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20/02/2019 | FRANCE | N°17/002814

France | France, Cour d'appel de Bastia, 04, 20 février 2019, 17/002814


ARRET No
-----------------------
20 Février 2019
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R No RG 17/00281 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXCX
-----------------------
R... N...
C/
SAS COMPTOIR ELECTRIQUE FRANCAIS (C.E.F. - YESSS ELECT RIQUE)
----------------------Décision déférée à la Cour du :
04 octobre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA
F 15/00206
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANT :

Monsieur R... N...
[...]
Représenté par Me

Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

SAS COMPTOIR ELECTRIQUE FRANCAIS (C.E.F. - YESSS ELECT RIQUE) Prise e...

ARRET No
-----------------------
20 Février 2019
-----------------------
R No RG 17/00281 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXCX
-----------------------
R... N...
C/
SAS COMPTOIR ELECTRIQUE FRANCAIS (C.E.F. - YESSS ELECT RIQUE)
----------------------Décision déférée à la Cour du :
04 octobre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA
F 15/00206
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANT :

Monsieur R... N...
[...]
Représenté par Me Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

SAS COMPTOIR ELECTRIQUE FRANCAIS (C.E.F. - YESSS ELECT RIQUE) Prise en la personne de son représentant légal
No SIRET : 319 88 3 3 44
[...]
Représentée par Me Benoît BRONZINI DE CARAFFA de la SCP TOMASI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocats au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 février 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
EXPOSE DU LITIGE

Monsieur R... N... a été embauché par la Société Comptoir Electrique Français, en qualité de directeur d'agence, suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 14 novembre 2005. Dans le dernier état de la relation de travail, le salarié occupait les fonctions de technico-commercial. Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale de commerces de gros.

Selon courrier en date du 21 avril 2015, la S.A.S. Comptoir Electrique Français (C.E.F.) a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement fixé au 29 avril 2015, avec mise à pied conservatoire et Monsieur N... s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 7 mai 2015

Monsieur R... N... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 15 octobre 2015, de diverses demandes.

Selon jugement du 4 octobre 2017, le Conseil de prud'hommes de Bastia a :
- dit que Monsieur R... N... a commis des faits pouvant être qualifiés de faute grave,
- dit que le licenciement de Monsieur N... reposait sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté Monsieur N... de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la S.A.S. C.E.F. de sa demande reconventionnelle,
- condamné Monsieur R... N... aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 19 octobre 2017, Monsieur R... N... a interjeté appel de ce jugement, sollicitant son infirmation en ce qu'il a :
- dit que Monsieur R... N... a commis des faits pouvant être qualifiés de faute grave,
- dit que le licenciement de Monsieur R... N... reposait sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté de l'ensemble de ses demandes tendant à dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, aucune faute ne pouvant lui être reprochée, et à condamner la Société C.E.F. à lui verser 25 392 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 12 973,50 euros d'indemnité de préavis outre 1 297,35 euros au titre des congés payés afférents, 12 324,82 euros d'indemnité de licenciement, 3 307,81 euros de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire, 330,78 euros de congés payés afférents, 39124 euros de rappel de prime, 15 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, ordonner la rectification des bulletins de paie et documents post-contractuels sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, se réserver le droit de liquider l'astreinte, condamner la Société C.E.F. à lui verser 1 500 euros au titre de frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens, ordonner l'exécution provisoire,
- condamné Monsieur R... N... aux dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 1er octobre 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur R... N... a sollicité :
- d'infirmer le jugement et statuant à nouveau,
- de dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, aucune faute ne pouvant lui être reprochée,
- de condamner la Société C.E.F. à lui verser les sommes suivantes :
25 392 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
12 973,50 euros d'indemnité de préavis,
1 297,35 euros au titre des congés payés sur préavis,
12 324,82 euros d'indemnité de licenciement,
3 307,81 de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire,
330,78 euros au titre des congés payés afférents,
39 124 euros de rappel de prime,
15 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
- d'ordonner la rectification des bulletins de paie et documents post-contractuels sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et de se réserver le droit de liquider l'astreinte,
- de condamner la Société C.E.F. à lui verser 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il a fait valoir :
- que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, dans la mesure où les fautes alléguées (climat hostile instauré en collaboration avec son épouse directrice d'agence, négligences graves dans l'exécution des fonctions et le prêt du véhicule de fonction, réalisation d'une marge anormalement élevée, nombre de demandes d'avoirs anormal, financement d'un voyage personnel à New York par l'agence) ne reposaient sur aucun élément sérieux et n'étaient destinées qu'à masquer le caractère illégitime du licenciement, étant observé que l'employeur avait visé dans la lettre de licenciement les mêmes faits que ceux reprochés à Madame N... (et motivant son licenciement), faisant fi de la règle selon laquelle les faits reprochés devaient être imputables au salarié concerné par le licenciement,
- qu'en sus des indemnités de licenciement et de préavis, des dommages et intérêts équivalents à huit mois de salaire devaient être alloués, compte tenu de son ancienneté (neuf ans et six mois), du nombre de salariés dans l'entreprise (supérieur à onze) et du fait qu'il n'avait retrouvé un emploi qu'en février 2016,
- qu'il avait subi un préjudice distinct appelant réparation, au regard du caractère brutal du licenciement, fondé sur une cause manifestement étrangère aux qualités professionnelles du salarié et témoignant d'une attitude peu scrupuleuse de l'employeur prompt aux licenciements sur le même ressort géographique,
- que la faute grave n'étant pas fondée, un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire était dû,
- qu'il était présent dans l'entreprise sur l'ensemble de l'exercice 2014-2015 pour lequel le règlement de primes étai intervenu en juillet 2015 et était fondé à solliciter le paiement de la prime d'exercice auquel il avait contribué, équivalente à celle de l'année 2014.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 25 septembre 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.S. Comptoir Electrique Français a demandé :
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- en conséquence à titre principal, de dire et juger le licenciement pour faute grave comme reposant sur une cause réelle et sérieuse et de débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement, de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour motif personnel et de dire et juger le licenciement de Monsieur N... fondé,
- en tout état de cause, de condamner Monsieur R... N... à lui verser la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Elle a exposé :
- que le licenciement pour faute grave était fondé, compte tenu de la matérialité de faits reprochés (problèmes de gestion du personnel, avec une détérioration des conditions de travail de ses collègues et une répartition frauduleuse des ventes pour optimiser le calcul des rémunérations du salarié, marge anormalement élevée sur l'exercice 2014-2015, demandes d'avoirs démesurés, utilisation des avoirs de la société pour financer un voyage à New York), rendant impossible le

maintien du salarié dans l'entreprise, peu important l'absence de sanctions disciplinaires antérieures,
- que le salarié n'apportait aucune explication ou évoquait des pratiques d'entreprise pour justifier de certains faits reprochés, sans que cela ne repose sur des éléments probants,
- que le salarié ne justifiait pas des préjudices allégués au soutien de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (au-delà des six mois prévus par les textes) et pour préjudice distinct, étant observé que l'employeur n'usait pas de méthodes peu scrupuleuses en matière de rupture des contrats de travail, contrairement à ce qu'affirmait le salarié,
- que le licenciement étant fondé, aucun rappel de salaire sur mise à pied conservatoire n'était dû,
- que concernant la demande de prime, un montant équivalent à celui de l'année passée n'était pas justifié et le bonus du salarié était en fait négatif en raison des avances déjà perçues, de sorte qu'aucune somme n'était due.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 4 décembre 2018, avec appel de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 11 décembre 2018, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 20 février 2019.

MOTIFS

1) Sur les limites de l'appel

Attendu que l'appel interjeté par Monsieur N... est limité aux dispositions du jugement du Conseil de prud'hommes de Bastia ayant dit que Monsieur N... a commis des faits pouvant être qualifiés de faute grave, dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens ;

Que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel ;

Qu'aucun appel incident n'est intervenu ;

Que les autres dispositions du jugement du Conseil de prud'hommes de Bastia du 4 octobre 2017 (tenant au débouté de la S.A.S. C.E.F. de sa demande reconventionnelle), non déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et il n'y a pas lieu à statuer les concernant ;

2) Sur les demandes afférentes au licenciement

Attendu que l'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à une cause réelle et sérieuse ; qu'en application de l'article L 1235-1 du code du travail, lorsqu'il est saisi du bien fondé d'une mesure de licenciement, le juge se détermine au vu des éléments qui lui sont fournis par les parties, le doute devant profiter au salarié ; qu'il est néanmoins admis qu'il appartient à l'employeur d'établir de façon certaine la réalité des faits et de fournir au juge des éléments permettant de caractériser leur caractère suffisamment sérieux pour légitimer le licenciement ;

Attendu qu'il convient donc, en premier lieu, d'apprécier la réalité des faits énoncés par la lettre de licenciement fixant de manière irrévocable les limites du litige, puis le sérieux du motif invoqué ;

Que ce n'est que dans un second temps, lorsque la légitimité du licenciement est tenue pour acquise que l'employeur peut chercher à s'exonérer des indemnités de rupture en invoquant la faute grave du salarié, étant précisé que la charge de la preuve de la gravité de la faute incombe exclusivement à l'employeur ;

Que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;

Attendu que la lettre de licenciement datée du 7 mai 2015 mentionne :
"Monsieur,
Suite à l'entretien que nous avons eu le mercredi 29 avril 2015, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave.
Les motifs de ce licenciement sont ceux qui vous ont déjà exposés lors de l'entretien précité et rappelé ci-dessous.
Au mois de mars 2015, nous avons été alertés par deux collaborateurs, Monsieur K... S... et Monsieur G... P..., au sujet de la dégradation de leurs conditions de travail devenues insupportables, liées au climat hostile que vous faites régner au sein de l'agence avec la directrice de l'agence qui n'est autre que votre épouse.
Cette situation se traduit par des comportements et des propos inadaptés et par le traitement de faveur dont vous bénéficiez de la part de la directrice de l'agence, qui affecte à votre compte des ventes auxquelles vous n'avez pas participé.
En outre, des négligences graves ont été révélées dans l'exécution de vos fonctions, le suivi des commandes et des clients provoquant leur mécontentement, ainsi que certaines pratiques : prêt de votre véhicule

de fonctions, notamment pour effectuer des livraisons pour matérialiser des déplacements professionnels alors que vous restez à l'agence, diverses manoeuvres concernant les commandes et les avoirs...
L'inventaire du 31 mars 2015 révèle également les pratiques dénoncées. Celui-ci fait apparaître une marge anormalement élevée de 44.28, soit 4.5 points de plus que celle découlant du Coût Moyen Unitaire Pondéré (+61295 euros de marge constatée par rapport à la marge attendue, dans un contexte de diminution du chiffre d'affaires).Vous avez également réalisé des réajustements de stocks réguliers et inexpliqués.
En parallèle, depuis la fin de l'exercice 2014/2015, nous sommes confrontés à un nombre anormal de demandes d'avoirs de la part de vos différents clients portant sur des factures de l'exercice 2014/2015, impactant nécessairement l'exercice 2015/2016.
Ces constats inquiétants proviennent d'anomalies nombreuses et de différentes natures, issues de pratiques, voire de manoeuvres auxquelles vous avez participé, ayant pour effet une majoration artificielle du chiffre d'affaires réalisé au titre de l'exercice 2014/2015, avec des répercussions à terme sur les résultats de l'exercice en cours.
A titre d'exemple, le client CUCCHI a fait l'objet de plusieurs factures de marchandises qui se sont révélées défectueuses avec des bons de retour réalisés par vos soins mais qui n'ont fait l'objet d'aucun avoir.
Dans le cadre de nos vérifications, nous avons découvert avec stupéfaction que le voyage à New-York avec lequel vous avez participé avec vos clients et votre épouse en avril 2014 a été financé par l'agence. Vous avez mis en place des manipulations consistant en substance à établir de fausses factures et de faux avoirs réalisés partiellement sur l'exercice 2014/2015. Vous avez ainsi participé et profité du système mis en place.
Ce licenciement étant causé par une faute grave, vous n'effectuerez ni préavis, ni ne percevrez d'indemnité. Il prend effet immédiatement [...]
Nous vous demandons de restituer, sans délai, tous les objets qui vous avaient été confiés dans le cadre de l'exercice de vos fonctions.
Par courrier séparé, nous vous adresserons le solde de votre compte, votre certificat de travail et l'attestation destinée au Pôle Emploi [...] ";

Attendu qu'à titre liminaire, il convient d'observer que l'employeur n'a pas effectué une simple reprise textuelle des griefs reprochés à Madame N... dans la lettre de licenciement la concernant ; que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement de Monsieur N... concernent bien des faits reprochés personnellement à celui-ci ;

Qu'en outre, il y a lieu de constater que le salarié ne justifie pas au travers des éléments versés aux débats que le licenciement qu'il a subi est fondé non sur les griefs énoncés, mais sur une pratique d'entreprise, étrangère aux qualités professionnelles du salarié ;

Que sur le fond, la lettre de licenciement fait état de plusieurs griefs et conclut à un licenciement pour faute grave, privatif d'indemnités de préavis et licenciement, et sans rappel de salaires afférents à la période de mise à pied conservatoire ;

Qu'à l'appui des griefs, l'employeur verse aux débats diverses pièces, notamment :
- les écrits signés par Messieurs K... S..., et G... P... salarié de l'entreprise, datés respectivement du 8 mars 2015 et du 11 mars 2015 et adressés par ceux-ci à la direction,
- la pièce intitulée "calcul de rémunération représentant", faisant notamment figurer la quote part sur l'agence concernant Monsieur N... suivant bilan arrêté au 31/03/2015,
- les pièces afférentes aux dossiers clients Cucchi, Simula, MD Energie, Gualtieri Electricité, Badinand, Frassiccia Btp, S.A.R.L. Malabo, S.A.R.L. PJMC, Elec Pjf, Center Auto,
- un écrit du 13 avril 2015 signé de Monsieur O... J..., client de l'entreprise,
- avoirs saisis par Monsieur I... F... le 30 avril 2015,
- factures Total des 28 février 2015 et 15 mars 2015,
- les statistiques de fin d'exercice de l'agence de [...] avec marges et objectifs,
- l'attestation du 25 juin 2018 de Monsieur Z... C..., comptable,
- un courriel adressé par la direction générale le 9 février 2012, relatif à la procédure cadeaux clients ;
Qu'à l'examen attentif des pièces versées par l'employeur aux débats, la réalité des faits énoncés dans la lettre de licenciement est mise en évidence, hormis s'agissant des faits afférents au prêt de véhicule de fonctions, insuffisamment établis et des faits afférents à des réajustements de stocks réguliers et inexpliqués et au financement du voyage à New York par l'agence qui ne sont pas établis ;

Que s'agissant des griefs subsistants, Monsieur N... ne produit, hormis ses propres déclarations ou énonciations, aucune pièce objective, justifiant de l'inanité des griefs subsistants, ou faisant peser un doute suffisant sur lesdits griefs ;

Que sa remise en cause des écrits de Messieurs S... et P..., comme dépourvus de crédit, n'est pas étayée, les photographies versées au dossier par Monsieur N..., où figure Monsieur S..., n'étant pas précisément datées et n'étant pas démonstratives, et l'écrit de Monsieur P... ne constituant pas une attestation produite a posteriori, mais un écrit antérieur de plusieurs semaines à la rupture de la relation de travail entre Monsieur N... et l'employeur, rupture dont Monsieur P... ne pouvait anticiper les conséquences, s'agissant de l'évolution de sa carrière personnelle ; que de plus, le lien de subordination entre Messieurs S..., P... et l'employeur n'est pas suffisant pour écarter leurs

écrits, étant observé que les écrits susvisés n'émanent pas de témoins indirects, mais directs, et apparaissent suffisamment détaillés pour que la réalité des faits, énoncés de manière convergente et confortés par les autres pièces produites par l'employeur, ne soit pas remise en cause par le lien de subordination entre les salariés et l'entreprise ;
Que parallèlement, la remise en cause par Monsieur N... de l'attestation de Monsieur C..., comptable, ne repose sur une aucune pièce probante ;

Que dans le même temps, Monsieur N... ne rapporte pas aux débats de pièces justifiant de ses dires, aux termes desquels la politique de l'entreprise était de ne valider aucun avoir entre janvier et mars, étant en sus relevé que l'attestation de Monsieur C..., comptable, vient contredire nettement ces indications de Monsieur N... ; que pas davantage, Monsieur N... ne démontre, au soutien de ses énonciations, avoir adressé à la comptabilité des demandes aux fins de validation d'avoirs générés informatiquement par ses soins concernant les clients concernés ; que parallèlement, sa critique des pièces de l'employeur relatives aux avoirs n'est pas opérante, compte tenu du contenu des différents dossiers clients versés au dossier par l'employeur ;

Que concernant l'argumentation de Monsieur N... relative à la marge anormalement élevée, celle-ci n'est pas pertinente, puisque le caractère anormalement élevé de la marge est relevé dans un contexte de diminution du chiffre d'affaires ; qu'en outre, comme le souligne le comptable dans son attestation, la non-réalisation d'avoirs ou la facturation auprès de clients de produits non achetés génère une augmentation artificielle de la marge ;

Attendu qu'au vu de ce qui précède, du caractère établi de plusieurs griefs énoncés dans la lettre de licenciement et de leur sérieux, il convient de considérer que licenciement de Monsieur N... par la S.A.S. Comptoir Electrique Français est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Que l'employeur souligne que ces faits ne permettaient pas d'envisager le maintien du salarié dans l'entreprise, pendant la durée du préavis ; que ce moyen paraît pertinent, au regard de la nature des faits ayant fondé le licenciement ;

Que le licenciement pour faute grave de Monsieur N... par la S.A.S. Comptoir Electrique Français ainsi justifié et qu'il sera donc débouté de ses demandes tendant à :
- dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, aucune faute ne pouvant lui être reprochée,

- condamner la Société C.E.F. à lui verser les sommes suivantes :
25 392 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
12 973,50 euros d'indemnité de préavis,
1 297,35 euros au titre des congés payés sur préavis,
12 324,82 euros d'indemnité de licenciement,
3 307,81 de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire,
330,78 euros au titre des congés payés afférents ;

Que le jugement entrepris sera confirmé à ces égards ;

3) Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Attendu que Monsieur N... ne justifie pas, au soutien de sa demande de condamnation de l'employeur à lui verser 15000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral, des conditions vexatoires, brutales du licenciement, fondé sur des causes étrangères à ses qualités professionnelles dont il allègue l'existence, ni d'un comportement peu scrupuleux et fautif de l'employeur à l'origine d'une détérioration de son état de santé ;

Qu'il sera ainsi débouté de sa demande de ce chef et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

4) Sur la demande afférente à la prime au titre de l'exercice 2014-2015

Attendu que Monsieur N... sollicite la condamnation de la S.A.S. Comptoir Electrique Français à lui verser une somme de 39124 euros au titre de la prime de l'exercice du 1er avril 2014 au 31 mars 2015, prime habituellement versée en juillet, qu'il n'a pas perçue en raison de son licenciement en mai 2015, alors qu'il a participé à la totalité de l'exercice considéré ;

Que Monsieur N... ne fournit pas d'éléments relatifs à son calcul de la prime 2015, le montant sollicité correspondant, au vu des pièces transmises, à un montant équivalent à celui perçu en 2014 pour l'exercice concerné ;

Que la pièce intitulée "calcul de rémunération représentant" de Monsieur N... pour l'exercice 2014-2015, transmise par l'employeur (pièce non critiquée par le salarié dans sa matérialité), précise que la prime s'élève à un total de 13 956 euros, dont doivent être déduites les avances déjà perçues au cours de l'exercice, soit 15 780 euros (montant qui correspond effectivement au cumul des avances de prime sur l'exercice, au regard des bulletins de salaire produits), de sorte que le montant de la prime annuelle restant à verser est nul ;

Que dès lors, Monsieur N... sera débouté de sa demande de ce chef ; que le jugement entrepris sera confirmé à cet égard ;

5) Sur les autres demandes

Attendu que compte tenu des développements précédents, Monsieur N... sera débouté de sa demande tendant à ordonner la rectification des bulletins de paie et documents post-contractuels sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et de se réserver le droit de liquider l'astreinte ;

Attendu que Monsieur N..., succombant à l'instance, sera condamné aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point) et de l'instance d'appel ;

Que Monsieur N... étant seul condamné aux dépens ou perdant le procès au sens de l'article 700 du code de procédure civile, ne peut qu'être rejetée sa demande de condamnation de la S.A.S. Comptoir Electrique Français au titre des frais irrépétibles de première instance (le jugement entrepris étant confirmé sur ce point) et d'appel ;

Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation de Monsieur N... sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS
L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Statuant dans les limites de l'appel,

CONSTATE que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel,

CONSTATE qu'aucun appel incident n'est intervenu,

DIT dès lors que les dispositions du jugement rendu le 4 octobre 2017 par le Conseil de prud'hommes de Bastia (tenant au débouté de la S.A.S. Comptoir Electrique Français de sa demande reconventionnelle), qui n'ont pas été déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et qu'il n'y a pas lieu à statuer les concernant,

CONFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Bastia le 4 octobre 2017, tel que déféré,

Et y ajoutant,

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE Monsieur R... N... aux dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 17/002814
Date de la décision : 20/02/2019
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2019-02-20;17.002814 ?
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