La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2012 | FRANCE | N°10/00855

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 03 octobre 2012, 10/00855


DV/ YRCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4o chambre sociale

ARRÊT DU 03 Octobre 2012



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 07393

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 SEPTEMBRE 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
No RG10/ 00855

APPELANT :

Monsieur Hervé X...


...


...

34070 MONTPELLIER
Représentant : Me GARBISDSON substituant Me Ratiba OGBI (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SA KYMCO LUX
prise en la personne

de son représentant légal
Zi Bommelscheuer
L 4901
BASCHARAGE LUXEMBOURG
Représentant : Me JABOT substituant la SELARL CHEVILLARD (avocats au barreau ...

DV/ YRCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4o chambre sociale

ARRÊT DU 03 Octobre 2012

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 07393

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 SEPTEMBRE 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
No RG10/ 00855

APPELANT :

Monsieur Hervé X...

...

...

34070 MONTPELLIER
Représentant : Me GARBISDSON substituant Me Ratiba OGBI (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SA KYMCO LUX
prise en la personne de son représentant légal
Zi Bommelscheuer
L 4901
BASCHARAGE LUXEMBOURG
Représentant : Me JABOT substituant la SELARL CHEVILLARD (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 SEPTEMBRE 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, chargé (e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Mme Françoise CARRACHA, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Dominique VALLIER

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Madame Dominique VALLIER, Adjointe administrative principale f. f. de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
* *

EXPOSE DU LITIGE

M. Hervé X... a été engagé pour une durée indéterminée par contrat du 4 janvier 1999 en qualité de « délégué commercial » par la SNC Motor Sport Accessoires (MSA), distributeur exclusif pour la France, le Luxembourg et la Belgique des produits de la marque Kymco fabriqués par la société taïwanaise Kwang Yang Motor Company Ltd spécialisée dans le marché du deux roues (scooter) et du quad

Le 1er octobre 2002 son contrat de travail était " translaté " à la société " MSA International SA " dont une majorité de l'activité était cédée le 28 novembre 2007 à une nouvelle société basée au Luxembourg, la " SA Kymco Lux " (la société), détenue à 50 % par MSA international et pour les 50 % restant par la société thaïlandaise Kwang Yang Motor Co, à qui étaient transférés la majorité des salariés et la distribution de l'ensemble des produits de la marque Kymco à compter du 1er février 2008.

À cette occasion la société proposait à la signature de M. X... un nouveau contrat de travail et un " avenant « commissions » au contrat de travail du 01 février 2008 ", documents que celui-ci refusait de signer et dont il contestait la teneur dans des courriers des 25 mars et 28 juillet 2008 en raison de la baisse de rémunération en résultant.

Le 9 janvier 2009 la société proposait un nouvel « avenant commissions » que M. X... refusait de signer en s'en expliquant dans un courriel du 02/ 02/ 09.

C'est dans ces conditions que par un courrier réceptionné le 23 février 2009, la société sollicitait l'accord du salarié sur une " modification du contrat de travail pour motif économique (...) rendue nécessaire par la situation économique que nous connaissons en cette période ".

M. X... ayant notifié son refus par lettre recommandée AR du 26 février 2009, la société le convoquait à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour raison économique fixé au 3 avril 2009 au cours duquel lui étaient remis les documents relatifs à la convention de reclassement personnalisé, qu'il acceptait le 10 avril 2009.

La société lui notifiait par lettre recommandée AR du 25 avril 2009 un document nommé « constat d'une rupture d'un commun accord consécutif à l'acceptation du salarié d'adhérer à la convention de reclassement personnalisé » dans lequel elle relevait que le délai de réflexion et de rétractation de 21 jours ouvert au salarié avait expiré le 24 avril 2009 et énonçait sur cinq pages le motif économique de la rupture ainsi résumé : " la réorganisation du système de rémunération de notre entreprise rendue nécessaire par la sauvegarde de sa compétitivité, entraînant une modification de votre contrat de travail, que vous avez refusée ".

Estimant cette rupture abusive M. X... saisissait le conseil de prud'hommes de Montpellier qui, par jugement rendu le 28 septembre 2011, relevait d'office le moyen tiré de la prescription sans ré-ouvrir les débats et jugeait que sa demande en contestation du licenciement économique était prescrite, qu'il n'établissait pas le préjudice subi du fait de la clause de non-concurrence et déboutait les parties de toutes leurs demandes.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 24 octobre 2011, M. X... interjetait appel de cette décision.

Il conclut à sa réformation et demande à la cour de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui payer :

• 190 000 €, nets de toute contribution, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
• 39 000 €, nets de toute contribution, a-t-il de dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence illicite ;
• 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir en substance à l'appui de ses demandes que :

- à titre principal, l'employeur n'avait pas énoncé le motif du licenciement économique au jour de l'acceptation de la convention de reclassement personnalisé, ce qui rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- à titre subsidiaire, le motif économique allégué n'est pas réel ni justifié, la réorganisation de l'entreprise constituant un élément causal seulement en cas de nécessité de sauvegarder sa compétitivité et non en vue d'augmenter les profits et de remettre en cause une situation acquise jugée trop favorable aux salariés ;
- cette condition doit au surplus s'apprécier au regard du secteur économique du groupe auquel appartient l'entreprise qui est une " Joint venture " entre la maison-mère taïwanaise Kymco et l'importateur historique MSA international ;
- il n'a fait l'objet d'aucune tentative de reclassement et l'employeur ne produit aucun registre du personnel, mettant ainsi les juges dans l'impossibilité d'apprécier la réalité et le sérieux des prétendues recherches de reclassement, notamment au sein des filiales étrangères et de la maison mère ;
- la clause de non-concurrence est illicite en l'absence de contrepartie financière et l'employeur ne peut s'exonérer du paiement de cette contrepartie que si la faculté de renonciation est expressément prévue par le contrat de travail ou la convention collective ;
- alors que le contrat de travail prévoit la possibilité pour l'employeur de lever la clause de non-concurrence dans le mois qui suit la notification de la rupture, il ne l'a fait que par courrier du 11 juin 2009.

La société conclut à titre principal qu'elle a bien respecté son obligation d'énonciation du motif économique avant l'acceptation par le salarié de la convention de reclassement personnalisé, à titre subsidiaire à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a été jugé que le licenciement pour motif économique était parfaitement fondé, qu'elle avait respecté son obligation de recherche de reclassement et abandonné dans les formes prévues au contrat de travail le bénéfice de la clause de non-concurrence, en toute hypothèse au débouté de toutes les demandes de l'appelant et à sa condamnation à lui payer 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

- Le courrier du 20 février 2009 aux termes duquel elle sollicitait l'accord du salarié sur la modification de l'avenant « commissionnement » pour les raisons économiques qui seront celles énoncées à l'occasion du licenciement est bien un document écrit énonçant le motif économique notifié au salarié avant l'acceptation de la CRP comme l'exige la jurisprudence, étant précisé que l'énonciation du motif n'a pas pour finalité une information préalable du salarié nécessaire à son consentement mais la vérification d'une condition préalable à la rupture, à savoir l'existence d'un motif économique réel et sérieux ;
- le motif économique énoncé est bien à la fois réel et sérieux et elle a recherché les perspectives de reclassement de M. X... parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, ce qui excluait le constructeur Kymco Taïwan dont les activités sont totalement différentes des siennes, sur des territoires différents ;
- elle a notifié par lettre recommandée du 11 juin 2009, soit dans les deux mois de la rupture conformément au contrat de travail initial, l'abandon du bénéfice de la clause de non-concurrence ;
- en toute hypothèse les premiers juges ont exactement relevé que cette clause était nulle et que le salarié ne démontrait aucun préjudice de quelque nature que ce soit à ce titre.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Contrairement au conseil de prud'hommes, aucune des parties ne soutient qu'une instance engagée par requête du 10 août 2009 l'a été plus de 12 mois après une rupture intervenue en avril 2009.

Sur la rupture.

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail est tenu d'énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige.

Tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. (L 1233-2)

L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement pour motif économique, qu'il s'agisse d'un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement collectif de moins de 10 salariés dans une même période de 30 jours, convoque, avant toute décision, le ou les intéressés à un entretien préalable. (L 1233-11)

Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié (L 1233-12).

Dans les entreprises non soumises à l'obligation de proposer le congé de reclassement prévu à l'article L 1233-71, l'employeur propose à chaque salarié une convention de reclassement personnalisé qui permet à celui-ci de bénéficier, après la rupture de son contrat de travail, d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser son reclassement. (L 1233-65)

Si le salarié accepte la convention de reclassement personnalisé, le contrat de travail est " réputé rompu du commun accord des parties ". (L 1233-67).

Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur la convention de reclassement personnalisé remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L 1233-15 et L 1233-39 du code du travail, soit lorsqu'il ne lui est pas possible d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié de la proposition de convention, dans tout autre document écrit remis ou adressé à celui-ci au plus tard au moment de son acceptation.

Il est constant que M. X... a accepté le 10 avril 2009 la convention de reclassement personnalisé qui lui avait été remise lors de l'entretien préalable du 3 avril 2009 et que le délai dont il disposait pour se rétracter expirait le 24 avril 2009 comme l'indique l'employeur lui-même dans son courrier du 25 avril 2009.

Force est de constater que l'employeur n'établit pas avoir remis au salarié un document écrit énonçant le motif économique de la rupture au plus tard à la date d'expiration du délai de rétractation, de telle sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En effet la société ne peut valablement prétendre que sa lettre du 20 février 2009 explicitant les raisons pour lesquelles elle demande au salarié d'accepter la modification des modalités de calcul de la part variable de sa rémunération constitue d'une façon ou d'une autre l'énonciation du motif économique de la rupture mise en oeuvre plus d'un mois plus tard par l'envoi le 24 mars 2009 de la convocation à l'entretien préalable.

D'autant que le courrier du 20 février 2009 évoque essentiellement les difficultés économiques que rencontrerait l'entreprise, alors que celui du 25 avril 2009, tardif, indique que le licenciement est fondé sur la nécessaire réorganisation de l'entreprise pour sauvegarder sa compétitivité.

Compte tenu de son âge (41 ans) et de son ancienneté (10 ans, 4 mois) dans l'entreprise à la date de la rupture moyennant une rémunération mensuelle brute s'élevant sur la base de la moyenne des 12 derniers mois d'activité à 5317, 72 €, le préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi de M. X... doit être évalué sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail à la somme de 100 000 € pour tenir compte des circonstances de la rupture et du préjudice qu'elle a entraîné pour le salarié qui a dû rester deux ans au chômage avant de retrouver un emploi moins bien rémunéré après une formation coûteuse dont il assumé la charge.

Sur la clause de non-concurrence.

Le contrat de travail signé en janvier 1999, le seul à ce jour en vigueur à défaut d'acceptation de celui du 1er février 2008, stipule au titre de la clause de non-concurrence une interdiction pendant un an, à compter de la rupture pour quelque motif que ce soit, de toute activité concurrente et qu'en cas de violation " le salarié sera automatiquement redevable d'une somme équivalente à six mois de salaire moyen brut perçu au cours de la dernière année d'activité ", le tout sans aucune contrepartie financière pour le salarié, la société se réservant la possibilité " de libérer le salarié de l'interdiction de concurrence (...) par écrit dans le mois qui suit la notification de la rupture de son contrat de travail ".

Si les deux parties s'accordent sur la nullité de cette clause en l'absence de contrepartie financière pour le salarié, l'employeur n'invoque à aucun moment la violation de l'interdiction de concurrence par ce dernier, lequel justifie au surplus de sa qualité de demandeur d'emploi pendant les deux ans qui ont suivi la rupture.

Par ailleurs la levée de l'interdiction le 11 juin 2009 est manifestement tardive au regard du délai d'un mois dont disposait l'employeur en exécution du contrat.

Il s'en suit qu'en imposant à M. X... de respecter une clause nulle portant atteinte à sa liberté d'exercer une activité professionnelle, la société a causé au salarié un préjudice qu'elle a elle-même évalué par anticipation à six mois de salaire, soit 31 906, 32 €.

PAR CES MOTIFS

La cour ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par la section commerce du conseil de prud'hommes de Montpellier le 28 septembre 2011 ;

Et, statuant à nouveau sur le tout ;

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Kymco Lux SA prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à M. Hervé X..., ces sommes étant nettes de tout prélèvement et contribution pour le créancier :

• 100 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à la perte injustifiée de son emploi ;

• 31 906, 32 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui a causé le maintien par l'employeur d'une clause de non-concurrence nulle ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel et à payer à l'intimé 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 10/00855
Date de la décision : 03/10/2012

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-03;10.00855 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award