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20/09/2022 | FRANCE | N°20/02001

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 20 septembre 2022, 20/02001


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



Chambre commerciale



ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/02001 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSSI



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 SEPTEMBRE 2017

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NARBONNE

N° RG 2016 003089




>APPELANT :



Monsieur [G] [Y]

né le 26 Juin 1971 à [Localité 6] (TURQUIE)

de nationalité Turque

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Bruno BLANQUER de la SCP BLANQUER/CROIZIER/CHARPY, avocat au barreau de NARBONNE substitué par Me Virginie LAVIELLE, avocat au ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/02001 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OSSI

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 SEPTEMBRE 2017

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NARBONNE

N° RG 2016 003089

APPELANT :

Monsieur [G] [Y]

né le 26 Juin 1971 à [Localité 6] (TURQUIE)

de nationalité Turque

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Bruno BLANQUER de la SCP BLANQUER/CROIZIER/CHARPY, avocat au barreau de NARBONNE substitué par Me Virginie LAVIELLE, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMES :

Monsieur [W] [T]

né le 02 Janvier 1951 à [Localité 3] (34)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Fabienne MIGNEN-HERREMAN de la SCP JURISEXCELL, avocat au barreau de BEZIERS substitué par Me Raphaële HIAULT SPITZER de la SCP JURISEXCELL, avocat au barreau de BEZIERS

Madame [V] [T]

née le 16 Janvier 1951 à [Localité 5] (34)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Fabienne MIGNEN-HERREMAN de la SCP JURISEXCELL, avocat au barreau de BEZIERS substitué par Me Raphaële HIAULT SPITZER de la SCP JURISEXCELL, avocat au barreau de BEZIERS

Ordonnance de clôture du 12 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Selon devis accepté du 14 septembre 2011, la société Drain-Hydro dont le gérant était M.[Y], a réalisé la pose d'un revêtement extérieur sur le sol de la cour de l'immeuble appartenant aux époux [T].

Les travaux effectués entre le 19 et le 21 octobre 2011 ont été réglés mais moins de trois mois après leur pose, les époux [T] ont constaté des désordres qu'ils ont signalés à la société Drain-Hydro.

Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception des 9 juillet et 4 septembre 2012 (réceptionnées le 11 juillet et le 5 septembre 2012), ils lui ont vainement rappelé son engagement de procéder à la reprise des désordres qui avait été pris lors d'une visite sur les lieux en mars 2012.

Confrontés à l'aggravation des désordres, ils ont assigné en référé expertise la société Drain-Hydro, ainsi que la société Geochem qui leur avait conseillé le procédé de pose. L'expert judiciaire désigné par ordonnance du 16 novembre 2012 a réalisé son expertise en présence de la société Drain-Hydro et a déposé son rapport le 5 novembre 2013.

Par assignations en date du 11 février 2014 puis du 15 avril 2015, les époux [T] ont assigné la société Drain-Hydro puis obtenu la désignation d'un mandataire ad hoc après avoir appris que la société Drain-Hydro avait fait l'objet d'une dissolution amiable à compter du 8 mars 2013 publiée au registre du commerce et des sociétés le 8 juillet 2013 puis d'une radiation du registre, M.[Y] ayant en qualité de liquidateur publié un bilan de clôture le 8 juillet 2013.

Par exploit du 1er juillet 2016, ils ont fait assigner en paiement M.[U] pris en sa qualité de liquidateur de la société Drain-Hydro, devant le tribunal de commerce de Narbonne qui par jugement du 26 septembre 2017 a :

- dit que M.[Y] a volontairement précipité les opérations de liquidation de la société Drain-Hydro sans tenir compte des instances en cours, et qu'à ce titre il a commis une faute en sa qualité de liquidateur de la société Drain-Hydro,

- dit que les actifs de la société Drain-Hydro au moment du bilan de clôture de dissolution avaient une valeur non négligeable et étaient de nature à couvrir l'éventuelle condamnation,

- condamné M.[Y] à payer la somme de 9311,19 euros aux époux [T] à titre de dommages-intérêts,

- condamné M.[Y] à payer aux époux [T] la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, avec exécution provisoire de la décision.

M.[Y] a régulièrement relevé appel, le 13 octobre 2017, de ce jugement.

Il demande à la cour, en l'état de ses conclusions déposées et notifiées le 27 juin 2018 via le RPVA, de :

Vu l'article L. 237'12 du code de commerce

- infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- dire et juger :

' qu'il n'a pas commis de faute occasionnant un préjudice aux époux [T] en clôturant la liquidation de la société Drain-Hydro car les opérations de liquidation ont été clôturées avant le dépôt du rapport d'expertise définitif et l'introduction de l'action en justice au fond à l'encontre de la société Drain-Hydro,

' qu'aucun préjudice ne leur a été causé suite à la clôture des opérations de liquidation de la société Drain-Hydro qui n'avait pas eu un actif suffisant pour les désintéresser,

' qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la prétendue faute et le prétendu préjudice,

- débouter par conséquent les époux [T] de toutes leurs demandes ('),

- les condamner à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ces demandes, il fait essentiellement valoir que :

- au 31 décembre 2012, la société Drain-Hydro dégageait une perte de 17'025 euros et les comptes de la liquidation clôturés le 8 mars 2013 enregistraient un solde négatif de 844,98 euros ce qui avait même empêché tout remboursement de parts sociales et toute attribution aux associés,

- le tribunal avait à tort pris en compte des valeurs inscrites à l'actif du bilan sans tenir compte du passif de 27'570 euros que les intimés minimisent,

- l'argument du défaut de demande d'ouverture de procédure collective se heurte au fait que la société n'était pas en état de cessation des paiements mais par contre, elle ne disposait plus d'aucun chantier et ne pouvait être contrainte à poursuivre une activité déficitaire.

M. et Mme [T] demandent à la cour, aux termes de leurs conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 23 janvier 2020 de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter M. [Y] de toutes ses demandes (...) et de le condamner à leur payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Juris Excel sur ses offres de droit.

Ils exposent en substance que :

- M. [Y] est fautif pour avoir précipité la dissolution de la société alors qu'il savait que la responsabilité de cette dernière allait être engagée, les premières constatations de l'expert et le contenu de son pré-rapport lui ayant été communiqués,

- nonobstant un solde négatif de 844,98 euros, la société Drain-Hydro possédait des actifs qu'elle aurait pu réaliser et des créances permettant de faire face à une éventuelle condamnation d'autant que les dettes externes s'élevaient effectivement à 8102 euros,

- en l'absence d'actif social suffisant pour répondre des condamnations à venir, le liquidateur aurait dû différer la clôture de la liquidation et solliciter l'ouverture d'une procédure collective,

- cette faute est à l'origine directe du préjudice subi, M. [Y] ayant volontairement stoppé toute activité de sa société qui n'était pas en état de cessation des paiements, qui détenait des créances récupérables et qui aurait pu signer de nouveaux chantiers.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Par arrêt du 15 mai 2020, la cour d'appel de Montpellier a prononcé la radiation de l'affaire et son retrait du rang des affaires en cours, du fait du refus des avocats de plaider malgré la fixation de l'affaire à l'audience du 27 février 2020, ce refus ayant été motivé par le mouvement de protestation des avocats.

L'affaire a été réinscrite au rôle de la cour pour être plaidée à son audience du 2 juin 2022, selon ordonnance de clôture de l'instruction en date du 12 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article L. 237-12 du code de commerce dispose que "Le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises, dans l'exercice de ses fonctions."

Sur la faute :

La liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision. En l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective.

M. [Y] a procédé à la clôture des opérations de liquidation amiable de la société Drain-Hydro le 8 juillet 2013 avec effet rétroactif au 8 mars 2013, alors que l'expertise était en cours (l'expert judiciaire ayant organisé une première réunion en présence de M. [Y] le 21 décembre 2012) et qu'il apparaissait que la responsabilité du poseur était susceptible d'être engagée par les époux [T] qui avaient déjà par deux fois, en juillet et septembre 2012, demandé à la société Drain-Hydro de remédier aux désordres. Par courrier du 27 septembre 2012, leur conseil avait encore sollicité la transmission des coordonnées de l'assurance garantissant la responsabilité décennale de la société Drain-Hydro.

M. [Y] est donc fautif pour s'être abstenu de provisionner la créance de réparation même éventuelle et pour n'avoir pas différé la clôture de la liquidation quitte à solliciter l'ouverture d'une procédure collective en cas d'incapacité à honorer une condamnation à paiement après que la société ait été assignée à cette fin devant le tribunal de commerce de Béziers par exploits des 11 février 2014 et 15 avril 2015.

Cette condamnation est intervenue ainsi que précisé dans le jugement dont appel puisque par jugement du 12 septembre 2016, le tribunal de commerce de Béziers a condamné M. [Y] ès qualités de mandataire ad hoc de la société Drain-Hydro à payer aux époux [T] la somme de 9 311,19 euros en réparation du préjudice matériel subi.

Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a retenu la faute de M. [Y] ès qualités de liquidateur amiable.

Sur le préjudice :

M. [Y] soutient que la liquidation amiable de la société Drain-Hydro n'a généré aucun préjudice faute de disposer de suffisamment d'actifs pour désintéresser les époux [T]. Le bilan simplifié qu'il produit pour en attester laisse apparaître qu'au 31 décembre 2012, la société Drain-Hydro avait enregistré une perte de 17 025 euros mais qui avait néanmoins été ramenée à 845 euros au 08 mars 2013 alors que les disponibilités n'étaient respectivement que de 1567 euros et 962 euros.

La créance des époux [T] n'était alors pas exigible et n'avait qu'à être inscrite à titre de provision pour garantir une éventuelle condamnation de sorte que l'argument d'une insuffisance d'actifs pour désintéresser les époux [T] au jour de la dissolution amiable apparaît inopérant. L'amélioration du résultat de l'exercice même négatif au 8 mars 2013 traduit ensuite une capacité de redressement de la société Drain-Hydro et il n'est pas démontré que l'absence de chantiers invoqué aurait été subie et non voulue ni le fait que le défaut de dissolution anticipée l'aurait obligée à poursuivre une activité déficitaire.

Ce n'est qu'une fois devenue exigible la créance des époux [T] que la société Drain-Hydro aurait pu apprécier si elle était en capacité d'honorer son passif exigible avec son actif disponible et solliciter l'ouverture d'une procédure collective si tel n'avait pas été le cas.

Il apparaît qu'en lecture de l'analyse de l'expert, le tribunal de commerce de Béziers a retenu la responsabilité de la société Drain-Hydro dans la réalisation des dommages, pour avoir appliqué le produit Sand cover sur un support inadéquat qu'elle avait néanmoins réceptionné.

En conséquence, M. [Y] qui a commis une faute en clôturant les opérations de liquidation de la société Drain-Hydro sans égard pour la créance des époux [T], sera tenu de réparer le préjudice subi par ceux-ci constitué d'une perte de chance de 100 % d'être indemnisés du coût des travaux de reprise.

Le jugement dont appel sera donc confirmé dans toutes ses dispositions.

Sur les frais et les dépens :

M. [Y] qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance et payer à M. et Mme [T] une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Narbonne en date du 26 septembre 2017,

Déboute M.[Y] de l'ensemble de ses demandes,

Dit que M. [Y] supportera les dépens de première instance et d'appel et payera à M. et Mme [T] une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/02001
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;20.02001 ?
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