La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/04/2014 | FRANCE | N°11/00844

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 22 avril 2014, 11/00844


Grosse + copie
délivrées le
à



COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section D

ARRET DU 22 AVRIL 2014

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00424



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 JANVIER 2013
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ
No RG 11/ 00844



APPELANT :

Monsieur Denis X...

né le 26 Juillet 1951 à CASABLANCA (MAROC)

...

12390 AUZITS
représenté par Me François-Xavier BERGER de la SCP BERGER, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat postu

lant et assisté de Me François-Xavier BERGER de la SCP BERGER, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant



INTIMES :

Monsieur Cyrille Jean-Roch Mar...

Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1o Chambre Section D

ARRET DU 22 AVRIL 2014

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 00424

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 JANVIER 2013
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ
No RG 11/ 00844

APPELANT :

Monsieur Denis X...

né le 26 Juillet 1951 à CASABLANCA (MAROC)

...

12390 AUZITS
représenté par Me François-Xavier BERGER de la SCP BERGER, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat postulant et assisté de Me François-Xavier BERGER de la SCP BERGER, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur Cyrille Jean-Roch Marcellin Y...

né le 19 Octobre 1968 à RODEZ (12000)
de nationalité Française
" ..."

...

12330 SALLES LA SOURCE
représenté par Me Marie-Pascale PUECH FABIE, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat postulant et assisté de Me Marie-Pascale PUECH FABIE, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

Madame Vanessa Geneviève Raymonde A...épouse Y...

née le 21 Juin 1973 à ROSNY SOUS BOIS
de nationalité Française
" ..."

...

12330 SALLES LA SOURCE
représentée par Me Marie-Pascale PUECH FABIE, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat postulant et assistée de Me Marie-Pascale PUECH FABIE, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 18 Février 2014

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 MARS 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jacques MALLET, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jacques MALLET, Président
Madame Chantal RODIER, Conseiller
Madame Françoise VIER, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Myriam RUBINI

L'affaire mise en délibéré au 15 avril 2014 a été prorogée au 22 avril 2014.

ARRET :

- CONTRADICTOIRE.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

- signé par Monsieur Jacques MALLET, Président, et par Madame Myriam RUBINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte authentique du 19 avril 2002 reçu par Maître Michèle Z..., notaire à Marcillac (Aveyron), Mme Josette B...a cédé à M. Cyrille Y...et Mme Vanessa A...épouse Y... (époux Y...) un fonds de commerce d'hôtel, café, restaurant et presse auquel est annexé la gérance d'un débit de tabac, moyennant le prix de 38 112, 25 ¿, comprenant :
- l'enseigne, le nom commercial, la clientèle et l'achalandage y attachés ;

- la licence d'exploitation du débits de boissons et spiritueux (licence IV) ;
- la ligne téléphonique ;
- le droit au bail des locaux situés à ..., commune de Salles-la-Source (12330) où est exploité le fonds de commerce et dont une partie est à usage d'habitation ne formant qu'un seul logement ;
- le mobilier et le matériel, les ustensiles et outillages, servant à son exploitation, suivant état dressé contradictoirement par les parties.

Par acte authentique du même jour, Mme Josette B...a consenti aux époux Y... un bail commercial sur lesdits locaux moyennant un loyer de 7 320 ¿ pour une durée de 9 ans à compter du 1er mai 2002 pour s'achever le 30 avril 2011.

Le jour de la signature de l'acte réitératif, en l'étude de notaire, les époux Y... ont appris qu'un arrêté municipal no 31/ 00 relatif au fonds qu'ils étaient en train d'acquérir, avait été pris en date du 22 novembre 2000 :
¿ interdisant la poursuite de l'exploitation de la partie hôtellerie de " l'..." ;
¿ autorisant la poursuite de l'exploitation de la partie restaurant sous réserve de mettre la cuisine aux normes réglementaires, d'équiper le restaurant d'un système d'alarme du type 4, de laisser libres les issues de secours judicieusement réparties en présence du public ;
¿ autorisant la poursuite de la partie bar à la condition de ne pas dépasser un effectif de 19 personnes.

En annexe de cet arrêté, il était mentionné en substance que, l'établissement dont s'agit étant depuis 1994 sous avis défavorable de la sous-commission départementale de sécurité, la partie hôtellerie présentait au jour de la visite un caractère extrêmement dangereux, que la partie restauration n'était pas conforme (au regard des risques d'incendie, de l'absence de système d'alarme, de l'insuffisance et de la non-conformité de la cuisine), ce qui impliquait si l'exploitant souhaitait conserver son activité de sommeil, un audit de sécurité sur l'ensemble des bâtiments et s'il souhaitait conserver la partie restaurant, la nécessité de procéder aux mises en conformité ou installations précitées.

En connaissance de cette limite, de la faculté qui leur appartenait de remettre le restaurant aux normes comme de l'interdiction de la poursuite de l'exploitation de la partie hôtellerie, les époux Y... ont accepté d'acquérir le fonds de commerce et de ratifier le bail.

Par acte authentique reçu le 28 octobre 2006, par Maître Combret, notaire à Rodez (Aveyron), Mme Josette B...a vendu l'immeuble à usage de commerce et d'habitation dont s'agit à M. Denis X..., cession dont les époux Y... ont été avisés par lettre du notaire instrumentaire en date du même jour.

Par lettre du 30 octobre 2006 adressée aux époux Y..., M. Denis X...en faisait de même, avisant les locataires du montant du nouveau loyer révisé à effet du 1er novembre 2006 et les informant de son intention, " suite au diagnostic technique de Socobois " ayant révélé des traces de plomb dans la partie habitation, " de faire faire des devis de peinture afin de remédier à cet état de chose ".

Entre le 6 février 2007 et le 7 mars 2007, les époux Y... d'une part et M. Denis X...d'autre part, ont échangé plusieurs courriers relatifs notamment à des désordres affectant la toiture, surplombant le bar, liés à des infiltrations d'eau et à des fissures, à l'effondrement d'une digue soutenant la parcelle jointe au lot des bâtiments, mais aussi la découverte par les locataires de désordres affectant la partie hôtellerie.

Par lettre du 30 mars 2009, M. Denis X...a notifié aux locataires les faits relevés au cours d'une visite des lieux effectuée le 27 de ce mois et a indiqué prendre acte de leur volonté d'effectuer des travaux de remise en état du bâtiment, souhaitant être informé de l'avancement des travaux, de leur date de finition afin de pouvoir procéder à un constat de cette remise en état.

En réponse, par lettre du 9 avril 2009, les époux Y... ont rappelé à leur bailleur son souhait qu'il avait de vendre l'immeuble, les discussions qu'ils avaient eu avec lui et leur proposition de se porter eux-mêmes acquéreurs mais pour un prix ne convenant pas au bailleur et qu'en tout état de cause, ils étaient toujours dans l'intention de poursuivre la réhabilitation de la partie hôtellerie.

Par acte extrajudiciaire du 9 février 2010, M. Denis X...a notifié aux époux Y... une ordonnance rendue sur requête le 13 janvier 2010 désignant un huissier de justice pour se faire communiquer l'attestation d'assurance ou en prendre copie, pour décrire les lieux et vérifier l'état des installations électriques, sanitaires et chauffage, pour constater la présence d'éventuels travaux en cours.

Le procès-verbal de constat a été établi le même jour.

******

C'est dans ce contexte que par acte du 28 octobre 2010, M. Denis X...a signifié aux époux Y... un congé avec refus de renouvellement et refus d'indemnité d'éviction, avec effet au 30 juin 2011, et mise en demeure et rappel des dispositions de l'article L. 145-17 I 1o du code de commerce, d'avoir à :
¿ remettre les biens loués et plus spécialement les chambres de l'hôtel en état d'utilisation et aux normes de sécurité applicables afin de permettre la réception de clients et une exploitation normale de l'hôtel sans risque pour les personnes et les biens ;
¿ justifier de l'exploitation dudit hôtel ;
¿ justifier du gainage de la cheminée et la conformité de l'installation de chauffage aux normes de sécurité applicables afin d'éviter tout risque pour les personnes et les biens.

Suivant exploit du 28 avril 2011, les époux Y... ont délivré assignation à M. Denis X...en nullité du congé donné par acte du 28 octobre 2010, motifs pris de l'absence de mise en demeure qui leur serait opposable, de défaut de motifs graves et légitimes, et par voie de conséquence, en renouvellement du bail à l'échéance du 30 avril 2011. Subsidiairement, ils ont sollicité le paiement d'une indemnité d'éviction qui ne saurait être d'un montant inférieur à une année de chiffre d'affaires, sauf à parfaire et en tout état de cause, le remboursement de leurs frais irrépétibles et le paiement des dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 11 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Rodez a :
¿ déclaré le congé délivré le 28 octobre 2010 régulier en la forme ;
¿ déclaré celui-ci nul et nul effet à défaut de motifs graves et légitimes ;
¿ dit que le bail commercial conclu le 19 avril 2002 s'est trouvé renouvelé à son échéance le 30 avril 2011 ;
¿ débouté M. Denis X...de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;
¿ condamné M. Denis X...à payer aux époux Y... la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du même code au profit de l'avocat postulant.

Le 18 janvier 2013, M. Denis X...a relevé appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions déposées :
* le 17 février 2014 par M. Denis X...;
* le 12 février 2014 par les époux Y....

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 février 2014.

******

M. Denis X...conclut au débouté des prétentions des époux Y... et à l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré le congé nul et de nul effet à défaut de motifs graves et légitimes, dit que le bail commercial s'était trouvé renouvelé le 30 avril 2011 et l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions et statuant à nouveau sur ces chefs infirmés, demande à la cour, en substance, aux termes d'un dispositif de trois pages à la lecture duquel il est expressément renvoyé pour un exposé complet et détaillé des prétentions, de :
au principal, déclarer valable le congé délivré le 28 octobre 2010 et le valider avec toutes conséquences de droit,
ordonner l'expulsion des époux Y... et tous occupants de leur chef des locaux à usage de commerce ;
les condamner à lui payer une indemnité d'occupation de 1 200 ¿ par mois à compter du 30 juin 2011 jusqu'à la libération effective des lieux ;
subsidiairement, déclarer valable le congé précité ;
rejeter la demande d'indemnité d'éviction ;
ordonner leur expulsion et les condamner au paiement d'une indemnité d'occupation dans les mêmes conditions que celles sollicitées à titre principal ;
à défaut, dire que les époux Y... bénéficieront du droit au maintien dans les lieux jusqu'au versement de l'indemnité d'éviction prévue par les textes en l'état du congé ayant mis fin en toute hypothèse au bail ;
commettre un séquestre en vue de recevoir le paiement de l'indemnité d'éviction et de procéder après libération des lieux au versement de ladite indemnité entre les mains des preneurs évincés, sous réserve des pénalités ou oppositions ;
avant dire droit, ordonner une expertise sur le montant de l'indemnité d'éviction ;
en toute hypothèse, condamner les époux Y... à lui verser une somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui comprendront les frais de constat d'huissier du 9 février 2010 et du congé du 28 octobre 2010 avec application des dispositions de l'article 699 du même code au profit de Maître François-Xavier Berger.

Les époux Y... demandent à la cour de confirmer en tous points le jugement dont appel et à titre subsidiaire, de :
dire et juger que le congé ouvre droit pour eux à une indemnité d'éviction qui sera chiffrée après expertise ordonnée avant dire droit, en application des critères légaux, notamment sur la base de la valeur marchande du fonds de commerce qui ne saurait être inférieure à la somme de 50 000 ¿ sauf à parfaire ;
en tout état de cause, condamner M. Denis X...à leur payer la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marie-Pascale Puech-Fabie.

SUR CE :

Sur la validité en la forme du congé délivré le 28 octobre 2010 :

La cour fera sienne la motivation pertinente et complète du premier juge en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la nullité en la forme du congé.

Le jugement déféré sera confirmé en ce sens.

Sur la validité du congé délivré le 28 octobre 2010 au regard du motif grave et légitime :

Le congé délivré le 28 octobre 2010 vise, entre autres manquements aux clauses du bail, l'existence de travaux exécutés en violation de ce bail en ce qu'ils modifient notamment la destination du bâtiment au regard de l'activité hôtelière et l'absence de justification de l'exploitation dudit hôtel.

Il ressort précisément du procès-verbal de constat établi le 9 février 2010 par Maître C..., huissier de justice associé à Rodez, à la requête du bailleur et au contradictoire de M. Y... que, pour l'essentiel, s'agissant de la partie hôtellerie, au premier étage, la " grande pièce, façade avant, pignon et façade arrière " est en cours de travaux, que des cloisons ont été supprimées, des rails de faux plafond installés, que la façade fait l'objet d'un doublage en cours d'installation et que des travaux d'électricité sont également en cours, un radiateur et un lavabo ayant été déposés (pages 7 et 8 du PV).

Pour retenir, contrairement à ce que soutenait le bailleur, que ce constat ne pouvait caractériser l'intention des locataires de procéder à des travaux de nature à modifier la destination initiale des lieux, encore moins de transformer les anciennes chambres en habitation privée, le premier juge a relevé, en substance, que les travaux litigieux ne concernaient de fait que la grande pièce principale et que si des cloisons avaient été supprimées dans la grande pièce principale, les constatations effectuées par l'huissier ou par une entreprise attestaient que des travaux d'isolation et d'électricité étaient en cours, que les autres chambres, notamment 1, 2, 3 et 5, n'avaient pas été modifiées, ni n'avaient été supprimés les équipements sanitaires des chambres 1, 2, 3 et 6, que surtout l'ensemble de la partie hôtellerie était " dans un état de vétusté extrêmement avancé " (lino et tapisseries tâchés, peinture vétuste et écaillée, isolation inexistante par endroits, plancher du couloir enfoncé).

Se référant à l'arrêté municipal no 31/ 00 du 22 novembre 2000, qui fait interdiction de poursuivre l'exploitation de cette partie hôtellerie à raison du " caractère extrêmement dangereux " des lieux et précise qu'un audit de sécurité devrait être réalisé sur l'ensemble des bâtiments, en cas de souhait de l'exploitant de conserver son activité de sommeil, le premier juge souligne que " M. X...ne peut faire grief aux locataires de ne pas avoir poursuivi l'activité d'hôtellerie, celle-ci ayant été interdite par l'autorité administrative ".

Toutefois, il s'évince de ces éléments et constatations, indépendamment des intentions prêtées par M. Denis X...aux époux Y..., notamment quant à la transformation de l'hôtel en habitation privée, que depuis l'acquisition par eux du fonds de commerce en avril 2002 et le bail qui leur a été consenti à effet du 1er mai 2002, ceux-ci n'ont jamais exploité l'activité d'hôtellerie.

Les époux Y... ne prétendent pas le contraire, soutenant aux termes de leurs conclusions que la demande du bailleur de justifier de l'exploitation de l'hôtel leur est inopposable puisqu'à la date d'acquisition du fonds de commerce et de la prise de possession des lieux, cette exploitation était déjà interdite et que " s'agissant d'une mesure administrative, elle s'est imposée à eux, envers et contre eux " (page 13 de leurs conclusions).

À ce titre, il n'est justifié par les locataires d'aucune démarche ou tentative en ce sens aux fins d'un quelconque audit de sécurité des bâtiments depuis la prise de possession des lieux.

De même, le courrier adressé par eux, le 7 janvier 2005, à leur ancienne bailleresse, Mme Josette B..., est insuffisant à démontrer leur seule volonté d'exploiter, se contentant d'indiquer leur souhait, dans la maison que celle-ci leur louait, de " réhabiliter deux chambres (anciennement deux chambres de l'hôtel) en supprimant une cloison, en isolant la pièce... ", sollicitant l'accord de cette bailleresse " pour la réalisation de ces travaux qui vont apporter une réelle amélioration au logement ". D'évidence, l'emploi de certaines termes ou expressions (" anciennement deux chambres de l'hôtel "- " amélioration au logement ") ne saurait attester, à cette époque, d'une intention d'exploiter l'activité en cause (pièce 6 des intimés).

Dans leur courrier daté du 9 avril 2009 adressé à leur nouveau bailleur, M. Denis X..., les époux Y... évoquaient la remise aux normes de l'hôtel tout en reconnaissant qu'à cette date, le projet n'était qu'au stade d'embryon, attendant l'étude faite et proposée par l'architecte " pour faire aboutir ou non notre intention ", sans que la cour ne puisse d'ailleurs s'assurer s'il s'agit de l'intention de poursuivre l'activité d'hôtellerie ou celle d'acquérir l'immeuble, en l'absence de précision à ce sujet par les locataires tandis que M. Denis X...avait, selon ledit courrier, exprimé le souhait de vendre la bâtisse (leur pièce 13).

Mais surtout, la cour relève à l'examen du bail liant les parties que concernant les " travaux, aménagements effectués par le locataire " ou les " travaux de mise en conformité " (page 6 du bail), il est expressément stipulé :
* " Ces travaux tous travaux, aménagements, installations resteront en tout état de cause à la charge du locataire, même s'ils étaient rendus nécessaires ou imposés par l'autorité administrative, en vue de l'exploitation du fonds " (7e paragraphe) ;
* " Il est convenu expressément entre le bailleur et le locataire que les travaux de mise en conformité des locaux exigés par toutes autorités administratives au regard des nouvelles règles de sécurité, d'hygiène ou de salubrité, seront à la charge du locataire " (10e paragraphe).

Il est de jurisprudence établie que sauf stipulation expresse contraire stipulée au bail, les travaux prescrits par l'administration sont à la charge du bailleur tandis des travaux de transformation ou de réparation aux fins de mises aux normes rendues nécessaires par la réglementation en vigueur, doivent s'interpréter comme étant prescrits par l'administration.

Or, précisément, les clauses précitées insérées au bail caractérisent une stipulation expresse en ce sens, en ce qu'elles mettent à la charge des locataires les travaux nécessaires à la mise en sécurité du bâtiment, dès lors que l'exploitant du fonds de commerce voudrait poursuivre l'activité de sommeil.

Quand bien même n'auraient-ils appris que " fortuitement par un tiers ", l'existence de l'arrêté municipal du 14 novembre 2000 interdisant la poursuite en l'état de cette activité, selon les termes de leur courrier adressé le 2 mars 2007 à leur bailleur, M. Denis X...(pièce 10), il est constant que les époux Y... se sont engagés, le 19 avril 2002, par la signature des actes d'acquisition du fonds de commerce et relatif au bail commercial, en parfaite connaissance de cause d'une part, des obligations imposées au locataire et d'autre part, de l'existence de l'arrêté municipal, ayant convenu eux-mêmes qu'ils feraient " leur affaires personnelles de ces travaux " (page 8 de l'acte d'acquisition).

Enfin, il n'est pas sérieusement discuté que le bailleur n'a pas consenti, préalablement à l'exécution des travaux, encore moins à la nature précise et détaillée comme à l'assiette de ces derniers, ayant notamment consisté à supprimer des cloisons.

Dans ces conditions, l'absence totale d'exploitation de l'activité hôtelière depuis mai 2002, en dépit des clauses du bail, mais aussi depuis cette même date, d'une volonté expresse d'exploiter en se conformant aux injonctions administratives, ce qui imposait d'engager des travaux traduisant une telle volonté, caractérise un motif grave et légitime au sens de l'article L. 145-17 I 1o du code de commerce, de sorte que le congé délivré selon les modalités de l'acte extrajudiciaire du 28 octobre 2010 sera déclaré valable, portant refus de renouvellement du bail sans paiement d'une indemnité d'éviction.

Dès lors, il sera également fait droit aux demandes de M. Denis X...tendant à l'expulsion des intimés selon des modalités définies au dispositif du présent arrêt, sans qu'il n'y ait lieu cependant d'y adjoindre une quelconque astreinte.

Les époux Y... seront également tenus au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2011, compte tenu de la date d'effet du congé au 30 juin 2011, laquelle sera fixée au montant du loyer en cours et tel que calculé en fonction de la révision triennale à cette date.

Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires :

Les époux Y... devront rembourser à M. Denis X...ses frais irrépétibles à hauteur de la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils seront également tenus aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais du procès-verbal de constat du 9 février 2010 et du congé en date du 28 octobre 2010, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré le congé délivré le 28 octobre 2010 régulier en la forme,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Constate que le congé de refus de renouvellement du bail sans paiement d'une indemnité d'éviction, délivré par acte extrajudiciaire du 28 octobre 2010, repose bien sur un motif grave et légitime lié à des travaux exécutés sans autorisation du bailleur et à l'inexploitation de l'hôtel objet du bail liant les parties,

Déclare en conséquence ce congé valable à effet au 30 juin 2011,

Ordonne l'expulsion des époux Y... et de tous occupants de leur chef des locaux à usage commercial sis à " ..."-...
..., au besoin avec le concours de la force publique, dans le mois suivant la date de signification du présent arrêt,

Fixe l'indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2011 d'un montant égal à celui du loyer en cours à cette dernière date, jusqu'à la libération effective des lieux,

Condamne, en tant que de besoin, les époux Y... à payer à M. Denis X...cette indemnité d'occupation, en deniers et quittance,

Condamne les époux Y... à payer à M. Denis X...la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les époux Y... de leur demande sur le même fondement,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

Condamne les époux Y... aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais du procès-verbal de constat du 9 février 2010 et du congé en date du 28 octobre 2010, avec recouvrement direct au profit de Maître François-Xavier Berger, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.

JM/ MR


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 11/00844
Date de la décision : 22/04/2014

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rodez


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-22;11.00844 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award