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20/06/2023 | FRANCE | N°21VE02655

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 20 juin 2023, 21VE02655


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 76 400 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une cure de hernie inguinale.

Par un jugement n° 1808365 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à M. B... la somme de 17 808,79 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 31 960,41

assortis des intérêts au taux légal.

Procédure devant la cour :

Par une ordo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 76 400 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une cure de hernie inguinale.

Par un jugement n° 1808365 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à M. B... la somme de 17 808,79 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 31 960,41 assortis des intérêts au taux légal.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance du 21 septembre 2021, enregistrée le même jour au greffe de la cour, le magistrat délégué de la cour administrative d'appel de Paris a transmis à la cour la requête présentée par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 16 août 2021, et un mémoire, enregistré le 13 octobre 2021, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, représenté par Me Tsouderos, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. B... et la caisse primaire d'assurance maladie de Paris devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener les condamnations prononcées à son encontre à de plus justes proportions.

L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris soutient que :

- aucune faute n'a été commise lors de la prise en charge de M. B... ;

- ce dernier a reçu une information complète sur les risques induits par l'intervention projetée.

Par un mémoire, enregistré le 29 octobre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Saumon, avocat, conclut à sa mise hors de cause et à ce que les dépens soient mis à la charge de la partie succombant.

Il soutient que :

- aucune conclusion n'est dirigée à son encontre ;

- les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale prévues à l'article L. 1142-2 du code de la santé publique ne sont pas remplies en l'espèce.

Par un mémoire, enregistré le 6 janvier 2022, M. A... B..., représenté par Me Devers, avocat, conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident à la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 76 400 euros et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Il soutient que :

- l'expert a conclu à l'existence d'une maladresse fautive lors de sa prise en charge ;

- il n'a pas reçu une information adéquate sur les risques de lésions viscérales induits par cette intervention ;

- ses préjudices doivent être réévalués à la somme de 76 400 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, représentée par Me Lefebvre, avocate, conclut au rejet de la requête, à ce que la condamnation de l'Assistance publique au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion soit portée à la somme de 1 114 euros et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du président de la 6ème chambre du 30 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 14 février 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu

- les autres pièces du dossier.

- l'ordonnance n° 1807716 du 5 mai 2020 par laquelle le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a taxé et liquidé les frais d'expertise à hauteur de 2 496 euros TTC.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Villette,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été hospitalisé et opéré le 28 août 2017 à l'hôpital Louis Mourier de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour une cure de hernie inguinale par cœlioscopie. Une nouvelle opération a été pratiquée le 29 août 2017 après le diagnostic d'une majoration d'un pneumopéritoine avec épanchement intra-abdominal abondant, consécutive à une perforation de l'intestin grêle lors de l'intervention initiale. Le 31 août 2017, une péritonite causée par la bactérie streptococcus agalactiae a été diagnostiquée. Le 2 septembre 2017, M. B... a été transféré en réanimation à l'hôpital Ambroise Paré de l'AP-HP, où a été pratiquée une troisième intervention par laparotomie afin de nettoyer le péritoine et de drainer un abcès de paroi. Il a rejoint son domicile sans autre complication le 15 septembre suivant et a été en arrêt de travail jusqu'au 31 octobre 2017. Par une ordonnance du 2 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a confié une mission d'expertise au Dr C... aux fins de déterminer les causes et l'étendue des préjudices subis par M. B... à raison de ces interventions. Le Dr C... a remis son rapport le 24 mars 2020. Par un jugement du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'AP-HP à verser à M. B... la somme de 17 808,79 euros en réparation des préjudices ainsi subis à la suite et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris la somme de 31 960,41 euros au titre de ses débours. L'AP-HP relève appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, M. B... relève partiellement appel de ce jugement et sollicite la majoration de l'indemnisation qui lui a été accordée à hauteur de 76 400 euros.

Sur la fin de non-recevoir :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge ". Bien que sommaire, la requête de l'AP-HP enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris comportait des moyens relatifs à la régularité du jugement contesté et à l'absence de faute commise par les médecins en charge de l'intervention pratiquée sur M. B... le 28 avril 2017. Par suite, la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas fondée à soutenir que la requête de l'AP-HP serait insuffisamment motivée et devrait être rejetée comme irrecevable. La fin de non-recevoir soulevée en ce sens est écartée.

Sur l'appel de l'AP-HP

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Les moyens tirés du défaut de motivation du jugement et de l'omission à statuer commise par les premiers juges n'est pas assortie des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé et ne peuvent dès lors qu'être écartés.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".

5. D'une part, il résulte de l'expertise conduite par le Dr C... que lors de la conversion de la cure de hernie inguinale opérée sur M. B... en voie intra-péritonéale une lésion de l'intestin grêle a été causée par l'introduction d'un trocart sans contrôle de la caméra ou lors de la manipulation des viscères intra-abdominaux à la suite d'une maladresse fautive du praticien. Si l'AP-HP conteste cette analyse et soutient que la cause de cette lésion doit être trouvée dans l'utilisation d'une pince bipolaire lors de la conversion de l'intervention par voie intra-péritonéale, laquelle créée un risque chirurgical de lésion viscérale, cette hypothèse a déjà été soumise à l'expert qui l'a écartée. Par suite, l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que cette dernière a commise une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. B....

6. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu de l'entretien pré-opératoire et du formulaire de consentement signé par celui-ci, que M. B... a été informé des risques encourus du fait d'une cure de hernie inguinale par cœlioscopie et a autorisé le chirurgien à prendre toute initiative et à introduire au procédé envisagé toute modification qu'il jugerait utile, telle la conversion de l'intervention par voie intra-péritonéale qui a été pratiquée. Par suite, l'AP-HP est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'AP-HP avait méconnu son devoir d'information à l'égard de M. B... tel qu'il résulte de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique.

7. Néanmoins, les premiers juges auraient prononcé les mêmes condamnations à l'égard de l'AP-HP en se fondant sur la seule faute mentionnée au point 5 du présent arrêt. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamnée à verser à M. B... la somme de 17 808,79 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris la somme de 31 960,41 euros assortie des intérêts.

Sur l'appel incident de M. B... :

8. En premier lieu, il résulte de l'expertise que M. B... a présenté un déficit fonctionnel temporaire de 100 % du 29 août au 15 septembre 2017, puis de 20 % du 16 septembre au 16 octobre 2017 et enfin de 10 % du 17 octobre au 30 novembre 2017, date de de consolidation de son état de santé. Dès lors, les premiers juges ont fait une correcte évaluation de ce préjudice en lui allouant la somme de 500 euros.

9. En deuxième lieu, l'expert a évalué les souffrances endurées par M. B... à hauteur de 4/7. Par suite les premiers juges ont fait une correcte évaluation de ce préjudice en lui allouant la somme de 7 000 euros.

10. En troisième lieu, il ne résulte de l'expertise que les difficultés urologiques du patient ne trouvent pas leur cause dans l'intervention qu'il a subi le 28 avril 2017. Par suite, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que les juges lui ont alloué la somme de 500 euros au titre de son préjudice sexuel.

11. En quatrième lieu, le Dr C... a évalué le préjudice esthétique permanent subi par M. B... à hauteur de 1.5/7 en raison d'une cicatrice importante sur l'abdomen. Par suite les premiers juges ont fait une correcte évaluation de ce préjudice en lui allouant la somme de 1 200 euros.

12. En cinquième lieu, le déficit fonctionnel permanent subi par M. B... a été évalué à hauteur de 5 % par l'expert. A la date de consolidation de son état de santé, M. B... avait 38 ans. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges lui ont alloué la somme de 5 700 euros à ce titre.

13. En dernier lieu, il ressort de l'attestation de son employeur que M. B... a été licencié en raison de ses déclarations selon lesquelles il ne comptait pas reprendre son poste de chauffeur à l'issue de son arrêt maladie. M. B... ne présentait à cette date aucune contre-indication médicale à l'exercice de la fonction de chauffeur. Par suite, le préjudice tiré de la perte des revenus induit par cette activité professionnelle ne présente pas de lien de causalité avec la faute commise par l'AP-HP. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à se plaindre des sommes que lui ont alloué les premiers juges à ce titre.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'AP-HP à lui verser la somme de 17 808,79 euros.

Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris :

15. Si le plafond de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale a été réévalué postérieurement au jugement, la caisse ne peut prétendre à une augmentation du montant qui lui a été alloué à ce titre dès lors qu'elle n'a ni sollicité ni a fortiori obtenu en appel de majoration des sommes dues au titre des prestations versées à M. B....

Sur les dépens :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, taxés et liquidés à la somme de 2 496 euros, à la charge de l'AH-HP.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et les conclusions de M. B... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la CPAM de Paris, présentées au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 496 euros sont mis à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à M. A... B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président

M. Mauny, président assesseur,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

La rapporteure,

A. VILLETTELe président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE02655


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02655
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier - Existence d'une faute.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Anne VILLETTE
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : DEVERS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-20;21ve02655 ?
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