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23/10/2013 | FRANCE | N°644

France | France, Cour d'appel de colmar, DeuxiÈme chambre civile - section a, 23 octobre 2013, 644


AL/CW
MINUTE No 644/2013
Copies exécutoires à :
Maîtres D'AMBRA et BOUCON
Maître ROSENBLIEH
Maître WIESEL
Maître HARTER

Le 23 octobre 2013
Le GreffierRÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMARDEUXIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 23 octobre 2013

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 13/02672
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 14 mai 2013 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTE et défenderesse :
La Sàrl CHAHIAT prise en la personne de son représentant l

égalayant son siège social 29 avenue des Vosges67000 STRASBOURG
représentée par Maîtres D'AMBRA et BOUCON, avocats à COLM...

AL/CW
MINUTE No 644/2013
Copies exécutoires à :
Maîtres D'AMBRA et BOUCON
Maître ROSENBLIEH
Maître WIESEL
Maître HARTER

Le 23 octobre 2013
Le GreffierRÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE COLMARDEUXIÈME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRÊT DU 23 octobre 2013

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 13/02672
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 14 mai 2013 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANTE et défenderesse :
La Sàrl CHAHIAT prise en la personne de son représentant légalayant son siège social 29 avenue des Vosges67000 STRASBOURG
représentée par Maîtres D'AMBRA et BOUCON, avocats à COLMARplaidant : Maître Nicolas FADY, avocat à STRASBOURG

INTIMÉS :
- demanderesse :
1 - Madame Caroline Z... prise en sa qualité d'inspectrice dutravail de la 7ème section du Bas-Rhin demeurant ...67000 STRASBOURG
représentée par Maîtres ROSENBLIEH et Associés, avocats à COLMAR
2 - Le Syndicat UNION DEPARTEMENTALE CGT DU BAS-RHINpris en la personne de son représentant légalayant son siège social 10 rue Leicester67000 STRASBOURG
3 - Le Syndicat CFDT DES SERVICES ET COMMERCES DUBAS-RHIN pris en la personne de son secrétaire généralayant son siège social 77 route de Saverne67205 OBERHAUSBERGEN
représentés par Maître WIESEL et Associés, avocats à COLMAR
4 - Le Syndicat CFTC UNION DÉPARTEMENTALE DU BAS-RHINpris en la personne de son représentant légalayant son siège social 19 rue de La Haye67300 SCHILTIGHEIM
représenté par Maître HARTER, avocat à COLMARplaidant : Maître BERTRAND, avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 18 septembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :Monsieur Adrien LEIBER, PrésidentMadame Isabelle DIEPENBROEK, ConseillerMonsieur Olivier DAESCHLER, Conseillerqui en ont délibéré.
Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Astrid DOLLE

ARRÊT Contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Adrien LEIBER, Président et Madame Astrid DOLLE, greffier ad hoc, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Ouï Monsieur Adrien LEIBER, Président de Chambre en son rapport,

* * *

Sur la requête de l'inspecteur du travail, agissant en application de l'article L 3134-15 du Code du travail et sur le fondement des articles L 3134-1 et suivants du même code et des statuts locaux de STRASBOURG de 1917 et 1936, le Juge des référés du Tribunal de grande instance de STRASBOURG a par ordonnance du 14 mai 2013 ordonné la fermeture, les dimanches et jours fériés, du magasin exploité par la Sàrl CHAHIAT, 29 avenue des Vosges à STRASBOURG, sous astreinte de 5.000 ¿ par infraction constatée.
Il a d'autre part déclaré recevables les interventions volontaires des syndicats départementaux CGT, CFDT et CFTC du Bas-Rhin et a condamné la société CHAHIAT à leur payer à chacun une provision de 1.000 ¿ sur dommages-intérêts et une indemnité de procédure de 500 ¿.

La Sàrl CHAHIAT a régulièrement interjeté appel de cette ordonnance et a obtenu une autorisation d'assigner à jour fixe devant la Cour d'Appel.
Selon conclusions réitératives et finales du 13 septembre 2013 la société appelante fait d'abord observer que l'arrêté municipal du 19 novembre 1936 sur lequel s'est fondé le Juge des référés a été abrogé par un nouvel arrêté du Maire de STRASBOURG en date du 28 juin 2013 (postérieur à l'ordonnance entreprise) qui autorise maintenant une ouverture dominicale pendant une durée de trois heures le matin,
- que de ce seul fait l'ordonnance de référé devra être infirmée.
Elle soutient en outre, en se prévalant de l'article L 3134-4 du Code du travail qui autorise pour les exploitations commerciales une ouverture dominicale avec emploi de salariés pour une durée de 5 heures sauf restrictions locales, que le statut local de la Ville de STRASBOURG est constitué par un arrêté du 6 février 1917, dont elle conteste la légalité et la force obligatoire, notamment en ce qu'il n'a pas été officiellement traduit en français ni publié,
- qu'au surplus cet arrêté est dépourvu de base légale, ayant été pris au visa des articles 105 b alinéa 2 et 41a du code professionnel local qui ont été abrogés par l'ordonnance no 2007-329 du 12 mars 2007,
- qu'il en va de même pour l'arrêté pris par le Maire de STRASBOURG le 13 novembre 1936, qui non seulement ne constituait pas en soi un "statut local" mais qui est en outre abrogé implicitement depuis mars 2007 et expressément depuis l'arrêté du 28 juin 2013.
L'appelante se réfère également aux articles 808 et 809 du Code de procédure civile en relevant l'absence de trouble manifestement illicite et l'existence de contestations sérieuses sur l'opposabilité de l'arrêté municipal invoqué, d'autant qu'il ne visait pas les commerces d'alimentation générale, mais les «épiceries et magasins de denrées coloniales, de délicatesses et de vente de fruits au détail».
L'appelante conteste d'autre part l'intervention des syndicats professionnels qui ne représentent pas les intérêts des salariés concernés en l'espèce, lesquels ont accepté librement de travailler le dimanche.
Elle conclut en conséquence à l'infirmation de l'ordonnance de référé, au débouté de l'inspection du travail et des syndicats intervenants de l'ensemble de leurs demandes et à leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 6.000 ¿ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 17 septembre 2013 l'inspecteur du travail, Madame Z..., fait valoir que les article 808 et 809 du Code de procédure civile sont inapplicables dans la procédure particulière de référé fondée sur l'article L 3134-15 du Code du travail qui permet à l'inspecteur du travail de saisir le Juge des référés sur la seule constatation de l'emploi illicite de salariés.
Il soutient que la réglementation locale, codifiée à droit constant depuis 2007 dans le Code du travail sous les articles L 3134-1 et suivants, pose le principe général d'interdiction d'ouverture des exploitations commerciales les dimanches et jours fériés, avec ou sans salariés, sauf les dérogations ou exceptions admises par les autorités administratives compétentes,
- qu'en l'espèce, concernant la Ville de STRASBOURG, le Juge des référés a relevé à bon droit qu'il était inutile de se prononcer sur la légalité de l'arrêté municipal du 6 février 1917, dès lors que l'interdiction totale d'ouverture dominicale ne résultait pas de cet arrêté, mais de celui du 13 novembre 1936,
- que cet arrêté municipal de 1936, qui se suffit à lui-même, a été pris après consultations des groupements commerciaux intéressés et délibération du conseil municipal a été régulièrement publié selon les règles applicables à l'époque,
- qu'il s'applique à l'activité d'épicerie qui correspond non pas à la seule vente d'épices, mais à un magasin d'alimentation générale et de produits de consommation d'usage courant.
Il conclut en conséquence au rejet de l'appel, à la confirmation du l'ordonnance de référé du 14 mai 2013 pour la période antérieure à la publication de l'arrêté municipal du Maire de STRASBOURG du 28 juin 2013, date à partir de laquelle l'interdiction prononcée s'appliquera à l'exception des horaires d'ouverture visés par cet arrêté et à la condamnation de la partie appelante aux dépens de l'instance et au paiement d'une indemnité de procédure de 900 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 11 septembre 2013 le Syndicat CFTC - UNION DÉPARTEMENTALE DU BAS-RHIN fait valoir que le repos dominical est un droit fondamental des salariés et de leurs familles et un principe de la morale sociale chrétienne.
S'associant aux observations et conclusions de l'inspecteur du travail, il se réfère aux dispositions des articles L 3134-1 et suivants du Code du travail et aux statuts locaux de STRASBOURG, notamment à l'arrêté municipal du 13 novembre 1936 dont la régularité ne fait aucun doute.
Il soutient d'autre part qu'il est recevable en son intervention et fondé à demander des dommages-intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif.
Il conclut au rejet de l'appel, à la confirmation de l'ordonnance de référé et à la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 1.000 ¿ en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'UNION DÉPARTEMENTALE CGT DU BAS-RHIN et le Syndicat CFDT DES SERVICES ET COMMERCES DU BAS-RHIN ont chacun déposé des conclusions identiques en date du 16 septembre 2013 concluant à la confirmation de l'ordonnance entreprise, tant sur le fond du litige que sur la recevabilité et le bien fondé de l'intervention des syndicats, sous la seule réserve des dérogations nouvelles résultant de l'arrêté municipal du 28 juin 2013. Ils sollicitent également chacun un montant de 1.000 ¿ en application de l'article 700 du Code de procédure civile.- - - - - -

Vu le dossier de la procédure et les documents annexes versés aux débats ;

Attendu que l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance de référé du 14 mai 2013 est recevable en la forme ;

Attendu que nonobstant l'intervention ultérieure d'un nouvel arrêté du Maire de STRASBOURG en date du 28 juin 2013, qui n'a vocation à s'appliquer qu'à compter de sa date de publication, il y a lieu d'examiner le bien fondé de l'appel ;

Attendu que les dispositions du Code local des professions, abrogées par l'ordonnance no 2007/329 du 12 mars 2007, ont été reprises par voie de codification à droit constant sous les articles L 3134-1 et suivants du Code du travail,
- que l'appelante est donc mal fondée à se prévaloir de cette abrogation, notamment, en ce qui concerne l'article 105 b alinéa 2 du Code local des professions qui est devenu l'article L 3134-4 du Code du travail ;

Attendu que ce texte, applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, stipule que dans les exploitations commerciales les salariés ne peuvent être employés plus de 5 heures les dimanches et jours fériés (hormis les premiers jours de Noël, Pâques et Pentecôte où l'interdiction est totale), mais que par voie de statuts ayant force obligatoire, adoptés et publiés selon les formes prescrites, les départements ou communes peuvent réduire la durée du travail ou l'interdire complètement ;

Attendu que doit être considérée comme statut local toute règle dérogatoire émanant de l'autorité compétente qui restreint la durée de travail fixée par l'article L 3134-4 susvisé ;

Attendu que tel est le cas de l'arrêté pris par le Maire de STRASBOURG le 28 juin 2013, qui n'est pas contesté ;

Attendu que jusqu'à la publication de ce nouvel arrêté la règle dérogatoire applicable à STRASBOURG résultait de l'arrêté municipal du 13 novembre 1936 et non de l'arrêté du 6 février 1917, rédigé en allemand et dont la légalité peut apparaître discutable ;

Attendu que l'arrêté de 1936, rédigé en français, a été pris sur les requêtes du «Syndicat de l'épicerie de détail et de l'alimentation générale» et de l'association des commis épiciers et après avis du président de la Chambre de Commerce de STRASBOURG, du Conseil de prud'hommes commerciaux et des groupements commerciaux intéressés,
- qu'il a nécessairement été signé par le Maire au vu de la délibération du conseil municipal du 2 novembre 1936,
- qu'il a fait l'objet des publications prévues à l'époque, étant observé que les dispositions actuelles du Code général des collectivités territoriales n'ont pas vocation à s'appliquer rétroactivement ;

Attendu que ce sont bien les commerces d'alimentation générale qui sont visés sous le terme "épicerie" ainsi qu'il résulte des débats du conseil municipal et de la dénomination même du syndicat qui était requérant ;

Attendu qu'il convient d'ajouter qu'aux termes de l'article L 3134-11 du Code du travail, lorsqu'il est interdit en application de l'article L 3134-4 d'employer des salariés, il est également interdit durant ces jours de procéder à une exploitation commerciale dans les lieux de vente au public, même en l'absence de salariés ;

Attendu qu'en application de l'article L 3134-15 du Code du travail le juge judiciaire peut être saisi par l'inspecteur du travail pour ordonner la fermeture dominicale des établissements concernés, sous peine d'une astreinte liquidée au profit du Trésor ;

Attendu que cette dispositions particulière n'est pas soumise aux conditions des article 808 et 809 du Code de procédure civile qui sont inapplicables en l'espèce ;

Attendu qu'en conséquence l'ordonnance du 14 mai 2013 doit être confirmée pour la période antérieure à la publication du nouvel arrêté municipal du 28 juin 2013,
- que pour le surplus l'interdiction prononcée s'appliquera sous réserve des trois heures d'ouverture à présent autorisées ;

Attendu d'autre part que c'est à juste titre que les interventions volontaires des trois syndicats professionnels ont été déclarées recevables et bien fondées,
- que ces syndicats ont en effet vocation à défendre les intérêts collectifs des salariés, lesquels ne se confondent pas avec les intérêts de quelques salariés éventuellement volontaires pour travailler le dimanche,
- que le montant des provisions allouées, soit 1.000 ¿ par syndicat, n'apparaît pas excessif eu égard à l'intérêt moral en cause,
- que l'ordonnance entreprise sera donc également confirmée sur ce point ;

PAR CES MOTIFS================REJETTE l'appel.
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 14 mai 2013 par le Juge des référés du Tribunal de grande instance de STRASBOURG, sous la seule réserve de l'application des dispositions du nouvel arrêté municipal pris par le Maire de STRASBOURG le 28 juin 2013 autorisant une ouverture des commerces de produits alimentaires pendant une durée de 3 heures les dimanches et jours fériés.
CONDAMNE la Sàrl CHAHIAT aux entiers dépens de l'instance d'appel et à payer à chacune des parties intimées un montant de 800 ¿ (huit cents euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : DeuxiÈme chambre civile - section a
Numéro d'arrêt : 644
Date de la décision : 23/10/2013
Type d'affaire : Civile

Analyses

Doit être considéré comme statut local au sens de l'article L. 3134-4 du code du travail, toute règle dérogatoire émanant de l'autorité compétente qui restreint la durée de travail fixée par ce texte


Références :

ARRET du 13 janvier 2016, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 janvier 2016, 14-10.023, Inédit

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 14 mai 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2013-10-23;644 ?
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