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29/06/2022 | FRANCE | N°19/01312

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 juin 2022, 19/01312


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 29 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/01312 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K5AP

















Société FERMENTALG



c/



Monsieur [B] [O]

















Nature de la décision : AU FOND











Grosse délivrée le :


r>à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 février 2019 (R.G. n°F 17/00098) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 07 mars 2019,





APPELANTE :

SA Fermentalg, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en ce...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/01312 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K5AP

Société FERMENTALG

c/

Monsieur [B] [O]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 février 2019 (R.G. n°F 17/00098) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 07 mars 2019,

APPELANTE :

SA Fermentalg, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 509 935 151

assistée de Me Marie-Charlotte DIRIART de la SCP BRIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS,

représentée par Me Clémence DARBON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [B] [O]

né le 03 Septembre 1965 à [Localité 3] de nationalité Belge, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX,

assisté de Me Savine BERNARD, avocat au barreau de VAL D'OISE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard chargée d'instruire l'affaire et Monsieur Rémi Figerou, conseiller,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- délibéré prorogé au 15 juin 2022 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Fermentalg, fondée en 2009, est une société de biotechnologie industrielle spécialisée dans la culture de micro-algues, visant à développer des produits destinés à la nutrition humaine, l'alimentation animale et la cosmétique.

M. [B] [O], né en 1965, a été engagé par la SA Fermentalg, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 2015 en qualité de directeur administratif et financier.

Lors d'un conseil d'administration du 10 décembre 2015, M. [O] a été nommé Directeur général de la société.

Par conséquent, le contrat de travail de directeur administratif et financier de M. [O] a été suspendu à compter du 10 décembre 2015.

M. [O] dit avoir découvert dans le cadre de plusieurs audits financiers et consultations juridiques, que derrière la communication maîtrisée de la société, il apparaissait en réalité une situation alarmante, tant au niveau opérationnel, scientifique, boursier que juridique. Ce qui a donné lieu à plusieurs signalements de sa part auprès des administrateurs.

Lors du conseil d'administration du 23 novembre 2016, les administrateurs ont voté à l'unanimité la décision de réunir les fonctions de Président de Directeur Général et de confier la direction générale unifiée à M. [R], entrainant ainsi automatiquement la fin du mandat de M. [O]. M. [O] a repris ses fonctions de directeur administratif et financier.

Le conseil d'administration a ensuite souhaité annoncer, via un communiqué de presse, la réunion des fonctions de Président et de Directeur Général, la nomination de M. [R] en tant que Président-Directeur Général et remercier M. [O] pour le travail accompli en tant que Directeur Général et indiquer que ce dernier retrouvait son poste de Directeur Administratif et Financier. M. [O] s'est opposé à ce communiqué de presse.

M. [O] a ensuite été placé en arrêt de maladie à compter du 25 novembre 2016 jusqu'au 1er janvier 2017. M. [O] a été dispensé de travailler.

Une visite médicale de reprise a eu lieu le 17 janvier 2017, à l'issue de laquelle M. [O] a été déclaré apte.

Le même jour, un huissier de justice a signifié à M. [O] à sa convocation à un entretien préalable et sa mise à pied conservatoire et a repris certains de ses outils de travail.

Le 24 janvier 2017, M. [O] a informé par mail, les administrateurs de la société, qu'il revendiquait le statut de lanceur d'alerte en raison des différents constats et audits établis sur des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale.

M. [O] ne s'est pas présenté à l'entretien préalable du 30 janvier 2017.

Par lettre datée du 3 février 2017, la société a dénié à M. [O] le statut de lanceur d'alerte.

Par courrier daté du 8 février 2017, la société a licencié M. [O] pour faute grave.

La rémunération mensuelle de M. [O] est discutée.

A la date du licenciement, M. [O], avait une ancienneté de 7 mois en sa qualité de salarié et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [O] a saisi le 3 juillet 2017 le conseil de prud'hommes de Libourne.

Le conseil de prud'hommes, par jugement du 1er février 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- dit que M. [O] ne bénéficie pas du statut protecteur de lanceur d'alerte, par conséquent, son licenciement n'est pas nul,

- dit que le licenciement de M. [O] est justifié par une faute grave,

- par conséquent, condamné M. [O] au remboursement du trop versé au titre du bonus 2015, soit la somme de 26.717,09 euros, soit un montant net de 22.140,45 euros,

- ordonné la restitution des équipements et documents détenus par M. [O],

- fait droit au paiement par la société Fermentalg à M. [O] :

*du rappel de salaire pour la période du 2 au 17 janvier 2017 : 1.714 euros brut,

*des congés payés y afférents : 171,40 euros bruts,

*de la rémunération variable 2016 : 60.000 euros,

*des congés payés y afférents : 6.000 euros,

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes plus amples ou, contraires,

- partagé les dépens et frais d'exécution de l'instance.

Par déclaration du 7 mars 2019, la société Fermentalg a relevé appel de cette décision, notifiée le 15 février 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 février 2022, la société Fermentalg demande à la cour de :

-recevoir la société en ses fins et conclusions,

Et y faisant droit,

-dire que M. [O] sollicite le versement de la somme de 60.000 euros au titre d'une rémunération variable pour 2016, outre 6.000 euros au titre des congés payés afférents, au titre de sa qualité de mandataire social,

-dire en conséquence que cette demande est irrecevable devant la juridiction sociale.

-à titre subsidiaire, dire que M. [O] ne démontre pas avoir un droit au versement d'une rémunération variable sur 2016 en qualité de salarié,

-à titre infiniment subsidiaire, limiter une éventuelle condamnation de la Société au titre du rappel la rémunération variable à la somme de 4.684,93 euros bruts,

-dire que la somme de 108.844,85 euros a été indûment perçue par M. [O] au titre de frais professionnels, de déménagement, d'hôtels et de fiscalité,

-dire que M. [O] ne bénéficie pas du statut protecteur de lanceur d'alerte et que son licenciement n'encourt donc pas la nullité,

-dire que le licenciement de M. [O] est justifié par une faute grave,

-dire que M. [O] n'apporte aucune preuve quant à l'existence et au quantum d'un préjudice distinct de la rupture de son contrat de travail,

-dire que le contrat de travail a été exécuté loyalement par la société.

En conséquence :

-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne en ce qu'il a :

*condamné la société au paiement à M. [O] de la rémunération variable 2016 d'un montant de 60.000 euros et des congés payés y afférents pour un montant de 6.000 euros bruts,

*débouté la société de sa demande de remboursement par M. [O] de frais professionnels à hauteur de 108.844,85 euros,

*débouté la société de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner M. [O] à rembourser à la société la somme de 108.844,85 euros et assortir cette condamnation des intérêts au taux légal,

-condamner M. [O] au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et aux entiers dépens,

-confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne en ce qu'il a :

*rejeté les demandes de M. [O] tendant au paiement par la société des sommes

suivantes :

-244.908 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse),

-6.122,70 euros à titre d'indemnité de licenciement,

-61.227 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-6.122,70 euros bruts au titre des congés payés afférents,

-14.966,60 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

-1.496,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,

-244.908 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct du licenciement, outre la demande de complément de réparation consistant en un affichage,

-30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

-7.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

*condamné M. [O] à restituer les équipements et documents appartenant à la société,

*condamné M. [O] à verser à la société l'équivalent en net de charges salariales de la somme de 26.717,09 euros bruts, en remboursement du trop-versé au titre du bonus 2015,

-rejeter, par voie de conséquence, la demande de M. [O] tendant à l'établissement d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle Emploi modificatifs, sous astreinte journalière de 50 euros par jour, par document et par jour de retard,

-débouter M. [O] de sa demande de rappel de salaire au titre de la période allant du 2 au 17 janvier 2017, la société ayant d'ores et déjà exécuté cette condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes,

-ordonner le remboursement des sommes versées par la société à M. [O] en exécution du jugement du conseil de prud'hommes de Libourne,

-rejeter les demandes formulées par M. [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonner à M. [O] la restitution intacte de l'ensemble de ces équipements et documents et ce, sous astreinte de 50 euros par jour et par équipement ou document,

-condamner M. [O] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de la présente instance d'appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 février 2022, M. [O] demande à la cour de':

-infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Libourne qui a :

*dit que le licenciement de M. [O] n'est ni nul ni sans cause réelle et sérieuse.,

*dit que le licenciement de M. [O] est justifié par une faute grave,

*condamné M. [O] au remboursement du trop versé au titre du bonus 2015 soit la somme de 26.717,09 euros soit un montant net de 22.140,45 euros,

*ordonné la restitution des équipements et documents détenus par M. [O],

*dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de

procédure civile,

*partagé les dépens et frais d'exécution de l'instance,

*rejeté les demandes plus amples ou contraires de M. [O].

En conséquence,

-dire que le licenciement pour faute grave notifié à M. [O] est, à titre principal nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse en conséquence,

-condamner la société Fermentalg au paiement des sommes suivantes :

*244.908 euros à titre principal à titre d'indemnités pour licenciement nul et à titre subsidiaire, à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*6.122,70 euros à titre d'indemnité de licenciement,

*61.227 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*6.122,70 euros bruts au titre des congés payés afférents,

*14.966,60 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

*1.496,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,

*244.908 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

-condamner la société à verser à M. [O] 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

-confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à verser à M. [O] la somme de 60.000 euros bruts à titre de rémunération variable 2016 outre 6.000 euros bruts au titre des congés payés afférents et en tant que de besoin à la somme de 1.714 euros bruts à titre de rappel de salaire du 2 au 17 janvier 2017 outre 171,40 euros bruts au titre des congés payés afférents,

-ordonner la remise des bulletins de paie modifiés et d'une attestation Pôle emploi conformes, sous astreinte journalière de 50 euros par document et par jour de retard, à compter du 8ème jour suivant le prononcé du présent arrêt,

-dire que la Cour se réservera la liquidation de l'astreinte,

-ordonner, à titre de complément de réparation, l'affichage de l'arrêt à intervenir dans Sud-Ouest, Challenge et Le Figaro (page saumon) aux frais de la société,

-déclarer irrecevable la demande de la Société aux fins de se voir rembourser la condamnation de 1714 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 2 au 17 janvier 2017 et 171,4 euros au titre des congés payés afférents,

-débouter la société de l'intégralité de ses demandes et, à titre subsidiaire, sur la demande concernant la restitution du matériel, dire que ce matériel ne sera restitué qu'à l'issue de la procédure pénale consécutive à la plainte pénale déposée par M. [O],

-condamner la société à payer à M. [O] 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et 10.000 euros pour les frais irrépétibles d'appel,

-assortir les condamnations de l'intérêt à taux légal à compter de la saisine ou du prononcé du jugement ou de l'arrêt à intervenir selon leur nature, avec capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A-le licenciement

La lettre de licenciement datée du 8 février 2017 est ainsi rédigée :

« Le 17 janvier 2017, nous vous avons notifié votre mise à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à votre éventuel licenciement qui était prévu le 30 janvier dernier.

Alors que nous espérions obtenir des explications au cours de cet entretien sur les faits qui vous étaient reprochés pour nous permettre d'apprécier lesdits faits de manière éclairée, vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien, refusant tout échange avec nous.

Nous nous voyons donc contraints de vous notifier, par le présent courrier, votre licenciement pour faute grave en raison de la violation manifeste de votre devoir de loyauté envers la société FERMENTALG (la « Société »).

Vous avez été embauché le 1 er août 2015 en qualité de Directeur Administratif et Financier. A ce titre, vous aviez pour mission de « piloter la direction financière de l'Entreprise », et notamment de « piloter le système comptable et reporting des résultats mensuels, trimestriels et annuels en respectant les contraintes propres aux sociétés cotées », « veiller à l'application des procédures et processus d'approbation mis en place dans l'entreprise ».

Votre contrat de travail a été suspendu, à compter du 10 décembre 2015, en raison de votre nomination en qualité de Directeur Général de la société FERMENTALG par le conseil d'administration. Toutefois, il était acté lors de votre nomination que vous continueriez matériellement à exercer la direction administrative et financière dans le cadre de votre mandat de Directeur Général.

Faisant suite à des discussions initiées entre les membres du conseil d'administration et vous-même depuis le 3 novembre 2016 concernant un changement de gouvernance, les mandats de Directeur Général et de Président du conseil d'administration ont été réunis entre les mêmes mains lors de la réunion du conseil d'administration du 23 novembre 2016. Cette décision a eu pour effet de mettre un terme à votre mandat de Directeur Général et de faire reprendre effet à votre contrat de travail.

Vous avez été placé en arrêt de travail pour maladie par votre médecin traitant du 25 novembre 2016 au 1 er janvier 2017 après prolongation. Votre visite médicale de reprise s'est tenue le 17 janvier 2017, visite à l'issue de laquelle vous avez été déclaré apte à la reprise de votre poste par le médecin du travail.

Nous avons été contraints, ce même 17 janvier, de vous mettre à pied et de vous convoquer à un entretien préalable à un éventuel licenciement car nous avons découvert, au cours de votre absence, des agissements d'une extrême gravité qui démontrent une violation manifeste de votre devoir de loyauté à l'égard de la société FERMENTALG.

En premier lieu, il vous est reproché d'avoir obtenu des « avances sur frais » en usant de votre autorité sur le service comptabilité.

Comme vous le savez, toutes les notes de frais doivent être saisies par écrit mensuellement, signées par leur auteur et accompagnées des justificatifs afférents. Une carte corporate a été mise à votre disposition pour régler vos dépenses professionnelles. Son utilisation vous permettait de bénéficier d'un débit différé de 60 jours de vos dépenses sur votre compte personnel de manière à obtenir, dans l'intervalle, le remboursement de vos dépenses professionnelles et ce, sous réserve de la remise d'une note de frais dûment justifiée.

En dépit de ce système de carte corporate, le consultant externe auquel nous avons eu recours pour assurer la Direction Administrative et Financière pendant votre absence pour maladie afin de procéder, notamment, à la clôture de nos comptes, Monsieur [Z] [K], a découvert que aviez sollicité à plusieurs reprises des paiements de la part de la Société, que vous qualifiiez d'« avances sur frais », pour un montant s'élevant à 125.199,81 €.

En votre qualité de qualité de Directeur Administratif et Financier, vous étiez en charge du contrôle et de la supervision de l'ensemble des procédures et démarches comptables au sein de la société FERMENTALG. Cette responsabilité qui vous était confiée impliquait donc non seulement que vous fassiez respecter les procédures de remboursement de notes de frais mais également que vous les respectiez vous-même. Ainsi, vous saviez parfaitement que les avances que vous sollicitiez constituaient une violation des règles internes relatives aux frais professionnels.

En votre qualité de Directeur Général de la Société, ces avances s'analysent en des emprunts auprès de la Société à votre seul bénéfice. Or, de tels emprunts constituent des conventions légalement interdites encourant la nullité.

Nous estimons que vous avez abusé de votre position privilégiée et de l'autorité qu'elle implique nécessairement, notamment avec le Contrôleur Financier, Monsieur [M] [J], pour demander à ce dernier de procéder à ces versements de sommes importantes, au mépris des règles légales et internes. Ce faisant, il est manifeste que vous avez violé votre obligation de loyauté à l'égard de la Société, agissant clairement au détriment de celle-ci.

Découvrant ce système d'avances prohibées, Monsieur [Z] [K] a été amené à s'intéresser de plus près au traitement de vos frais professionnels dans le cadre de la clôture des comptes 2016. Ses conclusions nous conduisent à vous reprocher, en second lieu, des demandes de remboursement de frais professionnels portant sur des dépenses présentant en réalité un caractère personnel.

En effet, Monsieur [Z] [K] nous a informés de ce qu'à l'exception de la remise, au mois de juillet 2016, de 4 notes de frais portant sur des dépenses effectuées entre août et novembre 2015, vous n'avez jamais, depuis que vous avez intégré la société FERMENTALG, établi de notes de frais pour justifier de vos dépenses professionnelles.

Vous vous êtes en effet contenté de solliciter des remboursements en transmettant des relevés bancaires de votre carte corporate, sur lesquelles vous aviez préalablement rayé certaines dépenses et auxquelles vous ne joigniez que rarement des justificatifs. La transmission des justificatifs était le plus souvent promise à une date ultérieure, sans que cette transmission ne soit effective. C'est dans ces circonstances qu'au mois de janvier 2017, Monsieur [M] [J] a notamment été contraint d'aller rechercher au domicile de votre assistante vos justificatifs.

Parmi les dépenses dont vous avez sollicité le remboursement, certaines ne sauraient être rattachées à l'exercice de votre mandat ou à l'intérêt social. En effet, l'examen des relevés bancaires corporate ou de vos justificatifs révèle des dépenses qui ne peuvent être considérées comme professionnelles compte tenu de leur montant déraisonnable, de leur non-conformité à l'intérêt social ou encore de leur date d'engagement.

En outre, les justificatifs qui ont été récupérés tant bien que mal par le service comptable ne couvrent pas la totalité des dépenses dont vous avez demandé le remboursement.

Enfin, le montant des dépenses susceptibles d'être considérées comme professionnelles est bien inférieur au total des avances sur frais que vous avez reçues, de sorte que vous êtes débiteur de plusieurs dizaines de milliers d'€ vis-à-vis de la Société.

Il résulte de l'ensemble de ces circonstances factuelles que vous avez sciemment et régulièrement abusé de la position que vous occupiez au sein de la société FERMENTALG auprès du Contrôleur Financier, Monsieur [M] [J], pour demander la prise en charge par la Société de sommes indues et ce, au détriment des intérêts financiers de cette dernière.

Vous avez contrevenu à vos obligations les plus élémentaires et vous êtes montré indigne de la confiance que la Société avait placée en vous.

Ces multiples découvertes de faits ' présentant un caractère d'une extrême gravité

compte tenu des fonctions importantes que vous occupiez au sein de notre Société - nous ont permis de comprendre, « après coup », le comportement surprenant que vous avez adopté après avoir appris notre projet de changement de gouvernance, qui allait entrainer la fin de votre mandat de Directeur Général.

En effet, vous avez rapidement compris que la fin de ce mandat mettrait à jour vos agissements fautifs graves, leur dissimulation étant rendue nettement plus difficile faute d'occuper une position privilégiée au sein de la Société. C'est ainsi que, dès le jeudi 3 novembre 2016, date à laquelle nous avons discuté avec vous de ce changement de gouvernance, vous avez ni plus ni moins organisé votre « sortie » de la société FERMENTALG, comme l'illustrent les événements suivants qui se sont précisément déroulés sur les jours de novembre 2016 précédant la fin de votre mandat de Directeur Général :

- Le vendredi 4 novembre 2016, vous avez sollicité, par l'intermédiaire de votre assistante, le règlement de tous les relevés corporate à fin octobre 2016 et des frais hors carte à hauteur de 27.000 €.

- Le lundi 7 novembre 2016, vous avez informé la Directrice des Ressources Humaines que vous aviez décidé - sans avancer une quelconque raison objective - d'augmenter la rémunération fixe et variable de Madame [G], Directrice Juridique et membre du Comité de Direction, et d'avancer la date prévue pour ladite augmentation, contrairement à ce qui avait été antérieurement acté tant sur le montant que sur la date.

- Le même jour, Mesdames [N] [V] et [I] [X] ont imprimé un certain nombre de documents, en ce compris des documents confidentiels de la Société. Vous avez longuement discuté avec ces dernières et Madame [G]. Vous avez attendu après 18h ' heure de départ des salariés de la Société - pour effectuer plusieurs allers-retours depuis votre bureau vers votre véhicule personnel et celui de Madame [X], accompagné de cette dernière et de Madame [N] [V], afin d'y charger un certain nombre de cartons contenant des documents à l'en-tête de la société FERMENTALG.

- Ce 7 novembre toujours, vous avez décliné une réunion prévue le lendemain portant sur la gouvernance de la Société, prétextant ne pas vous souvenir de ce rendez-vous et ne pas être disponible en raison d'un impératif prévu de longue date.

- Le lendemain, le mardi 8 novembre 2016, vous vous êtes absenté soudainement pour le reste de la semaine pour raisons personnelles. A cette date, votre bureau était alors vidé de l'ensemble des dossiers qu'il contenait.

- Le même jour, sans justification auprès de la Direction des Ressources Humaines, vous avez informé cette dernière, par l'intermédiaire de votre assistante, que vous aviez octroyé des avantages ou rémunérations complémentaires à deux autres membres du Comité de Direction, Madame [S] [A] et Monsieur [U] [E], en mettant la Directrice des Ressources Humaines devant le fait accompli par la simple transmission des projets d'avenants correspondants. Les conditions financières que vous avez pris l'initiative de conférer à ces salariés préjudicie aux intérêts de la Société, eu égard à leur caractère exorbitant et à l'absence de toute justification objective, en dehors de tout processus d'évaluation individuelle de leur travail et de leurs performances qui devait être conduit en fin d'année. Une fois de plus, vous vous êtes affranchi des règles de fonctionnement de la Société pour l'engager contractuellement

et de manière indéterminée à tenir des engagements qui vont manifestement à l'encontre de ses intérêts.

- Le 23 novembre 2016, les avenants aux contrats de travail de Monsieur [E] et de Madame [S] entérinant les largesses que vous aviez consenties au nom de la Société sont parvenus dans leurs versions signées à la Direction des Ressources Humaines.

- Le 17 janvier 2017, à l'issue de votre visite médicale de reprise clôturant la suspension de votre contrat de travail pour maladie, vous avez refusé d'obtempérer à la demande de restitution des documents et matériels appartenant à la Société qui était formulée en raison de votre mise à pied à titre conservatoire. A cette occasion, vous avez affirmé ne détenir que quelques documents concernant la Société alors même que vous aviez organisé une sortie massive de documents confidentiels le 7 novembre 2016, ainsi que décrit précédemment.

- Le 24 janvier 2017, vous avez écrit un courriel aux Président et administrateurs de la Société faisant référence pour la première fois à un audit que vous aviez sollicité auprès du Cabinet Hogan Lovells en 2016 sur des faits anciens antérieurs à votre mandat, connus de tous, discutés, traités avec diligence par les organes représentatifs de la Société dont vous faisiez partie et qui, au surplus, ont fait l'objet de régularisations en bonne et due forme. Dans ce courriel, vous avez tenu des propos d'une extrême violence à l'égard de la Société (« harcèlement », « intimidation », « dénigrement », ') et avez tenté de les justifier par une énumération de contrevérités au sujet desquelles nous avons déjà eu l'occasion de vous répondre dans notre courrier en date du 3 février dernier.

La succession de ces agissements illustre votre manque de probité et les man'uvres que vous avez accomplies au détriment des intérêts de la Société, manifestant votre profonde déloyauté vis-à-vis de cette dernière.

Les violations graves et répétées de votre obligation de loyauté, sous quelque forme que ce soit, démontrent que vous recherchez la satisfaction de vos propres intérêts au détriment de ceux de la Société, ce qui nous contraint à prononcer votre licenciement pour faute grave. »

M. [O] demande à titre principal que son licenciement soit déclaré nul et à titre subsidiaire, qu'il soit requalifié en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [O] fait valoir que :

- au moment de son introduction en bourse en 2014, la société s'est présentée comme pouvant développer des produits destinés à la nutrition humaine, l'alimentation animale, la cosmétique, grâce à une technologie révolutionnaire appelée la mixotrophie ; des partenariats stratégiques ont été noués avec des acteurs industriels et des actionnaires financiers ;

-lors d'une réunion du conseil d'administration du 10 décembre 2015, il a été nommé aux fonctions de directeur général en remplacement de M. [W]. Son contrat de travail a été suspendu ;

-il a peu à peu découvert que, derrière la communication habile de la société, apparaissait une situation alarmante tant au niveau opérationnel, scientifique, boursier et juridique,

- il a ainsi découvert que la construction de l'unité de développement (UDI), avait été lancée pour des montants exorbitants et que la société avait acheté ses terrains et sa maison au fondateur M. [W] pour un montant surévalué ;

- il a fait réaliser une analyse financière et juridique de cette unité qui sera rendue le 5 février 2016 et qui révélera une explosion des frais généraux sans rédaction d'un cahier des charges. Les 10 décembre 2015 et 16 janvier 2016, il a alerté le conseil d'administration qui a décidé de finir la construction de l'unité sans installer d'équipement ;

-il a aussi découvert que le portefeuille des brevets en grande partie déclarés par M. [W] comme inventeur, était limité et non pertinent ; dès la réunion du 23 mars 2016, il a alerté le conseil d'administration à ce titre:

- les 19 janvier 2016 et suite à ses discussions avec l'AFM, il a alerté les administrateurs sur un défaut d'information de celle-ci et fait intervenir un avocat qui a rappelé que toute société cotée en bourse devait communiquer toute information privilégiée; lors d'un rendez- vous avec l'AFM, en avril 2016, au cours duquel était évoqué les retards de production, il a été décidé d'élaborer un Document de Référence mis à jour, permettant d'informer les analystes financiers, les investisseurs institutionnels et les actionnaires individuels sur l'activité, la situation financière et les perspectives de la société ;

- en juin 2016, un cabinet d'avocats était mandaté pour réaliser un audit des risques pénaux associés aux décisions prises par les administrateurs ;

- le 14 novembre 2016, il a demandé à ce dernier d'ajouter à l'ordre du jour d'une réunion du conseil d'administration l'analyse du portefeuille des brevets, l'utilité de l'UDI et le point d'étape de l'audit juridique relatif à la gestion financière et la communication de la société;

- le 16 novembre 2016, l'audit confié à des avocats a constaté de nombreuses infractions pénales susceptibles d'être caractérisées : abus de bien social sur la construction de l'UDI, diffusion d'informations fausses ou trompeuses concernant la communication financière de la société, cessions d'actions de M. [W] relevant du délit d'initié, achats à ce dernier de biens immobiliers surévalués ;

-lors de la réunion du 17 novembre 2016, il a à nouveau alerté les administrateurs sur ces points ;

- six jours plus tard, il était révoqué de son mandat parce que les administrateurs craignaient qu'il dénonce les infractions pénales analysées par l'audit pénal et rende à l'AFM un Document de Référence rendant visible la réalité de la situation et la responsabilité des administrateurs dans les informations données lors de la mise en bourse ;

- le lendemain de cette réunion, il s'est opposé à être associé au communiqué de presse que souhaitait faire paraître la société, en contradiction avec l'audit juridique et les constats et présentations déjà établis ;

- il a été placé en arrêt maladie du 25 novembre 2016 jusqu'au 1er janvier 2017 puis dispensé de travailler et son bureau était vidé lorsqu'il a voulu reprendre son poste le lendemain ; l'employeur l'a contraint à subir une visite de reprise qui a eu lieu le 17 janvier suivant ;

- le 24 janvier 2017, il a adressé au PDG et aux administrateurs un mail revendiquant son statut de lanceur d'alerte, indiquant qu'il avait, en sa seule qualité de directeur financier, alerté le président et le conseil d'administration un ensemble d'éléments résultant de différents constats établis par le cabinet d'avocats et susceptibles de recevoir une qualification pénale ;

- il a été licencié pour faute grave par lettre datée du 8 février 2017 au motif de violations graves de son obligation de loyauté.

En premier lieu, M. [O] demande à la cour de dire son licenciement nul au regard de son statut de lanceur d'alerte.

Selon M. [O], il n'est pas nécessaire que le lanceur d'alerte soit salarié, peu important par ailleurs qu'il n'ait pas indiqué les infractions susceptibles d'être relevées. Au visa de l'article L.1132-3-3 du code du travail, M. [O] estime présenter des éléments de fait permettant de présumer qu'il a relaté de bonne foi des faits constitutifs d'un délit ou d'un crime ou qu'il a signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016 et qu'il incombe à la société, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé. Il ajoute que l'alerte peut aussi concerner la violation grave et manifeste de la loi et du règlement ou une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général. Il précise que ces alertes prétendument mensongères font actuellement l'objet d'une enquête par l'Autorité des Marchés Financiers.

En second lieu et au visa des articles L. 2281-1 et L.1121-1 du code du travail , M. [O] ajoute que son licenciement est nul parce que la société a méconnu son droit à la liberté d'expression : la société lui a reproché d'avoir transmis un mail daté du 24 janvier 2017, aux présidents et administrateurs de la société faisant référence à un audit demandé à un cabinet d'avocat en 2016 sur des faits anciens antérieurs à son mandat de directeur général et connus de tous. M. [O] estime n'avoir commis aucun abus dans sa liberté d'expression en relatant des faits qui seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques.

En troisième lieu, M. [O] fait valoir que son licenciement est nul parce qu'il lui a été reproché d' avoir dénoncé par le même mail le fait qu'il vivait un véritable harcèlement.

M. [O] fait valoir qu'un seul grief suffit à lui seul à justifier la nullité de l'ensemble du licenciement sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs énoncés par l'employeur.

La société répond que M. [O] - dont le contrat de travail a été suspendu entre le 10 décembre 2015 et le 17 novembre 2016- ne peut se prévaloir du statut de lanceur d'alerte dans la mesure où il n'était pas salarié mais représentant légal de la société au moment où il prétend avoir formulé les quatre alerte s; que les quatre pièces supposées être des alertes ne mentionnent pas de crime ou de délit la présentation datée du 19 janvier 2016 n'évoque que des problématiques, le procès- verbal de la réunion du conseil d'administration du 23 mars 2016 mentionne que M. [O] a demandé le retrait de 12 familles de brevet et qu'un audit a été sollicité à ce titre par la banque Lazard, le courriel du 28 juin 2016 porte en réalité sur les différences de vue entre le président M. [O] et son rédacteur, le procès-verbal du 17 novembre 2016 n'évoque que des problématiques connues et réglées ne posant pas de difficultés à la société.

La société ajoute que M. [O] était de mauvaise foi puisqu' il souhaitait en réalité le départ de fondateur de la société, M. [W] avant de contester sa révocation de ses fonctions de directeur général.

La société estime ensuite que l' article L.2281-1 du code du travail concerne le droit des salariés de s'exprimer directement et collectivement sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation du travail. Ce droit ne s'inscrit pas dans un rapport salarié- hiérarchie mais en tant que membre d'une unité élémentaire de travail placée sous l'autorité d'un même encadrement.

Elle ajoute, s'agissant du principe fondamental d'expression individuelle, qu'elle doit être exercée sans abus, que le mail du 24 janvier 2017 en copie duquel figuraient les administrateurs de la société, comporte des termes excessifs excédant la seule relation factuelle, que l'obligation de réserve et de loyauté est renforcée s'agissant des cadres dirigeants.

La société fait enfin valoir que M. [O] n'a pas été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral commis à son encontre.

********

Aux termes de l' article L.1132-3-3 dans sa rédaction ici applicable, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir :

- relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions,

- signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Cette protection vise le licenciement d'un salarié qui a relaté ou témoigné des faits ou signalé une alerte portant sur des faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Cette condition posée par le code du travail prévaut sur la seule exigence que l'auteur doit être une personne physique puisqu'il s'agit ici d'appliquer les dispositions du code du travail. M. [O] précise bien qu'il a découvert des faits dans le seul cadre de ses fonctions de directeur général et donc dans le cadre d'un mandat social alors que son contrat de travail portant sur des fonctions de Directeur Administratif et Financier était suspendu. M. [O] fait état d'alertes datées des 19 janvier 2016, 23 mars , 27 juin et 17 novembre 2016, circonscrites à la période de suspension de son contrat de travail.

Après la révocation de son mandat social, et aux termes de son mail daté du 24 janvier 2017, M. [O] fait valoir que la société tente de l'intimider en lui faisant subir un véritable harcèlement : il a constaté le 2 janvier 2017 que son bureau avait été transformé en salle de réunion, que ses dossiers et affaires personnelles avaient disparu, ses tiroirs vidés, que ses accès à ordinateur étaient coupés. Son départ de la société et son remplacement étaient annoncés. Il n'a plus perçu de salaire depuis la révocation de son mandat ni au cours de son arrêt maladie et a dû passer une visite de reprise qui n'était pas obligatoire, enfin, sa lettre de convocation à entretien préalable lui a été signifiée par un huissier de justice qui est aussi venu à son domicile pour récupérer des documents. Ce mail ne constitue pas un élément relevant de la protection instaurée par le textes sus rappelé.

Le licenciement de M. [O] n'est pas nul au regard d'un statut de lanceur d'alerte.

Aux termes de l' article L.2281-1 du code du travail, les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. L'expression directe et collective des salariés a pour objet de définir les actions à mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de travail, l'organisation de l'activité et la qualité de la production d'une l'unité de travail à laquelle ils appartiennent dans l'entreprise.

Ces dispositions invoquées par le salarié ne s'appliquent pas au grief qui lui a été fait d'avoir transmis le mail daté du 24 janvier 2017 qui n'intéressait pas l'expression collective protégée par le texte sus visé.

Aux termes de l' article L.1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché.

Le message rédigé par M. [O], daté du 24 janvier 2017, a été transmis à plusieurs représentant d'actionnaires; à messieurs [H]- ([D]) [P] et [F] ( BPI France) et, Maître ( [C]), ayant participé à la réunion du conseil d'administration du 17 novembre 2016.

Il est ainsi rédigé :

" j'ai en ma qualité de directeur général, avec pour seule priorité le respect de la loi et de l'intérêt social de Fermentlag, signalé à notre président puis à votre conseil un ensemble d'éléments résultant de différents constats et audits établis notamment par Hogan Lovells sur de nombreux faits susceptibles de revevoir une qualification pénale découverts ainsi que les informations erronées données tant à l'AFM qu' à la bourse.

J'ai alors, pour cette seule raison, été abusivement révoqué et j'ai dû m'opposer à la communication d'un communiqué mensonger aux marchés pour essayer de m'associer par la ruse aux manquements dénoncés.

Je subis un véritable harcèlement pour tenter de m'intimider.

Je me suis présenté à l'entreprise le 2 janvier dernier dans le cadre de l'exercice de mes fonctions de DAF et j'ai constaté que mon bureau, dont j'avais laissé, comme à l'accoutumée, la porte fermée à clef, était ouvert à tous et même transformé en salle de réunion.

L'ensemble de mes dossiers et affaires personnelles avaient disparu, mes tiroirs avaient été vidés et leur contenu remplacé par des packs de bouteilles d'eau.

J'ai découvert qu'il a été annoncé, à l'exception de l'AMF, du marché et des CAC, que j'avais quitté l' entreprise et ce tant en interne qu'en externe comme par exemple à DIC. Je suis par ailleurs remplacé.

Il m'a été impossible de connecter mon ordinateur portable au réseau, mes accès ayant été coupés à l'exception de les mails individuels, étant précisé que mon mail collectif de voeux à l'ensemble du personnel a été bloqué.

Je n'ai reçu depuis ma révocation aucun salaire, ni mon bonus. Je n'ai pas reçu la moindre somme de l'assurance maladie, mon dossier n'étant absolument pas en état du fait de Fermentlag.

Puis, [L] [Y], l'assistante de notre DRH, est venue me dire que je ne pouvais rester dans l' entreprise le temps qu'intervienne une visite de reprise impérative sans être en mesure de m'indiquer quand ce rendez- vous interviendrait.

J'ai par la suite découvert par hasard sur ma boîte mail professionnelle une convocation à une visite de reprise alors que personne n'a pris la peine de m'en informer, ni par téléphone, ni sur mon adresse mail personnelle.

Renseignements pris auprès de la médecine du travail MSA, il m'a été indiqué qu'une forte pression avait été exercée pour trouver un médecin du travail, d'ailleurs à plus de 40 km du lieu habituel des visites, alors que pour les salariés relevant de la MSA, aucune visite n'est obligatoire en- deçà de 60 jours d'arrêt. J'ai alerté notre DRH sur ce point et elle m'a dit que la visite restait obligatoire et ma présence dans l' entreprise interdite.

Pour autant, rien ne s'opposait juridiquement à ma reprise de fonction sauf à vouloir m'évincer par tous moyens de l'entreprise pour que je ne participe pas au voyage au Japon et à la rédaction du nouveau document de références attendu par l'AFM.

Cette visite médicale s'est déroulée le 17 janvier. Alors que je n'avais même pas encore

quitté le centre médical, j'ai reçu un mail de notre DRH m'intimant l'ordre de lui adresser sans attendre mon avis d'aptitude.

Puis dès mon arrivée au bureau, j'ai été interpellé par un huissier qui m'a notifié une lettre de convocation à un entretien préalable prévu dans 13 jours ( délai pour analyser mon ordinateur selon vous) avec mise à pied conservatoire. Votre huissier a récupéré mes ordinateur portable, téléphone portable, carte essence, carte parking / péage, clé à badge de la société. L'huissier a même enregistré la scène sans me demander mon accord. J'ai été raccompagné à la porte de nos locaux.

Le 20 janvier, j'ai reçu un nouveau courrier d'intimidation en m'annonçant la venue d'un huissier à mon domicile cette fois pour récupérer les documents en ma possession.

Parallèlement, je suis massivement dénigré pour tenter d'enlever tout sérieux à mes signalements.

J'ai fait preuve d'une extrême patiente et perçois une menace de plus en plus forte notamment pour capter les éléments en ma possession sur les signalements restés vains.

Face à cet engrenage sans fin et aux moyens mis en oeuvre pour faire obstacle à mes signalements et m'empêcher de faire ce que la loi et mes fonctions tant de directeur général que de DAF m'imposent, je vous informe, pour que ma défense s'inscrive dans le strict respect de la loi, remettre aux autorités habilités les documents en ma possession.

Il est donc vain de poursuivre les pressions à mon encontre."

Il ne peut être reproché à M. [O] d'avoir relaté des faits précis le concernant : les tiroirs de son bureau ont été vidés et cette pièce a été transformée en salle de réunion, ses accès informatiques étaient coupés, il n'a perçu ni son salaire ni son bonus et il a dû subir une visite médicale de reprise qui n'était pas obligatoire, un huissier de justice lui a signifié sa convocation à entretien préalable et a repris des documents à son domicile. M. [O] pouvait écrire qu'il estimait la révocation de son mandat de directeur injustifiée, qu'il était dénigré, qu'il ressentait une pression à son encontre et se sentait harcelé.

Cependant, l'indication que la société a diffusé un communiqué mensonger aux marchés et la diffusion de ce message à des représentants des actionnaires importants de la société -alors même que M. [O] était à nouveau salarié- constituent un abus du droit d'expression de la part d'un cadre dont le message ne révèle pas seulement un désaccord avec la direction, mais remet en cause l'intégrité de celle- ci.

M. [O] ne peut dès lors valablement arguer de la violation de son droit d'expression qu'il a utilisé de manière abusive.

Aux termes de l' article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes de l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de l' article L.1152-2 du code du travail est nulle.

Aux termes de la lettre de licenciement, il est reproché à M. [O] d'avoir transmis le courriel sus retranscrit : " dans ce courriel, vous avez tenu des propos d'une extrême violence à l'égard de la société (" harcèlement, " intimidation" , " dénigrement") et avez tenté de les justifier pour une énumération de contrevérités au sujet desquelles nous avons déjà eu l'occasion de vous répondre ....''.

Le mail transmis par M. [O] aux administrateurs mentionne un harcèlement moral.

Un salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif (un tel licenciement serait nul) sauf mauvaise foi laquelle ne peut résulter que de la connaissance par l'intéressé de la fausseté des faits qu'il dénonce.

La bonne foi de M. [O] n'est pas contestable dès lors qu' il n'est pas établi qu'il avait connaissance de la fausseté des faits qu'il a dénoncés. Il sera ici noté que la société ne conteste pas les éléments purement factuels sus énoncés et dont M. [O] estime qu'ils constituent des agissements de harcèlement moral. Le grief tiré de la relation d'agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi ne peut être retenue, emporte à lui seul la nullité du licenciement.

B- les indemnités de rupture et l'indemnisation du préjudice

Les parties s'opposent sur le montant du salaire de référence.

M. [O] fait valoir que, lors de la révocation de son mandat de directeur général, il était convenu qu'il conserve- dans le cadre de ses fonctions de directeur administratif et financier- les mêmes conditions de rémunération et d'avantages que celles qui lui avaient été allouées en sa qualité de directeur général. Il estime qu'à sa rémunération annuelle de base de 180 000 euros majorée de l'avantage en nature mensuel de 430 euros, s'ajoute la part variable de 60 000 euros majorées des congés payés et que l'employeur qui n'a pas fixé d'objectifs est débiteur de cette dernière somme.

M. [O] demande paiement de :

*la prime sur objectifs de l'année 2016 à hauteur de 60 000 euros mais la société répond avec raison que le juge prud'homal est incompétent s'agissant de la rémunération d'un mandataire social.

La cour est cependant compétente pour statuer sur la demande de paiement du bonus 2016 intéressant la période au cours de laquelle M. [O] a exercé ses fonctions de directeur administratif et financier.

A ce titre, la société sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 4 684,93 euros majorée des congés payés afférents.

* indemnité de préavis représentant trois mois de salaire.

Le montant de cette indemnité doit être calculé sur la base de la rémunération fixe et variable qu'aurait perçu ou dû percevoir M. [O] au cours de la période de préavis. Son salaire mensuel était, selon décision prise à la date de sa révocation, égal à 15 000 euros (180 000 euros par an), majoré de l'avantage en nature ( 403 euros ) et de la prime sur objectifs telle que fixée au titre de ses fonctions de mandataire social, soit 60 000 euros ou 5 000 euros par mois.

La société qui prévoit une prime d'objectifs doit produire les modalités de calcul de cette rémunération variable. Elle ne le fait pas et le salaire de référence des indemnités de rupture est 20 403 euros.

En conséquence, l'indemnité compensatrice de préavis due à M. [O] s'élève à la somme de 20 403 euros x 3 soit 61 209 euros majorée des congés payés afférents ( 6 120,90 euros)

* indemnité de licenciement

M. [O] fait valoir que ses bulletins de paye postérieurs à la révocation de son mandat social indiquent une ancienneté à compter du 1er août 2015, supérieure à une année.

La société oppose la suspension du contrat de travail et que l'ancienneté figurant sur les bulletins de paye résulte d'une erreur.

Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail dans sa rédaction ici applicable, l'indemnité de licenciement bénéficie au salarié ayant travaillé de manière ininterrompue pendant une année, le point de départ étant la date d'entrée dans l'entreprise. Sauf dispositions plus favorables, la période de suspension du contrat de travail n'entre pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté, peu importe la mention erronée figurant aux bulletins de paye.

M. [O] a été embauché en qualité de directeur administratif et financier à compter du 1er août 2015 et son contrat de travail a été suspendu le 10 décembre 2015. Ce contrat de travail a repris lors de la révocation de son mandat social le 23 novembre 2016 jusqu à son licenciement intervenu le 8 février 2017.

M. [O] sera débouté de sa demande de paiement d'une indemnité de licenciement puisqu'il pas travaillé de manière ininterrompue en tant que salarié pendant une année.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de ce chef.

S'agissant du salaire de la mise à pied, la société sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 14 966,60 euros et congés payés afférents de 1496,66 euros.

*M. [O] doit être indemnisé du préjudice subi résultant du licenciement nul et à ce titre, percevoir une indemnité à hauteur minimale des six derniers mois de salaire.

M. [O] fait valoir qu'il n'a pas retrouvé d'emploi en dépit de ses nombreuses recherches. Il fait état de la pandémie, du dénigrement opéré par la société, de la nécessité de prélever sur un fonds de pension à hauteur de 50 000 livres, des conditions vexatoires de son licenciement.

La société répond que M. [O] ne produit pas de pièces établissant son préjudice.

M. [O] produit en pièce 105 des captures d'écran Linkedin et l'avis de déclaration des revenus de l'année 2017 mentionnant un impôt nul.

Aucune preuve d'une recherche individualisée d'emploi n'est produite et la déclaration de ses revenus imposables en Grande- Bretagne où il réside n'est versée. Par ailleurs, le prélèvement sur un fonds de pension est inopérant dès lors que sa nécessité n'est pas établie.

Compte-tenu de l'âge de M. [O] ( né en 1965) et des éléments sus visés, la société indemnisera M. [O] à hauteur de 125 000 euros.

Le préjudice moral distinct

M. [O] demande réparation du préjudice moral résultant des conditions vexatoires et brutales de son licenciement et de la plainte pénale déposée par la société contre lui pour ternir sa réputation.

La société répond que l'huissier de justice est allé chercher les documents professionnels conservés à son domicile par le salarié à la demande de celui- ci, que M. [O] n'a pas été dénigré et que son départ n'a pas été annoncé avant son licenciement. Elle estime avoir usé de son droit d'agir en justice en déposant une plainte contre son ancien salarié.

L'annonce prématurée de son départ de la société n'est pas établie, la demande de visite médicale auprès du médecin du travail relève du pouvoir de direction de l'employeur à l'issue d'un arrêt de travail pour maladie et aux termes du procès - verbal dressé le 13 février 2017 par un huissier de justice, M. [O] était d'accord pour le déplacement de celui-ci à son domicile.

Cependant, le message de M. [O] du 24 janvier 2017 mentionne des faits dont la réalité n'est pas contestée par la société : le bureau de M. [O] a été vidé de ses documents avant son licenciement et sa convocation à l' entretien préalable lui a été signifiée le 17 janvier 2017 par huissier de justice sans nécessité démontrée. M. [O] a été reconduit à la porte des locaux de la société sans pouvoir saluer ses collaborateurs.

M. [O] a subi un préjudice résultant des conditions vexatoires de son licenciement qui sera réparé à hauteur de 2 000 euros.

C- l'exécution déloyale du contrat de travail

M. [O] fait valoir que dans le cadre des pourparlers effectués dans le cadre de son embauche, il lui avait été annoncé l'attribution de BSPCE qui a été l'un des critères l'ayant conduit à signer son contrat de travail. M. [O] reproche à la société de n'avoir pas mis à l'ordre du jour de la réunion d'un conseil d'administration l'attribution de ces BSPCE qui représentaient au moment où ils auraient été accordés une valeur de 610 000 euros. M. [O] demande une indemnisation à hauteur de 30 000 euros.

La société répond que cette attribution n'était qu'envisagée, qu'elle visait sa qualité de salarié et non de mandataire social et était conditionnée à 24 mois de présence.

Aux termes de l'article 6 du contrat de travail, un intéressement en option sur titres de la société est envisagé après le prochain conseil d'administration de la société sous condition de présence après 24 mois. M. [O] ne peut se prévaloir de cette durée de présence et sera débouté de ce chef.

*la demande de paiement d'un rappel de salaire sur la période du 2 au 17 janvier 2017.

Le premier juge a condamné la société au paiement de la somme de 1 714 euros de ce chef. M. [O] demande de dire irrecevable la demande de la société d'être remboursée de cette somme. Aucune demande n'étant formée par la société qui dit avoir exécuté cette condamnation. La demande de M. [O] est sans objet.

D- les demandes de la société

*la société demande en premier lieu le remboursement des sommes perçues indument par M. [O] au titre de remboursements de frais professionnels, de déménagement et de frais d'hôtel.

M. [O] répond que la société ne peut lui reprocher des faits antérieurs de plus de deux mois à la convocation à l'entretien préalable au licenciement, que le doute doit profiter au salarié, qu'il n'a eu connaissance des frais litigieux qu'après son licenciement; qu'il a été relaxé par le tribunal correctionnel dont la décision a autorité de chose jugée, qu'aucune procédure de remboursement de frais n'était établie dans la société et que son assistante atteste du triple contrôle effectué par elle-même et le contrôleur financier, enfin que le commissaire aux comptes a certifié les comptes de la société.

Le moyen tiré de la prescription de deux mois est ici inopérant puisque la cour n'examine pas le bien-fondé du licenciement dont elle a prononcé la nullité.

Pour la même raison, le moyen tiré de la connaissance par le salarié des frais litigieux postérieurement à la notification du licenciement est étranger à l'examen de la demande de remboursement de sommes indues.

La certification des comptes de la société par le commissaire aux comptes ne porte pas sur les frais remboursés à M. [O].

S'agissant de l'autorité de chose jugée attachée au jugement correctionnel définitif du tribunal de Libourne :

*La citation directe de la société indiquait les sommes de 51 817,31 euros au titre d'avances de frais ; 23 961 euros de remboursements non justifiés et 15 211 euros de remboursements de frais non professionnels.

*le tribunal correctionnel de Libourne a relaxé M. [O] et débouté la société de ses demandes en paiement. Le juge pénal a estimé que si M. [O] a reçu des fonds, des moyens de paiement pour la prise en charge de ses frais professionnels, il n'est pas établi qu'il en ait fait un usage détourné, contraire à l'intérêt de la société et à des fins personnelles.

Les demandes de paiement des sommes de 51 817,31 euros (avances de frais), 23 961 euros (remboursements de frais non justifiés), 11 905 euros ( remboursements indument obtenus sur présentation de relevés bancaires corroborés par des justificatifs de dépenses dont l'objet professionnel ou la conformité à l'objet social n'ont pas été confirmés) et de 3 306 euros ( remboursements obtenus hors relevé bancaire en raison de dépenses dont l'objet professionnel ou la conformité à l'objet social ne sont pas établis ) s'opposent à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision définitive du tribunal correctionnel, la cour constatant par ailleurs, que la société ne verse qu'un tableau établi par elle- même sans production des pièces le corroborant.

La société demande aussi paiement de sommes au titre de frais de déménagement, d'hôtel et d'honoraires d'avocat.

M. [O] oppose que le juge prud'homal est incompétent pour statuer sur les demandes intéressant ses fonctions de mandataire social.

La société répond que de nombreuses sommes indûment perçues ou prises en charge sont relatives à des dates auxquelles M. [O] était salarié et non mandataire.

*la société demande le remboursement de frais de déménagement de M. [O] à hauteur de 7 584, 44 euros motif pris de ce que son contrat de travail limitait le montant de la prise en charge de ces frais à hauteur de 10 000 euros HT et de ce que le règlement litigieux a été effectué sur la base d'une facture pro forma d'un montant de 17 584 euros, que le montant de la facture finale était de 15 731 71 euros, soit un différentiel de

1 852,73 euros dont M. [O] a ordonné le virement sur son compte.

L'article 8 du contrat de travail de M. [O] mentionne que la société prendra en charge les frais de logement pendant les trois premiers mois de la prise de poste et les frais de déménagement à concurrence de 10 000 euros.

La société verse une facture de déménagement pro forma pour un montant de 17 584,44 euros comportant le tampon " payé" par la société par virement du 1er février 2016 et la facture finale de 15 731, 71 euros. Au différentiel, s'ajouterait la somme de 1 852,73 euros dont M. [O] a obtenu le virement sur son compte bancaire.

Cependant, la prise en charge de ces frais et le déménagement ont été effectués après la désignation de M. [O] en qualité de directeur général en décembre 2015. De sorte que la société sera déboutée de sa demande de ce chef.

* les frais d'hôtel

La société demande paiement d'une somme de 9 272,61 euros au motif que M. [O] aurait dû percevoir les frais correspondant à trois mois d'hôtel du 4 août au 4 novembre 2016 et précise que ce dernier a obtenu le remboursement de frais d'hôtel déjà réglés directement par la société.

Aucun accord tacite n'est avéré et aucune comparaison avec la situation de M. [R] ne permet de justifier la prise en charge par la société de frais excédant les dispositions contractuelles.

Cependant, le remboursement du trop perçu ne peut concerner que la période allant du 4 novembre 2015 - le déménagement ayant été effectif au 4 août 2015- au 10 décembre 2015, date à laquelle M. [O] est devenu directeur général.

Dans ces conditions M. [O] sera condamné à payer à la société la somme de 3 786 euros.

*les honoraires de l'avocat

Le contrat de travail de M. [O] ne prévoit pas la prise en charge par la société des honoraires dus pour l'établissement de sa déclaration d'impôt. Cependant, cette facture datée du 28 juin 2016 est postérieure à la nomination de M. [O] en qualité de mandataire social.

La société sera déboutée de ce chef.

*le trop versé au titre du bonus 2015

La société demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné M. [O] à lui verser la somme nette de 26 717, 09 euros.

Elle fait valoir que M. [O] a obtenu le paiement d'une prime sur objectifs de 40 176 euros, supérieure à celle qui lui était dû à hauteur de 13 458,90 euros au prorato temporis et heures supplémentaires exclues.

M. [O] répond que la société lui a versé le bonus volontairement, sans doute en compensation de la non attribution des BSCPE et que les comptes ont été certifiés par le commissaire aux comptes.

L' article 6 du contrat de travail de M. [O] prévoit une rémunération annuelle de

150 000 euros soit 213 392 euros par mois plus une part variable de prime sur objectifs de 25% du salaire fixe versé sur l'année civile soit à la date de recrutement de 0 à 37 500 euros payable en fin d'année en fonction de l'atteinte des objectifs. La base de la prime sur objectif est prorata temporis la première année.

Il n'est pas contesté que :

- la prime sur objectifs devait être calculée sur la base de la rémunération fixe, non compris donc les heures supplémentaires ;

- M. [O] a exercé les fonctions de directeur administratif et financier du 1 août au 12 décembre 2015 ;

- M. [O] a perçu une somme de 40 176 euros figurant sur son bulletin de paye du mois de février 2016 au titre du bonus de l'année 2015 au cours de laquelle il a été salarié du 1er août au 10 décembre.

Aucun accord entre les parties n'est établi pour contredire le paiement d'un indu à hauteur de 26 717,09 euros et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [O] au paiement de cette somme.

la restitution du matériel

La société demande à la cour d'ordonner à M. [O] de restituer différents équipements et documents qui auraient dû lui être retournés dans les huit jours de la rupture du contrat de travail.

M. [O] répond qu'il a mis ce matériel à la disposition de la justice dans le cadre de son statut de donneur d'alerte sans que cela n'occasionne de préjudice à l'égard de la société.

Aux termes de son contrat de travail , M. [O] devait restituer dans le délai de huit jours de la rupture de son contrat de travail les biens et documents de toute nature remis par la société pour l'exécution de ses fonctions.

Aux termes d'une lettre à la société, datée du 17 mars 2017, M. [O] a reconnu détenir des documents, un Ipad Mini, un Ipad Pro et une imprimante . Il a refusé de les restituer, arguant de l'absence de préjudice pour la société

La société ne précise pas la nature des documents dont elle demande la restitution et aucune injonction ne pourra les concerner.

M. [O] n'apporte aucune précision quant à la nécessité de conserver ces équipements et les câbles de connexion dans le cadre d'une procédure et le jugement sera confirmé, le prononcé d'une astreinte n'était pas justifiée.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [O] de voir publier le présent arrêt dans des journaux ou revues. Il sera débouté de ce chef.

Vu l'équité, la société sera condamnée à payer à M. [O] la somme 4000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

La société supportera la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

la cour,

sur le licenciement

Infirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave et débouté M. [O] de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement non causé,

Statuant à nouveau de ces chef;

Dit que le licenciement de M. [O] est nul ;

Condamne la société Fermentalg à payer à M. [O] les sommes suivantes :

* 125 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 61 209 euros et 6 120 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

* 14 966,60 euros et 1 496,66 euros au titre du salaire de la mise à pied conservatoire;

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande de paiement d'une indemnité de licenciement ;

sur l'exécution du contrat de travail

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Fermentlag à payer à M. [O] les sommes de 60 000 euros et 6 000 euros au titre du bonus de l'année 2016,

Statuant à nouveau,

Dit irrecevable la demande portant sur le bonus intéressant la période au cours de laquelle M. [O] était mandataire social,

Condamne la société Fermentalg à payer à M. [O] la somme de 4 683,93 euros et congés payés afférents (468, 39 euros) au titre du bonus portant sur la période pendant laquelle M. [O] a à nouveau exercé les fonctions de directeur administratif et financier ;

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [O] à payer à la société Fermentalg la somme de 26 717,09 euros bruts en remboursement du trop versé du bonus de l'année 2015 soit un montant net de 22 140,45 euros ;

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Dit que la société Fermentalg devra délivrer à M. [O] un bulletin de paye rectificatif, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi rectifiés dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt sans prononcé d'une astreinte ;

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande en paiement portant sur le préjudice moral distinct,

et statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Fermentalg à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros ;

sur les autres demandes

Confirme le jugement en ce qu'il a ordonné la restitution par M. [O] à la société Fermentalg des équipements appartenant à cette dernière et précise que

*les équipements sont un Ipad mini, un Ipad Pro, une imprimante et les câbles de connexion,

* la nature des documents n'étant pas précisée, la société sera déboutée de sa demande les concernant,

Dit que cette remise devra être effectuée dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt sans prononcé d'une astreinte ;

Constate que la cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation de la demande de paiement d'un rappel de salaire pour la période du 1er au 17 janvier 2017 ;

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Fermentalg de toutes ses demandes en remboursement de frais,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [O] à payer à la société Fermentalg la somme de 3 786 euros au titre du trop perçu portant sur les frais d'hôtel ;

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande de publication de l'arrêt dans les journaux et revues ;

Dit que les sommes valant salaire porteront intérêts à compter du 4 juillet 2017 et que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts à compter de la signification de l'arrêt. La capitalisation s'opérera dans les conditions prévues à l' article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société Fermentalg à payer à M. [O] la somme totale de 4000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel ;

Condamne la société Fermentalg aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/01312
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;19.01312 ?
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