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18/06/2013 | FRANCE | N°11/06928

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 18 juin 2013, 11/06928


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 18 JUIN 2013



(Rédacteur : Monsieur Jean-Pierre Franco, Conseiller)

(PH)



N° de rôle : 11/06928









Monsieur [K] [F]



Monsieur [Q] [O]



Monsieur [I] [X]



Monsieur [S] [R]



c/



Maître [A] [Z], ès qualités de mandataire liquidateur de l'Association Union Athlétique Gaillacoise



CGEA de [

Localité 7], mandataire de l'AGS du Sud-Ouest









Nature de la décision : SUR RENVOI DE CASSATION







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie in...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 18 JUIN 2013

(Rédacteur : Monsieur Jean-Pierre Franco, Conseiller)

(PH)

N° de rôle : 11/06928

Monsieur [K] [F]

Monsieur [Q] [O]

Monsieur [I] [X]

Monsieur [S] [R]

c/

Maître [A] [Z], ès qualités de mandataire liquidateur de l'Association Union Athlétique Gaillacoise

CGEA de [Localité 7], mandataire de l'AGS du Sud-Ouest

Nature de la décision : SUR RENVOI DE CASSATION

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à

Décision déférée à la Cour : arrêt rendu le 26 octobre 2011 par la Cour de Cassation cassant l'arrêt de la Cour d'Appel de Toulouse - 4ème chambre Sociale - section 1 en date du 02 juin 2010, suite à un jugement rendu le 05 janvier 2009 par le Conseil de Prud'hommes d'Albi, suivant déclaration de saisine datée du 09 novembre 2011,

DEMANDEURS SUR RENVOI DE CASSATION :

Monsieur [K] [F], né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 5]

(Royaume-Uni), de nationalité Ecossaise, profession joueur de rugby, demeurant [Adresse 6],

Monsieur [Q] [O], né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 6] (Afrique du Sud),

de nationalité Sud-Africaine, profession joueur de rugby, demeurant [Adresse 1],

Monsieur [I] [X], né le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 2] (Afrique du Sud), de nationalité Sud-Africaine, profession joueur de rugby, demeurant [Adresse 2],

Monsieur [S] [R], né le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 8] (Afrique du Sud), de nationalité Sud-Africaine, profession joueur de rugby, demeurant [Adresse 5] - Afrique du Sud,

Représentés par Maître Romuald Palao, avocat au barreau d'Avignon,

DEFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION :

Maître [A] [Z], ès qualités de mandataire liquidateur de l'Association Union Athlétique Gaillacoise, demeurant [Adresse 3],

Représenté par Maître Jean-François Reynaud, avocat au barreau de d'Albi,

CGEA de [Localité 7], mandataire de l'AGS du Sud-Ouest, pris en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représenté par la SCP Philippe Duprat - Isabelle Aufort & Bertrand Gaboriau, avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 avril 2013 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Raphaëlle Duval-Arnould, Conseiller,

Monsieur Jean-Pierre Franco, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

*

L'association Union Athlétique Gaillacoise (ci-après désignée le club) a engagé M. [I] [X] en qualité de joueur de rugby à compter du 1er juillet 2006 pour une durée déterminée d'une saison sportive (saison 2006/2007), moyennant un salaire brut mensuel de 5.128 €.

Suivant avenant daté du 1er juin 2007, prenant effet à compter du 1er juillet 2007, le club a prolongé le contrat de travail pour deux saisons, soit les saisons sportives 2007/2008 et 2008/2009, moyennant un salaire mensuel brut de 4.845 €.

Suivant contrat en date du 29 juin 2005, le club a engagé M. [K] [F] en qualité de joueur de rugby à compter du 1er juillet 2005 pour une durée déterminée de 12 mois devant s'achever le 31 juin 2006, moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle de 2.000 € nets.

Suivant avenant daté du 1er juillet 2006, le club a de nouveau engagé M. [F] pour la saison sportive 2006/2007 moyennant un salaire mensuel brut de 4.488 €.

Par un avenant daté du 1er juin 2007, l'association a prolongé le contrat de M. [F] pour deux saisons à compter du 1er juillet 2007, pour un salaire mensuel brut de 4.211 €.

Par contrat en date du 25 octobre 2006, le club a engagé M. [S] [R] en qualité de joueur de rugby 'joker' en remplacement de M. [H] [U], pour la saison sportive 2006/2007, moyennant un salaire mensuel brut de 5.129 €.

Par avenant en date du 1er juin 2007, prenant effet à compter du 1er juillet 2007, ce contrat a été prolongé d'une saison, soit la saison sportive 2007/2008, à compter du 1er juillet 2007, moyennant un salaire mensuel brut de 4.837 €.

Par contrat en date du 25 octobre 2006, le club a engagé M. [Q] [O] en qualité de joueur de rugby 'joker' en remplacement de M. [N] [V] pour la saison sportive 2006/2007 moyennant un salaire mensuel brut de 5.129 €.

Par avenant en date du 1er juin 2007, prenant effet à compter du 1er juillet 2007, ce contrat a été prolongé d'une saison, soit la saison sportive 2007/2008.

Les avenants du 1er juin 2007 stipulaient tous qu'ils étaient conditionnés et entreraient en vigueur dès lors que le club serait admis à participer au championnat de France professionnelle organisé par la ligue nationale de rugby pour la saison 2007/2008 ; et dans l'hypothèse où le club ne serait pas admis à participer au championnat de France 2007/2008, les parties convenaient que le joueur serait libre de tout engagement, sans qu'aucune indemnisation ne soit due par l'une ou l'autre des parties.

Par courrier en date du 15 juin 2007, le président a avisé M. [I] [X], M. [K] [F] et M. [Q] [O] qu'à la suite de la décision du conseil supérieur de la DNACG, le club était officiellement rétrogradé pour raisons financières en division inférieure et n'était donc pas admis à participer au championnat de France Pro D2 pour la saison 2007/2008, ce qui avait pour effet de rendre caduc l'avenant signé le 1er juin 2007.

Par jugement en date du 13 juillet 2007, le Tribunal de Grande Instance d'Albi a ouvert la liquidation judiciaire de l'association union athlétique Gaillacoise, en ordonnant la poursuite de l'activité jusqu'au 1er septembre 2007 et en désignant Me [M] [Z] en qualité de liquidateur.

Ce dernier, agissant ès qualités, a avisé M. [S] [R] de la fin de son contrat au 30 juin 2007 selon courrier en date du 18 juillet 2007.

Se fondant sur les dispositions de l'article L.625-1 du code de commerce, Me [Z] a refusé d'inscrire sur le relevé des créances salariales les sommes réclamées par les quatre joueurs, au titre des salaires.

Selon déclaration reçue au greffe le 31 août, 3 septembre et 5 octobre 2007, MM. [O], [R], [X] et [F] ont saisi le Conseil de Prud'hommes d'Albi pour voir juger que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur et voir fixer au passif de la liquidation judiciaire les créances suivantes :

- pour M. [Q] [O] : 5.210,54 € bruts de rappel de salaire et 67.368 € à titre de dommages et intérêts en raison de la rupture du contrat à durée déterminée,

- pour M. [K] [F] : 115.920 € à titre de dommages et intérêts,

- pour M. [I] [X] : 134.520 € à titre de dommages-intérêts,

- pour M. [S] [R] : 66.180 € à titre de dommages-intérêts,

outre la somme de 1.500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 5 janvier 2009, le Conseil de Prud'hommes statuant sous la présidence du juge départiteur a :

- fixé la créance de M. [Q] [O] à l'encontre du club à la somme de 5.210,54 € bruts à titre de rappel de salaire pour le mois de juin 2007, outre celle de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement opposable à l'AGS à défaut de fonds disponibles dans les conditions prévues par la loi et les règlements et les plafonds de garantie.

Suivant déclaration enregistrée au greffe le 5 février 2009, les quatre joueurs ont relevé appel de la décision, à l'exception des dispositions ayant fixé au bénéfice de M. [Q] [O] l'inscription de sa créance au titre du salaire du mois de juin 2007.

M. [F] a demandé à titre principal à la Cour d'Appel de Toulouse de dire que la rupture du contrat devait être prononcée aux torts exclusifs du club, de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire pour 115.920 € à titre de dommages-intérêts en application de l'article L.1243-4 du code du travail.

A titre subsidiaire, il a sollicité la requalification de la relation contrac-tuelle en contrat à durée indéterminée, et la fixation au passif de la liquidation judiciaire des sommes suivantes :

- 4.488 € à titre d'indemnité de requalification,

- 26.928 € à titre de dommages-intérêts,

- 8.976 € au titre du préavis et 897,60 € pour congés payés y afférents.

Les autres joueurs ont présenté les mêmes demandes qu'en première instance.

Par arrêt en date du 2 juin 2010, la Cour d'Appel de Toulouse a :

- confirmé le jugement en ce qui concerne les sommes allouées à M. [Q] [O],

- confirmé le jugement, par substitution de motifs, en ce qu'il a rejeté les demandes présentées au titre de la rupture des contrats,

y ajoutant :

- fixé la créance de M. [K] [F] envers la procédure collective de l'Union Athlétique Gaillacoise à 2.000 € au titre de la requalification de son contrat de travail,

- rejeté les autres demandes,

- dit la décision opposable à l'AGS.

Par arrêt en date du 26 octobre 2011, la Cour de Cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a débouté les joueurs de leurs demandes tendant à ce que la rupture des contrats de travail soit prononcée aux torts exclusifs du club de rugby et de leurs demandes en paiement en conséquence, et en ce qu'il a débouté M. [K] [F] de sa demande en paiement d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et pour rupture du contrat de travail, l'arrêt rendu le 2 juin 2010 entre les parties par la Cour d'Appel de Toulouse,

- remis en conséquence sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, renvoyé celles-ci devant la Cour d'Appel de Bordeaux,

- condamné Me [Z], ès qualités, aux dépens,

- condamné Me [Z], ès qualités, à payer aux demandeurs la somme globale de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour de Cassation a jugé qu'un événement passé, connu de l'une des parties, ne peut constituer une condition à l'entrée en vigueur du contrat de travail ; et, qu'en se déterminant comme elle l'avait fait, sans rechercher si l'employeur n'avait pas eu connaissance lors de la signature des avenants, le 1er juin 2007 que la condition de participation au championnat professionnel était défaillante, la Cour d'Appel avait privé sa décision de base légale.

Elle a, en outre, considéré qu'en cas de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture du contrat s'analysant en un licenciement et que le salarié pouvait prétendre aux indemnités de rupture lui revenant.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 9 novembre 2011, enregistrée au greffe le 14 novembre 2011, MM. [O], [R], [X] et [F] ont saisi la Cour d'Appel de Bordeaux.

Dans leurs conclusions enregistrées au greffe le 12 avril 2013, développées oralement à l'audience du 22 avril 2013, ils demandent à la Cour :

- de réformer en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes,

- de dire et juger que la rupture des contrats doit être prononcée aux torts exclusifs de l'association Union Athlétique Gaillacoise,

- de fixer au passif de la liquidation judiciaire en application de l'article L.1243-4 du code du travail les sommes de :

~ 134.520 € à titre de dommages-intérêts pour M. [I] [X]

~ 66.180 € à titre de dommages-intérêts pour M. [S] [R]

~ 67.368 € à titre de dommages-intérêts pour M. [Q] [O]

- de prononcer la requalification de la relation contractuelle entre M. [K] [F] et l'association Union Athlétique Gaillacoise en un contrat à durée indéterminée,

- de fixer en conséquence au passif de la liquidation judiciaire des sommes suivantes :

~ 4.488 € à titre d'indemnité de requalification,

~ 115.920 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

~ 8.976 € au titre du préavis ainsi que 897,60 € pour congés payés y

afférents

- de dire le jugement commun opposable au CGEA, qui sera tenu d'apporter sa garantie.

Ils font valoir, à titre principal :

- que la clause litigieuse est nulle, puisqu'au moment de la signature des contrats seule l'association avait connaissance de la décision de rétrogradation pour raisons financières de la DNACG, réceptionnée le 30 mai 2007, de sorte que la condition suspensive n'avait rien d'incertain,

- qu'en outre, la décision de relégation dans le secteur amateur n'a fait l'objet d'aucun recours, malgré la signature des contrats.

Ils soulignent à titre subsidiaire que la condition litigieuse doit être réputée accomplie puisque le club s'est volontairement abstenu de tout recours.

Ils invoquent enfin l'exécution déloyale de mauvaise foi de contrat de travail puisque l'employeur n'aurait rien fait pour inverser la décision de rétrogradation en division inférieure, et qu'il n'aurait pas porté le contrat à homologation.

À titre personnel, M. [F] soutient que le contrat à durée déter-minée d'une durée de 24 mois à compter du 1er juillet 2007 lui ouvrait droit à une période de garantie d'emploi, dont il entend conserver le bénéfice en dépit de la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée.

Dans ses conclusions développées lors de l'audience du 23 avril 2013, Me [Z] ès qualités demande à la Cour :

- de dire que les demandeurs ne rapportent pas la preuve certaine de la date à laquelle ils ont signé leur contrat,

- de dire que la rédaction des contrats par la commission juridique de la ligue nationale de rugby démontre qu'ils ont été signés avant que la DNACG ne statue,

- de dire que les contrats de travail se trouvent dépourvus d'existence juridique du fait de la défaillance de la condition suspensive,

- de dire que les contrats ne peuvent recevoir application,

- de débouter en conséquence les joueurs de toutes leurs demandes,

- de condamner ces derniers à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions en date du 19 avril 2013, développées oralement lors de l'audience du 22 avril 2013, le centre de gestion et d'études AGS (CGEA de Toulouse) demande à la Cour :

Sur les demandes de M. [K] [F] :

- de fixer la créance de ce joueur au passif pour la somme de 4.211 € au titre de l'absence de procédure et à celle de 1.000 € au titre du préjudice subi pour la rupture de son contrat à durée indéterminée,

- de débouter ce joueur du surplus de ses demandes.

Sur les demandes des trois autres joueurs :

- de dire que l'avenant du 1er juin 2007 est nul, et de nul effet pour fraude,

- de constater la rupture du contrat respectivement conclus le 1er juillet 2006 et 25 octobre 2006 par la survenance du terme,

- de débouter MM. [O], [X] et [R] de leurs demandes.

Subsidiairement, et sur la garantie de l'AGS :

- de faire droit aux contestations du CGEA de Toulouse,

- de dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite légale de sa garantie, laquelle est plafonnée à quatre fois le plafond de l'article D.3253-4 pour les créances sollicitées par MM. [O], [X] et [R], et à six fois le plafond pour les créances réclamées par M. [K] [F].

Cet organisme soutient essentiellement :

- que M. [K] [F] doit être déclaré irrecevable en sa demande tendant à voir fixer le montant de son indemnité de requalification à la somme de 4.448 € dès lors

que celle-ci a été fixée définitivement par la Cour d'Appel de Toulouse à la somme de 2.000 €,

- que M. [K] [F] ne peut réclamer une somme au titre de l'indemnité compensatrice de préavis puisqu'il n'a plus été juridiquement à la disposition du club à compter du 1er juillet 2007, date à laquelle il a conclu un contrat pour la saison 2007/2008 avec le club de [Localité 1],

- qu'au visa de l'article L.1235-5 du code du travail, M. [K] [F] pouvait réclamer tout au plus la somme de 4.211 € au titre de l'absence de procédure et celle de 2.000 € en réparation du préjudice subi par la perte de son contrat,

- que contrairement aux affirmations de ce salarié, l'avenant litigieux ne contient pas de clause de garantie d'emploi,

- qu'à titre subsidiaire, il est fondé à invoquer la fraude entâchant de nullité la clause litigieuse,

- qu'en toute hypothèse, la base de calcul retenue par M. [K] [F] (4.830 €) est infondée, puisque son salaire devait passer à 4.211 € bruts mensuels à compter du 1er juillet 2007,

- que la fraude est établie à l'occasion de la signature de l'avenant des trois autres joueurs, qui connaissaient parfaitement les difficultés croissantes du club.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes de M.[F] :

A défaut de cassation sur ces points, l'arrêt de la Cour d'Appel de Toulouse du 2 juin 2010 a force de chose jugée en ce qui concerne la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, et la fixation de l'indemnité de requalification à la somme de 2.000 €, au titre de l'article L.1245-2 du code du travail.

Les demandes formées sur ces deux points par M. [F] dans le cadre de la présente instance sont donc irrecevables.

Par ailleurs, il n'est pas discuté par les parties que la rupture du contrat de ce joueur doit s'analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au titre de l'indemnité compensatrice de préavis :

Selon les dispositions de l'article L.1234- 5 du code du travail, lorsque que le salarié n'exécute pas le préavis il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Celle-ci correspond aux salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, qu'aurait perçu le salarié s'il avait travaillé pendant cette période.

En cas d'inexécution du préavis par le salarié, l'employeur n'est tenu au paiement d'une indemnité compensatrice que lorsqu'il a unilatéralement décidé de dispenser le salarié d'exécuter sa prestation de travail ou lorsque cette inexécution lui est imputable.

En l'espèce, l'inexécution du préavis est imputable au club, qui a souhaité rompre la relation contractuelle à compter du 30 juin 2007, et qui a adressé au joueur une correspondance en date du 15 juin 2007 l'informant de la caducité de l'avenant en date du 1er juin 2007.

Bien qu'il ait été embauché à compter du 1er juillet 2007 par l'EUSRL [Localité 1] Sporting Club Rugby, M. [F] est donc fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis.

Sur la base d'un salaire perçu de 4.830 €, M. [F] a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois en application des dispositions de l'article L.1234-1 du code du travail, dès lors qu'il justifie d'une ancienneté de service continue de deux ans à la date de la rupture contractuelle du 30 juin 2007.

Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande et d'allouer au joueur une indemnité de 8.976 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 897,60 € au titre des congés payés y afférents.

Au titre des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail :

La relation contractuelle a été requalifiée à la requête de M. [F] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2005, date d'effet du premier contrat. Dans ces conditions, le salarié ne peut utilement invoquer la clause figurant à l'avenant litigieux du 1er juin 2007, prolongeant la contrat pour deux saisons.

Au surplus, ainsi que l'indique à juste titre le CGEA de [Localité 7], il s'agit là d'une clause de détermination de la durée du contrat, et non une clause de garantie d'emploi en l'absence de toutes stipulations limitant le droit de l'employeur de rompre la relation de travail durant cette période pour faute grave.

Il convient, en conséquence, de rejeter la demande du joueur tendant à obtenir à titre de dommages-intérêts paiement des salaires jusqu'au terme fixé par l'avenant.

Selon les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise avec un maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité à la charge de l'employeur ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, le salarié ne peut prétendre obtenir paiement de dommages-intérêts équivalents à 24 mois de salaire, alors qu'il a été recruté en qualité de joueur professionnel à compter du 1er juillet 2007 par le club de rugby de [Localité 1].

Il convient, en conséquence, de limiter les dommages et intérêts à la somme de 28.055 € (montant cumulé des salaires des six derniers mois).

Sur les demandes présentées par MM. [X], [R] et [O] :

L'AGS conteste devoir sa garantie, au motif que l'employeur comme les salariés connaissaient parfaitement les difficultés croissantes du club et les incertitudes sur sa pérennité même.

Il lui incombe donc de démontrer que le fondement contractuel des créances litigieuses procède d'une intention frauduleuse de la part des signataires, à son endroit.

L'AGS produit en premier lieu un extrait du journal la Dépêche du Midi en date du 27 avril 2007. Toutefois, si cet article rappelle bien les difficultés financières rencontrées par les clubs de [Localité 3] et de [Localité 4] (Fédérale 1), il mentionne également que la fusion permettra de pérenniser la situation du club de [Localité 3], de conserver un groupe de 33 joueurs professionnels et de disposer de l'arrivée de nouveaux partenaires financiers pour consolider son budget.

Aucune conséquence ne peut être tirée de l'acceptation par les joueurs de salaires moins élevés pour la saison 2008/2008, ni de de leur signature ultérieure dans d'autres clubs, avec effet au 1er juillet 2007, en ce qui concerne MM. [F], [O] et [X].

Aucun élément objectif ne démontre que ces derniers aient eu connais-sance de la rétrogradation inéluctable du club pour la saison à venir, ni d'une situation financière irrémédiablement compromise, lors de la signature de l'avenant daté du 1er juin 2007, même s'ils avaient pu constater deux retards dans le paiement de leurs salaires en février et avril 2007.

La fraude des salariés n'est donc pas prouvée.

Selon les dispositions de l'article 1168 du code civil, l'obligation est

conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive, soit en la résiliant, selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas.

En l'espèce, les avenants consentis aux salariés, datés du 1er juin 2007, étaient conditionnés par l'autorisation donnée au club de participer au championnat de France professionnel organisé par la ligue nationale de rugby pour la saison sportive 2007/2008.

Il ressort des correspondances de la Ligue nationale de rugby en date des 5 novembre 2007 et 18 janvier 2008 que la décision de rétrogradation du club en division inférieure pour raison financière a été prononcée par le conseil supérieur de la DNACG le 28 mai 2007.

Cette décision a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 mai 2007, réceptionnée par le club le 30 mai 2007.

Il n'est nullement établi que les avenants aient été en réalité établis et signés à une date antérieure au 1er juin 2007, ainsi que le soutient Me [Z] ès qualités.

L'obligation a donc été contractée par l'employeur sous la condition d'un événement qui était déjà survenu, et dont il avait connaissance.

Par ailleurs, il résulte du jugement de liquidation judiciaire en date du 13 juillet 2007 que le passif de l'association s'élevait à 915.483 € pour un actif de 298.657 € de sorte qu'il était totalement inutile d'interjeter appel de la décision de rétrogradation, dans le délai de 10 jours prévu par l'article 35 du titre V des règlements généraux de la fédération française de rugby, soit au plus tard le 10 juin 2007.

Il résulte de ces constatations qu'à la date de signature des avenants le 1er juin 2007 l'événement auquel était conditionné l'entrée en vigueur des contrats de travail ne se réaliserait pas.

L'obligation ainsi souscrite sous condition doit être considérée comme une obligation pure et simple.

Selon les dispositions de l'article L.1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave ou de force majeure, ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévu à l'article L.1243-8.

La rupture des contrats de travail à durée déterminée prononcée par le club doit donc donner lieu à la fixation des créances salariales suivantes, au passif de la liquidation judiciaire :

- pour M. [X] (qui bénéficiait du renouvellement de son contrat pour deux saisons) : son salaire mensuel brut devait s'élever à 4.845 €, outre 313 € au titre de la mise à disposition d'un logement, celle de 350 € au titre de la prime mensuelle d'éthique et celle de 97 € pour la mise à disposition d'un véhicule. Il a donc droit au paiement de la somme de 24 x 5.605 = 134.520 €

- pour M. [O] : 12 mois x (4.837 + 217 + 350) = 12 x 5.404 = 64.848 €

- pour M. [R] : 12 mois x (4.837 + 218 + 110) = 12 x 5.165 = 61.980 €.

Le surplus des sommes réclamées par MM. [O] et [R] est injustifié et sera donc rejeté.

La présente décision sera déclarée opposable à l'AGS (CGEA de [Localité 7]) ; étant précisé que sa garantie est limitée à quatre fois le plafond de l'article D.3253-5 du code du travail pour les créances de MM. [X], [O] et [R], nées moins de six mois avant la date d'ouverture de la liquidation judiciaire ; et à six fois ce plafond pour M. [F].

Il convient en équité de rejeter la demande formée par Me [Z] ès qualités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

' Réforme le jugement du Conseil de Prud'hommes d'Albi en date du 5 janvier 2009 en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires de MM. [Q] [O], [I] [X], [S] [R] et [K] [F] à la suite de la rupture de leurs contrats de travail.

Statuant à nouveau :

' Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 26 octobre 2011.

' Déclare irrecevables les demandes de M. [K] [F] tendant à voir de nouveau requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, et à voir fixer le montant de l'indemnité de requalification à la somme de 4.448 € (quatre mille quatre cent quarante huit euros).

' Dit que la rupture des contrats de travail de MM. [Q] [O], [I] [X], [S] [R] et [K] [F] est imputable à l'association Union Athlétique Gaillacoise.

' Fixe comme suit les créances de MM. [Q] [O], [I] [X], [S] [R] au passif de la liquidation judiciaire de l'association Union Athlétique Gaillacoise :

- 134.520 € (cent trente quatre mille cinq cent vingt euros) à titre de dommages-

intérêts pour M. [X],

- 64.848 € (soixante quatre mille huit cent quarante huit euros) à titre de dommages- intérêts pour M. [O],

- 61.980 € (soixante et un mille neuf cent quatre vingt euros) à titre de dommages-

intérêts pour M. [R],

- 8.976 € (huit mille neuf cent soixante seize euros) à titre d'indemnité

compensatrice de préavis, 897,60 (huit cent quatre vingt dix sept euros et

et soixante centimes) à titre de congés payés afférents et 26.928 €

(vingt six mille neuf cent vingt huit euros) à titre de dommages-intérêts

pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour M. [F],

' Déclare la présente décision opposable à l'AGS (CGEA de [Localité 7]) dans les limites légales de sa garantie, laquelle est limitée à quatre fois le plafond prévu par l'article D.3253-5 du code du travail, pour les créances de MM. [Q] [O], [I] [X], [S] [R] et à six fois ce même plafond pour les créances de M. [F].

' Rejette le surplus des demandes.

' Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A-M Lacour-Rivière M. Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 11/06928
Date de la décision : 18/06/2013

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°11/06928 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-18;11.06928 ?
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