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18/12/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000007632305

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0289, 18 décembre 2006, JURITEXT000007632305


ARRÊT RENDU PAR LACOUR D'APPEL DE BORDEAUX--------------------------Le : 18 Décembre 2006PREMIÈRE CHAMBRE SECTION ANo de rôle : 05/05292Monsieur André BEAUc/S.A. ANDRE BEAU, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Nature de la décision : AU FONDGrosse délivrée le :aux avoués

Rendu par mise à disposition au Greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 18 décembre 2006

Par Monsieur Alain COSTANT, PrÃ

©sident,

en présence de Madame Chantal X..., Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREM...

ARRÊT RENDU PAR LACOUR D'APPEL DE BORDEAUX--------------------------Le : 18 Décembre 2006PREMIÈRE CHAMBRE SECTION ANo de rôle : 05/05292Monsieur André BEAUc/S.A. ANDRE BEAU, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social Nature de la décision : AU FONDGrosse délivrée le :aux avoués

Rendu par mise à disposition au Greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450-2o alinéa du Nouveau Code de Procédure Civile,

Le 18 décembre 2006

Par Monsieur Alain COSTANT, Président,

en présence de Madame Chantal X..., Greffier,

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A, a, dans l'affaire opposant :

Monsieur André Y... le 29 Juin 1927 à CAUDERAN (33200)de nationalité Française, demeurant 17163 BENES ROUSH ROAD - MASARYKTOWN FLORIDA 34604 - USA,

Représenté par la SCP RIVEL etamp; COMBEAUD, avoués à la Cour et assisté de Maître Gérard BOULANGER, Maître Wladimir BLANCHY et Maître Eric TOULOUSE, avocats au barreau de BORDEAUX,

Appelant d'un jugement rendu le 13 septembre 2005 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel en date du 27 septembre 2005,

à :

S.A. ANDRE BEAU, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis 112 avenue Jean Mermoz - 33320 EYSINES,

Représentée par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL etamp; JAUBERT, avoués à la Cour et assisté de Maître Frédérique PONS, avocat au barreau de PARIS,

Intimée,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue en audience publique, le 13 Novembre 2006 devant :

Monsieur Alain COSTANT, Président,

Monsieur Jean-Claude SABRON, Conseiller,

Madame Elisabeth LARSABAL, Conseiller,

Assistés de Madame Chantal X..., Greffier,

Et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du Siège ayant assisté aux débats ;*******

Par jugement du 13 septembre 2005, auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, la première chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, dans le litige opposant André BEAU à la S.A. ANDRE BEAU relatif à la nullité de marques déposées par cette dernière comportant le nom patronymique du demandeur, a :

- déclaré recevable l'action en nullité de marques introduite par André BEAU ;

- déclaré celle-ci non fondée et rejeté l'ensemble des demandes d'André BEAU ;

- rejeté la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts de la S.A. ANDRE BEAU ;

- condamné André BEAU au paiement d'une somme de 1.500 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

André BEAU a relevé appel de cette décision le 27 septembre 2005.

Dans ses conclusions signifiées et déposées au Greffe le 05 octobre 2006, il demande à la Cour, réformant le jugement dont appel, de :

- préciser les contours de la notion de "notoriété" telle qu'elle a été énoncée par la Cour de cassation dans son arrêt du 06 mai 2003 ;

- dire et juger que le nom patronymique André BEAU ayant été utilisé à titre commercial préalablement à la constitution de la société éponyme, ce qui lui a nécessairement conféré une notoriété et donc une valeur patrimoniale, cette dernière devait s'assurer de l'autorisation expresse de son titulaire avant de le déposer à titre de marque ;

- en conséquence, constatant l'absence d'autorisation, prononcer la nullité des marques dont l'intimée est propriétaire comportant le nom patronymique de l'appelant ;

- ordonner en conséquence la radiation de ces marques à l' INPI à la diligence du Greffier en chef de cette juridiction dans le mois de l'arrêt à intervenir ;

- faire interdiction à l'intimée ou aux sociétés qu'elle contrôle ou appartenant à son groupe d'utiliser le nom patronymique de l'appelant en tant que dénomination sociale, non commercial, enseigne ou tout identifiant commercial sous astreinte de 100.000 ç par infraction constatée ;

- dire et juger qu'il a subi un préjudice financier et moral incontestable du fait des agissements de l'intimée et au principal condamner cette dernière à lui payer la somme de 8.600.000 ç à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi ;

- subsidiairement d'ordonner une expertise afin de procéder à l'évaluation de son préjudice en terme de manque à gagner et dans l'attente du dépôt du rapport de condamner l'intimée à lui payer la somme de 1.000.000 ç à titre de provision à valoir sur la somme qui

lui sera allouée par la Cour ;

- condamner l'intimée à lui payer la somme de 1 ç en réparation de son préjudice moral ;

- condamner l'intimée à lui payer la somme de 15.000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre tous les dépens.

Il rappelle les conditions de la cession le 03 juillet 1977 à la société "Maisons Bruno PETIT" de la majorité du capital qu'il détenait dans les sociétés "Constructions ANDRE BEAU S.A." et "S.A.R.L. Société des Travaux Industriels du Bâtiment" alors qu'il souhaitait étendre une notoriété largement acquise depuis 1953 tout en restant propriétaire de 25% du capital de ces sociétés. Il ajoute qu'alors qu'il s'était installé aux Etats Unis depuis 1979 pour y exercer ses talents d'entrepreneur en raison de la clause de non concurrence incluse dans l'acte de cession, il a appris avec stupeur en l'an 2000 par sa fille et son gendre, qui désiraient former une entreprise de construction, que son nom avait été déposé à titre de marque alors qu'aucun accord sur l'usage de son nom patronymique à titre de marque n'avait été conclu ni même envisagé explicitement ou implicitement.

Il soutient que sa demande est bien recevable alors d'une part que les dépôts de marques n'ont pas été faits de bonne foi dès lors qu'il n'a jamais consenti à l'utilisation de son nom patronymique à titre de marque et d'autre part que l'intimée ne peut invoquer une tolérance dès lors qu'il ignorait l'usage de son nom à titre de marque déposée.

Il fait valoir que dans le cadre commercial le nom patronymique, source de réputation, peut représenter une valeur économique. Il ajoute que s'il peut à ce titre devenir un objet de propriété incorporelle, toute cession ou concession de celui-ci doit faire

l'objet d'une autorisation expresse et circonstanciée fixant notamment les limites et modalités du transfert de jouissance. Il rappelle que conformément à l'arrêt DUCASSE, et contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, le fait non discuté qu'il ait concédé à la société "les Constructions André BEAU" le droit d'utiliser son nom à titre de dénomination sociale, d'enseigne et de nom commercial ne valait pas pour autant accord sur l'usage du dit nom à titre de marque déposée. Il soutient que la notion de notoriété n'a pas à intervenir dans la protection du nom patronymique, le titulaire d'un patronyme qui n'est pas notoire ayant le même droit à protection que le titulaire d'un patronyme notoirement connu en vertu du principe de non discrimination et d'égalité devant la loi. Il fait valoir qu'en tout état de cause sa notoriété en tant que constructeur de maisons individuelles était acquise bien avant la constitution d'une société utilisant son nom à titre de dénomination sociale, ce qui fait que le dit nom avait une valeur patrimoniale.

Il soutient par ailleurs que lors de sa transformation en 1983 en S.N.C., en cessant d'inclure son patronyme dans sa dénomination sociale pour avoir pris celle de "CIF et Compagnie S.N.C.", la personne morale qu'il avait créée a perdu le droit d'utiliser le patronyme André BEAU faute d'avoir obtenu un nouvel accord de lui-même.

Il fait valoir que les agissements de l'intimée lui ont causé un préjudice dès lors qu'elle s'est enrichie par l'utilisation de son nom sans qu'il puisse profiter de cette création de richesse alors que l'accord qu'il aurait pu donner à l'utilisation de son nom lui aurait ouvert droit à "royalties". Il ajoute qu'il a calculé sa réclamation à ce titre sur le chiffre d'affaires réalisé par les sociétés en cause sur de nombreuses années.

La S.A. ANDRE BEAU, dans ses dernières conclusions signifiées et

déposées au Greffe le 30 octobre 2006, demande à la Cour, in limine litis, de déclarer irrecevable l'action d'André BEAU. Subsidiairement au fond elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation d'André BEAU à lui payer la somme de 20.000 ç à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 15.000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre tous les dépens.

Elle soutient tout d'abord que l'action d'André BEAU doit être déclarée irrecevable en application de l'article L.714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle dès lors d'une part que les dépôts de marques litigieux ont été effectués de bonne foi compte tenu de la cession par André BEAU des éléments incorporels de son fonds de commerce, son nom désignant dans ce cadre l'ensemble des produits à titre de marque et d'autre part qu'André BEAU a toléré pendant cinq ans l'usage des dites marques, par l'exploitation qui en était faite pour désigner des produits et services, peu important à cet égard la connaissance du dépôt et de l'enregistrement. Elle ajoute que s'il n'est pas contesté qu'André BEAU ait habité aux Etats Unis, il n'a pas précisé depuis quand, alors qu'il est revenu en France pour des assemblées de la société PHABY dont il est le gérant, s'étant de surcroît rendu à plusieurs reprises dans les locaux de la S.A. ANDRE BEAU à laquelle il avait consenti une garantie de passif. Subsidiairement elle soutient qu'André BEAU ne justifie pas d'une atteinte à son nom patronymique qui est répandu et constitue un adjectif de la langue française alors par ailleurs qu'en vendant un fonds de commerce ayant son patronyme comme enseigne et non commercial il a formellement donné son accord pour que de patronyme soit utilisé à des fins commerciales. Elle ajoute qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt rendu par la Cour de cassation dans l'affaire DUCASSE que la notoriété du patronyme, inexistante en l'espèce, alors

qu'elle doit s'apprécier pour un large public sur le territoire national conférant à celui-ci une valeur patrimoniale, constitue l'élément déterminant pour faire prévaloir les intérêts de l'associé fondateur sur ceux de la société.

Elle fait par ailleurs valoir que les changements dans la forme juridique de la S.A. ANDRE BEAU ne sauraient pas plus légitimer l'action d'André BEAU alors qu'il existe une continuité entre la société les Constructions André BEAU et l'actuelle S.A. ANDRE BEAU peu important qu'en 1983 la S.N.C. ait abandonné la raison sociale André BEAU pour la reprendre en 1985.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 06 novembre 2006.

Motif de la décision

Attendu qu'il est constant que suivant acte reçu le 28 janvier 1971 par Maître PESTOURIE, notaire à Bordeaux, a été créée la Société Anonyme des Constructions ANDRÉ BEAU ayant pour objet la prise en exploitation et la location à bail gérance de tout fonds de commerce d'entreprise de bâtiment, dont celui d'André BEAU, dont André BEAU était actionnaire à 94% ; que suivant acte reçu le 19 août 1976 par le même notaire André BEAU a vendu, moyennant le prix de 1.000.000 francs son fonds de commerce d'entreprise de bâtiment comprenant l'enseigne et le nom commercial "CONSTRUCTIONS ANDRÉ BEAU" sous lequel il est connu et exploité, l'achalandage et la clientèle existante à la S.A. Constructions ANDRÉ BEAU ; que le 03 juin 1977 André BEAU cédait à la S.A. "Maisons Bruno PETIT" la majorité du capital qu'il détenait dans les sociétés S.A. "Constructions André BEAU" et S.A.R.L. "Société des Travaux Industriels du Bâtiment" ; que le 02 février 1979 André BEAU vendait à divers acquéreurs les actions dont il était demeuré propriétaire se retirant des affaires ; que le 06 février 1979 la S.A. André BEAU déposait à l' INPI sous le numéro 154 3087 la marque "CONSTRUCTIONS ANDRE BEAU" en classe 19, 37 et 40

; que cette marque fut renouvelée le 25 juillet 1989 ; que par la suite la S.A. ANDRE BEAU devait déposer de 1984 à 1992 huit autres marques comprenant le patronyme André BEAU ;

Sur la recevabilité de l'action André BEAU :

Attendu qu'aux termes de l'article L.714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle "Est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux articles L.711-1 à L.711-4... seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article L.711-4. Toutefois son action n'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il a été toléré l'usage pendant cinq ans" ;

Attendu qu'André BEAU fait tout d'abord justement grief au premier juge d'avoir considéré que les dépôts de marques de la S.A. ANDRE BEAU avaient été faits de bonne foi compte tenu des accords intervenus entre les parties ; qu'en effet la cession de son fonds de commerce par André BEAU visant expressément l'utilisation de son nom à titre d'enseigne et de nom commercial, sous lequel le dit fonds était connu et exploité, celle-ci ne pouvait valoir autorisation accordée pour le futur d'utiliser son patronyme à titre de marque en l'absence de toute autorisation expresse ; que la S.A. ANDRE BEAU ne justifie pas d'une quelconque autorisation à ce titre ; qu'au contraire la chronologie des faits montre qu'elle a déposé la marque en cause avec la plus parfaite mauvaise foi ; qu'alors qu'André BEAU avait cédé son fonds de commerce en 1976, puis la majorité de ses actions en 1977, la S.A. ANDRE BEAU n'a déposé la marque "CONSTRUCTIONS ANDRE BEAU" que le 06 février 1979 soit quatre jours après qu'André BEAU se soit retiré des affaires après avoir vendu les dernières actions dont il était demeuré propriétaire le 02 février 1979 ;

Attendu de surcroît que le premier juge a retenu avec pertinence que

la preuve qu'André BEAU ait toléré l'usage de son nom à titre de marque n'était pas rapportée alors que ce dernier était parti aux Etats Unis et n'avait ainsi pas connaissance de l'usage qui était fait de son nom à titre de marque, étant à cet égard ajouté que le fait qu'il soit venu à diverses reprises en région Aquitaine et ait pu à cette occasion voir des pancartes de chantier ou des publicités avec le nom "André BEAU" ne saurait constituer une tolérance de l'usage de celui-ci à titre de marque dès lors que suite à la cession intervenue la S.A. ANDRE BEAU avait la possibilité d'utiliser ledit nom à titre d'enseigne et de nom commercial et qu'ainsi il pouvait figurer à ce titre sur des pancartes et panneaux publicitaires ;

Attendu qu'ainsi le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action d'André BEAU recevable ;

Sur la demande d'André BEAU en nullité des marques :

Attendu qu'aux termes de l'article L.711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle ne peut être adoptée comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment (g) au nom patronymique d'un tiers ;

Attendu que le consentement donné par un associé fondateur, comme en l'espèce André BEAU, dont le nom est notoirement connu à l'insertion de son patronyme dans la dénomination d'une société exerçant dans le même domaine et à l'utilisation par cette dernière du dit patronyme à titre d'enseigne et de nom commercial, ne saurait, sans accord de sa part et en l'absence de renonciation expresse ou tacite à ses droits patrimoniaux, autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de marque pour désigner les mêmes produits ou services ;

Attendu alors que notoriété ne doit pas être confondue avec célébrité, André BEAU fait justement grief au premier juge d'avoir estimé qu'il ne rapportait pas la preuve d'une notoriété, au sens de la jurisprudence DUCASSE, pour ses activités exercées avant 1971 date

de création de la société à laquelle il devait céder son fonds par la suite ;

Attendu qu'il résulte en effet des nombreuses pièces versées aux débats par l'appelant (attestations, photocopies des premières pages du journal Sud-Ouest de 1966 à 1970, panneaux publicitaires implantés le long des axes de circulation) que sa notoriété, étendue à toute la région aquitaine et non pas au seul département de la Gironde, était établie bien avant la création en 1971 de la société à laquelle il devait céder son fonds en 1976 autour de sa conception originale de maisons individuelles, au profil adapté aux divers sites de la région (Arcachon, Mimizan, Pomerol etc...) et dont la construction était réalisée dans toutes ses phases, du gros oeuvre à la finition, par la seule entreprise André BEAU, cette originalité ayant établi la notoriété de l'entreprise André BEAU par la qualité de ses constructions et le fait que ses clients n'avaient qu'elle pour interlocuteur dans le cadre de leur opération de construction ; qu'il est à cet égard indifférent que l'entreprise individuelle André BEAU ait construit 55 pavillons en 1970 et que cette activité se soit multipliée avec la création en 1971 de la société des Constructions André BEAU pour atteindre 459 pavillons en 1979 dès lors que la constitution d'une société, par les moyens qu'elle pouvait mettre en oeuvre par rapport à une entreprise individuelle, avait pour but de développer cette même production ;

Attendu qu'il convient dès lors, infirmant le jugement déféré, d'accueillir la demande d'André BEAU en prononçant dans les termes du dispositif ci-après, la nullité des marques déposées par la S.A. ANDRE BEAU comportant le patronyme d'André BEAU ; qu'il sera également fait droit à la demande concernant d'interdiction de l'utilisation du nom patronymique en tant que marque ou partie de marque sous astreinte ;

Attendu alors qu'aux termes de l'article L.714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle pris en son dernier alinéa "la décision d'annulation a un effet absolu" il n'est pas nécessaire d'ordonner la radiation des marques sollicitée ;

Sur la réparation du préjudice subi par André BEAU :

Attendu qu'il convient tout d'abord de faire droit à la demande de ce dernier en lui allouant la somme de 1 ç qu'il sollicite en réparation de son préjudice moral consécutif à l'utilisation de son patronyme à titre de marque commerciale ;

Attendu que si André BEAU a par ailleurs subi un préjudice financier dès lors qu'il aurait pu consentir à l'utilisation de son patronyme à titre de marque moyennant rémunération, ce préjudice ne saurait correspondre comme il le soutient, au vu du rapport établi par la société de conseil "PRICE WATERHOUSE COOPERS", à un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par la S.A. ANDRE BEAU ; qu'en effet en la matière, et contrairement à d'autres produits vendus sur le seul effet attractif de la marque, le chiffre d'affaires en matière de construction de maisons individuelles ne dépend pas que de la seule marque sous laquelle elles sont commercialisées mais principalement du savoir faire de l'entreprise en cause et de la qualité de ses produits ;

Attendu qu'ainsi et sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'expertise sollicitée subsidiairement, la Cour trouve, compte tenu de la durée d'utilisation respective des diverses marques, les éléments d'appréciation suffisants pour chiffrer le préjudice financier d'André BEAU à la somme de 50.000 ç pour la marque déposée dès 1969 et à 15.000 ç pour chacune des huit autres marques déposées postérieurement, soit la somme totale de 170.000 ç ;

Sur la demande d'André BEAU tendant à voir faire interdiction à la S.A. ANDRE BEAU d'utiliser son patronyme en tant que dénomination

sociale, enseigne, nom commercial ou tout identifiant commercial sous astreinte de 100.000 ç par infraction constatée :

Attendu alors qu'il résulte des pièces versées aux débats par l'intimée que depuis la cession le 19 août 1976 par André BEAU de son fonds de commerce à la S.A. "CONSTRUCTIONS ANDRE BEAU" cette personne morale est toujours la même, peu important à cet égard d'une part les changements intervenus dans la forme juridique de la société, transformée en société en nom collectif par décision d'une assemblée générale extraordinaire du 12 décembre 1983 pour redevenir société anonyme par suite d'une assemblée générale extraordinaire du 15 janvier 1988, et d'autre part ses changements de dénomination sociale et le fait que lorsqu'elle a été transformée en S.N.C. elle se soit dénommée "CIF et Cie S.N.C.", cette société, aujourd'hui dénommée S.A. ANDRE BEAU, ne saurait avoir perdu le droit d'utiliser le nom André BEAU à titre de dénomination sociale, d'enseigne et de nom commercial qu'elle tient de la cession de fonds de commerce intervenue le 19 août 1976 ; qu'André BEAU sera en conséquence débouté de ses demandes de ce chef ;

Sur les dépens et demandes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Attendu que succombant la S.A. ANDRE BEAU supportera les dépens et ne saurait voir accueillie sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'équité commandant qu'il soit fait application de ce texte au profit d'André BEAU en lui allouant la somme de 3.000 ç ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Reçoit André BEAU en son appel régulier en la forme et le dit partiellement fondé.

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action d'André BEAU et statuant à nouveau :

Dit ladite action bien fondée.

Prononce la nullité des marques suivantes déposées par la S.A. ANDRE BEAU :

- marque "CONSTRUCTIONS ANDRE BEAU" déposée le 06 février 1979 et renouvelée enregistrée à l' INPI sous le numéro 1543087,

- marque "CONSTRUCTIONS ANDRE BEAU" déposée le 06 janvier 1984 et enregistrée à l' INPI sous le numéro1262617,

- marque semi figurative "LES MAISONS ANDRE BEAU" déposée le 06 janvier 1984 et enregistrée sous le numéro 1262618,

- marque semi figurative "ANDRE BEAU" déposée le 06 janvier 1984 et enregistrée sous le numéro 1262619,

- marque "ANDRE BEAU : de belles maisons artisanales à la carte" déposée le 15 février 1985 et enregistrée sous le numéro 1299359,

- marque semi figurative "ANDRE BEAU DE BELLES MAISONS ARTISANALES" déposée le 1er avril 1985 et enregistrée sous le numéro 1804331,

- marque "André BEAU : votre maison à la carte" déposée le 28 octobre 1986 et enregistrée sous le numéro 1376924,

- marque "CONSTRUCTIONS ANDRE BEAU" déposée le 25 septembre 1989 et enregistrée sous le numéro 1552081,

- marque internationale désignant l'Espagne déposée le 10 janvier 1992 "LES MAISONS ANDRE BEAU" avec logo (extension de la marque 1304341 du 1er avril 1985).

Fait interdiction à la S.A. ANDRE BEAU d'utiliser le patronyme André BEAU à titre de marque ou de partie de marque sous astreinte de 100ç par infraction constatée.

Condamne la S.A. ANDRE BEAU à payer à André BEAU :

- la somme de 1 ç en réparation de son préjudice moral,

- la somme de 170.000 ç en réparation de son préjudice financier,

- la somme de 3.000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties.

Condamne la S.A. ANDRE BEAU aux dépens et autorise la SCP RIVEL-COMBEAUD, avoué à la Cour, à recouvrer directement ceux dont elle a pu faire l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Alain COSTANT, Président, et par Madame Chantal X..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0289
Numéro d'arrêt : JURITEXT000007632305
Date de la décision : 18/12/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-12-18;juritext000007632305 ?
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