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24/05/2023 | FRANCE | N°21VE03199

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 24 mai 2023, 21VE03199


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 1er juin 2018 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de procéder au mandatement d'office de la somme de 84 000 euros à l'encontre du département des Hauts-de-Seine.

Par un jugement n° 1807731 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2021, Mme A..., représentée par

Me Barthelemy, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 1er juin 2018 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de procéder au mandatement d'office de la somme de 84 000 euros à l'encontre du département des Hauts-de-Seine.

Par un jugement n° 1807731 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2021, Mme A..., représentée par Me Barthelemy, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au mandatement d'office de la somme de 84 000 euros à l'encontre du département des Hauts-de-Seine ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance et la somme de 3 000 euros sur le même fondement au titre des frais exposés en appel.

Mme A... soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait ;

- la somme de 84 000 euros, correspondant à des frais d'avocats devant être pris en charge par le département des Hauts-de-Seine au titre de la protection fonctionnelle et constituant ainsi une dépense obligatoire, est justifiée dans son principe et son quantum ; il n'appartient pas au département de remettre en cause les factures émises par un cabinet d'avocats.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2022, le préfet des Hauts-de-Seine, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;

- à supposer qu'une erreur de fait affecte la décision, une substitution de motif pourra être opérée eu égard à l'ensemble des échanges intervenus entre Mme A... et le département attestant de l'absence de caractère certain de la dépense et de l'existence d'une contestation sur son principe et son montant.

Par un mémoire enregistré le 9 février 2023, le département des Hauts-de-Seine, représentée par Me Bazin, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés ;

- à supposer qu'une erreur de fait affecte la décision, une substitution de motif pourra être opérée eu égard à l'ensemble des échanges intervenus entre Mme A... et le département attestant de l'absence de caractère certain de la dépense et de l'existence d'une contestation sur son principe et son montant.

Par ordonnance du président de la 6ème chambre du 30 janvier 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 14 janvier 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Villette,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,

- et les observations de Me De Soto pour le département des Hauts-de-Seine.

Une note en délibéré présentée pour Mme A... a été enregistrée le 2 mai 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a occupé les fonctions de directrice générale adjointe en charge des finances du département des Hauts-de-Seine, de 2001 à 2011. A ce titre, elle a été mise en cause dans une procédure pénale, pour laquelle le département lui a accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle par une décision du 2 février 2004. Elle a été relaxée par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 23 septembre 2015, confirmé en cassation et devenu définitif. Le 6 avril 2017, Mme A... a demandé au département des Hauts-de-Seine de lui verser la somme de 84 000 euros, correspondant aux factures du cabinet d'avocats Desfilis et MacGowan, chargé de sa défense au cours de l'instance d'appel. Face au refus du département, Mme A... a demandé au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au mandatement d'office de cette dépense. Par une décision du 1er juin 2018, le préfet a rejeté cette demande. Mme A... relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales : " Ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé ". Il résulte de ces dispositions que seules présentent un caractère obligatoire les dettes échues, certaines, liquides, non sérieusement contestées dans leur principe et dans leur montant et découlant de la loi, d'un contrat, d'un délit, d'un quasi-délit ou de toute autre source d'obligations. Aux termes de l'article L. 1612-16 du même code : " A défaut de mandatement d'une dépense obligatoire par le maire, le président du conseil départemental ou le président du conseil régional suivant le cas, dans le mois suivant la mise en demeure qui lui en a été faite par le représentant de l'Etat dans le département, celui-ci y procède d'office. / Le délai prévu à l'alinéa précédent est porté à deux mois si la dépense est égale ou supérieure à 5 % de la section de fonctionnement du budget primitif ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable au litige : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. (...) La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, il bénéficie d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause. En l'absence de convention conclue entre la collectivité publique concernée, l'avocat désigné ou accepté par l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle et, le cas échéant, cet agent, il ne ressort d'aucun texte ni d'aucun principe que cette collectivité publique pourrait limiter a priori le montant des remboursements alloués à l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle. Ce montant est calculé au regard des pièces et des justificatifs produits et de l'utilité des actes ainsi tarifés dans le cadre de la procédure judiciaire. L'administration peut toutefois décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à son agent qu'une partie seulement des frais engagés lorsque le montant des honoraires réglés apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client ou encore de l'absence de complexité particulière du dossier.

4. La décision du préfet du 1er juin 2018 est fondée sur la circonstance que la créance invoquée par Mme A... était sérieusement contestée par le département des Hauts-de-Seine, dès lors qu'elle avait fait l'objet d'une saisine du bâtonnier par le département. Il est néanmoins constant que cette saisine concernait les frais réclamés par un autre cabinet d'avocats et que ce motif ne pouvait, par suite, fonder la décision en litige.

5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. Les défendeurs soutiennent que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur les contestations du montant des honoraires figurant dans les courriers envoyés par le département à Mme A... et au préfet et relatives au caractère manifestement excessif des frais dont Mme A... demandait le remboursement.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a demandé au département des Hauts-de-Seine de lui rembourser la somme totale de 292 112,50 euros au titre des frais engagés pour sa défense lors de l'instance d'appel, dont 84 000 euros au profit du cabinet Desfilis et MacGowan. Par un courrier du 25 mai 2018, le département a informé Mme A... de son intention, eu égard à l'importance de ces honoraires, de vérifier la réalité et le montant des prestations effectuées à son profit par ce dernier cabinet et l'a invitée à produire des justificatifs en ce sens. Par un courrier du 18 mai 2018, le département a informé le préfet qu'il s'opposait au mandatement d'office eu égard au caractère exorbitant des honoraires réclamés. Mme A... a produit un relevé de facturation et un jeu de conclusions de 46 pages. Elle n'a produit aucun élément de nature à justifier, eu égard à la complexité de l'affaire et au vu de cette seule production, du nombre d'heures facturées et de la nécessité de la présence facturée de plusieurs avocats lors des audiences. Par ailleurs, les honoraires appliqués, particulièrement élevés au regard des pratiques généralement observées en matière pénale, comme le quantum des remises pratiquées par le cabinet Desfilis et Mac Gowan sont de nature à mettre en doute la réalité des prestations facturées.

8. Dès lors, la créance de Mme A... était sérieusement contestée dans son quantum par le département des Hauts-de-Seine. Le préfet des Hauts-de-Seine aurait par suite pris la même décision en se fondant sur ce motif.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme que le département des Hauts-de-Seine demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département des Hauts-de-Seine présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au département des Hauts-de-Seine.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2023.

La rapporteure,

A. VILLETTELe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE03199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03199
Date de la décision : 24/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

135-02-04-02-01 Collectivités territoriales. - Commune. - Finances communales. - Dépenses. - Dépenses obligatoires.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Anne VILLETTE
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : BARTHELEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-05-24;21ve03199 ?
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