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16/04/2008 | FRANCE | N°07/02601

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Ct0255, 16 avril 2008, 07/02601


COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 16 AVRIL 2008

(Rédacteur : Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,)

No de rôle : 07 / 02601

Monsieur Christian X...

c /

SELARL CHRISTOPHE Y...

Nature de la décision : AU FOND

Notifié le : Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 avril 2007 (R. G. 2005F1583) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 24 mai 2007

APPELANT :

Monsieur Christian X..., né le 07 Janvier 1951

à BORDEAUX (33000), de nationalité Française, demeurant ...

représenté par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 16 AVRIL 2008

(Rédacteur : Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,)

No de rôle : 07 / 02601

Monsieur Christian X...

c /

SELARL CHRISTOPHE Y...

Nature de la décision : AU FOND

Notifié le : Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 avril 2007 (R. G. 2005F1583) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 24 mai 2007

APPELANT :

Monsieur Christian X..., né le 07 Janvier 1951 à BORDEAUX (33000), de nationalité Française, demeurant ...

représenté par la SCP CASTEJA-CLERMONTEL et JAUBERT, avoués à la Cour et assisté de Maître Jean-Michel BARGIARELLI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SELARL CHRISTOPHE Y... pris ès-qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL DUDUWAQ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis ...

représentée par la SCP LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD, avoués à la Cour et assistée de Maître Patrick TRASSARD de la SCP GUIGNARD, GARCIA, TRASSARD, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 mars 2008 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-François BOUGON, Président,
Monsieur Bernard ORS, Conseiller,
Monsieur Philippe LEGRAS, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Véronique SAIGE

Vu le visa de Madame le Substitut Général qui a été régulièrement avisée de la date d'audience.

ARRÊT :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Par actes des 2 mai et 11 juillet 2005 la SELARL Christophe Y... ès qualités de liquidateur de la SARL DUDUWAQ ayant exploité une discothèque à LEGE sous l'enseigne " La Plantation " et déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de BORDEAUX du 15 octobre 2003 faisait assigner devant ce même tribunal Christian X... aux fins, sur le fondement de l'article L 624-3 ancien du Code de commerce, de voir constater que celui-ci a, en sa qualité de gérant de la société sus désignée, tenu une comptabilité manifestement incomplète et non probante, poursuivi l'activité au-delà du mois de juin 2002, date à laquelle l'état de cessation des paiements était avéré, cette poursuite ayant contribué à l'aggravation du passif, ces faits étant constitutifs de faute de gestion, et de le voir condamner à payer la somme de 660. 000 € en comblement de l'insuffisance d'actif ainsi que 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 25 avril 2007 le tribunal a condamné Christian X... à payer à la SELARL Christophe Y... ès qualités la somme de 250. 000 € ainsi que 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Christian X... a interjeté appel le 24 mai 2007 de ce jugement. Par uniques écritures du 24 septembre 2007 il conclut à la réformation avec la constatation qu'au jour de la déclaration de cessation des paiements du 10 octobre 2003 la SARL DUDUWAQ faisait face avec sa caisse à l'ensemble des dettes exigées par ses créanciers en sorte qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article L 624-3 du Code de commerce. Il demande la condamnation de l'intimé ès qualités à lui payer une indemnité de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SELARL Christophe Y..., intimée et appelante incidente ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL DUDUWAQ, a conclu le 11 décembre 2007 à la confirmation du jugement sauf à voir porter le montant de la condamnation sur le fondement de l'article L 624-3 du Code de commerce à la somme de 660. 000 €. Elle demande la condamnation de l'appelant à lui payer 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Ministère Public a eu communication de la procédure en dernier lieu le 1er février 2008.

M O T I F S E T D E C I S I O N

Attendu qu'aux termes de l'article L 624-3 du Code de commerce lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées en tout ou en partie par les dirigeants de droit ou de fait ;

attendu que la qualité de Christian X... de gérant de droit de la SARL DUDUWAQ ne fait pas débat non plus que le montant de l'insuffisance d'actif fixé, compte tenu des réalisations d'actifs à hauteur de 45. 348 €, à la somme de 665. 227 € ;

– Sur l'état de cessation des paiements :

Attendu que l'état de cessation des paiements a été fixé provisoirement dans le jugement de liquidation judiciaire au 10 octobre 2003, date de sa déclaration, le mandataire liquidateur estimant qu'elle pouvait être remontée au mois de juin 2002 et les premiers juges ayant retenu cette date ;

attendu que pour contester ce remontement l'appelant fait valoir qu'il a, avec sa caisse et jusqu'au jour de la déclaration de l'état de cessation des paiements, fait face aux dettes exigées ou " réclamées " par ses créanciers, cependant cet argument se heurte à la définition de l'état de cessation des paiements soit l'impossibilité de faire face à son passif exigible (les dettes certaines et liquides non à terme) avec son actif disponible (celui dont il peut être immédiatement disposé sans mettre en péril la continuité de l'entreprise), la notion de dette exigée y étant étrangère ;

attendu qu'en l'espèce la SARL DUDUWAQ avait, suite au résultat de son contrôle fiscal et à sa contestation de novembre 1990, été autorisée à différer le paiement de ses impositions et des pénalités s'y rapportant au titre des années 1987, 1988 et 1989 et l'appelant se réfère à la notion de sursis légal de paiement (articles L 277 et R 277 du LPF) dont il bénéficiait à compter de son recours contre l'administration fiscale, suspendant toutes mesures d'exécution, ainsi qu'à l'obtention en septembre 2000 puis en janvier 2003 d'accords de paiement échelonné dans l'attente de l'issue de la procédure devant le Conseil d'Etat ;

mais attendu qu'il reste que cette dette, certes non exigée, était exigible dès le 30 juin 1998, que la requête en annulation devant le Conseil d'Etat de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de BORDEAUX n'a pas été admise et il est ressorti de l'état des créances des dettes fiscales pour des montants de 524. 297, 64 € pour le Trésor public représentant l'impôt sur les sociétés à compter de l'année 1987 et des intérêts moratoires pour 216. 568 €, et de 6. 447 € au titre de la TVA pour la RPI d'Arcachon exigible à compter du 5 septembre 2001 ;

qu'il existait au 17 mai 2002 une inscription de privilège du Trésor de 59. 751 € pour la RPI d'Arcachon et au 17 juillet 2000 une inscription de privilège du Trésor de 396. 947 € pour la Trésorerie d'Audenge ;

attendu qu'en ce qui concerne la dette ISPRE, déclarée pour un montant de 36. 346, 31 €, l'appelant fait valoir qu'ayant honoré à compter d'octobre 2001 et jusqu'au dépôt de bilan tous les appels de fonds de ce créancier il a obtenu de fait des délais de paiement pour le solde du sans qu'il lui ait été adressé de mises en demeure ni de sommations de payer, néanmoins cette dette, constituée par les factures impayées de la période d'octobre 1988 à octobre 2003, était bien exigible pour un montant de 33. 704 € dès le mois d'octobre 2001 ;

attendu que la SACEM a déclaré une créance de 120. 725 € constituée à compter du mois de juin 2002, date à laquelle il était déjà du la somme de 97. 902 € visée dans l'assignation en référé du 8 avril 2003, et cette créance a fait l'objet d'une sommation de payer le 4 novembre 2002 puis de l'ordonnance de référé du 18 août 2003, ces deux dates ne pouvant traduire celle de l'exigibilité pas plus que celle de la signification de l'ordonnance de référé ;

attendu ainsi qu'à juste titre l'état de cessation des paiements a pu être remonté au mois de juin 2002 ;

– Sur les fautes de gestion :

Attendu que la première des fautes de gestion visée par le mandataire-liquidateur comme ayant contribué à l'insuffisance d'actif et retenue par les premiers juges est la tenue d'une comptabilité irrégulière, non conforme aux règles légales, prévue par l'article L 624-5 du Code de commerce, et de fait la comptabilité de la SARL DUDUWAQ, au moins pour les exercices 1987 à 1989, a été jugée non probante par l'administration fiscale dans sa notification de redressement d'octobre 1990 et comme présentant de graves irrégularités par la Cour administrative d'appel de BORDEAUX saisie de l'appel du jugement du Tribunal Administrattif de BORDEAUX du 11 mai 1999 rejetant le recours formé à l'encontre de l'administration, dans son arrêt du 12 mars 2002 ;

qu'en ce concerne les exercices postérieurs le mandataire liquidateur devait indiquer aux premiers juges qu'aucune comptabilité ne lui avait été remise depuis l'ouverture de la procédure collective et, si des bilans ont été produits pour les trois derniers exercices ayant précédé de dépôt de bilan laissant supposer qu'une comptabilité a été tenue, il n'est rien précisé en ce qui concerne les exercices de 1989 à 2000 ni en ce qui concerne l'exercice échu au 30 septembre 2003 ;

qu'en toute hypothèse c'est bien l'absence, à l'origine, de tenue d'une comptabilité régulière et probante qui a permis la constitution du passif fiscal que l'appelant a certes tenté de réduire par des versements échelonnés à compter de septembre 2000 mais qui, ayant donné lieu à déclaration pour un total de 530. 744 €, a très largement contribué à l'insuffisance d'actif ;

attendu que la seconde faute de gestion, soit la poursuite abusive dans un intérêt personnel d'une activité déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, prévu par l'article L 624-5 du Code de commerce, résulte de la constatation du résultat des exercices au 30 septembre 2001, déficitaire pour 23. 970 € avec une perte de 34. 895 €, et au 30 septembre 2002, déficitaire pour 5. 692 € avec une perte de 12. 939 € ;

qu'il se confirme qu'à compter du dernier trimestre 2001, et à fortiori à compter du mois de juin 2002, l'activité de la SARL DUDUWAQ a été poursuivie alors qu'elle était déficitaire, les capitaux propres étant négatifs, et que, compte tenu du passif exigible alors accumulé, elle ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

qu'ayant pu obtenir des moratoires ou des atermoiements sur les principales dettes et ayant sans doute réussi à assurer le quotidien des dettes exigées avec sa trésorerie l'appelant a pu faire perdurer cette situation anormale au regard des règles de saine gestion jusqu'à l'ordonnance du 18 août 2003 portant condamnation à la somme de 97. 902 €, le contraignant au dépôt de bilan ;

que l'intérêt personnel réside dans le maintien d'une structure qui assurait sa subsistance ;

attendu en conséquence que les fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif constatées par les premiers juges sont caractérisées ;

– Sur la condamnation :

Attendu que le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable sur le fondement de l'article L 624-3 du Code de commerce même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif et il peut être condamné à supporter la totalité des dettes sociales même si cette défaillance n'est à l'origine que d'une partie de celles-ci ;

qu'il n'y a pas ainsi à déterminer le montant de l'aggravation du passif générée par la faute de gestion du dirigeant dès lors que cette faute a contribué à l'insuffisance d'actif ;

qu'il appartient au juge d'apprécier la gravité des fautes de gestion commises et la proportion dans laquelle elles ont contribué à l'insuffisance d'actif et il peut être tenu compte d'autre part de la situation personnelle du dirigeant et de ses facultés contributives ;

attendu que l'évaluation souveraine par le tribunal à 250. 000 € de l'insuffisance d'actif devant être mis à la charge du dirigeant peut être approuvée ;

attendu en conséquence que le jugement déféré sera confirmé ;

que succombant en son appel incident l'intimé sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

– CONFIRME le jugement,

– DEBOUTE Christian X... de toutes ses demandes et la SELARL CHRISTOPHE Y... ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL DUDUWAQ de sa demande d'indemnité supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNE Christian X... aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP d'avoués LABORY-MOUSSIE et ANDOUARD.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-François BOUGON, Président, et par Madame Véronique SAIGE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Ct0255
Numéro d'arrêt : 07/02601
Date de la décision : 16/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Bordeaux, 25 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2008-04-16;07.02601 ?
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