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02/05/2024 | FRANCE | N°20/05201

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 02 mai 2024, 20/05201


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05201 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYKX





Décision déférée à la Cour : Jugement du 27

OCTOBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG F 19/00153







APPELANT :



Monsieur [L] [J] [K]

né le 24 mai 1963 à [Localité 10] (PORTUGAL)

de nationalité portugaise

[Adresse 8]

[Localité 5]



Représenté par Me François PECH DE LACLAUSE de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEP...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/05201 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OYKX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 OCTOBRE 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG F 19/00153

APPELANT :

Monsieur [L] [J] [K]

né le 24 mai 1963 à [Localité 10] (PORTUGAL)

de nationalité portugaise

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représenté par Me François PECH DE LACLAUSE de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Me [O] [V], ès qualités de mandataire liquidateur de la Société MKSR

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Alexandra MERLE, avocat au barreau de MONTPELLIER

SARL MKSR

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE, substitué par Me Christine AUCHE HEDOU, de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER

PARTIE INTERVENANTE :

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA de [Localité 2]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Défaillante

Ordonnance de clôture du 05 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

Monsieur Patrick HIDALGO, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- arrêt par défaut ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [L] [K] a été successivement engagé par la société MKSR en qualité de peintre agenceur, dans le cadre d'un premier contrat de travail à durée déterminée, pour la période du 21 mai au 22 juillet 2018, d'un second CDD, pour la période du 23 juillet au 23 septembre 2018, puis selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 24 septembre 2018.

Le 14 novembre 2018, M. [K] s'est vu notifier en main propre un avertissement, que celui-ci a contesté par une lettre datée du même jour.

Convoqué le 18 janvier 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 janvier 2019, il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par une lettre du 1er février 2019.

Le 5 avril 2019, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan aux fins d'entendre condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 1 695,64 euros d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

- 1 695,64 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 1 500 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 1 500 euros de dommages-intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité,

- 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions ampliatives, il a sollicité notamment la nullité du licenciement pour harcèlement moral.

Par jugement du 27 octobre 2020, ce conseil a statué comme suit :

Dit le licenciement de M. [K] fondé,

Déboute M. [K] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [K] au paiement à la MKSR de la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] aux entiers dépens.

Le 20 novembre 2020, M. [K] a relevé appel de tous les chefs de ce jugement.

Par un jugement du 31 mai 2023, le tribunal de commerce de Perpignan a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la société MKSR, et désigné la SELARL MJSA, en la personne de Maître [V] en qualité de liquidateur judiciaire.

' Aux termes de ses conclusions n°2 déposées par voie de RPVA le 21 juillet 2023, M. [K] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

Requalifier en contrat à durée indéterminée les contrats à durée déterminée conclus le 21 mai 2018 et le 23 juillet 2018,

Annuler l'avertissement du 13 novembre 2018 remis le 14 novembre 2018,

Prononcer la nullité du licenciement notifié par lettre en date du 1er février 2019,

Fixer les créances de M. [K] à la liquidation de la MKSR aux sommes suivantes :

- 830,76 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 26 au 30 novembre 2018 et du 3 au 9 décembre 2018, outre 83, 07 euros au titre des congés payés afférent,

- 985, 55 euros à titre de rappel d'indemnité grands déplacements,

- 11 152 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

Subsidiairement,

Juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Fixer en conséquence la créance de M. [K] à la liquidation de la MKSR à la somme de 1 859 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

Ordonner à la MKSR et la SELARL MJSA de remettre une attestation Pôle Emploi rectifiée,

Condamner la MKSR et la SELARL MJSA à verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Et à défaut,

Fixer à 3 000 euros la créance de M. [K] à la liquidation judiciaire de la MKSR au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Débouter les parties défenderesses de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires,

Déclarer le jugement à intervenir opposable à l'association AGS CGEA,

Ordonner le paiement des créances fixées dans la limites des plafonds légaux.

' Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie de RPVA le 3 octobre 2023, la SELARL MJSA, prise en la personne de Maître [V], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MKSR, demande à la cour de confirmer le jugement et de dire et juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté et condamner M. [K] aux entiers dépens d'appel et au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

' L' AGS, à qui M. [K] a fait délivrer une assignation en intervention forcée par acte d'huissier du 5 juillet 2023, n'a pas constitué avocat.

Par décision en date du 5 février 2024, le conseiller de la mise en état a clôturé l'instruction du dossier et fixé l'affaire à l'audience du 4 mars suivant.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées.

MOTIVATION :

Sur l'étendue de la saisine de la cour :

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n'est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n'auraient pas été reprises dans ce dispositif.

En l'espèce il ne sera pas statué sur les demandes en paiement d'une indemnité de requalification et de dommages-intérêts pour avertissement injustifié, non reprises au dispositif des dernières conclusions de l'appelant.

Sur la requalification des contrats à durée déterminée :

Au soutien de sa demande de requalification, le salarié fait valoir que la chronologie et la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée au terme du second contrat de travail à durée déterminée démontre qu'il a été embauché pour les besoins de l'activité normale de l'entreprise et pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et non pour un prétendu accroissement temporaire de l'activité. Il fait en outre valoir que l'employeur n'a pas respecté le délai de carence entre les 2 CDD.

La société intimée conteste le caractère fallacieux du motif de recours visé dans les contrats en objectant que son client principal, la société DSC l'informait de la charge de travail au fur et à mesure et qu'elle était confrontée à une variation des commandes. Le seul fait que les CDD, ont été suivis de la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée ne suffit à démontrer que son embauche initiale avait pour but de pourvoir un emploi permanent. Elle ajoute que le délai de carence n'est pas applicable lorsque comme en l'espèce le CDD est conclu en raison du caractère temporaire de l'emploi, le 2ème contrat ayant été conclu conformément aux modalités de renouvellement prévues au contrat initial.

Selon l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. L'article L. 1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figure l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2 ).

Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6, L. 1242-7, L. 1242-8-1, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1 et L. 1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

En cas de litige, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du motif de recours au CDD.

En l'espèce les contrats à durée déterminée visent comme motif de recours un : 'accroissement temporaire de l'activité'. Si l'employeur expose à juste titre que le seul fait que le contrat de travail à durée déterminée soit suivi d'un contrat de travail à durée indéterminée ne suffit à démontrer que le contrat de travail initial avait pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, force est de relever le mandataire liquidateur de la société MKSR ne justifie pas aucun élément que cette dernière était confrontée en mai 2018 à un accroissement temporaire d'activité justifiant le recours au CDD. Pour ce seul motif, l'action en requalification est justifiée.

Sur l'avertissement :

La lettre d'avertissement datée du 13 novembre 2018 et remise en main propre le 14 novembre, est ainsi motivée :

'Vous avez déjà fait, à plusieurs reprises, l'objet d'observations verbales concernant votre manque de rigueur sur les chantiers.

Vous n'avez pas cru devoir tenir compte de ces observations.

En effet, sur nos chantiers de [Localité 11] et de [Localité 9], chez Cedeo, nous avons eu à déplorer des négligences dans votre travail.

La pose de seuils de finition entre les différents revêtements de sol n'a pas été réalisée proprement. Vous n'avez pas réalisé les coupes correctement et vous aviez laissé de nombreuses traces de colle. Le travail a dû être refait.

À [Localité 9], les finitions des joints acryliques, que vous avez réalisé dans une ambiance, étaient inacceptables et le client était mécontent. [...]'.

Cet avertissement a été contesté par M. [K], par lettre du 14 novembre 2018, dans laquelle il a fourni les explications suivantes :

' [...] Pour en revenir sur l'avertissement que vous m'avez remis ce matin je tiens à vous faire savoir que je ne suis pas d'accord avec les faits qui me sont reprochés, pour ce qui concerne les barres de seuils. Elles n'ont pas été découpées par mes soins mais par un collègue qui ne fait déjà plus partie de votre société.

Pour ce qui concerne les joints acryliques, je veux bien reconnaître que nous aurions dû être plus attentifs aux finitions.'

Selon l'article L.1333-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments retenus par l'employeur pour prendre la sanction et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il ressort de la lettre d'observations que le salarié concède le grief qui lui a été fait relativement aux joints acryliques, mais conteste que le premier reproche lui soit imputable. Sur ce dernier point, il fournit une attestation de M. [B], menuisier, qui indique que sa période d'essai a pris fin début octobre 2018, l'employeur lui ayant reproché de ne pas savoir poser des barres de seuil sur le chantier du magasin de [Localité 11].

L'exécution de prestations de base telle que la pose de joint acrylique par un peintre, ouvrier professionnel de niveau 3, justifiant la reprise des travaux litigieux, justifie la sanction prononcée laquelle n'est pas disproportionnée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de ce chef.

Sur le rappel de salaire :

Affirmant ne pas avoir perçu son salaire intégral pour les mois de novembre et décembre 2018, et reprochant à l'employeur de lui avoir appliqué de manière injustifiée des retenues de salaire alors même, indique-t-il, qu'il se tenait à sa disposition, M. [K] sollicite le paiement de la somme de 830,76 euros outre les congés payés afférents.

La société MKSR objecte que les salariés ont été placés sur les périodes litigieuses en chômage technique, ce dont elle indique justifier. Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Par application des dispositions de l'article 1315 du code civil, devenu 1353, s'il appartient à celui qui se prévaut d'une obligation d'en justifier, il revient à celui qui prétend s'en être libéré de justifier du paiement ou du fait extinctif. Par l'effet de ce texte, sous réserve pour le salarié de justifier du principe de l'obligation contractuelle ou conventionnelle dont il se prévaut, il appartient à l'employeur de justifier du paiement ou du fait extinctif de son obligation.

En l'espèce, c'est à bon droit et par de justes motifs que le conseil après avoir relevé que l'employeur justifiait de la décision de l'administration (pièce employeur n°12) l'autorisant à placer en activité partielle 4 salariés pour la période du 26 novembre au 15 décembre 2018, a débouté M. [K] de sa réclamation salariale, les bulletins de salaire des mois de novembre et décembre faisant bien apparaître le nombre d'heures concernées par cette activité partielle, déduites de la rémunération brute, et le montant de l'indemnité compensatrice versée par l'Etat au taux réduit.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa réclamation de ce chef.

Sur le rappel d'indemnités de grands déplacements :

Au soutien de sa demande, M. [K] expose que l'employeur l'a indemnisé de certains trajets par l'indemnité de 'petits déplacements' en lieu et place de celle de 'grands déplacements' à laquelle il pouvait prétendre en détaillant dans ses conclusions sa réclamation au regard des différents chantiers concernés.

L'employeur objecte avoir rempli le salarié de ses droits en faisant valoir que lorsque le salarié rentre de déplacement, il perçoit l'indemnité de 'petits déplacements' pour son repas de midi, dès lors qu'il ne peut prétendre ce jour là à l'indemnité de 'grands déplacements', laquelle est réservée aux jours où il ne peut pas rentrer chez lui le soir.

Selon l'article 8.21 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés, est réputé en grand déplacement l'ouvrier qui travaille sur un chantier métropolitain dont l'éloignement lui interdit - compte tenu des moyens de transport en commun utilisables - de regagner chaque soir le lieu de résidence, situé dans la métropole, qu'il a déclaré lors de son embauchage et qui figure sur sa lettre d'engagement ou qu'il a fait rectifier en produisant les justifications nécessaires de son changement de résidence, les salariés déplacés avec leur famille par l'employeur et à ses frais n'étant pas visés par ces dispositions.

En application de l'article 8.23 de la convention, le remboursement des dépenses définies à l'article 8.22 est obligatoire pour tous les jours de la semaine, ouvrables ou non, pendant lesquels l'ouvrier reste à la disposition de son employeur sur les lieux du déplacement.

Il en ressort que l'employeur n'était pas fondé à ne lui appliquer que l'indemnité de 'petits déplacements' le dernier jour travaillé sur le chantier au motif que le salarié rentrait à son domicile le soir, dès lors qu'il n'est pas utilement contesté par la société que ce dernier jour de la semaine M. [K] avait effectivement travaillé et qu'il était resté ce jour là à sa disposition (Cour de cassation 20 septembre 2021 - N° 20-10.907).

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M. [K] de ce chef. La réclamation détaillée, qui n'est pas critiquée dans son montant par l'employeur, sera accueillie.

Sur la rupture du contrat de travail :

M. [K] conteste les reproches qui lui sont faits sur la qualité des prestations fournies et sur une prétendue insuffisance professionnelle en soulignant que l'employeur l'a engagé à durée indéterminée après avoir conclu deux CDD. Au soutien de sa demande de nullité du licenciement, il invoque son caractère discriminatoire en ce que celui-ci porte notamment sur sa prétendue inaptitude physique à conduire un véhicule, sans que pour autant l'employeur justifie de son inaptitude médicale. Il objecte que s'il a pu faire valoir auprès de l'employeur qu'à la suite d'un grave accident de la circulation, il conduisait plus prudemment sur autoroute, il affirme que cela n'a pour auatnt jamais été un obstacle ni à la conduite ni à ses déplacements.

L'employeur réplique que nonobstant l'avertissement dont il avait fait l'objet, le salarié n'a pas amélioré sa prestation de travail. Il indique établir le manque de rigueur dont l'intéressé faisait preuve dans son activité professionnelle. Par ailleurs, il conteste avoir fondé le licenciement sur une inaptitude physique à la conduite, mais seulement sur le fait que M. [K] manifestait des réticences à la conduite de véhicule, contrairement à ce qu'il avait indiqué lors de son embauche, alors même qu'il s'agissait d'une condition indispensable pour se rendre sur les chantiers. Elle réfute en conséquence le caractère prétendument discriminatoire du licenciement soulevé pour la première fois par le salarié en cause d'appel.

Par lettre en date du 1er février 2019, qui fixe les termes du litige, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour les motifs suivants :

« A la suite de notre entretien du 29 janvier 2019 au cours duquel nous avons été amenés à évoquer votre manque de compétence dans vos fonctions au sein de notre entreprise, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant :

Vous avez été embauché le 21 mai 2018 en qualité de peintre agenceur, ouvrier professionnel Niveau N3, Coefficient 210 de la Convention collective applicable dans l'entreprise.

Vos missions ont été scrupuleusement détaillées contractuellement.

Or, nous avons été contraints de constater votre insuffisance à remplir vos fonctions.

Nous avons tout d'abord été amenés à regretter votre manque de rigueur, ce qui est pourtant impératif dans notre domaine d'activité.

Malgré un avertissement disciplinaire qui vous a été adressé en ce sens le 13 novembre 2018, nous n'avons jamais constaté le moindre effort de votre part pour remédier à ces problèmes.

Sur le chantier CEDEO, situé [Localité 13], sur lequel vous avez travaillé du 7 au 11 janvier 2019, nous avons pu personnellement constater que :

- Vous ne savez pas quelle peinture appliquer sur des cloisons déjà peintes : vous souhaitiez appliquer une peinture mate avec une peinture satinée.

- Vous n'écoutez pas les directives et vous n'observez pas les procédures : vous souhaitiez poser du papier peint sur des cloisons alors que tous ces revêtements sont posés sur des panneaux fabriqués à l'atelier.

- Vous n'avez pas nettoyé la peinture qui se déversait sur le parking de notre client.

- En outre, un pot de peinture a été renversé dans l'un de nos véhicules, or vous avez continué de travailler alors que nous vous avons expressément demandé de nettoyer.

Malgré les lacunes recensées, vous ne prenez aucune initiative pour pallier à ces difficultés.

Aucune initiative, ni prise de responsabilité n'ont été observées de votre part, alors pourtant qu'elles doivent s'inscrire dans les compétences d'un peintre agenceur catégorie ouvrier professionnel, Niveau 3.

Nous ne pouvons tolérer votre manque de rigueur sur les chantiers compte tenu de vos fonctions.

Des problèmes de finition sont également toujours persistants et nuisent à la bonne marche de l'entreprise.

D'autre part, et tel que prévu à votre contrat de travail, il était convenu que votre lieu de travail serait dans les locaux actuels de la Société MKSR à [Localité 12] ou tout lieu où la Société serait conduite à transférer son siège sociale.

Il était spécifiquement convenu que « compte tenu de vos fonctions et de la nature de l'activité de l'entreprise, vous seriez régulièrement amené à vous déplacer en clientèle et à travailler sur les chantiers tant en France qu'en Europe ».

Tenant la nature de notre activité, nous imposons à nos salariés d'avoir leur permis de conduire pour pouvoir utiliser, seul ou en équipe, les véhicules utilitaires de l'entreprise.

Il s'agit d'une condition indispensable pour se rendre sur nos chantiers dans toute la France.

Or, tel que mentionné sur votre curriculum vitae, vous êtes titulaire du permis de conduire.

Néanmoins, nous avons découvert que vous n'étiez pas apte à conduire.

Vous avez, selon vos dires, développé une phobie au volant consécutivement à un accident de la route dont vous avez été victime.

Nous déplorons que la conduite vous pose de réelles difficultés, ce d'autant que vous n'avez pas jugé utile de nous en avertir lors de votre embauche.

Vos collègues de travail se plaignent de ne pas pouvoir compter sur votre aide lors de vos déplacements.

Vous avez prétexté, au mois d'octobre 2018, un problème au niveau de vos lunettes de vue pour ne plus conduire, nous demandant d'attendre que votre nouvelle paire arrive.

Nous nous sommes néanmoins aperçus qu'il s'agissait en réalité d'un prétexte et que vous avez les plus grandes difficultés à conduire.

Devant ce constat, nous ne pouvons plus vous demander de partir sur nos chantiers, seul, car nous redoutons l'accident.

Ceci perturbe encore la bonne marche de l'entreprise.

La détention du permis de conduire mais également l'aptitude à conduire sont des conditions obligatoires pour pouvoir mener à bien vos missions telles que détaillées dans votre contrat de travail et pouvoir travailler sur les différents sites.

Toutes ces erreurs ou insuffisances ont nécessité une intervention beaucoup plus soutenue de vos collègues de travail, ce qui n'est pas admissible.

Ces faits mettent en cause la bonne marche de la société et lors de notre entretien du 29 janvier dernier, vous n'avez pas fourni d'explication nous amenant à reconsidérer la décision que nous projetions de prendre.

Aussi, nous sommes aujourd'hui contraints de procéder à votre licenciement.

Votre préavis d'une durée d'un mois débutera à la date de présentation de cette lettre ».

Sur la nullité du licenciement :

Selon les dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison notamment de son état de santé, l'article L. 1132-4 du même code précisant que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

Il ressort de la lettre de licenciement que nonobstant ses dénégations, l'employeur vise bien l'inaptitude du salarié à la conduite d'un véhicule, laquelle est présentée comme indispensable à l'exécution de la prestation de travail : 'Néanmoins, nous avons découvert que vous n'étiez pas apte à conduire. [...].Nous déplorons que la conduite vous pose de réelles difficultés, ce d'autant que vous n'avez pas jugé utile de nous en avertir lors de votre embauche. [...] Vous avez prétexté, au mois d'octobre 2018, un problème au niveau de vos lunettes de vue pour ne plus conduire, nous demandant d'attendre que votre nouvelle paire arrive. Nous nous sommes néanmoins aperçus qu'il s'agissait en réalité d'un prétexte et que vous avez les plus grandes difficultés à conduire. Devant ce constat, nous ne pouvons plus vous demander de partir sur nos chantiers, seul, car nous redoutons l'accident. [...] La détention du permis de conduire mais également l'aptitude à conduire sont des conditions obligatoires pour pouvoir mener à bien vos missions telles que détaillées dans votre contrat de travail et pouvoir travailler sur les différents sites [...]'.

Faute pour l'employeur de justifier sur ce point un avis du médecin du travail se prononçant sur l'aptitude ou non du salarié à la conduite d'un véhicule et à son poste de travail, ce chef de licenciement présente effectivement un caractère discriminatoire en raison de l'état de santé du salarié qui emporte à lui seul et par application des dispositions de l'article 1132-4 du code du travail la nullité du licenciement.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a validé le licenciement pour cause réelle et sérieuse prononcé.

Sur l'indemnisation du licenciement nul :

Au jour de la rupture, M. [K] âgé de 55 ans bénéficiait d'une ancienneté de 9 mois au sein de la société MKSR qui employait plus de dix salariés. Il avait perçu au cours des six derniers mois précédant la rupture une rémunération brute globale de 11 274,71 euros bruts.

Lorsque le salarié dont le licenciement est nul ne demande pas sa réintégration dans son poste, il a droit d'une part aux indemnités de rupture et d'autre part à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, quelles que soient son ancienneté et la taille de l'entreprise.

Dans la limite de sa réclamation, il lui sera allouée la somme de 11 152 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement nul.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, en ce qu'il a, d'une part, débouté M. [K] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, de sa demande en paiement d'un rappel d'indemnité de grands déplacements et de celle tendant à voir prononcer la nullité du licenciement et, d'autre part, condamné M. [K] au paiement à la société MKSR de la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance.

Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,

Requalifie le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,

Prononce la nullité du licenciement,

Fixe ainsi que suit la créance de M. [K] au passif de la société MKSR :

- 985,55 euros d'indemnités de grands déplacements,

- 11 152 euros bruts d'indemnité pour licenciement nul,

Déboute la société MKSR de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme le jugement pour le surplus,

y ajoutant,

Ordonne à la SELARL MJSA, ès qualités, de délivrer à M. [K] une attestation pôle emploi conforme,

Déclare la présente décision opposable à l'AGS,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Dit que les entiers dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Marie-Lydia Viginier, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/05201
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;20.05201 ?
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