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04/04/2024 | FRANCE | N°23VE02004

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 04 avril 2024, 23VE02004


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une demande enregistrée au tribunal administratif de Paris et transmise au tribunal administratif de Versailles, M. B... a demandé l'annulation de la décision du préfet de police du 13 mai 2023 ordonnant sa remise aux autorités italiennes et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard.

Par un jugement

n° 2304292 du 24 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée au tribunal administratif de Paris et transmise au tribunal administratif de Versailles, M. B... a demandé l'annulation de la décision du préfet de police du 13 mai 2023 ordonnant sa remise aux autorités italiennes et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2304292 du 24 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 13 mai 2023 ordonnant la remise de M. A... aux autorités italiennes et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août 2023, le préfet de police demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- la décision attaquée a été précédée d'un examen particulier de la situation de M. A... ;

- M. A... n'établit pas la réalité de sa vie privée et familiale, ni de sa vie professionnelle en France ;

- il est défavorablement connu des services de police et a fait l'objet de multiples signalements ; son comportement constitue une menace pour l'ordre public ;

- il a quitté le territoire français le 10 juin 2023 ;

- les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 8 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2024, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Houllier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de police fait appel du jugement du 24 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision du 13 mai 2023 ordonnant la remise de M. A..., ressortissant dominicain, aux autorités italiennes.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. La décision attaquée du 13 mai 2023, qui vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique, d'une part, que M. B..., ressortissant dominicain né le 4 juillet 1992, est titulaire d'une autorisation de séjour délivrée par les autorités italiennes mais qu'il ne présente pas de document de voyage, mentionne, d'autre part, que son comportement a été signalé par les services de police le 12 mai 2023 pour " acquisition de produits stupéfiants " et qu'il est défavorablement connu des services de police, ce qui constitue une menace pour l'ordre public, et relève, enfin, que l'intéressé " se déclare célibataire avec un enfant qui n'est pas à sa charge ". Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que M. A... a été contrôlé par les services de police le 12 mai 2023 et placé en garde à vue pour achat de cocaïne. A cette occasion, il a déclaré aux services de police être célibataire, vivre en colocation et être le père d'un enfant dont il n'a pas la charge avant de préciser qu'il vivait en colocation avec sa compagne et les deux enfants de cette dernière et qu'il s'occupait de sa fille vivant avec sa mère, sans préciser à quelle fréquence et dans quelles conditions. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet de sept signalements sur la période 2014-2021, notamment, pour des faits de trafic de stupéfiants, violences conjugales, proxénétisme aggravé, violence avec arme, menace de mort et détérioration de bien. Dans ces conditions, la décision attaquée, qui, bien que ne les détaillant pas, renvoie à ces différents éléments et aux déclarations de l'intéressé, a été prise au terme d'un examen particulier de la situation de M. A....

3. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le juge de première instance s'est fondé sur le défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé pour annuler la décision du préfet de police du 13 mai 2023.

4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif :

5. En premier lieu, la décision attaquée, qui ne se borne pas à utiliser des formules stéréotypées mais rappelle aussi la situation personnelle et administrative de l'intéressé, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée.

6. En deuxième lieu, selon l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7. / L'étranger est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'État. Il est mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ". Aux termes de l'article L. 621-2 de ce code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne (...) l'étranger qui, admis à entrer ou à séjourner sur le territoire de cet Etat, a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 311-1, L. 311-2 et L. 411-1, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec cet État, en vigueur au 13 janvier 2009 ". En vertu de l'article L. 311-2 du même code : " Un étranger ne satisfait pas aux conditions d'entrée sur le territoire français lorsqu'il se trouve dans les situations suivantes : / 1° Sa présence en France constituerait une menace pour l'ordre public ; / (...) ".

7. Il ressort des termes de la décision attaquée que, pour ordonner la remise de M. A... aux autorités italiennes, le préfet de police s'est notamment fondé sur la circonstance que le comportement de ce dernier était constitutif d'une menace pour l'ordre public. Ainsi que cela a été rappelé au point 2 du présent arrêt, M. A... a fait l'objet, entre 2014 et 2021, de sept signalements pour des faits de conduite sans permis de conduire et usage de faux permis, proxénétisme aggravé en bande organisée, mise de local privé à la disposition d'une personne s'y livrant à la prostitution, traite d'être humain commise avec torture ou actes de barbarie, trafic de stupéfiants, proxénétisme aggravé, violences conjugales, violence avec arme, menace de mort réitérée et détérioration de bien appartenant à autrui. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le préfet de police a estimé que le comportement de l'intéressé, eu égard à la gravité des faits constatés et à leur caractère répété dans le temps, constituait une menace pour l'ordre public, nonobstant la circonstance qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation à ce titre.

8. En troisième lieu, si M. A... soutient qu'il dispose de garanties de représentation suffisantes, il ressort de ses écritures qu'il ne demande que l'annulation de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes laquelle ne se fonde pas sur l'absence de garanties de représentation. Par suite, ce moyen est inopérant et doit être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. A... soutient résider en France avec sa compagne, ressortissante colombienne en situation régulière, et les deux enfants de cette dernière, et se prévaut de la présence sur le territoire français d'un enfant résidant à Toulouse qu'il verrait régulièrement et auquel il enverrait de l'argent, ainsi que de sa situation professionnelle dès lors qu'il travaille comme peintre en bâtiment. Toutefois, il ne produit aucun élément de nature à étayer ses allégations qui restent très générales et peu circonstanciées. Par suite, c'est sans méconnaître les stipulations précitées, ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que le préfet de police a ordonné la remise de l'intéressé aux autorités italiennes.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision du 13 mai 2023.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2304292 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Versailles du 24 juillet 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente,

M. Camenen, président-assesseur,

Mme Houllier, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

La rapporteure,

S. HOULLIERLa présidente,

C. SIGNERIN-ICRELa greffière,

T. RENÉ-LOUIS-ARTHUR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 23VE02004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE02004
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Sarah HOULLIER
Rapporteur public ?: Mme JANICOT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;23ve02004 ?
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