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30/11/2000 | FRANCE | N°99-02557

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 30 novembre 2000, 99-02557


COUR D'APPEL D'AMIENS

1 ère Chambre

ARRÊT DU 30 Novembre 2000 RG : 99/02557 APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'ABBEVILLE DU 04 MAI 1999 PARTIES EN CAUSE : X... CONTRE X... DEBATS :

A l'audience publique du 26 Octobre 2000 ont été entendus les avoués et les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS : Mme MERFELD, Président de Chambre, M. Y... etamp; M. COURAL, Conseillers, qui ont renvoyé l'affaire à l'audience publique du 30 Novembre 2000 pour prononcer l'arrêt et en ont délibéré conformÃ

©ment à la loi. GREFFIER EN CHEF : Melle MATHIA Z... : A l'audience publique d...

COUR D'APPEL D'AMIENS

1 ère Chambre

ARRÊT DU 30 Novembre 2000 RG : 99/02557 APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'ABBEVILLE DU 04 MAI 1999 PARTIES EN CAUSE : X... CONTRE X... DEBATS :

A l'audience publique du 26 Octobre 2000 ont été entendus les avoués et les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS : Mme MERFELD, Président de Chambre, M. Y... etamp; M. COURAL, Conseillers, qui ont renvoyé l'affaire à l'audience publique du 30 Novembre 2000 pour prononcer l'arrêt et en ont délibéré conformément à la loi. GREFFIER EN CHEF : Melle MATHIA Z... : A l'audience publique du 30 Novembre 2000, Mme MERFELD, Président, assistée de M. A..., Greffier, a prononcé l'arrêt dont la minute a été signée par le Président et le Greffier. DECISION :

Les époux B... agissant en qualité d'administrateurs légaux de leur fille Sandra née le 8 Décembre 1980 ont assigné David

X... le 14 Avril 1998 devant le Tribunal de Grande Instance D'ABBEVILLE aux fins d'obtenir sa condamnation à payer 80000 francs de dommages intérêts à Sandra X... en réparation du préjudice moral qu'il lui a causée.

Le préjudice résultait des agressions sexuelles auxquelles l'intéressé s'était livré sur la personne de sa nièce en 1986 et 1987 alors que l'enfant était âgée de 6 et 7 ans.

Mr DAVID X... ayant conclu au rejet de cette demande à titre principal, un jugement du Tribunal De Grande Instance D'ABBEVILLE DU 4 Mai 1999 a relevé que la prescription ne courrait pas contre les mineurs non émancipés ; que le défendeur avait porté atteinte à l'intégrité physique et morale de sa nièce ; que le préjudice de Sandra X... ainsi que le lien de causalité avec la faute de son oncle étaient établis ; il a condamné en conséquence David X... à payer à Sandra X... une somme de 50000 francs à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de 3000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Mr DAVID X... a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 Juillet 1999;

L'appelant a conclu le 14 Juin 2000 à l'infirmation du jugement.

Il a demandé au principal à la Cour de déclarer prescrite l'action en responsabilité formée à son encontre, à titre subsidiaire de réduire à de plus justes proportions les condamnations prononcées par les premiers juges , de débouter Melle Sandra X... de ses prétentions et fins contraires.

Il invoque que les faits reprochés s'étant déroulés entre 1986 et 1987, période ou Sandra était au cours préparatoire et l'assignation n'ayant été délivrée qu'en Avril 1998, l'action est prescrite par application de l'article 2270-1 ; qu'il n'a jamais renoncé à se prévaloir de cette prescription ni expressément ni tacitement ;

Qu'à cet égard le fait de soulever une défense au fond ne peut être considéré comme une renonciation tacite à se prévaloir de la prescription ; que les dispositions de l'article 2221 du Code Civil n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce, d'autant que celles-ci résultent d'une loi du 17 Juin 1998 postérieure à l'acquisition de la prescription.

Sur le fond il fait valoir que le procès-verbal invoqué par Melle X... établi par la gendarmerie de Flixecourt dont il ressortirait que Sandra a été victime alors qu'elle était âgée de 6 - 7 ans d'attouchements sexuels et le certificat médical du docteur C... sont insuffisants pour démontrer l'existence d'un préjudice actuel lié aux faits commis en 1987 ;

Que Sandra X... n'a dévoilé qu'en 1997 qu'elle aurait été victime d'attouchements sexuels et alors qu'elle était fermement interrogée par un conseiller d'orientation sur son absentéisme scolaire ;

Que la jeune fille présentait alors des problèmes psychologiques liées à ce phénomène d'absentéisme ; qu'elle a fait état de tels faits pour excuser une situation embarrassante qui aurait pu entraîner une exclusion de l'établissement scolaire ;

Qu'aucun élément ne justifie que la tentative d'autolyse faite par Sandra X... résulterait de faits dont elle aurait été victime il y a plus de 10 ans ;

Que la jeune femme est en réalité en proie aux faiblesses de son âge et aux déconvenues de toutes sortes ;

Qu'ainsi elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice actuel lié aux faits de 1987 et ne pourra qu'être déboutée de ses prétentions.

L'intimée a conclu le 16 Mai 2000 à la confirmation de la décision.

Elle a demandé à la Cour de porter l'indemnité au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû engager à 10000 francs.

Elle a conclu au rejet de la fin de non recevoir tirée de la prescription et déjà écartée par les premiers juges, se référant aux dispositions de l'article 2252 du Code Civil.

Elle soutient au demeurant qu'il résulte des écritures mêmes de David X... que celui-ci a renoncé à la prescription ;

Qu'en effet dans ses conclusions du 28 octobre 1998, l'appelant avait invoqué que la tentative d'autolyse qu'elle a faite résultait de faits remontant à plus de 10 ans ;

Que visant ce délai sans en tirer la conséquence quant à la prescription, Mr X... a nécessairement renoncé à se prévaloir de ladite prescription ;

Que selon l'article 2221 du Code Civil, la renonciation à la prescription peut être tacite ;

Sur le fond, l'intimée invoque l'audace de David X... qui croit pouvoir soutenir que les pièces produites seraient insuffisantes pour attester de son préjudice.

Elle fait état de l'enquête de gendarmerie qui aurait pu conduire l'intéressé en Cour D'Assises ainsi que des témoignages de Mme D... et d'Alain X... qui attestent de la réalité des troubles consécutifs aux attouchements sexuels subis.

Elle fait remarquer que la confrontation avec l'auteur des faits avait été particulièrement pénible ainsi que les enquêteurs l'ont relevé ; qu'elle a fait l'objet d'un suivi en centre médico psychologique et que malgré les soins, elle a fait le 6 Juillet 1997 une tentative de suicide par absorption médicamenteuse ;

Que ses malaises s'inscrivent dans ceux habituellement constatés chez les victimes d'agressions sexuelles ;

Qu'elle était âgée de 6- 7 ans lorsque son oncle a assouvi ses pulsions.

Elle conclut que le tribunal a justement relevé que les documents médicaux et scolaires produits attestaient suffisamment de ses troubles psychologiques et que le lien de causalité avec la faute de son oncle était établi.

La procédure a été déclarée close le 27 Septembre 2000. SUR CE

Sur la prescription

Attendu que l'action engagée par les parents de Sandra X... es qualité d'administrateurs légaux durant sa minorité et reprise par celle-ci à sa majorité se fonde sur le préjudice moral causé par les attouchements dont elle indique avoir été victime de la part de David X... son oncle, faits commis en 1986 - 1987 alors qu'elle était âgée de 6 à 7 ans ;

Attendu que l'action a été engagée suivant assignation du 14 Avril 1998 ;

Que certes l'article 2270-1 du Code Civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 Juin 1998, non applicable lorsque la demande a été formée prévoyait que les actions en responsabilité extra contractuelle se prescrivaient par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ;

Que si l'appelant est fondé à soutenir que le fait qu'il n'ait pas soulevé la prescription dans ses conclusions de première instance déposées le 9 Septembre 1998 ne peut être considéré comme manifestant sa renonciation à se prévaloir de ladite prescription, dès lors que les dispositions de l'article 2221 du Code Civil ne peuvent être appliquées que si la renonciation tacite résulte de façon non équivoque des actes accomplis et que le dépôt de conclusions au fond hors tout autre élément n'exprime pas une volonté de renoncer au moyen de la prescription, étant relevé que les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause et après qu'il ait été

conclu au fond, Mr David X... ne saurait faire abstraction des dispositions de l'article 2252 du Code Civil ;

Que celles-ci disposent que la prescription ne court pas contre les mineurs non émancipés, sauf ce qui est dit à l'article 2278 du Code Civil ;

Que cette suspension de prescription, personnelle au mineur, ne permet pas à l'appelant de se prévaloir de la prescription de l'action dans la mesure ou les faits ont été commis durant la minorité de l'enfant, et les demandes formées durant sa minorité par les représentants légaux de Sandra X... et reprises par celle-ci dès sa majorité ;

Que la fin de non recevoir invoquée par Mr David X... en cause d'appel infondée sera rejetée ;

Sur la demande de dommages et intérêts

Attendu que l'appelant sur le fond conteste que les troubles psychologiques présentés par la jeune Sandra X... dont il reconnaît la réalité aient pour cause les attouchements sexuels qui lui ont été reprochés ;

Attendu à cet égard qu'il résulte de la procédure pénale versée aux débats et notamment de l'enquête de gendarmerie de la brigade de Flixecourt que Mr David X... avait reconnu en mai 1997 les faits d'agressions sexuelles sur la personne de sa nièce, commis il y a une dizaine d'années selon sa déclaration ; qu'il avait indiqué alors qu'alors que Sandra venait chez sa mère à AILLY LE HAUT CLOCHER

les mercredi, il avait à plusieurs reprises pratiqué des attouchements sur les parties sexuelles allant jusque'à mettre son doigt dans le sexe de l'enfant ; que l'enquête fait apparaître que ces faits ont duré plusieurs mois, six vraisemblablement, l'enfant ayant été alors menacée par l'auteur d'être punie si elle le dénonçait à qui que ce soit ;

Attendu que le traumatisme immédiat subi par l'enfant est attesté par la déclaration de Mme Pierrette D..., mère de l'enfant qui a indiqué avoir constaté à l'époque des faits des problèmes d'énurésie alors que la fillette était propre depuis l'âge de 18 mois ainsi que des angoisses répétées ;

Que le père de la jeune fille, Alain X... a confirmé aux enquêteurs l'existence de problèmes psychologiques de la jeune Sandra laquelle était selon ses termes dans "un monde à part" ; qu'il apparaissait que ce comportement se traduisait par un isolement volontaire et par un état dépressif ;

Attendu par ailleurs que lors de la confrontation, l'intéressée avait maintenu l'existence des attouchements sexuels dont elle avait été victime dans son jeune âge en termes non équivoques ;

Qu'elle précisait "qu'elle s'était décidée à parler du problème qui la perturbait depuis longtemps" ;

Qu'elle indiqué vouloir attirer de part l'absentéisme scolaire auquel elle se livrait, l'attention sur ses difficultés, et ce en raison de ce que ses parents n'accordaient pas d'importance à ses problèmes ;

Attendu que l'appelant ne serait soutenir que les révélations faites par Melle X... alors âgée de 17 ans l'ont été pour détourner l'attention sur son absentéisme scolaire et non en réponse à des problèmes psychologiques réels dans la mesure ou les rapports et signalements émanant des responsables du lycée ou la jeune fille était scolarisée attestent de la réalité de tels problèmes ;

Que le rapport de renseignements administratifs du lycée fait état de ce que "Sandra à l'occasion d'un problème mineur de scolarité a évoqué un épisode de sa vie très douloureux pour elle ... qu'elle se souvient encore avoir été l'objet d'attouchements sexuels répétées de la part de son oncle alors qu'elle était scolarisée au cours préparatoire ; que Sandra n'en a jamais parlé à personne et éprouve le besoin d'être désormais soutenu psychologiquement" ;

Que le service social scolaire fait également mention de cette révélation d'un " "problème d'abus sexuel" et de la nécessité d'un suivi psychologique ;

Attendu qu'il est aussi ,attesté par le docteur E... d'une tentative de suicide faite par l'intéressée le 6 juillet 1997 par absorption médicamenteuse, à la période de l'enquête pénale ;

Attendu que la réalité des troubles psychologiques et du préjudice moral consécutifs aux agissements de Mr DAVID X... apparaît des lors manifeste en regard des éléments susvisés ;

Que s'il ne peut être déterminé si l'intégralité de ces problèmes est la conséquence des faits commis par David X..., il n'en demeure pas moins que le lien de causalité entre les troubles

présentés par Sandra X... tant dans sa petite enfance qu'à l'adolescence et les agissements fautifs de l'appelant est patent ;

Qu'il est incontestable que les victimes d'abus sexuels connaissent des répercussions psychologiques et morales dont la manifestation peut s'avérer tardive, le retentissement étant différé dans le temps ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré Mr David X... responsable sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil du dommage moral subi par l'intimée ;

Qu'eu égard à l'importance du préjudice, le premier juge a justement fixé l'indemnisation du préjudice à 50000 francs ;

Que la décision contestée sera confirmée en toute ses dispositions ; Attendu qu'il sera alloué à l'intimée au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'engager en appel une indemnité supplémentaire de 4000 francs ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel en la forme,

Au fond,

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par Mr David X...,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne Mr David X... aux dépens d'appel et autorise Me CAUSSAIN avoué, à les recouvrer directement conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Mr David X... à verser à Melle Sandra X... une indemnité de 4000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Numéro d'arrêt : 99-02557
Date de la décision : 30/11/2000

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Suspension - Mineur non émancipé - Action en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle - Dommage ou aggravation - Réparation - /

L'article 2221 du Code civil ne peut être appliqué que si la renonciation tacite résulte de façon non équivoque des actes accomplis. Or, le dépôt de conc- lusions au fond hors tout autre élément n'exprime pas une volonté de renoncer au moyen de la prescription. La suspension de prescription de l'article 2252 du Code civil personnelle au mineur ne permet pas à l'appelant de se prévaloir de la prescription de l'action dans la mesure ou les faits ont été commis durant la minorité de l'enfant et les demandes formées durant sa minorité par les représentants légaux du mineur et reprises par celui-ci dès sa majorité


Références :

Articles 2221 et 2252 du Code civil

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2000-11-30;99.02557 ?
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