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15/01/2013 | FRANCE | N°11/00402

France | France, Cour d'appel d'Angers, 03, 15 janvier 2013, 11/00402


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 Janvier 2013

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00402.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 12 Janvier 2011, enregistrée sous le no 10/ 00358

APPELANT :
Monsieur Pascal X...... 44470 THOUARE SUR LOIRE
présent, assisté de Maître Muriel CHARBONNEAU, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMEE :
SARL ATMOS Rue Charles Sauria 49130 LES PONTS DE CE
représentée par Maître Gilles PEDRON (SCP)

, avocat au barreau d'ANGERS, en présence de Monsieur Y..., gérant

COMPOSITION DE LA COUR :
En app...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 Janvier 2013

ARRÊT N AD/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 00402.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 12 Janvier 2011, enregistrée sous le no 10/ 00358

APPELANT :
Monsieur Pascal X...... 44470 THOUARE SUR LOIRE
présent, assisté de Maître Muriel CHARBONNEAU, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMEE :
SARL ATMOS Rue Charles Sauria 49130 LES PONTS DE CE
représentée par Maître Gilles PEDRON (SCP), avocat au barreau d'ANGERS, en présence de Monsieur Y..., gérant

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2012 à 14 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne DUFAU, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Anne DUFAU, conseiller Madame Anne LEPRIEUR, conseiller
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : prononcé le 15 Janvier 2013, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame LECAPLAIN-MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******

FAITS ET PROCÉDURE
M. X... a été embauché par la sarl Atmos, dont l'activité est le nettoyage industriel, par contrat à durée indéterminée, à temps complet, du 1er Juin 2007, avec un salaire mensuel brut forfaitaire de 5500 € correspondant à un horaire hebdomadaire de 39 heures incluant 4 heures supplémentaires, et " la prime d'expérience ", en qualité de directeur commercial, niveau CA3 de la convention collective des entreprises de propreté, appliquée dans l'entreprise.
M. X... a bénéficié d'une reprise d'ancienneté au 13 janvier 1997.
Il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 15 février 2008 à 10 heures, dans les locaux de l'agence sise aux Ponts de Cé, en Maine et Loire, par lettre du 8 février 2008, dont il a refusé la remise en main propre et qui lui a été signifiée par huissier le 10 février 2008.
Il a été mis à pied à titre conservatoire par un mel que lui a adressé le gérant de la sarl Atmos, M. Y..., le 15 février 2008 à 19 heures 40, et qui lui a été signifié à sa personne, à son domicile, par huissier de justice, le 18 février 2008.
Il a été licencié pour faute grave par lettre du 20 février 2008.
La lettre de licenciement, établie en recommandé avec avis de réception, et une copie de l'avis de dépôt ont été remis au domicile du salarié, le 21 février 2008, par huissier de justice, à son fils mineur.
M. X... a contesté que son licenciement soit justifié, et a réclamé paiement de l'indemnité de préavis, de l'indemnité de licenciement, les salaires de la mise à pied, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et un rappel de prime d'ancienneté pour les mois de juin et septembre 2007.
Il a saisi à cette fin le conseil de prud'hommes de Nantes qui s'est déclaré incompétent au profit du conseil de prud'hommes d'Angers, lequel a convoqué la sarl Atmos pour une audience devant son bureau de jugement fixée au 11 août 2009.
Par jugement du 12 janvier 2011, le conseil de prud'hommes d'Angers a dit le licenciement de M. X... justifié par une cause réelle et sérieuse et une faute grave et a débouté M. X... de toutes ses demandes à ce titre.
M. X... a également été débouté de sa demande au titre de la prime d'ancienneté de juin 2007 et de septembre 2007, et condamné à payer à la sarl Atmos la somme de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le jugement a été notifié le 20 janvier 2011à M. X... et le 19 janvier 2011à la sarl Atmos.
M. X... a interjeté appel de ce jugement par lettre postée le 10 février 2011.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses écritures déposées au greffe le 1ER octobre 2012, reprises et soutenues oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, M. X... demande à la cour :- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,- statuant à nouveau de condamner la sarl Atmos à lui payer les sommes de : ¤ 1480, 54 €, outre 148 € pour les congés payés y afférents, au titre de la mise à pied, ¤ 16 500 €, outre 1650 € pour les congés payés y afférents au titre de l'indemnité de préavis, ¤ 8799, 99 € au titre de l'indemnité de licenciement, ¤ 82 500 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, ¤ 96, 91 € et 16, 85 € au titre de la prime d'ancienneté, ¤ 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... rappelle que la sarl Atmos a 600 salariés et qu'elle appartient à un groupe de sociétés exerçant dans le secteur de la propreté industrielle ; que c'est elle qui l'a " débauché " alors qu'il était depuis longtemps le salarié de la société Samsic, qui exerce le même type d'activité et emploie quant à elle 20 000 salariés, avec un poste à responsabilités et bien rémunéré ; qu'il a accepté le poste chez Atmos parce que cet emploi rapprochait sa femme de sa famille ; qu'il a dans ces conditions obtenu une reprise de son ancienneté au 13 janvier 2007, et l'absence de période d'essai.
Il affirme que son licenciement a pour véritable raison qu'il s'est opposé à certaines pratiques de l'entreprise, telle celle consistant à ne pas dépasser pour chaque établissement un effectif de 50 salariés, et ainsi ne pas avoir de comité d'entreprise, ou de déclarer les véhicules de société comme des utilitaires, pour récupérer la TVA.
Il expose que le licenciement a été non seulement infondé mais brutal puisque la lettre de licenciement lui a été signifiée par huissier de justice à son domicile.
A l'appui de sa contestation du bien fondé du licenciement, il soutient :- à titre principal, pour les trois premiers griefs qui lui sont reprochés, que l'employeur ne pouvait plus les reprendre dans la lettre de licenciement, car ils avaient déjà fait l'objet d'une sanction, et que la société Atmos avait épuisé son pouvoir disciplinaire dans le courriel du 5 février 2008 qui les énonçait déjà,- à titre subsidiaire qu'ils ne sont pas établis : qu'aucun ordre du jour n'était fixé pour la réunion du 1er février 2008 et qu'il s'agissait d'une réunion habituelle de commerciaux, pour laquelle on ne lui avait pas demandé de présentation précise ; qu'aucun manque de respect à ses collaborateurs n'est démontré, et qu'il a rendu compte de son activité dans les termes que M. Y... a énoncés par mails successifs et collectifs ; qu'il n'a monté sa propre entreprise de nettoyage qu'après avoir été licencié, et la clause de non concurrence ayant été levée dans la lettre de licenciement, l'employeur ne pouvant trouver là aucune preuve d'un manque d'implication de sa part dans ses fonctions.- quant au quatrième grief, que les recrutements d'attachés commerciaux, qu'il a continué à réaliser malgré l'engagement de la procédure de licenciement, ne peuvent constituer une faute grave alors qu'il lui restait trois mois de préavis à accomplir, et que le recrutement de commerciaux est une des tâches prévues dans son contrat de travail ; qu'en outre ces recrutements avaient été initiés dès janvier 2008 et qu'il n'y a eu aucune déloyauté de sa part à agir de la sorte.
M. X... réclame enfin un solde de 96, 91 € sur le salaire de juin 2007, et de 16, 85 € sur le salaire de septembre 2007, au titre de la prime d'ancienneté visée dans son contrat de travail.
****
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 23 août 2012, reprises et soutenues oralement à l'audience devant la cour, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la sarl Atmos demande à la cour :- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- de condamner M. X... à lui payer la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- de condamner M. X... aux dépens.
La sarl Atmos expose qu'elle avait initialement son siège social au Mans puis l'a déplacé en 2007 aux Ponts de Cé en Maine et Loire et qu'elle a décidé de créer un poste de directeur commercial pour favoriser son développement et celui de ses sociétés soeurs situées sur la façade atlantique ; que M. X... était en charge de ce développement commercial et devait assurer la prospection téléphonique et de terrain, analyser les besoins des clients, assurer la transmission des éléments commerciaux vers le responsable technique de chaque société, et présenter sous forme de tableaux de bord mensuels un compte rendu de son activité ; qu'était annexé au contrat de travail de M. X... une fiche d'objectifs portant sur la période allant de septembre 2007 à janvier 2008, pour trois établissements du groupe : Bordeaux, Nantes, et Le Mans.
Elle soutient que M. X... n'a pas donné satisfaction dans l'exercice de ses fonctions et qu'il a d'une part instauré avec la plupart de ses correspondants internes des relations " de mauvaise qualité " ; qu'il a rendu compte de son activité de façon irrégulière ; qu'il ne s'est pas impliqué, et n'a ainsi le 1er février 2008 lors d'une réunion au cours de laquelle devaient être exposés les résultats annuels des agences et les orientations commerciales de la société, fait qu'une intervention très succinte et dépourvue d'apport personnel ; qu'en réalité, selon elle, il se consacrait depuis janvier 2008 à la création d'une entreprise concurrente, la société EPSA, qu'il a créée dès le 29 mars 2008, et qu'il n'a cherché qu'à provoquer son employeur, pour contraindre celui-ci à le libérer immédiatement de ses obligations professionnelles, et à lever la clause de non concurrence.
Elle soutient pour justifier le licenciement :
- que le courriel du 5 février 2008 n'a aucun caractère disciplinaire et qu'il s'agit uniquement d'un échange professionnel entre un salarié et son supérieur hiérarchique qui demande à celui-ci de " se ressaisir ",- que les trois premiers griefs, qui caractérisent une insuffisance professionnelle, sont établis par la production de mels et d'attestations, et qu'elle abandonne le reproche portant sur le fait d'avoir insulté le chef d'agence de Rennes ; qu'il n'est pas reproché à M. X... une insuffisance de résultats, mais que son manque d'implication a eu pour conséquence que le chiffre d'affaires cumulé des trois agences, en janvier 2008, a été inférieur de 8000 € de celui de janvier 2007 ; que les agissements du quatrième grief révèlent que le salarié était dans une démarche de mauvaise volonté délibérée lorsqu'il a accompli les trois premiers.- que le 4ème grief, qui est le seul à caractériser une faute grave, est établi en ce que M. X... a le 15 février 2008, après son entretien préalable, et sans en avoir jamais parlé au directeur général ou au gérant de la sarl Atmos, ni en avoir fait mention lors du dit entretien préalable, demandé à une assistante commerciale de procéder aux démarches pour l'achat de quatre véhicules de société destinés à quatre attachés commerciaux qu'il a dit recruter à compter du 3 mars 2008, sans justifier ensuite de la réalité de ces recrutements ; qu'il y a eu là une manifestation de déloyauté incontestable puisque ce projet avait des conséquences financières importantes pour l'entreprise, et devait dès lors être porté à la connaissance de ses instances dirigeantes, et un manquement grave à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, justifiant la mise à pied immédiate.
A titre subsidiaire et si par extraordinaire le licenciement de M. X... devait être jugé comme étant dénué de cause réelle et sérieuse, la sarl Atmos demande à la cour de n'allouer qu'une indemnisation " symbolique ", puisque M. X... a commencé en mars 2008 l'activité de sa société EPSA, qu'il a immatriculée le 8 avril 2008, et qu'il réclame quinze mois de salaires à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu'il n'est resté que dix mois au sein de la sarl Atmos ; elle ajoute qu'il n'est dû aucune somme à M. X... au titre de la prime d'ancienneté, alors que le minimum conventionnel correspondant à sa catégorie d'emploi est de 2864, 16 € et qu'il a bien perçu en juin 2007 les 5501, 41 € convenus, et 5484, 41 € pour septembre 2007, car un rappel de salaire a été versé en octobre 2007 pour un montant de 666, 99 € s'ajoutant aux 4817, 42 € figurant sur le bulletin de salaire de septembre 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement :
¤ Sur les trois premiers griefs :
Il est acquis que l'employeur a le 5 février 2008 adressé au salarié un courriel dans lequel plusieurs reproches sont faits à celui-ci, écrit dont la sarl Atmos soutient qu'il n'a pas néanmoins constitué un avertissement, et qu'il n'a donc pas le caractère d'une sanction qui aurait d'ores et déjà, à cette date, épuisé son pouvoir disciplinaire.
Ce courriel est ainsi libellé :
" Bonjour Pascal, N'ayant pu vous joindre hier soir ni ce matin, je vous envoie un courriel. Tout d'abord j'ai été très surpris de votre intervention lors de notre réunion de vendredi dernier où vous n'aviez absolument rien préparé et ne souhaitiez pas prendre la parole alors qu'il était prévu (s) de longue date que vous le fassiez. C'est très dommage, c'était l'occasion de rentrer enfin dans votre rôle de directeur commercial que vous n'assumez pas encore. Je suis très déçu, et j'ai vraiment l'impression que vous n'arrivez pas à vous intégre (z) dans notre entreprise et que vous ne faites aucun effort pour cela. D'autre part, est ce parce que vous n'avez pas de résultat que vous m'évitez systématiquement ou est ce votre mode de fonctionnement ? Je ne pourrais évidement pas continuer de travailler avec un fantôme. Lors de votre entretien d'embauche, vous prétendiez pouvoir développer un minimum de 2000 Euros par agence et je vous demandais de me rendre compte quotidiennement de l'activité du développement commercial. Aujourd'hui aucun de ces objectifs n'est réalisé. Comptant sur ces résultats, je n'ai pas hésité à vous donner tous les moyens dont aviez besoin ainsi que la rémunération et même la marque et le véhicule que vous souhaitiez. J'exige aujourd'hui de vous un radical changement de comportement avec vos collègues de travail et surtout et enfin une vraie et durable implication dans notre organisation. Jean Luc Y... ".
Aux termes de l'article L1331-1 du code du travail " constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction sa carrière ou sa rémunération ".
Il ressort du courriel du 5 février 2008 que l'employeur fait reproche à M. X..., quelques jours après la tenue, le 1er février 2008, d'une réunion rassemblant les commerciaux, non pas d'avoir effectué une prestation de mauvaise qualité, mais de n'avoir pas voulu intervenir, ce qui s'est manifesté par le fait qu'il n'avait pas préparé une prise de parole, alors que celle-ci était attendue, qu'il lui reproche également de ne faire aucun effort pour tenir sa place dans l'entreprise, de ne pas lui rendre compte quotidiennement de son activité alors qu'il le lui a demandé, et qu'il lui fait grief de son comportement avec ses collègues de travail.
Ce courriel évoque une rupture de la relation de travail si les faits reprochés devaient persister, et fait injonction au salarié de changer son comportement.
Il ne peut par conséquent s'agir là de la description de simples insuffisances professionnelles non fautives, constatées par la sarl Atmos malgré les efforts accomplis par le salarié pour réaliser les tâches confiées, puisqu'il est demandé à M. X... de " changer radicalement de comportement ", ce qui implique que l'employeur estime les faits reprochés fautifs, et juge son salarié en capacité de les faire cesser.
Ce courriel n'a pas, en outre, comme le soutient la sarl Atmos en cours d'instance, été adressé à M. X... pour lui permettre de se " ressaisir ", en mettant à profit ce qui serait resté de l'ordre du conseil, puisque trois jours après, le 8 février 2008 sans qu'aucun fait nouveau ne soit intervenu à cette dernière date qui soit retenu comme un grief dans la lettre de licenciement, le gérant de la sarl Atmos a fait porter par huissier au salarié une convocation à un entretien préalable au licenciement.
Il résulte des dispositions combinées des articles L1332-2 et R1332-2 du code du travail que lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction à l'égard de son salarié, il doit la lui notifier soit par remise en main propre contre récépissé, soit en l'adressant par lettre recommandée, mais la loi ajoute que ces règles s'appliquent " sauf si la sanction est un avertissement ou une sanction de même nature ".
A défaut pour le législateur d'avoir spécifiquement prévu sous quelle forme une sanction moins importante que le licenciement ou la mise à pied, du type de l'avertissement, devait être portée à la connaissance du salarié, celui-ci peut dès lors en être informé par tous moyens, et l'envoi d'un mail, dont il accuse réception, constitue l'information requise par l'article L. 1332-1 pour toute sanction, quelle qu'elle soit.
Il est donc acquis que le courriel du 5 février 2008, que M. X... a reçu et auquel il a répondu, a constitué à son égard une sanction disciplinaire.
Un même fait ne peut donner lieu à deux sanctions successives, et si la sarl Atmos soutient que le courriel du 5 février 2008 n'a pas constitué une sanction disciplinaire, elle ne conteste pas que les faits qui y sont reprochés soient repris à l'identique dans l'énoncé des trois premiers griefs de la lettre de licenciement, qui est ainsi libellée :
" Monsieur, Lors de notre entretien du 15 février 2008 à 10 heures auquel vous vous êtes présenté assisté d'un conseiller extérieur nous vous avons fait part des griefs que nous étions amenés à formuler à votre encontre. Ces griefs se rapportent :- A une insuffisance manifeste d'implication dans vos fonctions et une incapacité à prendre la mesure de vos responsabilité de directeur commercial illustrée encore récemment par l'état d'impréparation de la réunion du 1er février dernier ;- A la mauvaise qualité de vos relations professionnelles avec de trop nombreux collaborateurs de l'entreprise (vous avez reconnu avoir insulté le chef d'agence de Rennes) ;- A l'insuffisance, la rareté et à la tardiveté des informations commerciales communiquées ce qui eu des conséquences sur les résultats très en deçà de ceux qui étaient attendus. Les explications recueillies lors de l'entretien préalable n'étaient pas de nature à nous convaincre que vous étiez en mesure de remédier à ces insuffisances professionnelles ".
Le grief d'insultes au chef d'agence de Rennes étant abandonné par la sarl Atmos, figurent dans la lettre de licenciement les griefs de manque d'implication, ce grief étant illustré comme dans le courriel du 5 février 2008 par la non préparation d'une intervention à la réunion du 1er février 2008, celui d'avoir de mauvaises relations avec les collaborateurs, et enfin celui de défaut d'information par le salarié sur son activité.
Dès lors que les faits visés dans la lettre de licenciement sont les mêmes que ceux pour lesquels l'employeur, les estimant fautifs, a le 5 février 2008 adressé une sanction disciplinaire au salarié, ils ne peuvent plus justifier le licenciement, et le jugement est infirmé en ce qu'il les a retenus comme caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement.
¤ sur le quatrième grief :
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.
Le quatrième grief, invoqué par l'employeur à l'appui de la faute grave, est ainsi libellé :
" Ce même 15 février à 16 heures 46 vous avez adressé à mademoiselle Z... un mail dont les termes étaient les suivants :
" Madame, Je vous informe à compter du 03/ 03/ 2008, (de) l'embauche de quatre attachés commerciaux pour les villes de Nantes, Bordeaux, Le Mans et Brest. Merci de mettre à disposition de ces personnes quatre véhicules de société dans le cadre de leurs missions, à partir du 03/ 03/ 2008. Cordialement Pascal X... "
Mademoiselle Z... m'en a adressé une copie accompagnée de ses premiers éléments de réponse. Je vous ai alors immédiatement adressé un mail formulé de la façon suivante :
" Monsieur X..., Mademoiselle Z... vient de m'adresser copie de votre courriel relatif à des procédures de recrutement que vous mèneriez actuellement. Nous vous demandons de les interrompre immédiatement et nous nous étonnons que vous n'ayez pas daigné nous en faire part lors de l'entretien préalable auquel vous avez participé ce matin. Un tel comportement constitue un grave manquement à votre obligation de loyauté. Ces agissements nous contraignent à vous notifier par la présente une mise à pied immédiate à titre conservatoire et ce jusqu'au terme de la procédure en cours. Salutations. Jean Luc Y... "
Ce message vous a été également notifié par voie d'huissier le lundi 18 février 2008. Les faits précédemment exposés caractérisent non seulement (des) insuffisances professionnelles réelles et sérieuses mais pour les faits les plus récents un manquement grave à vos obligations contractuelles en particulier de loyauté et d'exécution de bonne foi de votre contrat de travail qui nous contraignent à mettre fin immédiatement au contrat de travail vous liant à notre entreprise.
Ce licenciement pour faute grave est privatif de préavis et d'indemnités de licenciement. Il prend effet à la date d'envoi de la présente.
Nous précisons que nous vous libérons immédiatement de toute obligation de non concurrence à l'égard de la société.
Il vous appartient de prendre contact dès réception de la présente avec le secrétariat d'Atmos rue Charles Sauna 49130 LES PONTS DE CE afin de convenir d'un rendez-vous pour procéder à restitution des documents, de l'ordinateur portable, du mobile, du télé péage, de la carte de gasoil du véhicule qui vous ont été confiés et à la remise des documents de fin de contrat. Veuillez agréer, Monsieur, nos salutations distinguées. Le Gérant, Jean luc Y... "
Il ressort de ce libellé que la sarl Atmos reproche à M. X... d'avoir poursuivi des procédures de recrutement, sans en avoir fait part au gérant, M. Y..., lors de l'entretien préalable ; elle soutient en cours d'instance, que ces recrutements n'ont pas eu de réalité, et que la déloyauté de M. X... résulte de ce qu'il a " donné instruction à une simple attachée de direction de lancer la procédure d'achat de quatre véhicules sans avoir présenté ce projet aux conséquences financières importantes, ni à son directeur général, ni au gérant de la société " ;
Ce faisant, il apparaît d'une part qu'elle ajoute au libellé de la lettre de licenciement qui ne reproche que les recrutements, et non d'avoir initié un achat de véhicules, et d'autre part qu'elle se contredit en soutenant à la fois que M. X... a été déloyal en recrutant des collaborateurs et déloyal en n'en recrutant pas, tout en donnant pour instruction d'acquérir des voitures pour qu'ils exercent leurs fonctions ; au surplus, M. X... emploie dans son mel le terme de " mise à disposition " de véhicules de société, sans exiger qu'il s'agisse d'un achat, ni même préciser les modalités à employer.
La lettre de licenciement fixant les limites du litige, la faute grave soumise à l'examen de la cour est d'avoir procédé à des recrutements d'attachés commerciaux, sans en avoir informé la direction.
Or, le recrutement de commerciaux est précisément énoncé dans le contrat de travail de M. X... comme l'un des moyens qu'il peut choisir pour mettre en oeuvre les objectifs commerciaux à atteindre et il est ainsi écrit " qu'il a tout pouvoir pour recruter, encadrer, et sanctionner les salariés dont il aura besoin dans le cadre de ses fonctions ".
La décision de licenciement n'étant pas acquise au 15 février, M. X... a poursuivi l'exercice de ses fonctions dans le cadre contractuel, sans outrepasser ses pouvoirs, mais au contraire en effectuant les tâches qui lui étaient imparties, puisque la mise à pied conservatoire ne lui a été notifiée qu'en raison de l'envoi du mel à Mme Z..., et qu'aucune de ses tâches contractuelles n'avait été modifiée ou ne lui avait été retirée, lorsqu'il a effectué cet envoi.
Il est d'autre part établi qu'il n'a pas agi de manière dissimulée, mais qu'il avait procédé depuis janvier 2008 à des entretiens de recrutement ; en outre, les instructions données par M. X... ont été énoncées le 15 février 2008, pour une échéance au 3 mars 2008 soit 17 jours plus tard, ce qui laissait à sa hiérarchie toute latitude pour en apprécier le bien fondé, les confirmer ou les infirmer.
La déloyauté invoquée n'est pas établie, et le grief ne caractérise pas une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, le jugement étant infirmé sur ce point ; il ne caractérise pas plus une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Les développements faits d'autre part par la sarl Atmos sur l'insuffisance des résultats obtenus, sur le fait que M. X... n'a plus participé à la réunion hebdomadaire du lundi matin, et a cessé selon elle de traiter les dossiers en cours après la convocation à l'entretien préalable au licenciement, ou encore l'allégation selon laquelle il n'a pas adressé ses frais professionnels, ne correspondent pas à des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, qui fixe les imites du litige, et la cour n'a par conséquent pas à les examiner.
Par voie d'infirmation du jugement, le licenciement de M. X... est dit dénué de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement :
La faute grave ayant été invoquée par l'employeur, M. X... a été privé d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et son salaire ne lui a pas été versé pendant la durée de la mise à pied conservatoire.
La faute grave n'étant pas retenue par la cour, la sarl Atmos est en conséquence condamnée à verser à M. X... outre les congés payés y afférents, le salaire dû du 18 février 2008 au 20 février 2008 inclus, (et non celui dû du 15 février au 29 février comme il le réclame), puisqu'il résulte du bulletin de salaire du mois de février 2008 que la retenue pour mise à pied conservatoire a été effectuée à compter de la notification faite par huissier le 18 février, jusqu'au 20 février, et pour un montant de 646, 69 €.
Les parties s'accordent pour dire que l'indemnité de préavis due à M. X... est égale à trois mois de salaire, soit à la somme de 16 500 €, outre 1650 € au titre des congés payés y afférents.
L'indemnité de licenciement conventionnelle, plus favorable que l'indemnité légale, s'établit au montant de 8799, 99 €.
Justifiant d'une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, M. X... peut enfin prétendre à l'indemnisation de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l'article 1235-3 du code du travail, l'indemnité à la charge de l'employeur ne pouvant pas être inférieure aux salaires ou rémunération bruts des six derniers mois, lesquels se sont élevés à la somme brute de 31 653, 20 €.
Au moment du licenciement, M. X... était âgé de 41 ans, père de deux enfants de 9 et 12 ans, et bénéficiait de 11 ans et un mois d'ancienneté, selon la reprise d'ancienneté mentionnée dans son contrat de travail.
Il a fait immatriculer le 8 avril 2008 au registre du commerce et des sociétés de Nantes une sarl à associé unique et au capital de 4500 €, ayant pour objet social les activités de nettoyage et de services associés, entretien, petites fournitures et services divers, dont le début d'activité a été déclaré au 29 mars 2008.
Le salarié ayant été mis à pied dès le 15 février 2008 et disposant d'une longue expérience dans le domaine d'activité du nettoyage, cette création d'une petite structure, à faible capital et déclarée en exploitation directe, est compatible avec un délai de mise en place de près de deux mois et équivaut à une recherche d'emploi sans cependant être source immédiate de revenu.
En considération de cette situation personnelle, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, par voie de réformation du jugement déféré, la réparation due à l'appelant à la somme de 70 000 €.
Par voie d'infirmation du jugement, la sarl Atmos est condamnée à payer à M. X... les sommes sus-visées.
Sur la prime d'ancienneté :
M. X... n'explicite pas sa demande, ni les montants retenus, tandis que le bulletin de salaire de juin 2007 montre que la prime d'ancienneté (ou d'expérience), visée à l'article 5 de son contrat de travail comme étant incluse dans le montant mensuel forfaitaire de 5500 € brut, lui a bien été réglée, et que le salaire de septembre 2007, dans un premier temps en effet erroné, a fait l'objet d'un rappel figurant sur le bulletin d'octobre 2007 pour 666, 99 € ce qui en porte le montant total à la somme de 5484, 41 €.
Par voie de confirmation du jugement M. X... est débouté de sa demande à ce titre.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dispositions du jugement afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens sont infirmées.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais non compris dans les dépens et engagés dans la première instance et dans l'instance d'appel ; la sarl Atmos est condamnée à lui payer, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2000 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel, et doit être déboutée de sa propre demande.
La sarl Atmos qui succombe à l'instance est condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande au titre de la prime d'ancienneté de juin 2007 et de septembre 2007,
L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau, et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. X... est dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la sarl Atmos à payer à M. X... les sommes de :
¤ 646, 69 € au titre du salaire dû pendant la mise à pied conservatoire, outre 64, 66 € au titre des congés payés y afférents, ¤ 16 500 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1650 € au titre des congés payés y afférents, ¤ 70 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ¤ 8799, 99 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
Condamne la sarl Atmos à payer à M. X... la somme de 2000 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et la déboute de sa demande à ce titre,
Condamne la sarl Atmos à supporter les dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : 03
Numéro d'arrêt : 11/00402
Date de la décision : 15/01/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-01-15;11.00402 ?
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