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06/02/2024 | FRANCE | N°22VE02905

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 06 février 2024, 22VE02905


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M.A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 28 mars 2022 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 36 mois. La demande a été transmise par ordonnance du président du tribunal administratif de Paris du 26 avril 2022 au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.



Par un jugement n° 2206289 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 28 mars 2022 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 36 mois. La demande a été transmise par ordonnance du président du tribunal administratif de Paris du 26 avril 2022 au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par un jugement n° 2206289 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le refus de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2022, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du 1er décembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le refus de départ volontaire est motivé par la double circonstance que le comportement de M. C... est contraire à l'ordre public et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire ;

- l'interdiction de retour prononcée ne peut donc pas être annulée par voie de conséquence ;

- il était tenu de prononcer une interdiction de retour ;

- l'interdiction de retour de 36 mois est justifiée au regard des quatre critères légaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Le Gars a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ivoirien né le 14 février 1994, a fait l'objet de deux arrêtés du préfet de police de Paris du 28 mars 2022 qui l'ont obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, ont fixé le pays de destination et l'ont interdit de retour pendant une durée de trente-six mois avec signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Le préfet de police relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et l'arrêté prononçant une interdiction de retour sur le territoire français.

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

Sur le moyen retenu par le tribunal :

2.Aux termes de l'article L.612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants:/1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants(...) /3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement/ 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;/5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; "

3.Pour annuler la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire, le tribunal administratif a considéré que l'attestation de titulaire d'un contrat EDF de septembre 2021 et le titre de séjour italien produits par M. C... permettaient de considérer qu'il n'était pas dépourvu de garanties de représentation suffisantes, et que le risque de soustraction à la mesure d'éloignement n'était ainsi pas établi. Par ailleurs, le tribunal administratif a écarté la demande de substitution de motifs présentée par le préfet de police, au profit du motif tiré de la menace pour l'ordre public que constitue le comportement de M. C... en considérant que ce motif n'était pas établi.

4.Toutefois le préfet de police indique que M. C... a fait l'objet de plusieurs signalements pour conduite d'un véhicule sans permis le 6 février 2017, pour vol aggravé par deux circonstances sans violence le 28 novembre 2017, pour vol à la tire le 18 décembre 2017 pour lequel il a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à trois mois d'emprisonnement, le 30 mai 2018 pour des faits de vol dans les transports collectifs, le 6 octobre 2018 pour vol aggravé par deux circonstances sans violence pour lequel il a été condamné à six mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Paris, et pour vol aggravé par deux circonstances sans violence les 13 et 26 octobre 2018. Compte tenu de la répétition des faits de vol et des condamnations intervenues, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que son comportement ne constituait pas une menace pour l'ordre public. Par ailleurs, le préfet de police soutient également qu'il existe un risque que M. C... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dès lors qu'il s'est déjà soustrait à deux obligations de quitter le territoire précédentes les 30 janvier 2019 et le 21 février 2021. Compte tenu de ces éléments, le préfet de police est également fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que le risque que M. C... se soustraie à cette troisième obligation de quitter de quitter le territoire n'était pas établi.

Sur l'arrêté prononçant l'interdiction de retour de 36 mois :

Sur le moyen retenu par le tribunal :

5.Pour annuler cette interdiction de retour le tribunal s'est fondé sur l'illégalité de la décision refusant un délai de départ volontaire. Compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce moyen pour annuler l'interdiction de retour prononcée.

6.Il y a lieu pour la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... tant en première instance qu'en appel.

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

7.M. C... n'invoque pas d'autre éléments que le fait qu'il justifie d'une adresse à laquelle il réside, d'un document d'identité et d'un titre de séjour italien. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, compte tenu du fait qu'il s'est déjà soustrait à deux précédentes obligations de quitter le territoire des 30 janvier 2019 et 21 février 2021, la circonstance qu'il justifie d'une adresse ne permet pas de considérer le risque de fuite come non établi.

Sur l'interdiction de retour de 36 mois :

8.Aux termes de l'article L .612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour.

Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L.612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

9.Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ainsi qu'il a été dit au point 3, a fait l'objet de nombreux signalement pour vol et a été condamné à deux reprises par le tribunal correctionnel de Paris, à trois mois d'emprisonnement avec sursis le 18 décembre 2017 puis à six mois d'emprisonnement. Si la plainte pour violence volontaire déposée par Mme B... a ultérieurement été retirée, les deux condamnations pénales prononcées à son encontre permettent, en raison des récidives, de considérer que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. Par ailleurs, M. C... n'est entré sur le territoire qu'en 2016, soit à l'âge de 22 ans, a déjà fait l'objet de deux précédentes obligations de quitter le territoire, et ne justifie d'aucune insertion professionnelle ou sociale particulière. Dans ces conditions, en fixant la durée de l'interdiction de retour sur le territoire à 36 mois, le préfet de police n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation. Par ailleurs, la circonstance que M. C... soit titulaire d'un titre de séjour italien ne fait pas obstacle à ce que le préfet de police prenne à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français dès lors qu'une telle décision, même si elle s'accompagne d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, n'implique pas nécessairement le retrait de son titre de séjour par les autorités italiennes, ni qu'il soit empêché d'accéder au territoire italien.

10.Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision refusant l'octroi à M. C... d'un délai de départ volontaire et l'arrêté prononçant une interdiction de retour sur le territoire français.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n°2206289 du 1er décembre 2O22 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif d'annulation de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et de l'arrêté prononçant une interdiction de retour sur le territoire français du 28 mars 2022 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

A.C. LE GARSLe président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE02905


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02905
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;22ve02905 ?
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