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05/03/2008 | FRANCE | N°06/04750

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0045, 05 mars 2008, 06/04750


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 05 mars 2008
(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)
No de rôle : 06 / 04750
CT
Madame Christiane X...
c /
Monsieur Jean-Yves Y... Madame Y... Monsieur Régis Marie Gérard Z...

Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 juillet 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 22 septembre 2006
APPELANTE :
Madame Christiane X...,

née le 15 Janvier 1937 à BORDEAUX (33000), de nationalité française, demeurant ...
représentée par la SCP RI...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 05 mars 2008
(Rédacteur : Madame Edith O'YL, Conseiller)
No de rôle : 06 / 04750
CT
Madame Christiane X...
c /
Monsieur Jean-Yves Y... Madame Y... Monsieur Régis Marie Gérard Z...

Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avouésDécision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 juillet 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 22 septembre 2006
APPELANTE :
Madame Christiane X..., née le 15 Janvier 1937 à BORDEAUX (33000), de nationalité française, demeurant ...
représentée par la SCP RIVEL et COMBEAUD, avoués à la Cour et assistée de Maître DELAUNES avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Monsieur Jean-Yves Y..., demeurant ...
Madame ELIANE Y..., demeurant ...
représentés par la SCP BOYREAU ET MONROUX, avoués à la Cour et assistés de Maître TOSI avocat au barreau BORDEAUX
Monsieur Régis Marie Gérard Z..., né le 16 Décembre 1948 à BORDEAUX (33000), de nationalité française, Profession : Architecte, demeurant ...
représenté par la SCP LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour et assisté de Maître HARMAND-DURON avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 janvier 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Robert MIORI, Président, Madame Josiane COLL, Conseiller, Madame Edith O'YL, Conseiller,

qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
-contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du Nouveau Code de Procédure Civile.
-vu le jugement du tribunal de grande instance de BORDEAUX en date du 20 juillet 2006 vu l'appel interjeté le 22 septembre 2006 par madame CHRISTIANE X... vu ses conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 10 décembre 2007 vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 20 décembre 2007 par Monsieur JEAN YVES Y... et par Madame ELIANE Y... vu les conclusions déposées au greffe de la cour et signifiées le 20 novembre 2007 par Monsieur REGIS Z... vu l'ordonnance de clôture en date du 26 décembre 2007

* * *

Madame X..., propriétaire d'un immeuble situé ..., reproche à ses voisins, les époux Y..., d'avoir fait réaliser, sous la maitrise d'œ uvre de Monsieur Z..., au cours des années 2000 et 2001 des travaux de rénovation et de surélévation sur leur immeuble qui sont à l'origine de désordres et d'empiètements ; elle signale en outre que la terrasse qu'ils ont fait édifier n'est pas conforme au permis de construire, permet des vus plongeantes sur son jardin et que le pare-vue qu'ils ont installé pour y remédier la prive d'ensoleillement ; elle fait enfin état du préjudice moral qu'elle subit du fait de leur attitude désinvolte voire méprisante ;
Après avoir obtenu en référé la désignation de Monsieur F..., expert judiciaire, elle saisissait en réparation de son préjudice le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX qui par le jugement critiqué la déboutait au motif essentiel que les conditions d'application de l'article 1382 du code civil n'étaient pas réunies ;
sur les troubles du voisinage
Il est de principe que nul ne doit causer à autrui de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage et ceci indépendamment de l'existence de toute faute ;
Le fait que Madame X... ait refusé l ‘ entrée de son immeuble à l'huissier de justice chargé par les époux Y... d'établir un constat des lieux à titre préventif, ou qu'elle n'ait pas été disponible le jour où cet huissier s'est présenté, ne saurait avoir pour effet de rendre irrecevable ses demandes ; ce constat ne pouvait être en effet qu'un élément de preuve parmi d'autres dont il conviendra d'apprécier la pertinence ; il est à observer à cet effet qu'elle a fait procéder à l'établissement de cinq constats, qu'elle a fait diligenter deux expertises par son assureur, l'une de celle-ci l'ayant été de façon contradictoire ;
Madame X... demande en premier lieu la condamnation des époux D Y... à lui payer la somme de 3058. 01 € avec indexation sur l'indice BT 01 depuis la date de clôture du rapport d'expertise jusqu'à la date du présent arrêt au titre des désordres affectant son immeuble ;
Monsieur F... dans le rapport qu'il a déposé le 16 septembre 2003 estime que sont imputables aux travaux réalisés par les époux Y... les désordres suivants :
-un éclat de plâtre dans le séjour s'expliquant par les vibrations ; le coût de réfection est fixé à 120 €, l'expert estimant que l'état de vétusté de cette pièce ne justifiait pas une réfection générale ; il ne peut donc être reproché à monsieur F... de ne pas avoir tenu compte dans son évaluation de l'état préexistant de cette pièce ;
-la cassure de la vitre d'éclairage située au dessus du bac à douche par la chute de pierres descellées dont il ne peut être nié qu'elle soit la conséquence des travaux litigieux au regard de la lettre qu'a adressée l'appelante aux intimés et du constat qu'elle a fait dresser le 14 mars 2001 ; les travaux de remise en état sont évalués à la somme de 850 € ;
-une fissure dans l'angle nord ouest de la terrasse : 120 €,
-une fissuration de la plaque ondulée de verre : 600 € y inclus les frais d'échafaudage ;
-les épaufrures en façade rue 190
-le sectionnement du câble de télévision dont témoigne le constat dressé le 9 mars 2001 et que madame X... justifie par la production d'une facture de 650 € avoir du prendre en charge, les intimés n'ayant pas répondu à ses demandes et n'établissant pas que ce coût serait excessif ;
Les époux Y... seront en conséquence condamnés à lui payer la somme de 2530 € ;
En revanche aucun élément objectif tiré du rapport d'expertise ou des pièces versées aux débats par l'appelante ne permet d'affirmer que des eaux de pluie provenant de l'immeuble voisin s'écoulent sur sa propriété ;
Madame X... demande en second lieu la condamnation des époux Y... à démolir sous astreinte de 100 € par jour de retard le clin et le solin empiétant sur sa propriété ; l'expert indique dans son rapport que la protection du rehaussement du mur des époux Y... côté jardin est assurée par un bardage de bois qui déborde de 2 ou 3 cm sur la toiture de Madame X... et que le solin réalisé au pied de ce revêtement déborde par rapport au mur séparatif ; la limite de la propriété de Madame X... ressort des photographies versées aux débats : le rehaussement protégé par le bardage appartient aux intimés tandis que la toiture qu'il surplombe appartient à l'évidence à l'appelante ; la demande de celle-ci sera en conséquence accueillie selon les modalités figurant au dispositif, l'expert ayant chiffré le coût des travaux à 3139. 31 € ; en revanche le fait que le solin qui a pour objet de combler les vides entre les deux bâtiments déborderait quelque peu sur sa propriété est inévitable et a pour effet d'éviter les infiltrations ; ce serait l'absence de solin qui serait critiquable ;
En troisième lieu Madame X... réclame la condamnation des ses voisins à démolir sous astreinte de 150 par jour de retard la terrasse qu'ils ont fait édifier et à défaut, pour le cas où cette démolition ne serait pas ordonnée, l'allocation d'une somme de 30 000 € de dommages et intérêts et la mise en place sous astreinte d'un pare-vue totalement étanche ; elle demande en outre leur condamnation au paiement d'une somme de 5 000 € en réparation de sa privation d'ensoleillement ;
il ressort du rapport de Monsieur F... que la terrasse construite par les époux Y... a une hauteur de 85 cm (et non pas de 1m10 comme le soutient l'appelante) pour lui permettre d'être au même niveau que le sol du salon au lieu des 70 cm prévus par le permis de construire mais que le certificat de conformité a été accordé ; il est acquis que le permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers ; Monsieur F... explique dans son rapport, sans décrire exactement les vues dont cette terrasse bénéficie sur le jardin de Madame X... mais dont la réalité s'évince de la disposition des lieux, que les époux Y... ont mis en place un pare vue relativement étanché en lattes de bois entrelacées ; il préconise en outre la mise en place de canisses représentant un coût de 158. 01 € pour assurer une étanchéité complète ;
L'installation d'un pare-vue doublé de canisses étant de nature à protéger l'intimité de Madame X... et à faire cesser l'inconvénient anormal de voisinage lié aux vues, il n'y a pas lieu d'accueillir sa demande principale tendant à la démolition de la terrasse ; les époux Y... seront en conséquence condamnés selon les modalités figurant au dispositif à mettre en place les canisses préconisés par l'expert ;
L'expert indique certes que ce pare vue situé au nord-est de la terrasse de Madame X... ne la privera de soleil que de façon peu sensible ;
Toutefois d'une part cette privation, même peu importante, est indéniable ; par ailleurs ce pare vue aura pour effet de rendre moins agréable son jardin compte tenu de l'étroitesse de celui-ci et de l'impression d'enfermement créée ; par ailleurs il est certain qu'elle a souffert des vues dont bénéficiaient ses voisins sur son fonds ; il lui sera alloué en réparation de ce préjudice une somme de 1500 € ;
Enfin si au vu des pièces versées aux débats il n'est pas possible d'imputer à l'une ou à l'autre des parties l'origine de la mauvaise entente régnant entre celles-ci, il n'en demeure pas moins que d'une part les demandes légitimes de l'appelante, qui a immédiatement signalé à ses voisins les divers désordres qu'elle subissait du fait de leurs travaux, sont restées sans réponse (notamment celles relatives au câble de sa télévision sectionné lors des travaux, à la chute des pierres qui après avoir cassé la vitre d'éclairage sont tombées dans son bac à douche …) ou ont été traitées avec désinvolture ; la somme de 1500 € réparera justement le préjudice moral qu'elle a ainsi subi ;
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de l'appelante à hauteur de 1200 € ;
sur l'appel en garantie
Les époux Y... demandent à être relevés indemnes sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil des condamnations prononcées à leur encontre par Monsieur Z..., leur maître d'œ uvre ;
Ils ont confié à celui-ci le 30 mai 2000 une mission de maîtrise d'œ uvre complète incluant le suivi du chantier ; s'il est vrai que ce sont les entreprises chargées de la réalisation des travaux qui sont effectivement à l'origine des troubles anormaux de voisinage litigieux, il est constant que le maître d'œ uvre compte tenu de sa mission se devait, que ce soit au niveau de la conception ou de l'exécution, de faire respecter les droits de Madame X..., ce d'autant qu'il était avisé de ses griefs tant par elle que par les époux Y... qui se sont d'ailleurs plaints à plusieurs reprises de la longueur du chantier et des incidents qui l'ont émaillé ;
Certes Monsieur Z..., qui est intervenu aux opérations d'expertise pratiquées par l'assureur de l'appelante en janvier 2001, n'était pas partie aux opérations d'expertise diligentées par Monsieur F... ; toutefois d'une part il y a participé à la demande de ses clients ; d'autre part cette expertise est dans le débat et il a d'ailleurs conclu sur les divers griefs formulés par l'appelante ; en conséquence l'expertise de Monsieur F... lui est opposable ;
Il est acquis que le maître de l'ouvrage n'a pas à prouver l'existence d'une faute à l'encontre de celui auquel il a confié des travaux et que la démonstration de l'existence de troubles anormaux du voisinage générés par ces travaux suffit à engager sa responsabilité ; il appartiendra éventuellement à Monsieur Z... de se retourner contre les entreprises responsables ;
En conséquence Monsieur Z... devra garantir les époux Y... des condamnations prononcées à leur encontre ;
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit des époux Y... à hauteur de 1 200 € ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire,
-infirme le jugement du tribunal de grande instance de BORDEAUX en date du 20 juillet 2006
-statuant à nouveau
-condamne les époux Y... :
. à payer à Madame X... la somme de 5530 €
. à enlever le bardage (clin) qui déborde sur la propriété de madame X... dans les trois mois de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous une astreinte de 20 € par jour de retard pendant deux mois,
. à mettre en place des canisses sur la limite séparative de leur terrasse dans les trois mois de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous une astreinte de 20 € par jour de retard pendant deux mois,
. à payer à Madame X... une somme de 1200 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-condamne monsieur Z... à relever indemne les époux Y... des condamnations prononcées à leur encontre,
-le condamne à verser aux époux Y... une indemnité de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
-le condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Président, Le Greffier,
Robert MIORI Hervé GOUDOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0045
Numéro d'arrêt : 06/04750
Date de la décision : 05/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 20 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-03-05;06.04750 ?
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