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06/02/2024 | FRANCE | N°23VE01197

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 06 février 2024, 23VE01197


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. H... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 29 mars 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.



Par un jugement n° 2304395 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête enregistrée le 2 juin 2023, M. C..., représenté par Me Weinberg, demande à la cour :



1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 29 mars 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2304395 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, M. C..., représenté par Me Weinberg, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2023 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours sous astreinte de 25 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour défaut de motivation ;

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- son droit à être entendu a été méconnu ;

- sa situation n'a pas été examinée ;

- l'arrêté est entaché d'erreurs de fait ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie d'exception.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Gars,

- et les observations de Me Milly, substituant Me Weinberg, pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. H... C..., ressortissant philippin né le 30 octobre 1984, est entré sur le territoire français en 2015, selon ses déclarations. Par un arrêté du 29 mars 2023 le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2.Aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. M. C... soutient que le jugement n'explique pas pourquoi il écarte le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué. Il ressort de l'examen de ce jugement qu'il indique simplement que l'arrêté comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent, sans justifier davantage de celles-ci. M. C... est dès lors fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé dans cette mesure.

4. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de son renvoi.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

5.En premier lieu, par un arrêté du 23 janvier 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour de la préfecture de police de Paris, M. D... E..., adjoint au chef de la division des examens administratifs et des expulsions, a reçu délégation de signature du préfet de ce département. La seule circonstance que la publication de la décision au recueil des actes administratifs de la préfecture de police ne comporte pas la signature manuscrite de son auteur n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait.

6.En deuxième lieu, la décision attaquée vise notamment le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , en particulier les articles L.611-1, L.611-2 et L612-1 et indique que M. C... est dépourvu de titre de séjour l'autorisant à rester sur le territoire, est dépourvu de document de voyage et ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale, et qu'il n'établit pas être exposé à des peines et traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Elle est ainsi suffisamment motivée, contrairement à ce que soutient l'intéressé.

7.En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Ces stipulations s'adressent non pas aux États membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un État membre est inopérant. Il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

8.Si M. C... soutient qu'il a été privé de son droit à être entendu, il ressort au contraire des pièces du dossier que les services de police ont procédé à son audition le 29 mars 2023 à la suite de son interpellation dans le restaurant dans lequel il travaillait. Il a pu à cette occasion faire valoir les observations qu'il souhaitait ainsi que cela ressort de la dernière question figurant sur le procès-verbal et l'invitant " à apporter d'autres éléments sur sa situation ". Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'audition aurait été sommaire et que son droit à être entendu aurait été méconnu. Par ailleurs, La circonstance que le préfet de police a par la suite pris la décision l'obligeant à quitter le territoire ne révèle pas en elle-même un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.

9.En quatrième lieu, l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen précise que : " I- Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. / Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". Aux termes de l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend en substance à compter du 1er mai 2021 l'obligation de déclaration prévue préalablement par l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les dispositions de l'article L. 621-2 lorsqu'il est entré ou a séjourné sur le territoire français sans se conformer aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20, et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21, de cette convention, relatifs aux conditions de circulation des étrangers sur les territoires des parties contractantes, ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ".

10. Il résulte de ces dispositions que la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont l'obligation figure à l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un État partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.

11.M. C... soutient que la décision est entachée d'erreurs de fait dès lors qu'il est entré régulièrement sur le territoire sous couvert d'un visa. Toutefois, M. C... ne produit aucun visa délivré par l'Etat français et s'il a bénéficié d'un visa néerlandais valable du 9 mai au 23 juin 2015, il est constant qu'il n'a jamais procédé à la déclaration imposée par les dispositions précitées conditionnant la régularité de son entrée sur le territoire français et permettant de connaître sa date d'entrée sur le territoire. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'erreur de fait sur ce point. Concernant la mention de l'absence de document de voyage, M. C... produit une copie de son passeport philippin. Toutefois cette erreur à elle seule n'est pas susceptible d'affecter la légalité de l'obligation de quitter le territoire dès lors qu'elle est motivée par l'absence de titre de séjour détenu par l'intéressé, ne lui permettant ainsi pas de rester sur le territoire.

12.En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

13.M. C... soutient être entré sur le territoire en 2015, bénéficier d'un contrat de travail, depuis septembre 2021, vivre avec sa mère qui réside régulièrement sur le territoire, y avoir lié des relations. Toutefois, M. C... ne bénéficie d'un contrat de travail en qualité de serveur dans un restaurant que depuis février 2022, et ne justifie d'aucun revenu professionnel sur ses avis d'imposition sur les revenus précédant cette année. Il ne justifie ainsi d'aucune insertion professionnelle particulière. S'il soutient que son père est décédé, qu'il est fils unique et n'a plus de famille aux Philippines, il ne l'établit pas en produisant un certificat de décès de M. I... C..., mentionnant un décès déclaré par son fils, M. A... F... J... C..., dont l'identité ne correspond ainsi pas à celle du requérant. Par ailleurs, il n'établit pas le lien de parenté avec Mme G..., qu'il présente comme sa mère et chez laquelle il est domicilié. Enfin, s'il soutient vivre en couple avec M. B... depuis un an, il ne l'établit pas. Dans ces conditions, et compte tenu des conditions de séjour sur le territoire de l'intéressé, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

14.L'obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit par suite être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées aux fins d'injonctions ainsi que celles présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2304395 du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.

La rapporteure,

A.C. LE GARSLe président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE01197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01197
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : WEINBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23ve01197 ?
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