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29/04/2024 | FRANCE | N°24/00029

France | France, Cour d'appel de Limoges, Chambre des étrangers, 29 avril 2024, 24/00029


N°15



DOSSIER: N° RG 24/00029 - N° Portalis DBV6-V-B7I-BIR5S





COUR D'APPEL DE LIMOGES





Ordonnance du 29 avril 2024 à 16 heures 00



[S] [G]





Madame Valérie CHAUMOND, conseiller à la cour d'appel de Limoges, spécialement déléguée par le premier président de la cour d'appel de Limoges dans l'affaire citée en référence, assistée de Madame Laetitia LUZIO SIMOES, greffier, a rendu l'ordonnance suivante par mise à disposition au greffe,



ENTRE :



Mme [S] [G]
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demeurant : [Adresse 2],



actuellement hospitalisée au centre hospitalier du [Adresse 7],



comparant...

N°15

DOSSIER: N° RG 24/00029 - N° Portalis DBV6-V-B7I-BIR5S

COUR D'APPEL DE LIMOGES

Ordonnance du 29 avril 2024 à 16 heures 00

[S] [G]

Madame Valérie CHAUMOND, conseiller à la cour d'appel de Limoges, spécialement déléguée par le premier président de la cour d'appel de Limoges dans l'affaire citée en référence, assistée de Madame Laetitia LUZIO SIMOES, greffier, a rendu l'ordonnance suivante par mise à disposition au greffe,

ENTRE :

Mme [S] [G]

née le 19 août 1991 à [Localité 5], de nationalité française,

demeurant : [Adresse 2],

actuellement hospitalisée au centre hospitalier du [Adresse 7],

comparant assistée de Maître Juliette MAGNE-GANTOIS substituée par Maître Sandrine PAGNOU, avocat au barreau de Limoges,

Appelante d'une ordonnance rendue le 18 avril 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Tulle ;

ET :

MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL, demeurant [Adresse 1]

pris en la personne de M. Bruno ROBINET, substitut général,

non comparant mais qui a déposé des réquisitions écrites ;

M. LE PRÉFET de [Localité 4],

non comparant

M. LE DIRECTEUR DU CH DU [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

non comparant

INTIMÉS

'''

L'affaire a été appelée à l'audience publique du 29 avril 2024 à 10 heures 30 sous la présidence de Madame Valérie CHAUMOND, conseiller à la cour d'appel de Limoges, assistée de Madame Laetitia LUZIO SIMOES, greffier.

L'appelante a été entendue en ses déclarations, et son conseil en ses observations.

Après quoi, Madame Valérie CHAUMOND, conseiller, a mis l'affaire en délibéré pour être rendue le 29 avril 2024 à 16 heures 00, par mise à disposition au greffe.

'''

Mme [S] [G] a été admise en soins psychiatriques sans consentement le 25 août 2023 à l'EPS de [Localité 8] dans un contexte de décompensation de sa maladie psychiatrique chronique avec passage à l'acte hétéro-agressif au domicile familial.

À la suite de troubles du comportement avec risque de passage à l'acte hétéro-agressif constatés au sein de l'unité d'hospitalisation, et alors qu'une orientation en UMD était programmée au 07 novembre 2023, Mme [S] [G] a été hospitalisée sous contrainte par décision du représentant de l'Etat en date du 10 octobre 2023.

Par ordonnance du 19 octobre 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bobigny a rejeté la demande de mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète présentée par Mme [S] [G] et ordonné la poursuite de cette mesure.

Mme [S] [G] a été transférée le 07 février 2024 à l'UMD du centre hospitalier du [Localité 6].

Par arrêté en date du 08 février 2024, le préfet de [Localité 4] a maintenu pour une durée maximale de six mois la mesure de soins psychiatriques dont Mme [S] [G] fait l'objet.

Par ordonnance du 29 février 2024 statuant sur une requête reçue le 21 février 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Tulle a constaté que les conditions légales de l'hospitalisation sous contrainte de Mme [S] [G] étaient remplies et rejeté la demande de mainlevée de la mesure présentée par Mme [S] [G].

Sur appel interjeté par Mme [S] [G], le conseiller à la cour d'appel de Limoges, spécialement délégué par le premier président a notamment, par décision du 15 mars 2024:

- infirmé l'ordonnance entreprise ;

- constaté l'irrégularité de la procédure ;

- ordonné la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement prise à l'encontre de Mme [S] [G] sous la forme d'une hospitalisation complète.

Par arrêté en date du 16 mars 2024, le préfet de [Localité 4] a ordonné l'admission en soins psychiatriques de Mme [S] [G] sous la forme d'une hospitalisation complète au visa du certificat médical établi le 15 mars 2024 par le docteur [P] [O], médecin généraliste.

Le préfet de [Localité 4] a ensuite décidé, par arrêté du 18 mars 2024, la poursuite des soins psychiatriques de Mme [S] [G] sous la forme d'une hospitalisation complète.

Enfin, par ordonnance rendue le 25 mars 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Tulle a constaté que les conditions légales de l'hospitalisation sous contrainte de Mme [S] [G] étaient remplies et que la mesure pouvait se poursuivre.

Par requête parvenue au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Tulle le 11 avril 2024, Mme [S] [G] a présenté une demande de mainlevée de sa mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance du 18 avril 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Tulle a constaté que les conditions légales de l'hospitalisation sous contrainte de Mme [S] [G] étaient remplies et rejeté la demande de mainlevée de la mesure présentée par cette dernière.

Mme [S] [G] a interjeté appel de cette décision par courrier en date du 19 avril 2024 et posté le même jour, reçu le 22 avril 2024 à la cour d'appel de Limoges.

A l'audience, Mme [S] [G] sollicite, à titre principal, la mainlevée de sa mesure d'hospitalisation complète sous contrainte et, à titre subsidiaire, la levée de son hospitalisation en UMD et son transfert dans son hôpital d'origine, soit l'hôpital de [Localité 8]. Elle considère en effet que le traitement qu'elle reçoit est bien mais qu'il n'est pas adapté à sa pathologie; notamment, il diffère de celui qui lui avait été prescrit auparavant et qu'elle prenait régulièrement, y compris lors des événements qui se sont produits en août 2023. Elle précise d'ailleurs que son traitement actuel a été allégé de sorte qu'elle n'a plus qu'une prise par jour, le matin. Enfin, elle indique avoir discuté de son éventuel transfert avec le médecin qui la suit actuellement, lequel se dit favorable au transfert sollicité.

Toutefois, elle sollicite en première intention la mainlevée de la mesure afin de lui permettre de s'établir en Martinique, où elle est retournée pour la dernière fois en 2022, et exploiter un food-truck.

Maître Juliette MAGNE-GANTOIS substituée par Maître Sandrine PAGNOU soulève des irrégularités formelles de la procédure.

Elle fait tout d'abord état de ce que l'arrêté préfectoral pris le 18 mars 2024 ne mentionne pas les articles du code de la santé publique sur la base desquels il est pris et vise un arrêté du 16 mars 2024 qui n'existe pas, de sorte qu'il manque de bases légales. Par ailleurs, l'arrêté du 18 mars 2024 n'est pas signé du préfet mais d'une personne dont il n'est pas établi qu'elle bénéficie d'une délégation de signature, et qui donc est incompétente.

Enfin, le 18 mars 2024, le préfet de [Localité 4] a également pris un arrêté portant transfert de Mme [G] en unité pour malades difficiles (UMD).

Or, Mme [S] [G] n'a reçu notification que d'un seul de ces arrêtés pris le 18 mars 2024 sans que, au reste, il soit possible de déterminer lequel.

Sur le fond, elle s'associe à la demande présentée par Mme [S] [G] eu égard à l'absence de trouble qu'elle manifeste désormais. Au surplus, le certificat médical du 12 avril 2024 est ancien et il aurait convenu qu'un plus récent soit produit. Enfin, ce certificat médical est calqué sur le certificat mensuel et de maintien du même jour et ne contient pas de diagnostic.

Le parquet général conclut à la recevabilité de l'appel mais à son rejet.

L'appelante et son conseil ont eu connaissance de ces réquisitions.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel, introduit dans les forme et délai légaux, est recevable.

- Sur la régularité de la procédure :

Aux termes de l'article L3213-1 du code de la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public ; puis, dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical des 72 heures, il décide de la forme de prise en charge.

Au cas d'espèce, le préfet de [Localité 4] a pris, le 16 mars 2024, au visa des articles L. 3211-2-2, L. 3211-12-1 et L. 3213-1 du code de la santé publique et du certificat médical établi le 15 mars 2024 par le docteur [P] [O], un arrêté portant admission de Mme [S] [G] en soins psychiatriques versé à la procédure.

Cet arrêté a été notifié à Mme [G] ce même 16 mars 2024, comme il est justifié en procédure.

Puis, le 18 mars 2024, le préfet de [Localité 4] a pris, au visa des articles L. 3211'2-1, L. 3211-2-2, L. 3211-12-1 et L. 3213-1 du code de la santé publique, un arrêté décidant de la forme de prise en charge en maintenant Mme [G] en hospitalisation complète, versé à la procédure.

Un procès-verbal, en date du 18 mars 2024, de notification d'une décision du préfet à Mme [G] le 21 mars 2024 et joint à la procédure, dont il n'est pas démontré qu'il ne concernerait pas la décision sus-mentionnée.

Par ailleurs, il est également argué que l'arrêté litigieux du 18 mars 2024 n'a pas été signé par le préfet lui-même mais par une tierce personne dont il n'est pas établi qu'elle bénéficierait d'une délégation de signature du préfet.

Le délégataire est, en l'espèce, le secrétaire général de la préfecture de [Localité 4], lequel bénéficie systématiquement, ès qualités, de la délégation de signature.

Au surplus et surtout, par ordonnance du 25 mars 2024, le juge des libertés et de la détention de Tulle a constaté que les conditions légales de l'hospitalisation sous contrainte de Mme [S] [G] étaient remplies et que l'hospitalisation complète de cette dernière pouvait se poursuivre.

Cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours de sorte qu'elle est désormais définitive et couvre par là même toute irrégularité que les dits arrêtés préfectoraux auraient éventuellement été susceptibles de contenir.

S'agissant des certificats médicaux versés en procédure, outre le certificat médical initial du docteur [P] [O] établi le 15 mars 2024 et sur la foi duquel Mme [S] [G] a été admise en hospitalisation complète sous contrainte, figurent également les certificats médicaux des 24 et 72 heures, le certificat médical de transfert en UMD du 18 mars 2024, un certificat médical de situation du 19 mars 2024, l'avis d'un psychiatre en vue de la saisine du juge des libertés et de la détention en date du 20 mars 2024, un certificat médical de situation du 12 avril 2024, un certificat médical mensuel et de maintien du même 12 avril 2024 et enfin un certificat médical de situation du 24 avril 2024, soit pas moins de neuf certificats en 41 jours.

Ainsi, le contenu similaire de certains de ces derniers peut s'expliquer tant par l'identité de leur rédacteur que par leur proximité temporelle et l'absence d'évolution significative de l'état de santé de la patiente.

Or, il n'a pas été précisé en quoi les certificats médicaux produits seraient trop anciens, en quoi ils comporteraient des mentions par trop identiques et en quoi l'évolution de l'état de santé de la patiente aurait nécessairement dû conduire à la rédaction de certificats médicaux au contenu foncièrement différents.

Par ailleurs, l'article L3211-12-1 du même code dispose que ' Le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, quelle qu'en soit la forme. [...]

La saisine peut être formée par :

1° La personne faisant l'objet des soins [...]'.

- Sur le fond :

En l'espèce, il résulte des éléments du dossier, et notamment des certificats médicaux de situation et mensuel et de maintien établis le 12 avril 2024 par M. S. [R], médecin psychiatre, que Mme [G], qui révèle une tendance marquée à la logorrhée et à la projection, complexifie la communication et la compréhension mutuelle. Cette dernière tend par ailleurs à rationaliser et intellectualiser ses actions, parfois en se positionnant comme victime, de sorte qu'elle exprime un profond sentiment de mécompréhension. Par ailleurs, Mme [G] n'exprime aucun regret concernant l'agression de sa mère et de soignants, de sorte qu'elle apparaît dangereuse pour elle-même et pour autrui. Enfin, elle est systématiquement opposante aux soins.

Le docteur [R] conclut en conséquence à la nécessité du maintien de la mesure sous la forme d'une hospitalisation complète en unité pour malades difficiles.

Dans son certificat de situation établi le 24 avril 2024 dans le cadre de la procédure d'appel, le docteur J-P. [D] expose que, lors de l'entretien qui s'est déroulé en présence d'un infirmier, Mme [G] est apparue dans un état de vigilance très perceptible quoique acceptant l'entretien sans difficulté. Elle n' a exprimé aucun regret à la suite des actes hétéro-agressifs commis, ce qui questionne sur sa capacité à s'amender et sa capacité empathique, de sorte que la poursuite d'un travail sur le lien reste indispensable en milieu psychiatrique.

Le docteur [D] conclut en conséquence à la nécessité du maintien de la mesure sous la forme d'une hospitalisation complète.

De fait, lors de l'audience, il est apparu que Mme [S] [G], pouvait tour à tour et selon ce qui pouvait servir sa demande de mainlevée de la mesure, critiquer les traitements qui lui avaient été administrés avant son hospitalisation, pendant son hospitalisation à [Localité 8], puis pendant celle à l'UMD d'[Localité 6] et enfin celui qui lui était administré actuellement, quoique il ait été fortement réduit.

Dans la mesure où Mme [G] se pose en victime des faits survenus en août 2023 alors que sa mère veillait scrupuleusement à ce qu'elle prenne effectivement son traitement, il est donc à craindre qu'elle ne cesse très rapidement de le suivre. Dans la mesure où les gestes hétéro-agressifs étaient en outre dirigés contre les soignants, Mme [G] présente donc un danger réel pour autrui dès lors qu'elle ne fait montre d'aucune capacité à s'amender.

Ainsi, et en l'absence de toute irrégularité procédurale, il apparaît que les pièces médicales figurant au dossier sont concordantes et établissent que Mme [S] [G] présente toujours un état mental imposant des soins assortis d'une surveillance médicale constante justifiant d'une hospitalisation complète.

La décision du premier juge sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

DÉCLARONS recevable le recours introduit par Mme [S] [G] ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de TULLE en date du 18 avril 2024 ;

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public ;

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à :

- Mme [S] [G],

- Maître Juliette MAGNE-GANDOIS,

- Mme le Procureur Général,

- M. le préfet de [Localité 4],

- M. le directeur du centre hospitalier du [Localité 6].

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Laetitia LUZIO SIMOES Valérie CHAUMOND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Limoges
Formation : Chambre des étrangers
Numéro d'arrêt : 24/00029
Date de la décision : 29/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-29;24.00029 ?
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