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29/06/2022 | FRANCE | N°19/01941

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 juin 2022, 19/01941


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 29 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/01941 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K6U3















Madame [L] [P]



c/



SA ENEDIS

SA ENEDIS

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse d

élivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 mars 2019 (R.G. n°F 18/00013) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 08 avril 2019,





APPELANTE :

Madame [L] [P]

née le 14 Août 1961 à [Localité 6] de nationalité Française P...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/01941 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K6U3

Madame [L] [P]

c/

SA ENEDIS

SA ENEDIS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 mars 2019 (R.G. n°F 18/00013) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 08 avril 2019,

APPELANTE :

Madame [L] [P]

née le 14 Août 1961 à [Localité 6] de nationalité Française Profession : Conseiller(e) clientèle, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Alexandre LEMERCIER de la SELARL LEMERCIER AVOCAT, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉES :

SA Enedis, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

SA Enedis, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 8],

représentées par Me Cécile AUTHIER de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 juin 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire et Monsieur Rémi Figerou, conseiller,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [L] [P], née en 1961, a été engagée par la société EDF par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 octobre 2002 en qualité de conseiller clientèle au service clientèle et développement de l'agence de [Localité 6].

Son contrat de travail a ultérieurement été transféré à la société ENEDIS.

Dès son embauche, la salariée avait le statut de travailleur handicapé en raison d'une surdité totale de l'oreille droite.

Après la fermeture du site de [Localité 6], Mme [P] a intégré à sa demande un poste sur le site EDF de [Localité 4].

En 2010, elle a rejoint, également à sa demande, l'agence de raccordement ENEDIS de Gradignan.

Le 25 juin 2012, elle a fait l'objet d'une mutation à l'agence de raccordement de [Localité 7].

Au cours de l'année 2014, l'ensemble des conseillers seniors, dont faisait partie Mme [P], ont été réunis sur un open space.

A l'été 2014, dans le cadre d'échanges avec le chef d'agence, M. [K], la salariée a fait savoir qu'elle était contrainte de parler fort au sein de l'open space en raison de sa surdité, ce qui la plaçait en difficultés vis-à-vis de ses collègues.

Le 1er août 2014, M. [K] a sollicité l'isolation phonique du poste de l'agent auprès du cadre appui ressources humaines et responsable diversité d'Aquitaine Nord, M. [E], qui a alors sollicité la copie de la décision RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) de Mme [P] afin de débloquer le budget permettant l'aménagement souhaité.

Le document remis par la salariée n'était pas valable dans la mesure où il concernait une

période antérieure. La salariée s'est alors engagée à introduire une demande de renouvellement de RQTH. Ledit renouvellement a été effectué le 12 juin 2015.

Le 14 janvier 2015, au cours d'une visite périodique, le médecin du travail a déclaré la salariée apte avec réserves en ces termes :

« sur poste aménagé, sans appel téléphonique et à l'écart du bruit pendant 7 semaines. A revoir le 4 mars 2015 ».

A la suite de cet avis, le poste de travail de Mme [P] a été installé dans un autre bureau et l'activité téléphonique lui a été retirée.

Lors de la visite médicale ultérieure, le 4 mars 2015, le médecin du travail a déclaré la salariée apte avec réserves. Il a indiqué que cette dernière était apte à un poste aménagé à l'écart du bruit avec appel téléphonique ponctuel uniquement et qu'une mutation pour raison de santé était souhaitable.

La société a alors proposé trois postes à la salariée entre le 6 mai 2015 et le 4 décembre 2015.

Une convention d'immersion concernant le dernier poste proposé à [Localité 7] qui avait été validé par le médecin du travail et sur lequel Mme [P] avait candidaté, a été transmise à la salariée le 4 décembre 2015.

Néanmoins, cette mutation n'a pu avoir lieu dans la mesure où la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 16 décembre 2015.

En cours de procédure, Mme [P] a repris le travail le 9 avril 2018 dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique sur le poste de chargé d'études MOAD (Maîtrise d'Ouvrage Décision Basse Tension), poste pour lequel elle avait accepté une immersion avant son arrêt de travail.

Cette reprise s'est effectuée dans le cadre d'une convention d'immersion sans mutation afin de favoriser un retour au travail avant de finaliser une offre de poste pérenne.

A l'issue de cette première période d'immersion, a été proposé à la salariée un autre emploi, celui de chargé de projet à l'Agence de Raccordement Marché d'Affaires (ARMA) sur le site de [Localité 3] Lescure.

Mme [P] a accepté d'être mutée sur ce poste, après une période d'immersion, et elle occupe donc de façon pérenne cet emploi depuis le 1er septembre 2018.

***

Il doit être précisé que Mme [P] avait déjà engagé le 14 avril 2014 une première procédure au fond contre son employeur devant le conseil de prud'hommes de Périgueux.

Dans le cadre de cette précédente procédure, Mme [P] sollicitait le paiement d'une indemnité de mobilité d'intérêt prioritaire pour les entreprises à hauteur de la somme de 8.015,80 euros et la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions du statut national des industries électriques et gazières.

Cette procédure s'est soldée par un arrêt rendu infirmatif rendu le 4 janvier 2017 par la cour d'appel de Bordeaux après une audience du 8 novembre 2016, déboutant Mme [P] de ses demandes.

Le 22 janvier 2018, demandant que soit constaté un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ainsi que la condamnation de la société à diverses sommes, Mme [P] a saisi à nouveau le conseil de prud'hommes de Périgueux, qui, par jugement rendu le 25 mars 2019, a :

- déclaré irrecevables les demandes de Mme [P] en application du principe de l'unicité de l'instance,

- mis les dépens à sa charge,

- débouté la société du surplus de ses demandes.

Par déclaration du 8 avril 2019, Mme [P] a relevé appel du jugement rendu par le conseil le 25 mars 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 septembre 2019, Mme [P] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu et, statuant à nouveau, de la dire recevable en ses demandes et de :

- dire que la SA Enedis a commis un manquement à son obligation de sécurité de résultat,

- condamner la SA Enedis à lui régler la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

- débouter la SA Enedis de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SA Enedis à lui régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA Enedis aux dépens en ce compris les frais éventuels d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 septembre 2019, la société Enedis demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* déclaré les demandes de Mme [P] irrecevables en application du principe de l'unicité de l'instance,

* condamné Mme [P] aux dépens,

Subsidiairement,

- dire qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- dire que les demandes de Mme [P] sont irrecevables ou injustifiées,

- les rejeter dans leur intégralité,

En toute hypothèse,

- condamner Mme [P] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux dépens en disant qu'ils seront recouvrés par Maître Cécile Authier de la SELARL Capstan Sud-Ouest en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 juin 2022. A cette audience, les parties ont convenu que la 'SA Enedis [Localité 7]' était en réalité un simple établissement de la SA ENEDIS dont le siège social est à [Localité 5].

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La 'SA Enedis [Localité 7]' sera déclarée hors de cause.

Tout en ne contestant pas le principe de l'unicité de l'instance qui était applicable lorsqu'elle a engagé sa première procédure devant la juridiction prud'homale, Mme [P] fait valoir si des difficultés dans la prise en compte de son état de santé sont apparues dès 2014, ce n'est que le 8 décembre 2016, après avoir consulté un avocat, qu'elle a eu connaissance de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité soit après l'audience devant la cour du 8 novembre 2016.

La société sollicite la confirmation le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les demandes de Mme [P] irrecevables en application du principe de l'unicité de l'instance.

Elle fait valoir que la salariée avait la possibilité de former ses demandes relatives aux prétendus manquements à l'obligation de sécurité lors de l'instance qui les a opposées précédemment, puisqu'elle était en arrêt maladie depuis le 16 décembre 2015 et que, n'ayant repris ses fonctions que le 9 avril 2018, aucun manquement de l'employeur à ses obligations ne saurait être invoqué entre le 16 décembre 2015 et le 9 avril 2018.

***

Selon l'article R.1452-6 du code du travail dans sa version en vigueur pour toutes les instances introduites avant le 1er août 2016, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, devaient faire l'objet d'une seule instance.

Cette règle n'était cependant pas applicable lorsque le fondement des prétentions était né ou s'était révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

Ce principe était encore applicable lorsque la présente cour d'appel a statué sur les prétentions de Mme [P] formulées dans le cadre de l'instance prud'homale engagée le 14 avril 2014.

Ainsi que le fait valoir l'intimée, Mme [P], placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 16 décembre 2015 jusqu'au 9 avril 2018, n'avait pas réintégré son poste lorsque la première procédure a été évoquée devant la cour, à l'audience du 8 novembre 2016.

Or, d'une part, à cette date, les avis d'aptitude avec réserves d'aménagement de poste avaient déjà été émis par le médecin du travail, à la suite de deux visites des 14 janvier et 4 mars 2015.

D'autre part, les manquements à l'obligation de sécurité allégués par Mme [P] ainsi que leur incidence sur son état de santé étaient à la fois antérieurs à l'introduction de la présente procédure mais également clairement connus par la salariée à la date à laquelle la procédure liée à l'appel formé par la société Enedis à l'encontre du jugement rendu le 8 décembre 2014 par le conseil de prud'hommes de Périgueux a été évoquée devant la cour, soit le 8 novembre 2016, d'autant qu'elle avait saisi son employeur à plusieurs reprises sur ses difficultés à travailler sur un poste non aménagé en considération de son handicap outre que, par le biais de son médecin traitant, elle avait adressé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, selon certificat daté du 29 mars 2016.

En outre, la cour relève que, dans le cadre de cette première procédure, Mme [P] était assistée par un délégué syndical et que le Syndicat CGT Energie, qui avait échangé avec l'employeur notamment en juillet 2016 (lettre du 12 juillet 2016 - pièce 25 appelante) sur l'atteinte à la santé physique de la salariée, était intervenant volontaire dans la première procédure en sorte que Mme [P] était à même de faire valoir les prétentions fondées sur un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.

Enfin, le 8 décembre 2016, l'actuel conseil de l'appelante écrivait à l'employeur en annonçant la saisine du tribunal compétent pour obtenir réparation du préjudice résultant des conditions de travail imposées à Mme [P] en opposition aux prescriptions du médecin du travail, soit à une date où la première affaire étant en délibéré, ce conseil aurait pu solliciter une réouverture des débats (lettre du 8 décembre 2016 - pièce 27 salariée).

Mme [P] paraît soutenir par ailleurs que des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité auraient perduré après la décision rendue par la cour d'appel.

Elle prétend ainsi qu'en février 2018, M. [E], informé de la prolongation de son arrêt maladie, l'aurait contrainte à solliciter une nouvelle prolongation pour bénéficier d'un ultime délai, puis lui a fait signer une convention d'immersion sur le site de [Localité 7] contre l'avis du médecin du travail, le poste proposé ayant consisté 'à mettre des croix dans un tableau Excell pendant trois mois' et que ce n'est qu'après de multiples demandes qu'il lui a enfin été proposé un poste compatible avec son état de santé sur le site de [Localité 3].

Aucune pièce n'est visée dans les écritures de la salariée et, dans le dossier remis à la cour, aucune pièce ne vient étayer les affirmations figurant dans ses écritures quant à ces 'nouveaux manquements'.

Au contraire, il est établi d'une part que l'employeur a mis en oeuvre un bilan de compétences organisé durant les mois de septembre à novembre 2017 (pièce 53 salariée) alors que la salariée était toujours en arrêt de travail (pièce 41 à 43 salariée) et, d'autre part, qu'après que cet arrêt a pris fin, la société a proposé à Mme [P] de prendre le poste qu'elle avait accepté avant d'être placée en arrêt de travail et qui avait été validé par le médecin du travail (pièce 11 société), dans le cadre d'une convention d'immersion qu'elle a signée le 10 avril 2018 (pièce 13).

Enfin, Mme [P] a finalement été intégrée dans un poste à [Localité 3] en juillet 2018, après une nouvelle convention d'immersion et validation de cet emploi par le médecin du travail (pièces 14 et 15 société).

Le fondement des prétentions de Mme [P] étant ainsi né alors que la première instance prud'homale était en cours, c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré irrecevables les prétentions de Mme [P].

Mme [P] qui succombe à l'instance et en son recours, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société Enedis une somme arbitrée à 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare hors de cause la 'SA Enedis [Localité 7]',

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les prétentions de Mme [L] [P],

Y ajoutant,

Condamne Mme [L] [P] à payer à la société Enedis la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [L] [P] aux dépens et accorde à Maître Cécile Authier, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/01941
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;19.01941 ?
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