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20/02/2023 | FRANCE | N°21VE00780

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 20 février 2023, 21VE00780


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) No Solau a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 34 928 euros qui lui a été réclamé au titre du mois d'avril 2015, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1904644 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa dem

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Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) No Solau a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 34 928 euros qui lui a été réclamé au titre du mois d'avril 2015, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1904644 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mars 2021 et 10 novembre 2021, la SCI No Solau, représentée par Me Jestin, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne peut être regardée comme ayant accepté les rectifications dès lors qu'elle avait demandé au vérificateur de ne pas notifier la proposition de rectification du 26 juillet 2018 pendant les congés d'été ;

- la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qu'elle a déduite de sa déclaration CA3 d'avril 2015 correspond à la TVA collectée sur des factures de loyer de la société Rapid'Auto définitivement irrécouvrables du fait du placement en liquidation judiciaire de sa locataire ;

- les loyers dus par la société Carglass et non perçus au titre de l'année 2016 correspondent à des avoirs et remises accordés en compensation d'un complément de loyer initialement prévu au bail à raison de travaux qu'elle avait pris en charge, que le locataire a continué à lui verser alors qu'il n'était plus dû depuis le renouvellement du bail au 1er mai 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de la SCI No Solau.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 octobre 2022, l'instruction a été close au 10 novembre 2022 à 12 heures, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) No Solau, qui donne à bail à plusieurs sociétés les différents lots d'un ensemble immobilier à usage de garage automobile dont elle est propriétaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ses exercices clos en 2015 et 2016, étendue au 31 mars 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notamment notifié, selon la procédure contradictoire, un rappel de TVA de 34 928 euros au titre du mois d'avril 2015 et un rehaussement en matière d'impôt sur les sociétés de 20 240 euros en base au titre de l'année 2016. La SCI No Solau relève appel du jugement du 19 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires et majorations ainsi mises à sa charge.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

2. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

3. La SCI No Solau n'a pas présenté d'observations en réponse à la proposition de rectification du 26 juillet 2018, réputée lui avoir été régulièrement notifiée par lettre recommandée à la date de présentation du pli le 30 juillet 2018. A supposer que la société requérante ait demandé au vérificateur de ne pas lui notifier les rectifications pendant les congés d'été, ce dont elle ne justifie au demeurant pas, cette circonstance est sans incidence sur les règles de dévolution de la charge de la preuve. La SCI No Solau doit par suite être regardée comme ayant tacitement accepté les rectifications d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle conteste. Elle supporte en conséquence la charge de la preuve de l'exagération des impositions. En tout état de cause, il appartient à la contribuable de justifier de la correction de ses écritures comptables.

En ce qui concerne le rappel de TVA au titre du mois d'avril 2015 :

4. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 272 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables. / Toutefois, l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire. / L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale. "

5. Il résulte de ces dispositions que le redevable qui entend récupérer la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au titre d'opérations demeurées impayées doit établir, par tout moyen de droit ou de fait, que sa créance est réellement irrécouvrable et justifier, auprès de l'administration fiscale, de la rectification préalable de la facture initiale. Le caractère définitivement irrécouvrable d'une créance ne saurait résulter de la seule ouverture d'une procédure collective à l'encontre du débiteur. Toutefois, les dispositions du 1 de l'article 272 du code général des impôts, qui autorisent le créancier à imputer la taxe afférente à sa créance dès le prononcé de la liquidation judiciaire de son débiteur, ne font pas pour autant obstacle à ce qu'à tout moment et par tout moyen, dès avant ce prononcé, le créancier établisse le caractère définitivement irrécouvrable de cette créance

6. En l'espèce, la SCI No Solau, qui n'a pas émis de factures rectificatives et ne justifie pas même avoir collecté la taxe sur les débits, soutient que sa créance de loyers est devenue irrécouvrable en raison du placement en liquidation judiciaire de sa locataire par un jugement du 7 octobre 2014 du tribunal de commerce de Versailles et que l'administrateur judiciaire a admis sa créance pour un montant de 194 206,65 euros. Toutefois, comme le soutient l'administration, la déduction ne figure pas dans les écritures comptables, et la société requérante ne précise pas, ni ne justifie, des périodes au cours desquelles la TVA aurait été collectée à tort, ni le défaut de paiement des loyers correspondants qui, au vu du montant de la créance admise au passif du preneur, a duré plus de trois ans. En outre, le montant de TVA déduite de 34 928 euros ne correspond pas à 20 % de la créance de 194 206,65 euros admise par l'administrateur judiciaire. Dans ces conditions, la SCI No Solau ne justifie pas de son droit à restitution de la taxe mentionnée en déduction sur sa déclaration CA3 du mois d'avril 2015, pour un montant de 34 928 euros, qu'elle prétend avoir collectée et déclarée à raison de prestations impayées.

7. En second lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code, également applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ".

8. Le service vérificateur a remis en cause un avoir de 6 746,67 euros comptabilisé au 24 mars 2016 au débit du compte " ventes " et deux loyers comptabilisés les 30 juin et 1er octobre 2016 pour un montant de 2 521 euros au lieu du loyer contractuel de 9 268 euros, pour un montant total de 20 240 euros, que la SCI No Solau n'a pas été en mesure de justifier au cours du contrôle. Au soutien de sa réclamation, la société requérante a fait valoir que la minoration de 6 747 euros du loyer trimestriel dû par la société Carglass correspond au remboursement d'un trop-perçu de loyer de mai 2014 à juin 2016, le preneur ayant continué à payer un complément de loyer qui n'était plus dû depuis le renouvellement du bail au 1er mai 2014. Pour en justifier, la SCI No Solau produit, pour la première fois en appel, le contrat de bail conclu le 21 avril 2005 avec la société Carglass, qui fait apparaître un loyer annuel de 26 550 euros et un complément de loyer de 10 560 euros à la charge du locataire sur la durée du bail de neuf ans en remboursement de travaux d'aménagement pris en charge par le bailleur, et une clause de renouvellement du bail ramenant le loyer annuel à la somme de 29 910 euros HT indexée sur le coût de la construction depuis 2005, ainsi que les factures de loyers des années 2014, 2015 et 2016. Toutefois, la production tardive de ces pièces justificatives ne permet pas de comprendre les modalités de calcul des remises faites à la société Carglass alors que la société requérante justifie la somme en litige de 20 240 euros sur la base d'un loyer payé de 12 019,93 euros HT pour un loyer dû de 9 188,50 euros HT au titre des trois trimestres de 2014 et de l'année 2015, tandis qu'il ressort des factures produites à l'appui du mémoire en réplique que le loyer trimestriel initial de 9 277 euros HT était porté, compte tenu de l'indexation sur le coût de la construction, à 12 019,93 euros HT en mai et juin 2014, puis de 12 057,88 euros HT à compter du 3ème trimestre 2014, jusqu'au 1er trimestre 2016, que le montant du loyer mentionné sur ces factures ne prend pas en compte l'indexation sur le coût de la construction, qu'il ne permet pas de justifier de la somme des avoir et remises consentis et qu'en outre, les factures des deuxième et troisième trimestres de 2016 mentionnent un loyer de 2 521,49 euros HT et non le loyer contractuellement prévu diminué d'un trop-perçu antérieur. L'administration fiscale était par suite fondée à regarder cette réduction de loyer comme injustifiée.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

10. Pour justifier la majoration de 40 % pour manquement délibéré des rehaussements d'imposition mis à la charge de la SCI No Solau, l'administration fiscale s'est fondée sur l'expérience professionnelle de son gérant, responsable légal de plusieurs sociétés, qui a sciemment majoré les montants de TVA déductibles imputés sur ses déclarations de TVA en imputant sur ses déclarations 900 euros de plus que les montants figurant en comptabilité et en reportant de manière indue sur ses déclarations TVA un montant de 34 928 euros qui avait fait l'objet d'un rejet de remboursement de crédits de TVA par les services de gestion. Elle relève également qu'il n'a pas pu expliquer au cours des opérations de contrôle les avoirs et remises accordées à la société Carglass. Dans ces conditions, l'administration fiscale établit l'intention de la SCI No Solau d'éluder l'impôt justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI No Solau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. La requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI No Solau est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI No Solau et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 février 2023.

La rapporteure,

O. A... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 21VE00780


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00780
Date de la décision : 20/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Affaires impayées ou annulées.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : SCP PDGB

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-20;21ve00780 ?
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