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30/03/2005 | FRANCE | N°212

France | France, Cour d'appel d'Angers, Ct0014, 30 mars 2005, 212


COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE B GT/SM

X... N AFFAIRE N : 04/00767 Jugement du 18 Février 2004 Tribunal de Grande Instance du MANS no d'inscription au RG de première instance 03/00614AB

X... DU 30 MARS 2005

APPELANTE : LA MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD, venant aux droits de la Société WINTERTHUR ASSURANCES 10 Boulevard Alexandre Oyon 72000 LE MANS représentée par Maître VICART, avoué à la Cour assistée de Maître LOISEAU, avocat au barreau d'ANGERS. INTIMÉES : Madame Françoise Y... épouse Z... 8 rue Alfred de Musset 35131 CHARTRES DE BRETAGNE représe

ntée par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour assistée de Maître GUILLAUD...

COUR D'APPEL D'ANGERS 1ère CHAMBRE B GT/SM

X... N AFFAIRE N : 04/00767 Jugement du 18 Février 2004 Tribunal de Grande Instance du MANS no d'inscription au RG de première instance 03/00614AB

X... DU 30 MARS 2005

APPELANTE : LA MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD, venant aux droits de la Société WINTERTHUR ASSURANCES 10 Boulevard Alexandre Oyon 72000 LE MANS représentée par Maître VICART, avoué à la Cour assistée de Maître LOISEAU, avocat au barreau d'ANGERS. INTIMÉES : Madame Françoise Y... épouse Z... 8 rue Alfred de Musset 35131 CHARTRES DE BRETAGNE représentée par la SCP DUFOURGBURG-GUILLOT, avoués à la Cour assistée de Maître GUILLAUDEUX substituant Maître MANISE, avocats au barreau de SAINT MALO. L'ETABLISSEMENT FRANOEAIS DU SANG PAYS DE LA LOIRE venant aux droits du CRTS DE MAINE NORMANDIE 34 Boulevard Jean Monnet 44011 NANTES représentée par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour assistée de Maître BILLAUD, avocat au barreau de RENNES. LA MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF) 200 avenue Salvador Allende 79000 NIORT représentée par la SCP GONTIER-LANGLOIS, avoués à la Cour assistée de Maître LE DEUN, avocat au barreau du MANS. COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Février 2005 à 14 H 00, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur DELÉTANG, président de chambre

Monsieur MOCAER, conseiller

Monsieur TRAVERS, conseiller

qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : Madame FEBVRET X... : contradictoire

Prononcé publiquement le 30 mars 2005, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues aux deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELETANG, président, et par Madame PRIOU, greffier. FAITS ET PROCÉDURE

Madame Z... a été victime le 11 juillet 1987 d'un accident de la circulation, alors qu'elle était passagère d'un véhicule conduit par Madame A... assurée auprès de la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF).

Atteinte d'un polytraumatisme grave, elle a été hospitalisée au Centre hospitalier du MANS, où elle a subi plusieurs transfusions sanguines entre le 11 juillet et le 5 août 1987.

A l'occasion d'un dépistage réalisé en 1997 dans le cadre d'un bilan de grossesse, il a été découvert qu'elle avait été contaminée par le virus de l'hépatite C.

Madame Z... a sollicité et obtenu par ordonnance de référé du 31 juillet 1998 la désignation d'un expert en la personne du professeur GENETET, qui a conclu, d'une part, que la transfusion s'avérait un facteur de risque, non démontrable par l'enquête de personnalité, mais scientifiquement et potentiellement réel, d'autre part, que l'intéressée selon toute vraisemblance était actuellement guérie.

Au vu de ces conclusions, Madame Z... a fait assigner en responsabilité et réparation de son préjudice le CENTRE DE TRANSFUSION SANGUINE DE MAINE NORMANDIE, aux droits duquel vient

l'ÉTABLISSEMENT FRANOEAIS DU SANG-PAYS DE LA LOIRE (EFS), lequel a appelé en garantie la MAIF. La MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD (MMA), venant aux droits de WINTERTHUR ASSURANCES, est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité d'assureur de l'EFS.

Par jugement en date du 18 février 2004, le Tribunal de grande instance du MANS a :

- déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par l'ÉTABLISSEMENT FRANOEAIS DU SANG,

- condamné in solidum l'ÉTABLISSEMENT FRANOEAIS DU SANG et la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD à payer à Madame Z... la somme de 18 000 ç à titre de dommages intérêts, outre celle de 2 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de ce chef,

- débouté l'ÉTABLISSEMENT FRANOEAIS DU SANG et la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD de leur action à l'encontre de la MAIF,

- condamné les mêmes à payer à la MAIF la somme de 800 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD a interjeté appel de cette décision par déclaration du 9 mars 2004.

Les parties ont conclu. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2005.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions du 14 janvier 2005, par lesquelles la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la Cour de :

- condamner la MAIF à la garantir de toutes les sommes qui pourraient être prononcées à son encontre, en application des articles 1382 et 1251 du Code civil,

- débouter Madame Z... de son appel incident et dire les sommes

allouées en première instance satisfactoires,

- condamner la MAIF à lui verser la somme de 2 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions du 17 janvier 2005, par lesquelles l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG-PAYS DE LA LOIRE, intimé et appelant incident, demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Madame Z... une somme de 18 000 ç en réparation de son préjudice et en ce qu'il a condamné les MUTUELLES DU MANS à le garantir des condamnations prononcées à son encontre,

- l'infirmer pour le surplus et condamner la MAIF à le garantir intégralement ainsi que les MUTUELLES DU MANS des condamnations prononcées à leur encontre et à lui verser une somme de 1 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions du 4 décembre 2004, par lesquelles Madame Z..., intimée et appelante incidente, demande à la Cour de fixer son préjudice à la somme de 26 232 ç de confirmer pour le surplus le jugement et de condamner in solidum l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG et la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD à lui payer la somme de 5 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions du 24 janvier 2005, par lesquelles la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE, intimée, demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la MMA IARD et l'EFS de leur recours en garantie contre elle, au besoin par substitution de motifs, et de condamner la première et tout contestant à lui verser la somme de 2 500 ç par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS

Les contestations ne portent que sur la fixation du préjudice de

Madame Z... et sur le recours en garantie exercé par la MMA IARD et l'EFS contre la MAIF. Le jugement sera donc confirmé sur le surplus.

Sur le préjudice de Madame Z...

Madame Z... est née le 3 juin 1960. Elle avait donc 37 ans lors du diagnostic biologique d'hépatite C effectué le 5 août 1997. Elle exerce la profession d'enseignante depuis 1986 et est mère de deux enfants nés en juillet 1994 et juillet 1997.

Il résulte du rapport d'expertise que, de mars 1998 à mars 1999, elle a été soumise d'abord pendant quatre mois à une cure d'Interféron puis ensuite pendant neuf mois à une bithérapie (Interféron et Ribavirine). Ce traitement a notamment occasionné un syndrome pseudo-grippal (fièvre, courbatures, arthralgies) et initié une forte fatigue ainsi que des problèmes, toutefois mineurs, d'allergie (épisodes d'urticaire marqué) et de labilité thymique. A l'issue de ce traitement, elle est, selon toute vraisemblance, et ce en l'état des données scientifiques actuelles, guérie.

Selon l'expert, bien que guérie, elle a subi du fait de la contamination par le VHC un certain nombre de préjudices relevant :

- des domaines physiologique et somatique à type d'asthénie,

- du domaine médical : plusieurs hospitalisations, prélèvements, notamment biobsique et de sang, et surtout les effets secondaires d'un traitement de longue durée (13 mois),

- et essentiellement du domaine psychologique :

. préjudice lié à la découverte de la contamination, alors qu'elle était enceinte, ce qui pouvait constituer à ses yeux un risque, non seulement pour elle-même mais également pour l'enfant à naître,

. préjudice lié au nouveau manque de chance, dans sa vie, après l'accident gravissime de 1987 et ses conséquences à long terme notamment sur le déroulement de la carrière professionnelle,

. préjudice lié à la peur de contaminer, outre l'enfant porté, ses proches, notamment son mari et son premier enfant,

. préjudice d'agrément, cependant mineur, par rapport au préjudice esthétique lié aux problèmes dermatologiques chez une enseignante,

. pretium doloris chiffrable à 3,5/7, soit entre modéré et moyen.

Au vu de ces conclusions et des attestations versées aux débats, la Cour estime que le Tribunal a justement évalué les postes de préjudice de Madame Z..., en chiffrant à 6 000 ç chacune les indemnités réparatrices des troubles dans les conditions d'existence, du préjudice moral en toutes ses composantes et du pretium doloris, soit 18 000 ç. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur le recours en garantie de la MMA IARD et de l'EFS contre la MAIF Le Tribunal a débouté l'EFS et la MMA IARD de leur action récursoire, au motif que l'existence d'une faute du conducteur en relation avec la contamination du sang n'était pas rapportée.

Au soutien de leur appel, l'EFS et la MMA IARD font valoir, d'une part, que les transfusions sanguines, considérées comme étant à l'origine de la contamination en vertu de la présomption d'imputabilité prévue par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, ont été rendues nécessaires par l'accident de la circulation impliquant le véhicule de Madame A..., d'autre part, que la MAIF ne peut valablement contester la responsabilité de son assurée, puisqu'elle a indemnisé totalement la victime suivant transaction du 17 avril 1989. La MMA IARD ajoute qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'EFS, car il n'était pas possible à l'époque de dépister le virus de l'hépatite C dont le génome n'a été découvert qu'en 1989. Elles considèrent dès lors que l'accident doit être tenu comme seul et unique responsable du sinistre et s'estiment fondées, dans ces conditions, à solliciter, sur le fondement des articles 1382 et 1251

du Code civil, la garantie totale de la MAIF.

La MAIF rétorque en premier lieu que la présomption de causalité de l'article 102 n'est opposable qu'au Centre de transfusion sanguine et qu'à son égard, la preuve doit être rapportée que la contamination par le virus de l'hépatite C est imputable aux transfusions qui ont été effectuées après l'accident. Elle soutient en second lieu que l'accident n'est pas dû en l'espèce à une quelconque faute de conduite de son assurée mais est simplement la conséquence d'un malaise. Elle en déduit que cela exclut toute faute de sa part, de surcroît en relation avec la contamination du sang, et tout recours en garantie, d'autant que le préjudice ne serait pas en relation de causalité direct avec la faute alléguée.

Il ressort des dispositions dérogatoires de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins, qu'en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date de l'entrée en vigueur de ladite loi, seule la victime bénéficie d'une présomption de causalité entre la transfusion et la contamination.

Dans leurs rapports avec la MAIF, il appartient en conséquence à l'EFS et à la MMA IARD de rapporter la preuve que les transfusions sanguines qui ont été nécessitées par l'accident sont à l'origine de la contamination

Sur ce plan, il résulte clairement du rapport d'expertise que, si la transfusion s'avère un facteur de risque scientifiquement et potentiellement réel, il n'existe en l'espèce "aucune preuve formelle et certaine" que le virus qui a été présent chez Madame Z... a été d'origine transfusionnelle, sa transmission ayant notamment pu se faire lors des extractions dentaires subies par l'intéressée avant 1987.

Il y a lieu en conséquence, par substitution de motifs, de confirmer également le jugement sur ce point.

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Il convient d'allouer à l'intimée une indemnité de 1 000 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'équité ne commande pas en revanche de faire application de ce texte au profit des autres parties. PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement déféré ;

CONDAMNE in solidum l'ÉTABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG-PAYS DE LA LOIRE et la MMA IARD et la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD à payer à Madame Z... la somme de 1 000 ç en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LES CONDAMNE in solidum aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT D. PRIOU

B. DELÉTANG


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : 212
Date de la décision : 30/03/2005

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2005-03-30;212 ?
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