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02/05/2024 | FRANCE | N°23/01230

France | France, Cour d'appel de Dijon, 2 e chambre civile, 02 mai 2024, 23/01230


[I] [X] épouse [Y]



[W] [Y] épouse [C]



[M] [Y]



C/



[F] [O]



SA [16]



SCP HELENE RUDLOFF





























































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux

avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



2ème Chambre Civile



ARRÊT DU 02 MAI 2024



N° RG 23/01230 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GIRB



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 septembre 2023,

rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 23/00049







APPELANTES :



Madame [I] [X] épouse [Y]

née le [Date naissance 7] 1955 à [Localité 17] (21)...

[I] [X] épouse [Y]

[W] [Y] épouse [C]

[M] [Y]

C/

[F] [O]

SA [16]

SCP HELENE RUDLOFF

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 02 MAI 2024

N° RG 23/01230 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GIRB

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 septembre 2023,

rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 23/00049

APPELANTES :

Madame [I] [X] épouse [Y]

née le [Date naissance 7] 1955 à [Localité 17] (21)

domiciliée :

[Adresse 5]

[Localité 4]

Madame [W] [Y] épouse [C]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 19] (75)

domiciliée :

[Adresse 3]

[Localité 13]

Madame [M] [Y]

née le [Date naissance 6] 1949 à [Localité 19] (75)

domiciliée :

[Adresse 8]

[Localité 11]

représentées par Me Patrice CANNET, membre de la SARL CANNET - MIGNOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 81

INTIMÉS :

Monsieur [F] [O]

domicilié :

[Adresse 18]

[Localité 12]

SCP HELENE RUDLOFF, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège est :

[Adresse 9]

[Localité 14]

représentée par Me Eric BRAILLON, membre de la SELARL BLKS & CUINAT AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

SA [16], représentée par son Président domicilié au siège :

[Adresse 2]

[Localité 15]

représentée par Me Delphine HERITIER, membre de la SCP LDH AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 16

assistée de Me Patrick VIDAL de VERNEIX, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 janvier 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Bénédicte KUENTZ, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 21 Mars 2024 pour être prorogée au 02 Mai 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique dressé le 17 juin 2009 par Maître [F] [O], notaire associé au sein de la SCP Jean-Louis Bertucat et [A] [S] (devenue la SCP Hélène Rudloff), la SA [16] a consenti à M. [B] [Y] et Mme [Z] [J] épouse [Y] un prêt viager hypothécaire de 136 400 euros.

Mme [Z] [J] est décédée le [Date décès 10] 2018 et M. [Y] le 6 décembre 2019, laissant pour héritiers leurs enfants [V] [Y], [M] [Y], [W] [Y] épouse [C], [N] et [R] [Y].

Par actes de commissaire de justice des 4 et 5 janvier 2023, Mmes [W] [Y] épouse [C], [I] [X] épouse [Y] et [M] [Y] ont fait assigner le [16], Maître [O] et la SCP Hélène Rudloff devant le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône en nullité du prêt pour vice du consentement et indemnisation d'une part des manquements aux obligations de conseil, d'information et de mise en garde du prêteur de deniers ; d'autre part de la faute du notaire instrumentaire.

Sur les conclusions d'incident du [16] et par ordonnance du 18 septembre 2023 le juge de la mise en état a :

- rejeté l'exception d'incompétence territoriale,

- déclaré l'action de Mme [W] [Y] épouse [C], Mme [M] [Y] et Mme [I] [X] épouse [Y] prescrite,

- condamné in solidum Mme [W] [Y] épouse [C], Mme [M] [Y] et Mme [I] [X] épouse [Y] aux entiers dépens de l'incident,

- condamné in solidum Mme [W] [Y] épouse [C], Mme [M] [Y] et Mme [I] [X] épouse [Y] à verser à la société [16] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [W] [Y] épouse [C], Mme [M] [Y] et Mme [I] [X] épouse [Y] à verser à Maître [O] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [W] [Y] épouse [C], Mme [M] [Y] et Mme [I] [X] épouse [Y] à verser la SCP Hélène Rudloff la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 26 septembre 2023, les consorts [Y] ont relevé appel de cette décision.

Par avis du greffe en date du 19 octobre 2023, le conseil de l'appelante a été informé que l'affaire était fixée à l'audience du 11 janvier 2024 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Au terme de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2023, Mmes [Y] demandent à la cour, au visa des articles 1304, 1109, 2234, 414-1 et 414-2 du code civil dans leur version applicable le 17 juin 2009,

- réformer le jugement du 18 septembre 2023,

statuant à nouveau,

- juger que l'action engagée par les héritiers [Y] le 4 janvier 2023 n'est pas prescrite,

- condamner in solidum le [16] ainsi que la SCP Rudloff et Maître Bertucat à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure.

Les appelantes considèrent que le délai de prescription n'a pu commencer à courir dès le 17 juin 2009, alors que :

- d'une part, concernant Mme [Y], placée sous tutelle le 18 novembre 2010, le délai de l'action en nullité pour insanité d'esprit ne commence à courir qu'à compter du décès,

- d'autre part, leurs auteurs ont été empêchés d'agir en raison de leur état de santé, tous deux étant grabataires et psychologiquement extrêmement fragilisés.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 janvier 2024, le [16] entend voir :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 18 septembre 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône,

- condamner les consorts [Y] à payer au [16] une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [Y] aux entiers dépens.

Le [16] relève que le décès des emprunteurs est survenu 9 et 10 ans après la signature de l'acte de prêt et soutient que l'action est prescrite depuis le 17 juin 2014, que les époux [Y] étaient au fait des conséquences de leur engagement, qu'ils n'auraient aucun remboursement à supporter de leur vivant, qu'ils n'ont pas agi en nullité et qu'ils ne disposaient pas des moyens de restituer le capital versé s'ils l'avaient fait.

Selon les termes de leurs écritures notifiées par voie électronique le 15 décembre 2023, Me [O] et la SCP Hélène Rudloff demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance déférée et débouter les consorts [Y] de leurs demandes,

- les condamner aux entiers dépens ainsi qu'au règlement au profit de Me [O] et de la SCP Rudloff de la somme de 2000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Me [O] et la SCP Rudloff contestent la force probante des attestations produites en raison de leur irrégularité formelle et de ce qu'elles n'exposent pas des faits objectifs.

Ils font valoir qu'aucune précision n'est fournie concernant l'apparition de l'état de démence de Mme [Y], que l'état de santé de M. [Y] était fluctuant, qu'il présentait des moments de lucidité et que si l'état de santé des emprunteurs s'est dégradé progressivement, il n'est pas démontré qu'ils ont été privés pendant dix ans de leur capacité à comprendre la portée de leur engagement et à agir en nullité de ce dernier.

MOTIFS DE LA DECISION

Me [O] et la SCP Hélène Rudloff poursuivent la confirmation de l'ordonnance en toutes ses dispositions, abandonnant ainsi l'exception d'incompétence qu'ils avaient soulevée devant le juge de la mise en état et dont la cour n'est en conséquence pas saisie.

Selon les termes de leurs écritures devant la cour, les consorts [Y] confirment expressément vouloir agir en nullité du prêt souscrit le 17 juin 2009 sur le seul fondement du vice du consentement résultant de l'article 1109 du code civil en invoquant la violence subie par leurs auteurs et en se prévalant de leur état de santé, tant physique que psychologique, qui ne leur aurait pas permis de comprendre la portée de cet acte.

Le choix de ce fondement juridique soumet leur action aux dispositions des articles 2224 et 1304 du code civil dans leur rédaction applicables à la date de l'acte et ne leur permet pas d'invoquer celles de l'article 414-5 du même code relatives aux actions en nullité pour insanité d'esprit, particulièrement en ce qu'elles permettent l'action en nullité des héritiers dans le délai de cinq ans à compter du décès si avant sa survenance une demande d'ouverture de curatelle, de tutelle ou d'habilitation familiale a été introduite, ou s'il a été donné effet à un mandat de protection future.

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent au terme d'une durée de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il résulte des dispositions de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de l'acte, le 17 juin 2009, que dans tous les cas où l'action en nullité n'est pas limitée à un délai moindre, elle dure cinq ans, ce temps ne courant dans le cas de violence que du jour où elle a cessé et à l'encontre des héritiers d'une personne sous tutelle ou curatelle que du jour du décès s'il n'a pas commencé à courir avant.

La violence comme vice du consentement précède la conclusion du contrat et cesse à la signature de l'acte argué de nullité, dont la date constitue le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité.

Ainsi que l'a parfaitement relevé le juge de la mise en état, l'état de santé des emprunteurs dont se prévalent les consorts [Y], ne peut en conséquence être envisagé qu'au titre d'une cause de suspension du cours de la prescription.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [B] [Y] est décrit par le docteur [G], son médecin traitant, comme ayant été en 2009 semi grabataire, très déficitaire, sujet à des chutes et à des infections récidivantes par moments très fatigué, incapable de gérer ses affaires et dépendant de son entourage.

Si ces descriptions mettent en exergue une altération fonctionnelle manifeste, elles ne caractérisent pas une altération des facultés intellectuelles l'ayant placé dans l'impossibilité d'agir postérieurement à la signatiure du prêt hypothécaire.

Concernant Mme [Z] [Y], les éléments médicaux produits justifient de son hospitalisation à la suite d'un accident vasculaire cérébral en avril 2007, au cours de laquelle ont pu être constatés des épisodes de confusion et des troubles cognitifs évolués.

Le docteur [G] a fait état de son état grabataire associé à un mutisme et à un état démentiel ayant débuté avant 2009 la rendant incapable de signer un document.

Si ce constat est corroboré par le docteur [E] qui, le 22 décembre 2022, a certifié avoir constaté chez Mme [Y], dès le 10 décembre 2004, : « des signes d'affaiblissement des fonctions intellectuelles qui se sont agravées progressivement ensuite » ces signes n'ont pas fait obstacle à l'établissement par ce même médecin le 17 avril 2009, soit dans un temps proche de la signature de l'acte de prêt, d'un certificat médical attestant de l'aptitude de Mme [Y] : « à signer des actes juridique en toute lucidité ».

Si le docteur [E] indique dans un nouveau certificat daté du 23 novembre 2023, que son : « diagnostic d'aptitude à signer des actes juridiques peut être considéré comme une erreur », il précise d'une part que cette nouvelle appréciation est rétrospective et basée sur l'évolution, d'autre part que si des troubles psychiques avaient été signalés dès 2007, à la date de son examen, l'état mental de Mme [Y] lui avait paru banal pour l'âge.

Il ne peut qu'être constaté que Mme [Y] n'a été placée sous une mesure de tutelle que le 18 novembre 2010 pour une durée de cinq ans et que c'est son époux, M. [B] [Y] qui lui a été désigné en qualité de tuteur, preuve s'il en est, de la pleine capacité de ce dernier encore à cette date.

Si, en l'absence de justification de son renouvellement, cette mesure de protection a pu suspendre le délai de prescription de l'action en nullité de Mme [Y] entre le 18 novembre 2010 et le 18 novembre 2015, ce délai, qui avait déjà couru pendant 18 mois entre le 17 juin 2009 et le 18 novembre 2010, a repris son cours pour le temps restant à courir soit 42 mois pour expirer le 18 juin 2019.

En conséquence, il n'est pas établi que M. [B] [Y] a été empêché d'agir dans le délai de la prescription de son action et si la mesure de tutelle de Mme [Z] [Y] a suspendu son propre délai d'action, ce dernier est parvenu à son terme avant la délivrance de l'assignation par les consorts [Y] en janvier 2023.

La décision du juge de la mise en état sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Châlon sur Saône en date 18 septembre 2023,

y ajoutant,

Condamne Mmes [W] [Y] épouse [C], [I] [X] épouse [Y] et [M] [Y] aux dépens de l'instance d'appel,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 2 e chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/01230
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;23.01230 ?
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