne que les faits de maltraitance sur une personne vulnérable retenus à l'encontre de M. C... portent préjudice à la dignité et à la santé des résidents et constituent ainsi un manquement sérieux aux obligations du fonctionnaire ainsi qu'une faute grave de nature à entacher durablement la réputation de l'EHPAD. Elle vise également les résultats du vote émis par la commission administrative paritaire réunie en conseil de discipline le 16 septembre 2019, en particulier l'absence de majorité exprimée en faveur de la sanction proposée. Ainsi, alors même qu'elle prononce une sanction plus sévère que celle sur laquelle le conseil de discipline a émis son vote, la décision du 18 septembre 2019 est suffisamment motivée et le moyen doit, par suite, être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier George Sand est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 18 septembre 2019 par laquelle son directeur a prononcé la révocation de M. C... et lui a enjoint de réintégrer ce dernier dans ses effectifs à compter du 1er octobre 2019.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier George Sand, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros à verser au centre hospitalier George Sand au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000027 du tribunal administratif d'Orléans du 15 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif d'Orléans et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : M. C... versera au centre hospitalier George Sand la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au centre hospitalier George Sand.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

La rapporteure,

M.-G. B...Le président,

S. BROTONSLa greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE02895 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02895
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : CABINET CASADEI-JUNG et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-14;20ve02895 ?
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