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21/02/2023 | FRANCE | N°20/01606

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 21 février 2023, 20/01606


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 21 Février 2023





N° RG 20/01606 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSUR



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 02 Décembre 2020





Appelante



S.A. MAAF ASSURANCES, dont le siège social est [Adresse 3]



Représentée par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY Représentée par la SELARL FAVRE-DUBOULOZ-COFFY, avocats plaidants au barre

au de THONON-LES-BAINS











Intimée



S.A.R.L. CARROSSERIE PAIS, dont le siège social est situé [Adresse 1]



Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat ...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 21 Février 2023

N° RG 20/01606 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GSUR

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 02 Décembre 2020

Appelante

S.A. MAAF ASSURANCES, dont le siège social est [Adresse 3]

Représentée par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY Représentée par la SELARL FAVRE-DUBOULOZ-COFFY, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimée

S.A.R.L. CARROSSERIE PAIS, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par Me Christian FORQUIN, avocat au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 31 Octobre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 décembre 2022

Date de mise à disposition : 21 février 2023

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

- Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et Procédure

La sarl Carrosserie Païs (société Païs) exerce une activité de réparation de véhicules automobiles. Elle a développé un produit dénommé « Service choc » qui permet au client, sur les bases d'un contrat de cession de créance, d'être déchargé des contraintes administratives prévues à la police d'assurance et du paiement des réparations de son véhicule, et garantit à la société Carrosserie Païs le paiement de l'indemnité due directement entre ses mains.

A la suite d'un accident matériel subi par le véhicule de la société Habitat solutions dont le gérant est M. [L], le véhicule en stationnement régulier ayant été heurté par un véhicule circulant dont le conducteur a reconnu sa responsabilité, la société Païs a effectué des travaux de réparations sur le véhicule accidenté.

La société Maaf assurances (la Maaf), auprès de laquelle était assuré le véhicule, a mandaté le cabinet Alliance experts Haute-Savoie afin de procéder au constat des dommages et évaluer le coût de la réparation. L'expert, M. [S], tardant à remettre son rapport, M. [L] et la société Païs ont demandé au cabinet Opale expertise d'effectuer l'expertise en convoquant l'ensemble des parties. Un accord est intervenu fixant le montant des réparations à 6 777. 97 euros HT.

Compte tenu de la cession de créance signée entre la société Habitat solutions et la société Païs, et notifiée à la Maaf, la société Païs a adressé ses factures pour un montant de 10 627,70 euros HT se décomposant ainsi :

Facture pour les dommages matériels : 6 778,61 euros HT

Facture pour les honoraires d'expertise : 337,50 euros HT

Facture pour le véhicule de location : 3 511,59 euros HT.

En l'absence de règlement, malgré une mise en demeure du 2 mai 2019, la société Païs a déposé une requête en injonction de payer auprès du tribunal de commerce de Niort, lequel a rendu une ordonnance le 15 juillet 2019 condamnant la Maaf à payer la somme de 10 997,92 euros.

La société Maaf a formé opposition à cette injonction de payer le 14 août 2019.

Conformément à l'article 1408 du code de procédure civile, le greffe du tribunal de commerce de Niort a transmis au greffe du tribunal de commerce de Thonon les bains le dossier d'injonction de payer.

Par jugement rendu le 2 décembre 2020 le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a :

- dit que le présent jugement se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer rendue en date du 15 juillet 2019 par le tribunal de commerce de Niort,

- dit la demande de la société Carrosserie Païs recevable ;

- s'est déclaré compétent pour connaître le litige ;

- dit recevable, mais mal fondée l'opposition formée par la Maaf assurances à l'ordonnance d'injonction de payer prise par M. le président du tribunal de commerce de Niort le 15 juillet 2019 ;

- débouté la Maaf assurances de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné la société Maaf assurances à payer à la société Carrosserie Païs la somme de 10 627, 70 euros, majorée des intérêts légaux × 3 à partir du 2 mai 2019 date de la première mise en demeure, ainsi que des pénalités et frais accordés à l'ordonnance d'injonction de payer à haute de 245, 33 euros ;

- débouté la société Carrosserie Païs de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la société Maaf assurances au paiement à la société Carrosserie Païs de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Maaf assurances aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe en date du 28 décembre 2020, la société Maaf assurances a interjeté appel de toutes les dispositions cette décision.

Saisi à la requête de la Maaf d'une demande tendant à voir déclarer le tribunal de commerce de Thonon les bains territorialement incompétent au profit de celui de Niort, le conseiller de la mise en état, par ordonnance en date du 24 juin 2021, a déclaré la demande irrecevable au motif qu'il n'était pas compétent pour statuer sur une exception d'incompétence de la juridiction de première instance.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures en date du 24 février 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Maaf sollicite l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Thonon-les-Bains du 2 décembre 2020 ;

Statuant à nouveau,

In limine litis,

- constater que le domicile du débiteur est situé à [Localité 2],

- constater que l'ordonnance d'injonction de payer a été délivrée par la tribunal de commerce de Niort,

- constater que les textes applicables à la détermination du tribunal compétent ne prévoient pas le lieu de l'exécution du contrat mais uniquement le lieu du siège social du débiteur,

Par conséquent,

- se déclarer incompétent au profit de la cour d'appel de Poitiers en application des dispositions de l'article 90 alinéa 3 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire sur le fond,

- constater que la société Païs fonde son recours tant sur les articles 1103 et 1240 du code civil,

Par conséquent,

- dire et juger qu'un tel cumul n'est pas possible juridiquement, le demandeur devant opter pour l'un ou pour l'autre de ces textes,

- dire et juger mal fondé le recours de la société Païs,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes et prétentions

Au surplus,

- constater que la société Païs s'appuie sur les conditions générales du contrat liant la société Habitat solutions et plus particulièrement sur le paragraphe « évaluation des dommages (page 32) » pour justifier de l'intervention d'un second expert en lieu et place du premier désigné par la Maaf,

- constater que ce droit est ouvert à l'assuré, mais nullement à la société Païs qui s'en prévaut en ce qu'elle ne justifie pas de l'accord de cession du cédé,

Par conséquent,

- dire et juger que la société Païs ne peut faire état des prétendus droits de la société Habitat solutions pour obtenir le règlement du solde de sa facture dans la mesure où :

- en application du principe « on ne plaide pas par procureur » la société Païs ne peut faire état de prétentions au nom et pour le compte de la société Habitat solutions,

- le mandat signé entre M. [L] et la société Païs ne l'autorise pas à agir en justice pour le compte de la société Habitat solutions puisque M. [L] est un tiers sans aucun lien avec quiconque dans la mesure où le propriétaire du véhicule selon le certificat d'immatriculation est la société Habitat solutions seule,

- la société Païs enfin n'est pas partie au contrat d'assurance liant la Maaf avec la société Habitat solutions qui est un contrat personnel,

Au surplus,

- constater que la convention IRSA n'a vocation à s'appliquer qu'entre compagnies d'assurance, à l'exclusion de tout assuré,

A ce titre,

- rejeter tout argument de la société Païs sur l'application de cette convention à l'assuré,

Au surplus,

- constater que le règlement réalisé par la Maaf pour le véhicule accidenté a été effectué en date du 11 janvier 2019 alors que la facture des réparations a été réalisée le 8 avril 2019, soit près de 3 mois après l'indemnisation du client,

A ce titre,

- dire et juger que l'expert de la Maaf a fait parfaitement diligence et que soit le client n'a pas informé la société Païs, soit cette dernière dûment informée, a sciemment voulu ignorer cette situation pour imposer des frais supplémentaires à la Maaf,

Par conséquent,

- dire et juger que les frais supérieurs à la valeur de prise en charge de 4 500 euros ne pourront pas être pris en charge par la Maaf,

- dire et juger à ce titre qu'il appartient à la société Païs de se retourner contre la société Habitat solutions pour en obtenir paiement dépassant l'estimation présentée par l'expert de la Maaf,

- mettre à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 15 juillet 2019,

- condamner la société Païs à payer à la Maaf la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société Païs à payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Au soutien de ses prétentions, la société Maaf assurance expose essentiellement que :

' la règle de territorialité est dérogatoire de la règle de droit commun. Par conséquent, le tribunal compétent est celui du lieu du siège social du débiteur c'est-à-dire Niort et la cour d'appel compétente est celle de Poitiers ;

' la société Païs fonde ses arguments sur les articles 1103 et 1240 du code civil. Or, il n'est pas possible de choisir entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle. Les demandes de la société Païs doivent donc être rejetées comme mal fondées juridiquement ;

' le droit de recourir à un second expert est ouvert à l'assuré, mais nullement à la société Païs. Les demandes sont donc présentées au nom et pour le compte de la société Habitat solutions alors que nul ne plaide par procuration ;

' le contrat d'assurance est un contrat intuitu personae, le mandat ne permet donc pas à la société Carrosserie Païs de se substituer à l'assuré ;

' la cession de l'article 1216 du code civil nécessite l'accord express du cédé ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

' la société Carrosserie Païs ne peut invoquer la convention IRSA qui est une convention de recours entre sociétés d'assurance automobile aucunement opposable à l'assuré ;

' il n'y a pas de manquement de la part de l'expert mandaté justifiant le recours à un second expert puisqu'en présence d'un véhicule fortement endommagé, l'expert chargé de procéder à l'examen du véhicule ne peut donner un accord immédiat sans avoir chiffré le montant des dommages et la valeur du véhicule ;

' la société Habitat solutions, destinataire du règlement de son sinistre le 11 janvier 2019, n'a pas informé la compagnie d'assurance de la remise en état du véhicule pourtant considéré comme irréparable économiquement. Dès lors, l'indemnisation de l'assuré a, à juste titre, été faite selon les garanties contractuelles ;

Par dernières écritures en date du 21 septembre 2021 régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Païs sollicite de la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté ;

- le dire mal fondé ;

- dire et juger la Maaf autant irrecevable que mal fondée en son exception ;

- l'en débouter ;

- confirmer en son principe la décision entreprise ;

Y ajoutant,

- condamner la Maaf au paiement des sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'à celle de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

- la condamner aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Me Forquin, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société Païs fait valoir, en substance, l'argumentation suivante :

' le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains et ce faisant la Cour d'appel de Chambéry sont compétents puisque :

- les dispositions des articles 1406 et 1408 du code de procédure civile ne sont pas exclusives les unes des autres, mais complémentaires ;

- il était expressément prévu dans la décision des premiers juges qu'en cas d'opposition, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains serait compétent ;

' des éléments contractuels peuvent venir à l'appui d'une action délictuelle ;

' il ne s'agit pas de se substituer à l'assuré, mais d'agir pour le recouvrement de sa créance de réparation du véhicule assuré en vertu d'un double pouvoir :

- celui de représenter sa cliente et d'agir en son nom et pour son compte ;

- celui d'agir pour la défense de ses propres intérêts pour obtenir le paiement de sa créance ;

' la convention IRSA prévoit que l'assureur direct doit indemniser son assuré même si « la réclamation est présentée pour son compte par un mandataire » ;

' à la suite d'une réunion contradictoire en date du 4 décembre 2018, toutes les parties ont trouvé un accord tant sur le principe d'une réparation du véhicule que sur son montant, confirmé par les conclusions de M. [S] en date du 10 janvier 2019 adressées à la Maaf ;

' l'assuré a violé ses engagements contractuels résultant de la cession de créance en acceptant le paiement de l'indemnité par la Maaf, qui s'est à son tour rendue complice de cette violation dans la mesure où la cession de créance lui avait été notifiée ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 31 octobre 2022 clôture l'instruction de la procédure. 

MOTIFS ET DECISION

Sur la compétence

Selon l'article 42 du code de procédure civile, « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. »

Selon l'article 43, « le lieu où demeure le défendeur s'entend s'il s'agit d'une personne morale, du lieu où celle-ci est établie. »

Selon l'article 46, « le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service. »

L'article 1406 du code de procédure civile relatif à la procédure d'injonction de payer et dont les dispositions sont d'ordre public, énonce que « le juge territorialement compétent est celui du lieu où demeure le ou l'un des débiteurs poursuivis. »

Par ailleurs, aux termes de l'article 1408 du code de procédure civile :

« Le créancier peut, dans la requête en injonction de payer, demander qu'en cas d'opposition, l'affaire soit immédiatement renvoyée devant la juridiction qu'il estime compétente ».

Si la requête en injonction de payer doit impérativement être adressée au tribunal du lieu du domicile ou siège social du débiteur, les dispositions de l'article 1408 du code de procédure civile permettent au créancier, dans le cas d'une opposition à injonction de payer de demander le renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce qu'il estime compétent au regard des dispositions des articles 42, 43 et 46 du code de procédure civile, ce dans la mesure où l'opposition à l'injonction de payer a pour effet d'ouvrir une instance qui obéit aux règles de droit commun.

L'alternative pour le créancier est en conséquence le lieu du domicile du défendeur, ou le lieu de la livraison effective de la chose ou de l'exécution de la prestation de service.

En l'espèce, la société Païs avait dans sa requête demandée, en application de l'article 1408 du code de procédure civile, à ce qu'en cas d'opposition l'affaire soit immédiatement renvoyé devant le tribunal de commerce de Thonon les bains, qui est le tribunal du lieu où la prestation de réparation a été effectuée.

L'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Niort ordonnait donc le renvoi en cas d'opposition devant le tribunal de commerce Thonon les bains et c'est à bon droit que ce dernier s'est déclaré territorialement compétent.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le fondement de la demande de la société Païs

La Maaf fait valoir que la société Païs fonde son recours sur les articles 1103 et 1240 du code civil, que ce faisant elle invoque à la fois la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle, qu'un tel cumul n'est pas possible juridiquement et qu'ainsi son recours est mal fondé.

Or, force est de constater qu'en l'espèce il n'est pas question de responsabilité qu'elle soit contractuelle ou délictuelle.

La société Païs agit à l'encontre de l'assureur de la société en se prévalant d'une double qualité :

- D'une part, suivant écrit en date du 30 octobre 2018, intitulé « Mandat spécial de gestion n°110 accessoire à un ordre de réparation », la société Habitat solutions lui a donné mandat d'effectuer en ses lieu et place et pour son compte toutes les démarches utiles pour permettre la réalisation de la réparation du véhicule Peugeot Boxer immatriculé AP 875 ER endommagé suite à l'accident du 5 octobre 2010 et de procéder au recouvrement de la créance représentant le montant de la réparation matérielle, ainsi que tous autres dépens et coûts occasionnés par l'accident.

Pour ce faire, il a été octroyé à la société Païs, « les pouvoirs les plus étendus » pour représenter la société Habitat solutions dont celle « d'ester si besoin en justice à l'encontre du ou des débiteurs pour le recouvrement des créances nées de la réparation des dommages subis à la suite de l'accident. »

Vainement, la Maaf fait-elle valoir que le mandat signé entre M. [L] et la société Païs n'autorise pas cette dernière à agir en justice pour le compte de la société Habitat solutions propriétaire du véhicule accidenté, alors que le mandat a été régularisé par M. [L] en sa qualité de gérant de ladite société et non à titre personnel et que le mandant est bien la société Habitat conseils.

- D'autre part, le même jour a été régularisée une convention de cession de créance de réparation aux termes de laquelle la société Habitat solutions a cédé à la société Païs « la créance d'indemnisation qu'elle détient sur sa compagnie d'assurance à hauteur de son montant, qui viendra s'imputer sur le coût total des réparations. »

Conformément aux dispositions de l'article 1324 du code civil, cette cession de créance a été régulièrement notifiée à la Maaf, débiteur cédé, suivant courrier recommandé avec AR en date du 30 octobre 2018, reçu par la Maaf le 12 novembre 2018.

Cette cession de créance lui est dès lors opposable et c'est en vain que la Maaf soutient le contraire au motif qu'elle ne l'a pas acceptée, alors que les dispositions de l'article 1216 du code civil qu'elle invoque à l'appui de son argumentation concernent les cessions de contrat et non les cessions de créance.

C'est ainsi au titre de sa double qualité de mandataire de la société Habitat solutions pour le recouvrement des sommes dues par la Maaf et de créancière de l'indemnité d'assurance due par la cette dernière à son assurée que la société Païs agit en paiement des frais de réparation.

Sur la détermination du montant de la créance cédée

En vertu du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, et selon une jurisprudence constante, la réparation intégrale du dommage causé à une chose est assurée par le versement d'une somme d'argent représentant la valeur de remplacement de cette chose ou, le cas échéant, si le montant en est inférieur, par le remboursement des frais de remise en état du bien.

Le droit au remboursement des frais de remise en état d'une chose endommagée a ainsi pour limite sa valeur de remplacement.

Pour une voiture, cette valeur de remplacement est constituée par le prix de revient total d'un véhicule d'occasion de même type et dans un état semblable.

A cet égard la convention IRSA, invoquée par la société Païs, laquelle vise à encadrer et simplifier les procédures d'indemnisation des compagnies d'assurance pour les accidents de la route, ne prévoit pas autre chose puisque l'article 1.1 de son titre I énonce :

« Quelle que soit la typologie de l'accident de la circulation, la nature et le montant des dommages, les sociétés adhérentes s'obligent, préalablement à l'exercice de leurs recours, à indemniser elles-mêmes leurs assurés, dans la mesure de leur droit à réparation déterminé selon les règles du droit commun. » (souligné par le rédacteur)

En l'espèce, Il résulte du rapport en date du 10 janvier 2019 de M. [S], expert mandaté par la Maaf, que la valeur de remplacement du véhicule représente une somme HT de 4 500 euros et les aménagements intérieurs de la camionnette une somme de 1 700 euros HT, étant précisé qu'il s'agit d'un utilitaire aménagé en atelier.

M [L], gérant de la société Habitat solutions, qui souhaitait procéder à la réparation du véhicule, a fait estimer le coût desdites réparations par M. [B], expert automobile lors d'une réunion qui s'est déroulée le 4 décembre 2018 au contradictoire de MM. Païs, [S], et [L] et a donné lieu à un procès-verbal d'expertise contradictoire en date du 4 décembre 2018 qui chiffre ces dernières à la somme de 6 777,97 euros HT soit un coût supérieur à celui de la valeur de remplacement du véhicule, étant précisé que la société Païs, qui a procédé aux réparations, a émis une facture en date du 8 avril 2019 d'un montant de 6 778,61 euros HT.

Dès lors, il convient de retenir la valeur de remplacement du véhicule soit une somme de 6 200 euros HT.

Il est par ailleurs produit des factures de location d'un véhicule de remplacement émises par la société Rent'alp pour la période allant du 21 décembre 2018 au 22 mars 2019 d'un montant total de 3 511,59 euros HT dont la société Païs sollicite le paiement.

Or, cette dernière ne produit qu'une facture de la Maaf du 9 novembre 2018 concernant les divers contrats d'assurances souscrits par la société Habitat services, outre une page extraite des conditions générales.

Il ressort de cette facture que le véhicule Peugeot Boxer AP 875 ER est assuré tous risques avec la précision suivante : « incluant Tranquillité mobilité véhicule de remplacement+ ».

Au vu de cette pièce, qui établit que les frais de véhicule de remplacement sont pris en charge par la Maaf, cette dernière n'en contestant d'ailleurs pas le principe, il y a lieu d'ajouter la somme de 3 511,59 euros à ce titre.

La société Païs produit également la facture de M. [B], expert automobile, qu'elle a mandaté pour le compte de la société Habitat services afin d'évaluer le coût des réparations, dont le montant est de 405 euros.

Faute de production de la police d'assurance, et en l'absence de connaissance des conditions dans lesquelles l'assuré peut solliciter lui-même son propre expert, ainsi que les conditions de prise en charge des honoraires de ce dernier, cette somme sera écartée.

Il en résulte que le montant de la créance cédée à la société Païs s'établit à la somme totale de 9 711,59 euros.

Sur le paiement de cette créance par la Maaf

Pour s'opposer à la demande de la société Païs, la Maaf fait valoir qu'elle a indemnisé son assuré par un règlement d'un montant de 7 058,33 euros adressé le 11 janvier 2019, soutenant qu'elle n'avait pas été informée de la cession de créance régularisée avec la société Païs et que la société Habitat services n'avait jamais confirmé son intention de remise en état du véhicule.

Or, d'une part, elle ne produit aucun justificatif du règlement qu'elle soutient avoir effectué au profit de son assuré avec le décompte correspondant.

D'autre part, et contrairement à ses affirmations, la cession de créance intervenue entre la société Habitat services et la société Païs lui a été notifiée par courrier recommandé avec accusé de réception n° 1A15133183315 en date du 30 octobre 2018, signé de la société Habitat services et de la société Païs, qu'elle a reçu le 12 novembre 2018, soit antérieurement au règlement qu'elle soutient avoir effectué au profit de son assuré.

A cet égard, les termes de ce courrier ayant pour objet « Notification d'une cession de créance », sont très clairs :

« A la suite du sinistre dont vous trouverez les références en marge, je vous informe avoir cédé mon droit à indemnisation au réparateur professionnel dont les coordonnées figurent ci-dessus, qui a accepté cette cession.

Compte tenu de la convention de cession de créance jointe au verso, je vous remercie de bien vouloir procéder directement entre les mains de mon réparateur professionnel au paiement des réparations nécessaires à la remise en état de mon véhicule conformément à l'accord de réparation qui interviendra entre ce dernier et l'expert en charge d'en déterminer l'étendue et d'évaluer son coût.

Ne disposant plus de la capacité à recevoir un quelconque paiement de votre part, je vous invite à diriger celui-ci directement entre les mains de mon réparateur professionnel, auquel je confère en tant que de besoin tout pouvoir de recouvrement. »

Outre la convention de cession de créance figurant au verso du courrier, étaient jointes la copie du constat amiable d'accident, la copie d'attestation d'assurance et l'ordre de réparation.

Par ailleurs, par un autre courrier recommandé avec accusé de réception en date du 7 novembre 2018, n° 1A15732656302, réceptionné par la Maaf le 12 novembre 2018, la société Païs avisait cette dernière du mandat de gestion consenti par la société Habitat services et lui adressait le mandat, le rapport d'expertise provisoire du cabinet [B], sa propre estimation des travaux, et l'ordre de réparation.

La Maaf ne peut, dès lors, sérieusement soutenir, d'une part qu'elle n'a pas été avisée de la cession de créance, d'autre part qu'elle ignorait l'intention de son assuré de procéder aux réparations du véhicule.

La cession de créance lui ayant été notifiée conformément aux dispositions de l'article 1324 du code civil, elle lui était opposable de sorte qu'elle ne peut exciper d'un quelconque versement effectué au profit de son assuré pour se soustraire à la réclamation de la société Païs.

Elle sera ainsi condamnée à payer à cette dernière la somme de 9 711,59 euros et le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la demande indemnitaire de la société Païs

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute, et l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action ne dégénère en abus que lorsqu'elle révèle une faute ou une erreur grave dont la commission a entraîné un préjudice pour le défendeur, ce qui n'est pas établi en l'espèce, étant observé, au surplus, que la société Païs ne motive pas sa demande.

Le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé.

Sur les mesures accessoires

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Païs en cause d'appel.

La Maaf qui échoue en son appel est tenue aux dépens exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société Maaf Assurances à payer à la société Carrosserie Païs la somme de 10 627,70 euros outre intérêts légaux x3 à compter du 2 mai 2019 date de la première mise en demeure,

L'infirme sur ce seul point,

Condamne la société Maaf Assurances à payer à la société Carrosserie Païs la somme de 9 711,59 euros outre intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2019, date de la première mise en demeure,

Y ajoutant,

Condamne la société Maaf Assurances à payer à la société Carrosserie Païs la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Maaf Assurances aux dépens exposés en appel avec distraction de ces derniers au profit de Me Forquin, avocat.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 21 février 2023

à

Me Michel FILLARD

Me Christian FORQUIN

Copie exécutoire délivrée le 21 février 2023

à

Me Christian FORQUIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01606
Date de la décision : 21/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-21;20.01606 ?
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