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08/02/2024 | FRANCE | N°23VE00508

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 08 février 2024, 23VE00508


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.





Par un jugement n° 2216708 du 15 février 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.


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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 8 mars 2023, M. A... B..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2216708 du 15 février 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Ivaldi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de réexaminer sa demande et de lui délivrer une carte de séjour dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses observations produites en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- et les observations de Me Lenouvel Alvarez, représentant M. B....

Une note en délibéré, enregistrée le 29 janvier 2024 a été présentée pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant turc, né le 1er janvier 1998 à Adiyaman en Turquie, est entré sur le territoire français en 2018, selon ses déclarations, et s'y est ensuite maintenu. Par un arrêté du 7 décembre 2022, le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination, et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 15 février 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

3. M. B... soutient qu'il réside en France sans discontinuer depuis 2018, qu'il justifie de liens familiaux en raison de la présence de son frère en France chez lequel il réside et qu'il a travaillé en France en qualité de cuisinier. Toutefois, M. B..., qui ne conteste pas être célibataire et sans enfant, a vécu en Turquie jusqu'à l'âge de 20 ans où résident toujours ses deux parents. Dès lors, le préfet du Val-d'Oise n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

4. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...). ".

5. M. B... conteste la décision du préfet du Val d'Oise lui refusant un délai de départ volontaire. Or, il n'est pas contesté qu'il n'a pu présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et que s'il allègue être détenteur d'une carte de sécurité sociale, il ne la produit pas. Dès lors le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise ne pouvait légalement lui refuser le bénéfice d'un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ainsi que les moyens tirés d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

6. Aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

7. M. B... conteste l'absence de prise en compte par le préfet de circonstances humanitaires tenant à sa présence continue sur le territoire français depuis 2018 et à la circonstance qu'il réside chez son frère, en soutenant qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public. Toutefois ces éléments ne sont pas de nature à constituer des circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. M. B..., célibataire et sans enfant, s'est maintenu en France de manière irrégulière à la suite du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 février 2021, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 février 2022. Dès lors, en prenant au vu de ces éléments la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet du Val-d'Oise n'a pas méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée au regard des buts et motifs en vue desquels elle a été prise.

8. Il résulte tout de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 7 décembre 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à titre d'injonction et d'astreinte et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président,

M. Pilven, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.

Le rapporteur,

J-E. PILVENLe président,

P-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne à la ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE00508002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE00508
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : CABINET IVALDI & DE GUEROULT D'AUBLAY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;23ve00508 ?
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