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17/04/2024 | FRANCE | N°23/00096

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 17 avril 2024, 23/00096


ARRET N°

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17 Avril 2024

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N° RG 23/00096 - N° Portalis DBVE-V-B7H-CHCE

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[D] [Y]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

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Décision déférée à la Cour du :

03 juillet 2023

Pole social du TJ de BASTIA

22/00303

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Copie exécutoire délivrée le :







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à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE





APPELANT :



Monsieur [D] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Xav...

ARRET N°

-----------------------

17 Avril 2024

-----------------------

N° RG 23/00096 - N° Portalis DBVE-V-B7H-CHCE

-----------------------

[D] [Y]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

03 juillet 2023

Pole social du TJ de BASTIA

22/00303

------------------

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

APPELANT :

Monsieur [D] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Xavier BELLILCHI-BARTOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

Service Contentieux

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Brunet, président de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BRUNET, Président de chambre,

Madame BETTELANI, Conseillère

Mme ZAMO, Conseillère

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 avril 2024

ARRET

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur BRUNET, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Monsieur [D] [Y], né le 27 décembre 1988, exerce les fonctions de masseur kinésithérapeute au sein d'un cabinet de groupe situé à [Localité 3].

Le 09 mai 2022, à la suite d'un contrôle de facturation d'actes effectué par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Haute-Corse concernant la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, M. [Y] s'est vu notifier une demande de remboursement d'indu d'un montant de 21 267,20 euros.

M. [Y] a contesté cette notification devant la commission de recours amiable (CRA) de la caisse qui, lors de sa séance du 28 septembre 2022, a partiellement infirmé la décision contestée en ramenant l'indu à la somme de 20 147,56 euros.

Le 17 décembre 2022, M. [Y] a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia.

Par jugement contradictoire du 03 juillet 2023, la juridiction saisie a :

- jugé motivées à la fois la notification d'indu du 09 mai 2022 et la décision de la commission de recours amiable du 28 septembre 2022 et ainsi déclaré régulière la procédure de recouvrement ;

- débouté M. [Y] de l'ensemble de ses demandes ;

- jugé bien-fondé l'indu réclamé d'un montant de 20 147,56 euros ;

- condamné M. [Y] à payer à la CPAM de la Haute-Corse la somme de 20 147,56 euros ;

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [Y] au paiement des dépens.

Par lettre recommandée adressée au greffe de la cour et portant la date d'expédition du 1er août 2023, M. [Y] a interjeté appel de l'entier dispositif de cette décision qui lui avait été notifiée le 05 juillet 2023, sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été appelée à l'audience du 13 février 2024, au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, Monsieur [D] [Y], appelant, demande à la cour de :

' JUGER recevable l'appel de Monsieur [D] [Y] à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de BASTIA du 3 juillet 2023 ;

INFIRMER l'ensemble du jugement du tribunal judiciaire de BASTIA du 3 juillet 2023 ;

JUGER irrégulière la notification d'indu de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute Corse en date du 9 mai 2022 ;

JUGER irrégulière la décision de la Commission de Recours Amiable en date du 28 septembre 2022 ;

DEBOUTER la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse à verser à Monsieur [D] [Y] la somme de 3 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, distraits au profit de Maître Xavier BILLILCHI-BARTOLI, avocat ;

CONDAMNER la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse aux entiers dépens'.  

Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait notamment valoir l'irrecevabilité de la procédure administrative ayant conduit à la notification d'indu. Il indique n'avoir reçu aucune information sur les agents ayant procédé au contrôle et notamment n'avoir aucune preuve de leur qualité d'agent agrémenté et assermenté.

M. [Y] soutient ensuite l'absence de motivation de la notification d'indu et fait grief à la caisse de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire en n'indiquant que la somme totale prétendument indue, sans avoir détaillé les sommes relatives à chaque grief énoncé, ce détail n'apparaissant pour la première fois que dans les conclusions de la caisse, ne lui permettant ainsi pas de se défendre correctement et d'apporter les preuves nécessaires à la résolution du litige.

L'appelant relève également l'irrégularité de la décision de la CRA, celle-ci ne comportant ni le nom ni la signature de son auteur.

Par ailleurs, l'appelant conteste la délimitation opérée par la juridiction de première instance en ce qu'elle a indiqué que la saisine de M. [Y] était limitée à l'indu réclamé au titre des soins facturés par erreur en son nom lors de ses absences mais réellement effectués par ses associés en excluant les cinq autres motifs d'indu réclamés par la caisse et également contestés dans la requête introductive d'instance.

Sur le fond, M. [Y] conteste les six motifs retenus par la caisse au titre desquels celle-ci aurait procédé au versement de remboursement indus :

- sur le non-respect de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) : il affirme avoir respecté la nomenclature et avoir effectué à chaque reprise le juste choix de nomenclature. Il reproche ainsi à la caisse de faire une appréciation erronée de la NGAP qui ne correspondrait pas, selon lui, aux prescriptions médicales litigieuses ;

- concernant la facturation d'actes fictifs : il fait grief à la caisse d'avoir utilisé une base légale erronée pour fonder sa décision et conteste également le caractère fictif de ces actes, dans la mesure où ils ont été effectués par ses associés ;

- sur le non-respect de l'article L 133-4 du code de la sécurité sociale, visant les prescriptions médicales sans relation avec une exonération et facturation à 100%, M. [Y] reconnaît une erreur mais relève qu'en général, une erreur de ce type donne lieu à la notification d'un indu spécifique par la CPAM, ce qui n'a pas été le cas et ne lui a donc permis de régulariser immédiatement ce grief ;

- sur l'absence de prescription médicale avec ou sans renouvellement, M. [Y] reproche à la caisse de n'apporter aucune preuve de ce manquement supposé, ce qui lui incombait en vertu de l'article 1 353 du code civil ;

- sur les actes facturés à 100% sans relation avec un accident du travail alors que le patient est guéri ou consolidé : M. [Y] relève que la caisse n'a pas fondé juridiquement ce grief, ne citant que des articles généraux.

Il précise ensuite qu'en tant que kinésithérapeute, il ne peut avoir communication de la date de consolidation de ses patients, celle-ci étant uniquement transmise par la caisse à l'assuré social et à son médecin traitant. Et qu'il ne peut donc lui être reproché d'avoir réalisé des actes facturés à 100% postérieurement à la consolidation ou la guérison de son patient ;

- sur les actes non prescrits : M. [Y] reproche à la caisse de n'apporter aucune indication sur la nature de ces actes ni sur les fondements juridiques sur lesquels elle se base, ne lui permettant ainsi pas d'apporter d'argumentation, contrevenant ainsi à l'article 6 de la CEDH sur le principe de l'égalité des armes.

*

Au terme de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse, intimée, demande à la cour de':

' Confirmer le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de BASTIA du 3 juillet 2023,

Y ajoutant,

Condamner Monsieur [Y] aux dépens d'appel,

Condamner Monsieur [Y] à payer à la Caisse Primaire de Haute Corse la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.'

L'intimée réplique notamment que la procédure de contrôle des actes de facturation obéit uniquement aux dispositions de l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, l'article L. 144-10 du même code n'étant pas applicable en l'espèce, conformément à la jurisprudence de la cour de cassation.

La caisse affirme ainsi avoir parfaitement respecté les exigences légales prescrites.

Concernant la motivation de la notification litigieuse, la CPAM indique avoir précisé la somme réclamée, les griefs sur lesquels sont fondés la demande de remboursement ainsi que les délais de recours, conformément aux dispositions de l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale.

Et rappelle que M. [Y] a pu produire ses observations et reconnu lui-même avoir pris connaissance du tableau joint à la notification, transmis par voie dématérialisée au vu de son volume.

Concernant la régularité de la décision de la CRA, la caisse indique produire la notification du 12 octobre 2022 sur laquelle figure la signature de la secrétaire adjointe de la commission, et indique que celle-ci dispose d'une délégation de signature du président du conseil, de sorte que la décision est parfaitement régulière.

Sur le fond, la caisse soulève que M. [Y], tant dans sa saisine de la commission de recours amiable que dans son recours devant le tribunal judiciaire, n'a contesté que l'indu réclamé au titre des soins fictifs facturés à l'occasion de son remplacement, rendant donc impossible la contestation des autres griefs pour la première fois en cause d'appel.

Concernant le seul grief contesté devant la CRA et le tribunal judiciaire, portant sur des actes fictifs facturés alors que le professionnel était absent du département et qu'aucun remplacement n'avait été déclaré, la caisse rappelle que :

- M. [Y] ne conteste pas ses absences et indique que ses associés ont effectivement réalisé les soins litigieux ;

- aux termes de l'article R. 4321-107 du code de la santé publique, le kinésithérapeute qui se fait remplacer doit obligatoirement en informer préalablement le conseil départemental de l'ordre dont il relève. Or, le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a indiqué à la caisse en phase de vérifications qu'aucun contrat de remplacement n'avait été établi par M. [Y] sur la période contrôlée, confirmant ainsi les anomalies constatées ;

- la CRA a infirmé partiellement la décision du 09 mai 2022 à la suite des observations apportées par M. [Y] et des investigations menées par la CPAM et a réduit le montant de l'indu de 1 119,64 euros.

Concernant les griefs non contestés devant la commission et le tribunal judiciaire, la caisse produit un exemple pour chaque situation contestée et, au soutien de ses prétentions, produit un tableau récapitulatif.

*

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

- Sur la recevabilité de l'appel

L'appel formé par M. [D] [Y], interjeté dans les formes et délais légaux, sera déclaré recevable.

- Sur la régularité de la procédure administrative ayant conduit à la notification d'indu

En application du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, 'La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.'

Dans le corps de ses écritures, l'appelant soutient que le contrôle effectué par la CPAM serait irrecevable au motif qu'il n'a reçu aucune information sur les agents ayant procédé au contrôle et ne peut notamment être assuré de leur qualité d'agent agrémenté et assermenté.

Le dispositif des conclusions de l'appelant est ainsi rédigé : ' JUGER recevable l'appel de Monsieur [D] [Y] à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de BASTIA du 3 juillet 2023 ;

INFIRMER l'ensemble du jugement du tribunal judiciaire de BASTIA du 3 juillet 2023 ;

JUGER irrégulière la notification d'indu de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute Corse en date du 9 mai 2022 ;

JUGER irrégulière la décision de la Commission de Recours Amiable en date du 28 septembre 2022 ;

DEBOUTER la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse à verser à Monsieur [D] [Y] la somme de 3 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, distraits au profit de Maître Xavier BILLILCHI-BARTOLI, avocat ;

CONDAMNER la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Corse aux entiers dépens'.  

Il ressort de cette rédaction qu'aucune référence à l'irrégularité des opérations de contrôle de facturation n'apparaît en amont de la procédure de recouvrement d'indu.

Dès lors, en application des dispositions susvisées, la cour ne statuera pas sur cette prétention qui n'est pas reprise au dispositif des conclusions de l'appelant soutenues oralement à l'audience.

A titre surabondant, il sera souligné que cette demande est formulée pour la première fois en cause d'appel.

- Sur la régularité de la notification d'indu

L'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale dispose que 'I.-La notification de payer prévue à l'article L. 133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel, à l'établissement ou au distributeur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie.

A défaut de paiement à l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme de sécurité sociale compétent lui adresse la mise en demeure prévue à l'article L. 133-4 par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ainsi que l'existence du nouveau délai d'un mois imparti, à compter de sa réception, pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle mentionne, en outre, l'existence et le montant de la majoration de 10 % appliquée en l'absence de paiement dans ce délai, ainsi que les voies et délais de recours.

II.-La majoration de 10 % peut faire l'objet d'une remise par le directeur de l'organisme de sécurité sociale à la demande du débiteur en cas de bonne foi de celui-ci ou si son montant est inférieur à un des seuils, différents selon qu'il s'agit d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé ou d'un distributeur, fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.

III.-Les dispositions des articles R. 133-3, R. 133-5 à R. 133-7 sont applicables à la contrainte instituée par l'article L. 133-4.'

En l'espèce, le 09 mai 2022, la CPAM a adressé à M. [Y] un courrier de notification d'indu comportant :

- la cause de l'indu : ' Après examen de votre activité, il apparaît que nous vous avons réglé certaines prestations à tort' ;

- la nature de l'indu : '- Non-respect de la NGAP (Nomenclature des Actes Professionnels),

- Facturation d'actes fictifs : non-respect des articles L. 114-17-1 et L. 162-1-7 du CSS et non-respect de l'article R. 4321-77 du CSP,

- Non-respect de l'article L. 133-4 du CSS (prescription médicale sans relation avec une exonération et facturation à 100%),

- Absence de prescription médicale et/ou renouvellement,

- Actes facturés à 100% sans relation avec un Accident du Travail,

- Actes non prescrits.'

- le montant réclamé et la date des versements donnant lieu au recouvrement : 'A ce jour, vous êtes donc redevable de la somme de 21 267,20 € correspondant aux prestations indûment servies dont le détail figure en annexe jointe'  ;

- les délais et voies de recours : 'vous pouvez ne pas être d'accord avec cette décision et vouloir la contester en formulant un recours, dans les deux mois à compter de la réception de ce courrier, en adressant une lettre à (...). Néanmoins, pendant ce délai de deux mois, vous avez la possibilité de présenter vos observations écrites ou orales auprès du service identifié en haut à gauche du présent envoi'.

M. [Y] soulève l'absence de motivation de la notification d'indu et fait grief à la caisse de ne pas avoir précisé le détail des sommes relatives à chaque motif avant la remise de ses conclusions, ne lui permettant ainsi pas de se défendre correctement et d'apporter les preuves nécessaires, en ne lui permettant de 'contester les prestations réglées que d'une manière générale' (page 6 des conclusions de l'appelant).

Or, il est souligné que le tableau produit en annexe, comportant 42 pages alphanumériques, dont M. [Y] reconnaît avoir eu connaissance dans son courrier du

7 juin 2022, précise en face du nom de chaque assuré social:

- la date des soins,

- la date du paiement,

- la nomenclature et le coefficient correspondant,

- la référence du prescripteur et la date de la prescription,

- le montant de l'indu,

- le motif de l'indu.

Il est en outre observé que le courrier de notification des résultats du contrôle d'activité du 8 février 2022, correspondant à la première pièce versée au débat judiciaire en ncause d'appel par l'organisme de protection sociale intimé, comporte également un tableau reprenant, pour chaque grief, le numéro de sécurité sociale et le nom de chaque assuré social concerné, ayant permis à M. [Y] de retrouver dans sa comptabilité avant tout litige chaque montant concerné.

Il ressort de ces éléments que M. [Y] a parfaitement été en mesure, dès le début de la procédure de contrôle, d'avoir une connaissance précise des indus réclamés par la caisse, tant dans leur montant que dans leur cause, lui permettant ainsi de contester le point de vue de la caisse et de se défendre de façon précise et détaillée. Il a d'ailleurs apporté ses observations dans un mail du 8 mars 2022 ainsi que dans un courrier daté du 07 juin 2022.

Dès lors, il est démontré en phase décisive que la CPAM de Haute-Corse a parfaitement respecté le principe de la contradiction en mettant M. [Y] en mesure d'avoir connaissance de la cause et de l'étendue de son obligation.

La notification d'indu étant motivée et dès lors régulière, le jugement querellé doit ainsi être confirmé de ce chef.

- Sur la régularité de la position adoptée par la commission de recours amiable

M. [Y] soulève 'l'irrégularité de la décision de la CRA pour absence de signature'. Il expose qu'il n'est pas en mesure 'de connaître la qualité de l'auteur' ni de 's'assurer que c'est bien la caisse primaire de Haute-Corse qui a pris cette décision'.

Or, il ressort de la notification de la décision de la CRA, envoyée en LRAR et datée du 12 octobre 2022 que :

- le logo de l'assurance maladie avec la mention 'Haute-Corse' figure en haut à gauche de ce courrier ;

- ce courrier comporte la signature 'P/ LE PRESIDENT, la secrétaire adjointe de la commission de recours amiable' ;

- le pied de page est en outre ainsi rédigé ' Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse [Adresse 1]'.

Il apparaît également à l'avant-dernier paragraphe du compte-rendu de la position décisive adoptée par la CRA la conclusion suivante : 'Au vu des arguments ci-dessus développés, la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire de la Haute-Corse a décidé de faire partiellement droit à la demande de l'intéressé'.

Il ressort de ces éléments que, contrairement à ce que soutient l'appelant, il a eu toutes les informations lui permettant de connaître la qualité de l'auteur de la décision litigieuse.

En conséquence, la position adoptée par la CRA du 28 septembre 2022 sera déclarée recevable et régulière.

*

La décision de première instance sera donc confirmée en ce qu'elle a jugé motivées à la fois la notification d'indu adressée le 09 mai 2022 par Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Corse, et la position décisive adoptée le 28 septembre 2022 par la commission de recours amiable émanation du conseil d'administration de l'organisme de protection sociale, emportant régularité de la procédure de recouvrement suivie à l'égard de M. [D] [Y].

- Sur la délimitation de la saisine de la juridiction

L'article L 142-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, dispose que 'Les recours contentieux formés dans les matières mentionnées aux articles L. 142-1, à l'exception du 7°, et L. 142-3 sont précédés d'un recours préalable, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...)'.

L'article R. 142-1 du même code précise que 'Les réclamations relevant de l'article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d'administration ou de l'instance régionale de chaque organisme.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation.'

L'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale déclare que 'I.-Sous réserve des dispositions particulières prévues par la section 2 du présent chapitre et des autres dispositions législatives ou réglementaires applicables, la motivation des décisions prises par les autorités administratives et les organismes de sécurité sociale ainsi que les recours préalables mentionnés aux articles à l'article L. 142-4 du présent code, sont régis par les dispositions du code des relations du public avec l'administration. Ces décisions sont notifiées aux intéressées par tout moyen conférant date certaine à la notification.

II.-Sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les demandes portées devant les juridictions spécialement désignées en application des articles L. 211-16 , L. 311-15 et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire sont formées, instruites et jugées, au fond comme en référé, selon les dispositions du code de procédure civile .

III.-S'il n'en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l'accusé de réception de la demande.'

Il est en outre constant que le professionnel de santé qui conteste une notification d'indu peut, à l'occasion de son recours juridictionnel, invoquer d'autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable, dès lors qu'ils concernent les anomalies de facturation et de tarification préalablement contestés.

Il en résulte que la juridiction saisie ne peut se prononcer que sur les contestations préalablement soulevées devant la commission de recours amiable.

Dans la situation en litige, M. [Y] fait référence dans son acte introductif d'instance à son courrier de contestation du 07 juin 2022.

Or, ce courrier, produit en qualité d'acte de saisie de la commission de recours amiable, ne concerne que l'indu réclamé au titre des actes facturés au nom de M. [Y] alors que celui-ci était absent. Ce dernier indique d'ailleurs 'ainsi, je ne conteste pas que par erreur lors de ces remplacements, les actes aient été facturés à mon nom au lieu de celui de mes associés. Ces erreurs relèvent d'une erreur de secrétariat pour autant, l'aspect fictif des actes n'est pas juste car les soins ont bel et bien été réalisés'. Aucune contestation n'est soulevée à ce stade de recours non contentieux à l'encontre des autres griefs, qui ne sont pas mentionnés.

Surtout, il résulte des pièces produites qu'aucune contestation n'a jamais porté sur un des autres griefs énoncés par la CPAM avant la procédure d'appel. En effet, les parties produisent au soutien de la contestation de M. [Y] :

- le courrier de contestation écrit par M. [Y] le 07 juin 2022,

- le mail du 08 mars 2022 envoyé par M. [Y] au titre des observations-réponses à la notification de grief du 08 février 2022,

- les différentes attestations concernant la réalité des actes effectués par les remplaçants de M. [Y] lors de ses absences.

Par ailleurs, il ressort de la position décisive adoptée par la CRA, qui reprend l'historique des faits et notamment les arguments du demandeur, que M. [Y] n'a contesté devant cet organe non contentieux que le grief tenant à l'accomplissement d'actes fictifs, ce que lui-même reconnaît d'ailleurs en indiquant reprendre 'les arguments développés dans son courrier de contestation du 7 juin 2022 (pièce n°5) concernant l'effectivité des soins à l'occasion de son remplacement par ses associés.'

Ainsi, sur le périmètre du litige à prendre en considération en cause d'appel, si le recours de l'appelant devant le tribunal judiciaire de Bastia mentionne que 'Monsieur [D] [Y] conteste les décisions de la CPAM en date du 9 mai 2022 et de la Commission de Recours amiable notifiées le 17 octobre 2022, pour absence de motivation. En effet, les décisions contestées ne sont pas motivées notamment concernant :

- le non-respect de la nomenclature des actes professionnels, la facturation d'actes fictifs,

- le non-respect de l'article L. 133-4 du Code de la sécurité sociale,

- l'absence de prescription médicale et/ou renouvellement,

- les actes facturés à 100% sans relation avec un accident du travail, et les actes non prescrits', force est de constater que ces griefs n'ont jamais été contestés devant la commission de recours amiable de la CPAM en phase de recours préalable obligatoire. Et qu'aucun moyen n'a en outre été soulevé à leur sujet en première instance.

Ainsi, au regard de ces éléments, il apparaît que M. [Y] a uniquement saisi la commission de recours amiable d'une contestation relative à la facturation d'actes qualifiés de fictifs, limitant donc la portée de la saisie de la juridiction sociale à la contestation du grief portant sur la facturation d'actes fictifs.

Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la contestation de M. [Y] se limitait au grief concernant 'les actes fictifs facturés alors que le professionnel était absent du département et qu'aucun remplacement n'a été déclaré'.

- Sur le bien-fondé de l'indu réclamé au titre des actes fictifs facturés en l'absence du professionnel sans déclaration de remplacement

L'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale dispose que 'En cas d'inobservation des règles de tarification, de distribution ou de facturation :

1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7, L. 162-22-7-3 et L. 162-23-6 ou relevant des dispositions des articles L. 162-16-5-1-1, L. 162-16-5-2, L. 162-17-2-1, L. 162-22-1, L. 162-22-6, L. 162-23-1 et L. 165-1-5 ;

2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 160-8,

l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel, du distributeur ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé, à un distributeur ou à un établissement.

Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés ou lorsque ces actes sont effectués ou ces prestations et produits délivrés alors que le professionnel fait l'objet d'une interdiction d'exercer son activité libérale dans les conditions prévues au III de l'article L. 641-9 du code de commerce.

Lorsque le professionnel ou l'établissement faisant l'objet de la notification d'indu est également débiteur à l'égard de l'assuré ou de son organisme complémentaire, l'organisme de prise en charge peut récupérer la totalité de l'indu. Il restitue à l'assuré et, le cas échéant, à son organisme complémentaire les montants qu'ils ont versés à tort.

(...)

'L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.

Si le professionnel ou l'établissement n'a ni payé le montant réclamé, ni produit d'observations et sous réserve qu'il n'en conteste pas le caractère indu, l'organisme de prise en charge peut récupérer ce montant par retenue sur les versements de toute nature à venir.

En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.

Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal de grande instance spécialement désigné en application de l'article L. 211-16 du code de l'organisation judiciaire, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux sommes réclamées qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées dans la mise en demeure. Cette majoration peut faire l'objet d'une remise.

Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article.'

L'article 5 des dispositions générales de la NGAP précise que 'Seuls peuvent être pris en charge ou remboursés par les caisses d'Assurance Maladie, sous réserve que les personnes qui les exécutent soient en règle vis-à-vis des dispositions législatives, réglementaires et disciplinaires concernant l'exercice de leur profession :

a) les actes effectués personnellement par un médecin ;

b) les actes effectués personnellement par un chirurgien-dentiste ou une sage-femme, sous réserve qu'ils soient de leur compétence ;

c) les actes effectués personnellement par un auxiliaire médical, sous réserve qu'ils aient fait l'objet d'une prescription médicale écrite qualitative et quantitative (sauf dispositions législatives ou réglementaires dérogatoires) et qu'ils soient de sa compétence.

Sauf cas expressément prévu par la présente nomenclature, un acte ne peut être noté par le praticien ou auxiliaire médical et donner lieu à remboursement que si, pendant la durée de son exécution, ce praticien ou auxiliaire médical s'est consacré exclusivement au seul malade qui en a été l'objet.'

L'article R. 4321-107 du code de la santé publique prévoit surtout dans la situation précise en litige qu' 'Un masseur-kinésithérapeute ne peut se faire remplacer dans son exercice que temporairement et par un confrère inscrit au tableau de l'ordre. Le remplacement est personnel.

Le masseur-kinésithérapeute qui se fait remplacer doit en informer préalablement le conseil départemental de l'ordre dont il relève en indiquant les noms et qualité du remplaçant, les dates et la durée du remplacement. Il communique le contrat de remplacement conformément à l'article L. 4113-9.

Le masseur-kinésithérapeute libéral remplacé doit cesser toute activité de soin pendant la durée du remplacement. Des dérogations à cette règle peuvent être accordées par le conseil départemental en raison de circonstances exceptionnelles.'

Il résulte de ces textes que seuls les actes personnellement effectués par un praticien peuvent faire l'objet d'un remboursement par l'organisme de protection sociale.

En l'espèce, M. [Y] s'est vu notifier un indu d'un montant, corrigé par la CRA, de 12 357,42 euros, au titre de la facturation d'actes fictifs.

Il ressort de l'analyse des pièces versées à la procédure que M. [Y] ne conteste pas ne pas avoir effectué personnellement les soins incriminés mais indique que ceux-ci ont été effectués par ses associés, en son nom, pendant ses absences.

Il conteste donc leur caractère fictif et produit de multiples attestations affirmant qu'en son absence, ces soins ont été réalisés par ses associés.

M. [Y] ne conteste pas non plus ne pas avoir effectué de déclaration de remplacement auprès de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, ce qui est corroboré par le mail du 25 juin 2020 émanant du conseil de l'ordre.

En conséquence, la cour constate en phase décisive que M. [Y] n'a pas effectué personnellement les actes incriminés ayant donné lieu à remboursement par la CPAM et n'a pas davantage réalisé de déclaration de remplacement auprès du conseil de l'ordre, conditions requises pour le remboursement d'actes médicaux par la caisse d'assurance maladie.

Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que l'indu de 12 357,42 euros reproché à M. [D] [Y] était justifié.

- Sur les dépens

L'alinéa 1er de l'article 696 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie'.

M. [D] [Y] devra donc supporter la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement des dépens de première instance.

- Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la CPAM la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel.

M. [D] [Y] sera donc condamné à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et sera débouté de sa propre demande présentée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

RAPPELLE qu'elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties reprises oralement à l'audience ;

CONFIRME en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu le 03 juillet 2023 ;

Y ajoutant,

DECLARE recevable l'appel formé par M. [D] [Y] ;

CONDAMNE M. [D] [Y] aux entiers dépens exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE M. [D] [Y] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Corse-du-Sud la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 23/00096
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;23.00096 ?
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