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18/01/2024 | FRANCE | N°23VE01261

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 18 janvier 2024, 23VE01261


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un certificat de résidence Algérien, mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de cette décision et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2209746 du 1

0 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.



Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un certificat de résidence Algérien, mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de cette décision et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2209746 du 10 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 juin et 23 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Berdugo, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 2209746 du 10 mai 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 1er juin 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " ou " salarié " ou à titre subsidiaire de lui délivrer une autorisation de séjour dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa demande ;

4°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que son avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

M. B... soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'un défaut d'examen sérieux, le préfet s'étant par ailleurs estimé à tort en situation de compétence liée, au vu de la décision de rejet d'autorisation de travail rendu par la DRIEETS, appliquant ainsi la procédure prévue par l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les articles 7 b° et 6-5) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus ;

- la décision préfectorale est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le principe de loyauté, défini par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été méconnu dès lors qu'elle se prévaut de son licenciement alors qu'elle en est à l'origine ;

- il justifie de circonstances exceptionnelles au titre de l'insertion professionnelle de nature à autoriser la délivrance d'un titre de séjour ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu et cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2023, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pilven a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 31 juillet 1987, est entré en France le 21 février 2015 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Il a sollicité, le 26 avril 2021, son admission au séjour dans le cadre des stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 1er juin 2022, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a rejeté sa demande par jugement du 10 mai 2023, dont M. B... relève appel.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 62 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué. ".

3. Par une décision du 25 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

4. M. B... soutient, en premier lieu, que l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'un défaut d'examen sérieux et que le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée, au vu de la décision de rejet d'autorisation de travail rendu par la DRIEETS. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des mentions portées dans l'arrêté contesté, que le préfet du Val-d'Oise se soit senti tenu par l'avis défavorable rendu par la plateforme interrégionale de la main d'œuvre étrangère du 1er mars 2022 et qu'il n'ait pas procédé à un examen complet de la demande de l'intéressé.

5. M. B... soutient, en deuxième lieu, que le préfet a méconnu son obligation de loyauté en soumettant pour avis à la DRIEETS sa demande d'admission exceptionnelle au séjour dès lors que cette direction avait, par courrier du 4 juin 2021, invité son employeur à le licencier, compte tenu de l'irrégularité de sa situation au regard du code du travail et que le préfet s'est par la suite fondé sur cette absence d'emploi pour rejeter sa demande de titre de séjour. Toutefois, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, il ressort des pièces du dossier que l'employeur de M. B... a été convoqué par l'inspection du travail à une audition pénale libre le 24 juin 2021 afin de répondre de l'infraction relative à l'emploi de deux personnes n'étant pas autorisées à travailler sur le territoire français et qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir que cette convocation aurait pour origine la demande d'admission au séjour présentée par le requérant le 26 avril 2021. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de loyauté doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa long séjour délivré par les autorités françaises (...) ".

7. Si M. B... soutient que les stipulations de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ont été méconnues, il n'est pas contesté qu'il n'est pas titulaire d'un visa de long séjour ou d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".

9. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Un ressortissant algérien ne saurait dès lors utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.

10. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il lui appartient, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle et professionnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

11. M. B... se prévaut de la situation de pénurie de main-d'œuvre dans le domaine de la maintenance informatique où il dispose de diplômes établissant ses compétences informatiques et de son expérience professionnelle au vu de son activité dans ce secteur pendant un an et demi. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à établir que sa situation justifierait d'une admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par ailleurs, s'il réside en France de manière habituelle et continue depuis mars 2015, il n'allègue pas la présence d'attaches familiales en France où il réside en qualité de célibataire, sans enfant, et il n'est pas contesté qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans et où résident ses parents et ses frères et sœurs. Dès lors, les moyens tirés d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien précité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention précitée et de l'erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressé au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

Le rapporteur,

J-E. PILVENLe président,

P-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE01261 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01261
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI & BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;23ve01261 ?
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