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27/05/2009 | FRANCE | N°07/00152

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 27 mai 2009, 07/00152


BR/ JLP/ BR COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRÊT DU 27 Mai 2009



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/ 06587

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 JUILLET 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE CARCASSONNE
No RG07/ 00152



APPELANT :

Monsieur Juan Y...- Z...

C/ M. Z...


...

11170 VILLESEQUELANDE
Représentant : Me CARLES substituant la SCP KIRKYACHARIAN-YEHEZKIELY (avocats au barreau de MONTPELLIER)



INTIMEE :

SARL A... ET FILS r>prise en la personne de son représentant légal
Avenue du Lauragais
11600 VILLEGAILHENC
Représentant : la SCPA BOURLAND CIRERA CABEE BIVER (avocats au bar...

BR/ JLP/ BR COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRÊT DU 27 Mai 2009

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/ 06587

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 JUILLET 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE CARCASSONNE
No RG07/ 00152

APPELANT :

Monsieur Juan Y...- Z...

C/ M. Z...

...

11170 VILLESEQUELANDE
Représentant : Me CARLES substituant la SCP KIRKYACHARIAN-YEHEZKIELY (avocats au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SARL A... ET FILS
prise en la personne de son représentant légal
Avenue du Lauragais
11600 VILLEGAILHENC
Représentant : la SCPA BOURLAND CIRERA CABEE BIVER (avocats au barreau de CARCASSONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 AVRIL 2009, en audience publique, Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président
Madame Bernadette BERTHON, Conseiller
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
**

FAITS ET PROCEDURE

Juan Y...- Z... a été embauché, le 9 mai 2006, par la SARL A... & Fils, entreprise de menuiserie ayant deux sites d'exploitation, l'un à Villegailhenc (11), lieu de son siège social, l'autre à Trèbes (11).

L'article 3 de son contrat de travail dispose qu'il exercera les fonctions suivantes :

- Cariste.
- Travaux d'exécution, fabrication, montage, selon consignes précises en atelier
-pose de toutes menuiseries, cuisines et autres. Déplacements éventuels.
- chargements, déchargements, réception matière premières (ponctuel).
- Livraison VL sur chantier de tous produits fabriqués ou achetés (ponctuel).
- gestion de stock (magasinage).

Il est en outre stipulé dans son contrat (article 7) qu'il exercera ses fonctions au siège de la société mais pourra être amené à se déplacer partout où les nécessités de son travail l'exigeront (sic).

Le vendredi 16 mars 2007, le directeur de l'usine a demandé à monsieur Y...- Z..., travaillant alors à Trèbes, de se rendre le lundi 19 mars 2007 à l'établissement de Villegailhenc pour y travailler à la confection d'agencements de terrasses en bois.

Après avoir, dans un premier temps, accepté ce changement de lieu de travail, monsieur Y...- Z... l'a finalement refusé, et s'est présenté le lundi matin à l'établissement de Trèbes, adressant parallèlement, le 19 mars 2007, un courrier recommandé au gérant de la société A... pour le plaindre du mauvais climat social régnant au sein de l'entreprise.

Par lettre du 19 mars 2007, remise en main propre, il a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 27 mars à 14 heures et mis à pied à titre conservatoire.

Son licenciement pour faute grave lui a ensuite été notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 29 mars 2007, en ces termes :

(…) Vous avez été embauché le 9 mai 2006, en qualité d'ouvrier cariste, l'article 7 de votre contrat prévoyant que vous exerceriez vos fonctions au siège social de la société qui, nous vous le rappelons est à Villegailhenc.

Comme tous les salariés de notre société, vous pouvez être amené à travailler alternativement à Villegailhenc et à Trèbes, en fonction de la nécessité du service.

Votre directeur, monsieur Alain B..., vous a demandé le 16 mars 2007 de vous rendre à l'atelier de Villegailhenc à compter du lundi 19 mars 2007, pour confectionner des agencements de terrasses bois.

Même si nous n'avons pas à recueillir votre acceptation, vous avez quant même fait part à monsieur B... de votre acquiescement aux alentours de 16h30.

Une heure et quart plus tard, vous êtes revenu voir votre directeur, pour l'informer que vous refusiez d'aller travailler à Villegailhenc !

Monsieur B... vous a rappelé vos engagements mais lundi matin, vous vous êtes présenté à Trèbes et non à Villegailhenc.

Malgré nos protestations vous êtes restés sur place, en bravant manifestement toute autorité, votre refus de travailler sur Villegaihenc constituant un acte d'insubordination tout à fait inacceptable.

Nous avons dû faire appel à un huissier, vu votre attitude, pour constater que vous refusiez de vous rendre à Villegailhenc, et pour vous signifier une lettre de convocation à entretien préalable avec mise à pied immédiate.

Le courrier que vous nous avez adressé ne modifie en rien notre perception des choses, bien au contraire.

Vous rappelez dans votre courrier que vous avez accepté d'aller sur Villegailhenc avant de vous répandre sur une « ambiance intenable », « notre acharnement » », le caractère « irrespectueux de monsieur le directeur », notre « langue de bois » … sans parler de vos allusions sur « les licenciements abusifs » ou encore « des pratiques douteuses ».

Vous avez manifestement décidé de vous faire licencier. Dont acte.

L'insubordination étant bien entendu constitutive de faute grave, le licenciement prendra effet immédiatement à réception de la présente. (…)

Contestant cette mesure, monsieur Y...- Z... a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne qui, par jugement du 2 juillet 2008, a notamment :

- dit que son licenciement est intervenu pour faute grave,
- débouté celui-ci de sa demande de requalification du licenciement,
- condamné la société A... à lui payer la somme de 106, 80 euros (brut) à titre de paiement des heures supplémentaires,
- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

Monsieur Y...- Z... a régulièrement relevé appel de ce jugement, notifié le 20 août 2008, par déclaration faite le 9 septembre 2008 au greffe de la cour.

Il demande à la cour de réformer le jugement et, en conséquence, de condamner la société A... à lui payer les sommes de :

-9258, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
-1349, 86 euros à titre d'indemnité de préavis,
-134, 98 euros au titre des congés payés afférents,
-926, 00 euros à titre de remboursement de la mise à pied conservatoire,
-92, 60 euros au titre des congés payés afférents,
-628, 00 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,
-62, 80 euros au titre des congés payés afférents,
-2000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :

- il n'a pas eu droit à un procès équitable devant la juridiction prud'homale, qui lui a paru avoir été influencé par la personnalité du dirigeant de l'entreprise, monsieur A..., ancien conseiller prud'homme et président de la fédération de l'Aude du bâtiment et des travaux publics

-le litige est né de la demande formulée dès le mois de janvier 2007, réitérée le 14 février, par cinq salariés, dont lui-même, et l'union départementale Force Ouvrière, tendant à la mise en place de délégués du personnel au sein de l'entreprise,

- son licenciement a été mené dans la précipitation par l'employeur, alors que l'ordre de mobilité donné le vendredi pour le lundi était inattendu, nouveau et non explicité eu égard aux intérêts de l'entreprise et qu'exerçant alors une activité d'ouvrier cariste, il n'avait reçu aucune indication technique, ni formation pour la confection d'agencements de terrasses en bois,

- il a accompli 47 heures supplémentaires de septembre 2006 à février 2007, qui ne lui ont pas été réglées, après qu'il ait été informé que les heures supplémentaires ne seraient plus payées et que soit mis en place au sein de l'entreprise un système de récupération heure pour heure.

Formant appel incident, la société A... demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 106, 80 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires ; elle conclut à sa confirmation pour le surplus, outre l'allocation de la somme de 3000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En substance, elle soutient que :

- le refus de monsieur Y...- Z... d'aller travailler à Villegailhenc constitue un acte d'insubordination caractérisé, alors qu'il n'a fourni aucune explication sur les raisons de son refus et que le site sur lequel il se trouvait désormais affecté était plus proche de son domicile,

- les propos qu'il a ensuite tenus dans son courrier du 19 mars 2007, mettant en cause le dirigeant de l'entreprise, sont inacceptables de la part d'un salarié ayant dix mois d'ancienneté,

- les heures supplémentaires accomplies par le salarié ont été récupérées à concurrence de 31 heures en décembre 2006, le solde au cours du 1er trimestre 2007.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- le licenciement et ses conséquences :

Le simple fait que le dirigeant de la société A... soit ancien conseiller prud'homme et l'actuel président de la fédération du bâtiment et des travaux publics de l'Aude, ne permet pas d'en déduire que monsieur Y...- Z... n'a pas bénéficié, ainsi qu'il le prétend, d'un procès équitable devant le conseil de prud'hommes de Carcassonne au regard de l'influence supposée de ce personnage, même si, maladroitement, dans l'exposé du litige, la juridiction prud'homale qualifie d'emblée « d'inacceptables » les propos contenus dans le courrier du salarié, adressé le 19 mars 2007 à l'employeur.

Monsieur Y...- Z... soutient aussi que son licenciement est lié aux démarches entreprises, dès le mois de janvier 2007, avec quatre autres salariés, également syndiqués à Force Ouvrière, en vue d'obtenir l'organisation de l'élection de délégués du personnel au sein de l'entreprise ; il produit ainsi aux débats une attestation du secrétaire général de l'union départementale des syndicats Force Ouvrière de l'Aude (Alain C...) affirmant l'avoir accompagné dans ses démarches tendant à la mise en place de délégués du personnel ; pour autant, il n'est fourni aucun élément établissant que le salarié soit intervenu directement et personnellement auprès de l'employeur pour réclamer l'organisation d'élections, dans des conditions de nature à faire naître un conflit, et laissant donc supposer l'existence d'une discrimination en raison de ses activités syndicales, à l'origine de son licenciement.

Même s'il se trouvait, en dernier lieu, occupé à des tâches de cariste, monsieur Y...- Z... n'ignorait pas qu'il pouvait être amené à accomplir d'autres tâches, notamment liées à la fabrication, l'assemblage et la pose de tous types de menuiseries, conformément aux dispositions de l'article 3 de son contrat de travail ; son lieu de travail était fixé à Villegailhenc, au siège de la société A..., mais, selon l'article 3 de son contrat, il était susceptible de se déplacer partout où les nécessités de son travail l'exigeront (sic).

Il n'est pas discuté que le changement d'affectation de l'établissement de Trèbes à celui de Villegailhenc, qui n'impliquait pour monsieur Y...- Z..., alors domicilié à Carcassonne, aucun allongement significatif de trajet, ne constituait qu'une simple modification des conditions de travail que l'employeur pouvait lui imposer dans le cadre de son pouvoir de direction ; l'intéressé reconnaît d'ailleurs lui-même, dans ses conclusions d'appel, page 6, qu'il n'était pas fondé à refuser définitivement son changement d'affectation ; quant aux tâches nouvelles qui devaient lui être confiées au sein de l'établissement de villegailhenc, consistant en la confection d'agencements de terrasses en bois, elles entraient parfaitement dans le cadre des prévisions contractuelles.

La bonne foi contractuelle étant présumée, rien ne permet d'affirmer qu'en modifiant le lieu de travail et les tâches de monsieur Y...- Z..., la société A... ait fait usage, de façon déloyale, de son pouvoir de direction, dans des conditions étrangères à l'intérêt de l'entreprise ; le refus du salarié d'aller travailler dans l'établissement de Villegailhenc, sans fournir de raisons objectives à un tel refus, constitue donc un acte d'insubordination, qui justifie son licenciement.

La décision de l'employeur de modifier le lieu de travail et les fonctions du salarié a cependant été prise de manière précipitée, du vendredi après-midi pour le lundi matin, alors que depuis son embauche, dix mois auparavant, monsieur Y...- Z... n'avait effectué que des tâches de cariste, ainsi qu'il ressort des attestations de collègues de travail (Christian D..., Ahmed E...), et qu'aucun reproche ne lui avait été adressé mettant en cause son comportement professionnel.

Il convient dès lors de considérer que l'acte d'insubordination commis par le salarié n'était pas d'une nature telle qu'il légitimait son départ immédiat de l'entreprise, sans préavis ; celui-ci est donc fondé à obtenir le paiement des sommes de 926, 00 euros (brut) à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied et 1349, 86 euros (brut) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents ; le jugement entrepris doit ainsi être réformé en ce qu'il a dit fondé le licenciement pour faute grave de monsieur Y...- Z....

2- le rappel d'heures supplémentaires :

Embauché sur la base d'un temps de travail fixé à 169 heures par mois, monsieur Y...- Z... effectuait régulièrement des heures supplémentaires, qui lui étaient rémunérées ; il est constant qu'à compter du mois de septembre 2006, a été mis en place au sein de la société A... un système de récupération des heures supplémentaires, l'employeur, qui communique les tableaux mensuels de présence du personnel, soutenant, sans être contredit, que l'intéressé a ainsi récupéré 31 heures en décembre 2006 et le solde au cours du 1er trimestre 2007.

Pour autant, selon l'article L. 212-5, II, devenu l'article L. 3121-24, du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations y afférentes, par un repos compensateur équivalent, suppose l'existence d'une convention ou d'un accord collectif étendu ou d'une convention ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement ; au cas d'espèce, aucune disposition de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 ne prévoit le remplacement du paiement des heures supplémentaires par un repos équivalent et la société A... ne prétend pas qu'un accord a été négocié sur ce point au sein de l'entreprise.

Le nombre d'heures supplémentaires, 47 au total, effectuées par le salarié de septembre 2006 à février 2007, n'est pas contesté ; celui-ci peut dès lors prétendre, compte tenu du taux horaire pratiqué (8, 90 €) et de la majoration applicable (25 %) au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires de 522, 87 euros (brut), outre les congés payés afférents ; le jugement qui a limité à la somme de 106, 80 euros (brut) le montant du rappel de salaire doit encore réformé de ce chef.

3- les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, la société A... doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, mais sans que l'équité commande l'application, au profit de monsieur Y...- Z..., des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Carcassonne en date du 2 juillet 2008 en ce qu'il a débouté monsieur Y...- Z... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Juan Y...- Z... procède d'une cause réelle et sérieuse, exclusive de la faute grave,

Condamne en conséquence la SARL A... & fils à lui payer les sommes de :

-926, 00 euros (brut) à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied,
-92, 60 euros (brut) au titre des congés payés afférents,
-1349, 86 euros (brut) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-134, 98 euros (brut) au titre des congés payés afférents,

Condamne en outre la société A... à payer à monsieur Y...- Z... les sommes de :

-522, 87 euros (brut) à titre de rappel d'heures supplémentaires,
-52, 28 euros (brut) au titre des congés payés afférents,

Condamne la société A... aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à l'application, au profit de monsieur Y...- Z..., des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 07/00152
Date de la décision : 27/05/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-05-27;07.00152 ?
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