La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2015 | FRANCE | N°13/04116

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 15 avril 2015, 13/04116


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 15 AVRIL 2015



(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 13/04116











Monsieur [F] [I]



c/



SA EMECA



SELARL [S] [T], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagarde



CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest



SA ADIA




>







Nature de la décision : AU FOND











Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certi...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 15 AVRIL 2015

(Rédacteur : Madame Maud Vignau, Président)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 13/04116

Monsieur [F] [I]

c/

SA EMECA

SELARL [S] [T], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagarde

CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest

SA ADIA

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 juin 2013 (RG n° F 11/00273) par le Conseil de Prud'hommes - formation de départage - de Bordeaux, section Industrie, suivant déclaration d'appel du 02 juillet 2013,

APPELANT :

Monsieur [F] [I], né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 2] ([Localité 2]), de

nationalité française, profession monteur, demeurant [Adresse 1],

Représenté par Maître Monique Guédon, avocat au barreau de Bordeaux,

INTIMÉS :

SA EMECA, siret n° 352 513 030 00069, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 3],

Représentée par Maître Jérôme Delas de la SELARL Alain Guérin & Jérôme Delas, avocats au barreau de Bordeaux substituant Maître Philippe Dubernet de Boscq, avocat au barreau de Bayonne,

SELARL [S] [T], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagarde, demeurant [Adresse 2],

CGEA de Bordeaux, mandataire de l'AGS du Sud-Ouest, pris en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 5],

Représentés par Maître Philippe Duprat de la SCP Philippe Duprat - Isabelle Aufort & Bertrand Gaboriau, avocats au barreau de Bordeaux,

SA ADIA, siret n° 306 243 288, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 4],

Représentée par Maître Sophie Levy de la SCP Jean-Pierre Puybaraud & Sophie Levy, avocats au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 mars 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

*

Monsieur [F] [I] a travaillé en qualité de bricoleur du 20 septembre 2007 au 1er août 2008 pour la SAS Lagarde, dans le cadre de 10 contrats de missions successifs signés avec l'entreprise intérimaire SAS ADIA. Il a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2008 par la SAS Lagarde en qualité de monteur polyvalent et pilote atelier montage finition broyeurs.

La SAS Lagarde avait pour activité la fabrication et la vente de machines agricoles et forestières.

Elle avait jusqu'en avril 2010 trois lignes de production :

- un secteur viticole (viti) avec la fabrication d'effeuilleuses, rogneuses,

épampreuses, pré-tailleuses,

- un secteur agricole (agri) avec la fabrication de broyeurs,

- et un secteur environnement (env) avec la fabrication de débroussailleuses.

En 2009 l'effectif de l'entreprise était de 47 personnes.

La SAS Lagarde, suite à des difficultés économiques, envisageait le 22 octobre 2009 la suppression de 23 postes.

Il était proposé à tous les salariés de l'entreprise, notamment à monsieur [I], le 23 octobre 2009 une offre de reclassement contenant 8 emplois disponibles au sein de la société Grégoire située à [Localité 1] en Charente, avec un certain nombre de mesures d'accompagnement, prise en charge des frais de déménagement, des frais de déplacement et une prime d'installation de 1.200 €.

Monsieur [I] a refusé les postes de reclassement proposés.

Le 11 décembre une proposition de Convention de Reclassement Person-nalisée lui a été remise.

Il s'est vu notifier le 12 décembre 2009 son licenciement pour motif économique, en même temps et sous la même forme que vingt et un autre salariés de l'entreprise.

La SAS Lagarde a procédé ainsi le 12 décembre 2009 au licenciement collectif de vingt deux salariés : deux cadres, deux agents de maitrise, 3 employés, 15 ouvriers.

En 2010 la société Lagarde a arrêté la fabrication de deux lignes de produits les machines du secteur (agri) et du secteur (env) pour ne conserver que l'activité viticole.

Le 26 février 2010 la société Lagarde a cédé à la société EMECA

plusieurs éléments d'actifs.

Estimant que l'activité de la société Lagarde( agricole et environnement)

avait été en réalité reprise par la Société EMECA dont le siège est situé à Tardets dans les Pyrennées Atlantiques, plusieurs salariés dont Monsieur [I] saisissaient le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux le 18 novembre 2010, afin de demander, à titre principal, la nullité de leur licenciement pour violation de l'article L.1224-1 du code

du travail suite au transfert de l'entreprise, de voir condamner conjointement et solidairement la SAS Lagarde et la SA EMECA à des dommages et intérêts pour nullité de leur licenciement et subsidiairement à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SAS Lagarde a été mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce le 23 mai 2012.

Par jugement de départage du 4 juin 2013, le juge départiteur du Conseil de Prud'hommes de Bordeaux a dit que le transfert d'une entité économique autonome de la SAS Lagarde à la SA EMECA n'était pas établi, que les difficultés économiques de la société Lagarde et du groupe étaient réelles, a constaté la suppression des vingt deux postes, dit que l'obligation de reclassement avait été respectée et a donc débouté monsieur [I] de l'intégralité de ses demandes à l'égard de la SA EMECA ; dit que son licenciement reposait sur une cause économique réelle et sérieuse ; l'a débouté de toutes ses demandes, sauf en ce qu'il a requalifié les contrats de missions, contrats à durée déterminée, en contrat à durée indéterminée fixé la créance de Monsieur [I] au passif de la SAS Lagarde aux sommes suivantes : 1.685,69 € à titre d'indemnité de requalification, 244 € à titre de solde d'indemnité de licenciement, 300 € au titre des frais irrépétibles.

Monsieur [I] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions générales et récapitulatives particulières déposées au greffe le 2 mars 2015, développées oralement auxquelles la Cour se réfère expressément, Monsieur [I] demande de confirmer le jugement du 4 juin 2013 en ce qu'il requalifié les contrats de missions en contrat à durée indéterminée, fixé au passif de la SAS Lagarde 1.685,69 € à titre d'indemnité de requalification, 244 € à titre de solde

.../...

d'indemnité de licenciement, 300 € au titre des frais irrépétibles, de réformer pour le surplus à titre principal dire qu'il a fait l'objet d'un licenciement nul suite à la violation

de l'article L.1224-1 du code du travail relatif au transfert d'entreprise avec respon-sabilité conjointe et solidaire de la SAS Lagarde et de la SA EMECA, à titre subsidiaire dire qu'il a fait l'objet d'un licenciement sans cause économique réelle et sérieuse, condamner la SA EMECA à verser les sommes suivantes et fixer les mêmes sommes au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Lagarde :

- 27.900 € de dommages et intérêts pour licenciement nul ou abusif, 1.550 € à titre de solde d'indemnité compensatrice de préavis, 155 € de congés afférents, et 2.000 € d'article 700 du code de procédure civile ; condamner la SA ADIA déclarer l'arrêt opposable au CGEA.

Par conclusions générales et particulières déposées au greffe le 27 février 2015, développées oralement auxquelles la cour se réfère expressément la SELARL [S] [T] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagarde demande de dire que les conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, dire que le licenciement collectif repose sur une cause économique réelle et sérieuse, de confirmer le jugement attaqué sur ces points à titre principal, réformer la décision attaquée qui a requalifié les contrats de missions en CDI, débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes, à titre subsidiaire réduire le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif à la somme de 3.500 € sans requalification, 10.000 € après requalification, fixer le complément de préavis à 1.550 €, débouter le salarié de ses autres prétentions.

Par conclusions, déposées au greffe le 27 février 2015, développées oralement auxquelles la Cour se réfère expressément, le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) de Bordeaux se référant aux conclusions du mandataire liquidateur, demande de dire que les conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, que le licenciement collectif repose sur une cause économique réelle et sérieuse, de confirmer le jugement attaqué, de débouter le salarié du surplus de ses demandes, à titre subsidiaire réduire le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif à la somme de 10.000 €, à titre subsidiaire fixer la créance du salarié à 1.550 € de complément de préavis et 155 € à titre de congés payés afférents, dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans la limite légale de sa garantie.

Par conclusions déposées au greffe le 2 mars 2015 développées oralement auxquelles la Cour se réfère expressément, la SA EMECA demande de dire que les conditions d'application de l'article L.1224-1 du code du travail ne sont pas remplies, la mettre hors de cause, débouter les salariés de toutes leurs demandes, subsidiairement dire qu'aucune collusion frauduleuse entre la SA EMECA et la SAS Lagarde n'est établie, dire que la SA EMECA doit être mise hors de cause, condamner chacun des salariés à lui verser 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA ADIA demande à la Cour de confirmer la décision attaquée qui l'a mise hors de cause et de débouter Monsieur [I] de toutes ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de requalification des contrats de mission en contrats à durée indéterminée

La Cour constate que la SELARL [S] [T] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagarde, alors que l'entreprise utilisatrice à la charge de prouver le motif, la réalité du motif de recours, et du fait que le poste occupé ne corresponde pas à l'activité normale et permanente de l'entreprise, est dans l'incapacité de fournir les éléments de preuve pour la période considérée. Elle ne fournit aucun élément de nature à justifier la réalité des motifs énoncés dans les contrats de travail qui se sont succédés ; elle est donc défaillante à démontrer que les missions confiées à Monsieur [I] du 20 septembre 2007 au 1er août 2008 s'inscrivent dans une augmentation temporaire d'activité, aussi la Cour ne trouve pas motif à réformer la décision attaquée qui par de justes motifs que la Cour adopte a requalifié ces contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée et alloué à Monsieur [I] une indemnité de requalification équivalente à un mois de salaire, ainsi qu'un complément d'indemnité de licenciement. Le fait que Monsieur [I] n'a pas signé ses propres contrats de mission n'est pas imputable à la SA ADIA, en conséquence, confirme la mise hors de cause de celle-ci.

Le salarié soutient que son licenciement pour motif économique est nul pour avoir été décidé en violation de l'article L.1224-1 du code du travail

Le salarié soutient qu'il y a eu le transfert d'une entité économique autonome au profit de la SA EMECA groupe AK constituée par les deux activités agricole (avec la fabrication des broyeurs) et environnement (avec la fabrication des débroussailleuses), aux motifs que les salariés licenciés étaient affectés aux deux activités transférées, que la totalité des stocks, outillages, matériels gabarits ont été cédés à la SA EMECA dès le début de l'année 2010, que la SA EMECA a acheté la marque Lagarde, qu'après la liquidation judiciaire de la SAS Lagarde en mai 2012 la société EMECA a acheté la marque 'Lagarde VITI', que la clientèle (agri+env) a été transférée à la SA EMECA, que la SA EMECA a continué les commandes qui avaient été passées par le groupe KVERNELAND, que la SA EMECA a continué à fabriquer et distribuer le même matériel pour le groupe KVERNELAND, qu'un des cadres de la SAS Lagarde Monsieur [G] est allé former les salariés d'EMECA, que le bureau d'études de la société ASMA appartenant au groupe AK a engagé monsieur [L], ancien salarié cadre de la société Lagarde le 19 avril 2010, que la SA EMECA a refusé avec la collusion frauduleuse de la SAS Lagarde de reprendre tous les salariés, sauf Monsieur [L], que la SAS Lagarde, avec cette connivence a cherché à vendre à bon prix les deux sociétés sans transfert des salariés.

La SA EMECA et la SELARL Laurent Mayon ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagarde contestent l'existence d'une entité économique autonome, ils soutiennent que seuls quelques éléments d'actifs, d'exploitation ont été cédés à la SA EMECA, et demandent en conséquence de constater que l'ensemble des éléments requis par la loi, la directive européenne et les jurisprudences pour pouvoir dire que l'article L.1224-1 du code de travail aurait dû être appliqué font défaut, et demandent la confirmation de la décision attaquée.

*****

L'article L.1224-1 du code du travail dispose que : s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. L'application du texte suppose qu'il y ait une opération de transfert d'une entité économique autonome.

Il est constant que constitue une entité économique un ensemble organisé

de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et qui conserve son identité, lors du transfert.

En l'espèce, au vu des pièces produites par les parties et des débats et notamment des pièces 2 bis, 35, 38 des salariés appelants, contrairement à ce que soutiennent ces derniers, il n'y avait pas trois activités ni secteurs autonomes Agri, Viti, Env au sein de l'entreprise Lagarde, dont l'objet social était la fabrication et la vente de matériels destinés à l'agriculture.

Les quarante sept personnels composant l'effectif de l'entreprise étaient

organisés pour produire et commercialiser toute la gamme de machines agricoles destinées à trois marchés segmentés : le secteur agricole, le secteur environnement, et le secteur viticole (certaines étaient semblables, seule leur couleur de peinture différait en fonction du marché auquel elles étaient destinées).

Les services administratifs, le bureau d'études, l'encadrement, les services

supports (approvisionnement et achats) étaient communs, comme les personnels d'exécution et leur encadrement étaient polyvalents dans les différentes productions viti, agri ou environnement, au fil des saisons, ils produisaient soit des broyeurs agricoles (été), des broyeurs 'viti' automne, hiver, des débroussailleurs l'hiver et des matériels viti au printemps et l'été.

Aucun de ces quarante sept personnels n'a été repris par la SA EMECA.

(cf le registre du personnel d'EMECA pièce 2 EMECA). Monsieur [L] n'a pas été engagé par la SA EMECA comme l'a exactement relevé le jugement attaqué, la SA EMECA n'a d'ailleurs recruté aucun personnel après l'acquisition des quelques actifs.

De même, la plupart des matériels et équipements de production étant indifféremment utilisés par les différentes lignes de fabrication ainsi que les services logistiques (bureaux d'études, service administratif, comptable, système informatique communs aux différentes productions), ils sont restés chez Lagarde et n'ont nullement été transférés à la SA EMECA.

Il apparait donc que ni les moyens de production ni les personnels n'ont été transférés à la SA EMECA.

Par acte du 26 février 2010 la société Lagarde a cédé à la société EMECA

plusieurs éléments d'actifs : 'la marque commerciale Lagarde, la documentation technique et commerciale utilisée par Lagarde pour fabriquer, commercialiser et assurer le service garantie de ses matériels, le banc de test des débroussailleuses et les rayonnages de la partie broyeurs agricoles et environnement, des éléments de stocks de matière, étant précisé dans l'acte de cession que 'l'ensemble des éléments désignés ci dessus ne sont cédés à l'acquéreur que pour autant qu'ils sont utilisés dans la production et la vente de matériels (agri ou env)'. Ceux d'entre eux affectés à un usage mixte (agri+env) viti ou bien pour usage viti restent la propriété de Lagarde pour l'usage viti'. La cession de ces éléments était limitée.

La société Lagarde a continué à exploiter son activité sous son nom, elle

a conservé la marque Lagarde pour le marché viticole ; il n'y a pas eu transfert d'éléments d'exploitation à la SA EMECA, l'acte de cession prévoit que l'acquéreur utilise les moyens de production dont il dispose déjà et selon sa propre organisation. La société Lagarde a conservé son fichier client et conservé sa clientèle pour le marché viticole. Il ressort encore des pièces produites par les salariés qu'à compter de 2011 le groupe KVERNELAND s'est approvisionné en matériels agricoles direc-tement auprès de sa propre usine de [Localité 3] en Italie, et non pas auprès d'EMECAce qui établit bien que la clientèle de Lagarde n'a pas été transférée à EMECA. Le courrier du 24 avril 2010 (pièce 111 des salariés) ne dit pas le contraire, puisque la société EMECA tente par ce courrier dont le destinataire n'est même pas précisé de démarcher des clients potentiels et indique nous sommes 'en discussion' ! avec le groupe KVERNELAND pour continuer la distribution des broyeurs Lagarde. Ce qui veut bien dire que ce n'était pas acquis.

La Cour constate donc que cette cession partielle ne prévoyait la reprise d'aucun personnel ne comprenait pas la clientèle ni le matériel de fabrication ni le matériel informatique, il s'ensuit qu'aucun ensemble organisé de moyens corporels et incorporels permettant de poursuivre l'activité de l'entreprise n'a donc été transféré à EMECA.

Dès lors, la Cour confirme la décision attaquée qui par de justes motifs que la cour adopte a dit que l'article L.1224-1 n'avait pas à s'appliquer et a débouté le salarié de sa demande de nullité de son licenciement.

Le salarié fait valoir que son licenciement est sans cause économique réelle et sérieuse

La lettre de licenciement pour motif économique adressée à chaque salarié le 12 décembre 2009 dont les motifs énoncés fixent les limites du litige, fait état des faits suivants :

'La société Lagarde accumule des pertes financières depuis 2006 en liaison avec un chiffre d'affaires et des marges insuffisants, en régression accélérée en 2009 puisque l'année 2009 se cloturera sur un résultat déficitaire 4 fois plus important qu'en 2008

.../...

(- 960.000 €). Des solutions de développement de produits dont à l'export s'étant révélées vaines, la société Lagarde se voit contrainte de se réorganiser structurellement.

La réorganisation consiste en l'arrêt des fabrications des broyeurs (agricole)et des débroussailleuses(environnement) avec maintien de la troisième activité de

l'entreprise : la fabrication des outils de conduite de vignoble devenant son activité unique. Cette restructuration emporte la suppression de 22 postes dont le votre, faute de reclassement au sein de la société Lagarde, il vous a été proposé des reclassements au sein de la société Grégoire de façon précise et personnalisée auxquels vous n'avez pas donné une suite favorable de sorte que votre licenciement ne peut être évité ...'

******

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licen-ciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, les difficultés économiques

de l'employeur doivent s'apprécier tant au sein de la société, qu'au regard de la situation économique du groupe de sociétés exerçant dans le même secteur d'activité, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux sociétés ou entreprises situées sur le territoire national.

Le juge prud'homal est tenu de contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur, mais il ne peut se substituer à ce dernier quant aux choix qu'il effectue dans la mise en oeuvre de la réorganisation.

En l'espèce, la SELARL [S] [T] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagarde justifie qu'au moment des licenciements, la SAS Lagarde était détenue par une société holding GREGOIRE AS, de droit norvégien dont le siège social est situé en Norvège. La société GREGOIRE AS détenait la SAS GREGOIRE, dont le siège est à [Localité 1] en Charente et la SARL SOCOMAV également située en Charente. Monsieur [U] [Z] présidait toutes les sociétés de ce groupe.

Elle justifie surtout (pièces 11 et 52 de la société Lagarde) avec l'attes-

tation du commissaire aux comptes traduite et les actes de ventes que suite à la cession courant 2007 par le groupe KVERNELAND de la SAS GREGOIRE, (anciennement KVERNELAND groupe Cognac) dont le siège est à [Localité 1] en Charente, et de la SAS Lagarde (anciennement KVERNELAND groupe Bordeaux) à la société GREGOIRE AS, il n'y avait plus aucun lien capitalistique entre le groupe KVERNELAND et la SAS GREGOIRE et la SAS Lagarde, lesquelles appartiennent depuis 2007 à la société holding GREGOIRE AS. Les pièces que le salarié produit également démontrent que le groupe KVERNELAND n'a plus de lien avec la société GREGOIRE AS depuis 2007. Il en résulte que le périmètre du groupe est limité au groupe GREGOIRE AS.

La SELARL [S] [T] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagarde a justifié la nécessité de la réorganisation de cette société par les difficultés économiques rencontrées.

Il ressort des comptes de résultat de la société Lagarde qu' au 31 décembre 2009, celle-ci a enregistré une baisse significative de son chiffre d'affaires de l'ordre de - 31,36 % par rapport à 2008, il s'élevait à 5.995.509 € en 2009 alors qu'il était de 8.734.937 € en 2008. De même le résultat net connaissait une chute importante en passant d'une perte de 235.858 € au 31-12-2008 à une perte de 2.058.946 € au 31-12-2009 soit - 872 %. La situation économique de la société Lagarde ne s'est pas améliorée en 2010 puisque le chiffre d'affaires a encore baissé de l'ordre de 31,93 % à

4.081 058 € par rapport à 2009, soit - 46,72 % sur 2 ans. Le montant cumulé des dettes 2008, 2009, 2010 a été de 3.160.635 € ce qui a entraîné un droit d'alerte du commissaire aux comptes de la société le 24 mars 2011. (pièces 1, 2, 5, 6, 8, 9 de la société Lagarde)

La SELARL [S] [T] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Lagarde justifie également, en produisant leurs documents comptables, qu'au 31 décembre 2009, les autres sociétés du groupe appartenant à son secteur d'activité rencontraient elles aussi des difficultés économiques importantes la SAS GREGOIRE (- 24,78 % chiffre d'affaires, perte à hauteur de - 900.000 €) la SARL SOCOMAV

connaissait également un résultat négatif en 2009 (pièce 15 SOCOMAV). Comme l'a justement retenu le premier juge les pièces 14, 16, 52 ont été traduites et permettent de constater que les pertes enregistrées par le groupe GREGOIRE AS - 3.112.000 € fin 2009 ont été supérieures au prévisionnel 2009 présenté aux délégués du personnel pour expliquer les mesures de licenciement annoncées.

Dès lors, l'employeur établit que les difficultés économiques étaient réelles et sérieuses au moment du licenciement, la société enregistrant une baisse nette d'activité, ce qui justifiait des mesures de réorganisation avec la suppression du poste de Monsieur [I].

Il ressort de la lecture du registre du personnel que les vingt deux emplois ont été supprimés et qu'aucun personnel n'a été engagé ultérieurement pour les remplacer.

Seuls deux peintres ont été engagés par contrat à durée déterminée pour une durée de trois mois uniquement pour finir d'honorer les commandes passées. Contrairement à ce que soutient le salarié aucune preuve n'a été rapportée que l'activité a continué, bien au contraire. Dès lors, la Cour confirme la décision attaquée qui a dit que le motif économique du licenciement de Monsieur [I] était réel et sérieux.

SUR LE RECLASSEMENT

Sur le reclassement interne au groupe

L'employeur a démontré, justifié ci-dessus que le périmètre du groupe était limité au groupe GREGOIRE AS, composé d'une holding en Norvège GREGOIRE AS, simple portage de portefeuilles sans effectif, et de deux filiales, outre la SAS Lagarde, la SAS GREGOIRE et la SARL SOCOMAV (2 salariés) toutes dirigées par la même

.../...

personne Monsieur [U] [Z], dès lors, au vu des pièces produites par les parties et des débats, la Cour ne trouve pas motif à modifier l'analyse du premier juge qui par de justes motifs que la Cour adopte a dit que l'obligation de reclassement pesant sur l'employeur avait en l'espèce été respectée et a débouté Monsieur [I] de ses demandes liées à un licenciement abusif.

Sur la demande de complément d'indemnité de licenciement et d'indemnité de préavis

Suite à la requalification de ses contrats de mission, l'ancienneté de Monsieur [I] remonte au mois de septembre 2007, il avait donc deux ans et 3 mois d'ancienneté au moment de son licenciement et non 1 an et quatre mois. C'est donc a bon droit que le premier juge a fait droit à la demande du complément d'indemnité de licenciement, mais Monsieur [I], n'ayant pas demandé à adhérer à la CRP, a le droit également à un complément de son indemnité compensatrice de préavis à hauteur d'un mois, la Cour réformera la décision attaquée uniquement sur ce point en fixant sa créance à la liquidation de la SAS Lagarde à 1.550 € bruts à titre de complément de son indemnité compensatrice de préavis à hauteur d'un mois et 155 € à titre de congés payés afférents.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité et les circonstances de la cause commandent de laisser à la charge de chacune des parties ses propres frais irrépétibles, déboutent les parties de leurs autres demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur [I] qui succombe en cause d'appel aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Confirme la décision attaquée dans toutes ses dispositions ; sauf en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis.

' Réforme sur ce point et fixe la créance de Monsieur [I] à la liquidation de la somme de 1.550 € (mille cinq cent cinquante euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 155 € (cent cinquante cinq euros) à titre de congés payés.

' Déboute les parties de leurs autres demandes notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

' Condamne Monsieur [I] qui succombe en cause d'appel aux entiers dépens.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Madame Anne-Marie Lacour-Rivière, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Maud Vignau


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 13/04116
Date de la décision : 15/04/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-15;13.04116 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award