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19/09/2023 | FRANCE | N°21VE02251

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 19 septembre 2023, 21VE02251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et A... C... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1806199 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 ju

illet 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Sebban, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et A... C... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2014, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1806199 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Sebban, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la somme de 483 000 euros mise à la disposition de la SCI Family par la société LAJ constituait un prêt, ainsi qu'il ressort des éléments comptables ; ce prêt devait être régularisé et a été remboursé par la cession de 99 % des parts sociales de la SCI Family à la SC LAJ avant l'engagement de la procédure de contrôle ; l'apport en compte courant d'une société mère à sa filiale est usuel ; la SC LAJ n'a pas été lésée ; la distribution ne présente pas de caractère occulte et n'est pas irrégulière ;

- le flux financier a bénéficié à la SCI Family ; il ne s'agit en aucun cas d'un désinvestissement ni d'une libéralité au profit de M. C... ;

- c'est à tort que, pour caractériser une distribution à leur profit, le service a retenu qu'ils s'étaient réservé la jouissance du bien immobilier acquis par la SCI Family, alors que la famille vit en région parisienne, que le moulin n'était pas en état d'être habité et que les charges courantes ont été exposées pour les besoins des personnes travaillant sur le chantier de rénovation ;

- la majoration de 40 % n'est pas justifiée, en l'absence de volonté de M. C... d'échapper à ses obligations fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2023 à 12 heures en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tar,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Sebban, pour M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. L'administration fiscale a procédé, au titre de l'année 2014, à un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme C..., à la suite de la vérification de la société civile immobilière (SCI) Family, dont M. C... est l'associé à hauteur de 70% des parts et le gérant. A l'issue de ce contrôle, elle a notamment réintégré au revenu imposable des intéressés, selon la procédure contradictoire, des revenus de capitaux mobiliers, à hauteur d'une somme de 483 000 euros, correspondant à un apport en compte courant de la société LAJ, société civile assujettie à l'impôt sur les sociétés dont M. C... possède 51 % des parts et exerce les fonctions de gérant, dans les écritures de la SCI Family. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande de décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à leur charge.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. / (...) ". Si l'administration ne peut en principe regarder une somme mise par une société soumise à l'impôt sur les sociétés à la disposition d'une société civile immobilière dont le contribuable est l'associé tout en étant, parallèlement, associé de la première, comme constituant pour l'intéressé, sauf preuve contraire, un revenu distribué au sens de ces dispositions, il en va différemment si elle établit que la société civile immobilière en cause n'a fait que s'interposer entre la société soumise à l'impôt sur les sociétés et le contribuable, bénéficiaire réel de la distribution.

3. Pour imposer, sur le fondement de ces dispositions, la somme de 483 000 euros inscrite sur le compte courant d'associé de la société LAJ ouvert dans les écritures de la SCI Family au titre de l'année 2014, comme un revenu distribué par la société LAJ à M. C..., l'administration fiscale a considéré que la SCI Family n'avait fait que s'interposer entre la société LAJ et M. C.... Toutefois, il est constant que la somme de 483 000 euros a été mise à la disposition de la SCI Family par la société LAJ, ainsi qu'il ressort des écritures comptables, et que cette somme a servi à financer l'acquisition par la SCI Family d'un moulin à usage d'habitation à Monflanquin (Lot-et-Garonne) pour un montant de 483 549,86 euros, dont elle est propriétaire et qui constitue un actif qui lui est propre. Dans ces conditions, alors même que M. C... se serait réservé la jouissance de ce bien immobilier au cours de l'année d'imposition en litige, la SCI Family, dont M. C... ne détient au demeurant que 70% des parts, ne peut être regardée comme n'étant qu'interposée entre la société LAJ et M. C.... Les requérants sont par suite fondés à soutenir que la somme en cause n'a pas été indirectement mise à leur disposition au sens du a de l'article 111 du code général des impôts.

Sur les pénalités :

4. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

5. En premier lieu, la majoration pour manquement délibéré appliquée au rehaussement d'imposition résultant de la rectification dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers examinée aux points 2 à 4 du présent arrêt ne peut qu'être déchargée par voie de conséquence de la décharge des droits.

6. En second lieu, la pénalité pour manquement délibéré a également été appliquée à la rectification dans la catégorie des revenus fonciers, non contestée en droits, résultant de ce que M. C... a imputé des charges personnelles pour la détermination du résultat fiscal de la SCI Family. D'une part, l'administration fiscale établit que des charges d'électricité, de chauffage, d'abonnements de téléphonie et de télévision, ont été déduites à tort du résultat de la SCI, dès lors que ces dépenses correspondent à une occupation habituelle du moulin dont elle est propriétaire et que celui-ci n'était pas loué. Ces constatations ne sont pas contredites par la circonstance que la famille dispose d'un logement en région parisienne. D'autre part, en relevant que M. C... ne pouvait ignorer que ces dépenses n'étaient pas déductibles du résultat fiscal de la SCI Family, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant établi l'intention délibérée des requérants de minorer leur revenu imposable dans la catégorie des revenus fonciers et, par suite, le bien-fondé des pénalités assignées correspondant à ce chef de rectification.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et pénalités résultant de la réintégration à leur revenu imposable au titre de 2014, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, d'une distribution de 483 000 euros.

Sur les frais de l'instance :

8. Aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : M. et Mme C... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 sur le fondement du a de l'article 111 du code général des impôts, et de la majoration correspondante.

Article 2 : Le jugement du tribunal-administratif de Cergy-Pontoise du 3 juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme C... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Olson, président de la cour,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

Le rapporteur,

G. TARLe président,

T. OLSON

La greffière,

S. LOUISERELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°21VE02251 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02251
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SEBBAN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-09-19;21ve02251 ?
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