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02/05/2024 | FRANCE | N°21/01600

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 02 mai 2024, 21/01600


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01600 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5B7





Décision déférée à la Cour : Jugement du 05

FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE RODEZ - N° RG F 19/00036









APPELANTE :



Madame [O] [E] épouse [Y]

née le 08 Mai 1973 à [Localité 4] (30)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Emmanuelle MASSOL de la SELARL AMMA AVOCATS, substituée par Me Kim VIGOUR...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01600 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5B7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE RODEZ - N° RG F 19/00036

APPELANTE :

Madame [O] [E] épouse [Y]

née le 08 Mai 1973 à [Localité 4] (30)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle MASSOL de la SELARL AMMA AVOCATS, substituée par Me Kim VIGOUROUX, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Association EOP LA (anciennement UDSMA Services à Domicile)

Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Yann GARRIGUE substitué par Me Fanny LAPORTE, de la SELARL LX MONTPELLIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Assistée par Me Stéphanie OGEZ de la SELARL SO AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 29 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [O] [E] épouse [Y] a été initialement engagée par l'USDMA de l'Aveyron devenue l'association EOP LA, le 13 août 1999 avec reprise d'ancienneté au 1er juin 1999 en qualité d'aide à domicile.

Selon avenant à effet du 1er octobre 2007, elle était nommée au poste d'assistante technique, catégorie D, coefficient 321 selon les dispositions du titre VIII de la convention collective des organismes d'aide ou de maintien à domicile du 11 mai 1983 tel que modifié par l'accord de branche du 29 mars 2002 relatif aux emplois et aux rémunérations.

À compter du 1er septembre 2011, elle exerçait les fonctions de conseillère technique, statut agent de maîtrise, catégorie E, coefficient 387 de la convention collective des organismes d'aide ou de maintien à domicile.

A compter du 10 juin 2013, Madame [Y] a été promue au poste de Responsable de Services à Domicile, catégorie F, coefficient 581 avec convention de forfait en jours sur une base annuelle de 217 jours en contrepartie d'une rémunération annuelle brute de 37.205,54 €, soit 3100,46 euros par mois.

Madame [Y] a bénéficié d'un congé maternité du 20 octobre 2014 au 8 février 2015.

Elle sollicitait par la suite un congé parental d'éducation à temps complet d'une année, du 31 mars 2015 au 31 mars 2016, lequel était par la suite prolongée jusqu'au 30 septembre 2016.

Par avenant au contrat de travail à effet du 1er octobre 2016, et ce jusqu'au 28 novembre 2017, la salariée bénéficiait d'un forfait annuel en jours de 173,5 jours sur une année de référence du 1er janvier au 31 décembre moyennant un salaire mensuel brut de 2488,89 euros.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 janvier 2018, la salariée était convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique prévu le 5 février 2018.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 mars 2018, l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour motif économique.

Par requête du 7 mars 2019, la salariée, invoquant à titre principal un harcèlement moral, et subsidiairement une absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique, a saisi le conseil de prud'hommes de Rodez aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'75 786 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

À défaut, 63 155 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en écartant le plafond instauré par l'article L 1235-3 du code du travail, et à titre infiniment subsidiaire une somme de 45 787,37 euros pour le même motif dans les limites de l'article L 1235-3 du code du travail. En tout état de cause elle revendiquait la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 5 février 2021 le conseil de prud'hommes de Rodez a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes.

Madame [Y] a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 11 mars 2021.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 24 janvier 2024, Madame [Y] conclut à l'infirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'association EOP LA à lui payer les sommes suivantes :

'75 786 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

À défaut, une somme de 45 787,37 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 15 000 euros à titre de dommages-intérêts raison d'un harcèlement moral dont elle avait été victime de la part de son employeur et de Madame [M]. En tout état de cause elle revendique la condamnation de l'employeur à lui payer une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 26 janvier 2024, l'association EOP LA conclut à titre principal à la confirmation du jugement entrepris, au débouté de la salariée de l'ensemble de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour ferait droit aux demandes de l'appelante, elle sollicite que le montant des dommages-intérêts éventuellement alloués à la salariée soit limité à de plus justes proportions.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2024.

SUR QUOI :

$gt;Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, madame [Y] expose qu'à son retour de congé parental son poste avait été vidé de sa substance au profit de Madame [M], laquelle avait été recrutée pendant son absence et avait repris ses attributions essentielles, ce qui se manifestait également par l'occupation de son ancien bureau par cette dernière, alors qu'elle était elle-même affectée à un poste hiérarchique de niveau inférieur puisqu'il lui était demandé d'accomplir des tâches de responsable de secteur, qu'elle n'était plus convoquée aux réunions d'orientation et de développement du service et qu'elle travaillait désormais au sein de l'open-space dédié à l'équipe administrative. Elle ajoute que dans ce contexte elle devait subir les humiliations et brimades de Madame [M], ce qui l'avait amenée à être placée sous traitement d'antidépresseurs et d'anxiolytiques et à consulter le médecin du travail à trois reprises en 2017 en raison de cette situation.

Pour étayer ses affirmations, madame [Y] produit notamment :

-l'organigramme 2014 de l'association duquel il ressort qu'elle était placée au même niveau hiérarchique que l'ensemble des responsables de filières et qu'elle avait autorité sur les services administratifs, les services d'aide à domicile, garde d'enfants,TISF, le service de livraison de repas-diététique.

-L'organigramme du 31 mars 2016 sur lequel la salariée figure désormais sous l'autorité de Madame [K] [M].

-l'organigramme du 19 septembre 2017 sur lequel Madame [W] assure l'autorité sur les services d'aide à domicile, garde d'enfants,TISF, livraison de repas-diététique et sur lequel Madame [Y] n'a plus autorité sur aucun service.

-Une attestation de Madame [U] [Z], élue au comité d'entreprise, confirmant les dires de la salariée notamment sur le fait qu'elle assurait le remplacement d'une responsable de secteur en octobre 2017, ce qui correspondait à un niveau hiérarchique inférieur au sien.

-Des échanges de courriels professionnels de 2017 et 2018 desquels il ressort que la salariée ne participait pas aux réunions d'orientation et de développement du service.

-Un courrier du 11 mai 2017 qu'elle adressait à l'employeur pour se plaindre de ne pas avoir retrouvé son précédent emploi, du fait que son bureau était occupé par Madame [W] et qu'elle n'était plus associée aux réunions d'orientation et de projets de développement du service.

-Un courriel par lequel Madame [Y] signalait à l'employeur un geste irrespectueux à son égard de la part de Madame [W] afin de l'éloigner d'une réunion d'audit le 17 octobre 2017.

-Un courriel qu'elle adressait au comité d'entreprise afin d'alerter cet organisme sur le fait que dans le cadre d'un entretien professionnel, la directrice des ressources humaines lui avait laissé entendre que dans la mesure où il y avait un doublon sur son poste, trois solutions s'offraient à elle d'ici fin 2018: la démission, une rupture conventionnelle, une saisine du conseil de prud'hommes. Elle terminait en faisant part de son sentiment d'effondrement, ajoutant que la directrice des ressources humaines l'avait invitée à envisager une rupture conventionnelle afin de permettre une sortie par le haut.

-Le dossier médical de la salariée devant la médecine du travail faisant état le 21 juin 2017 de ses traitements antidépresseurs et anxiolytiques liés à la situation au travail qu'elle décrivait.

La salariée dont la dégradation de l'état de santé intervenait dès le mois de juin 2017, qui justifie par des éléments objectifs que tandis qu'elle avait autorité sur plusieurs services avant son congé de maternité et voyait à son retour son poste vidé de ses attributions essentielles alors même qu'elle était écartée de plusieurs réunions auxquelles étaient conviés les autres responsables de service, établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

En défense, l'association EOP LA fait valoir qu'une réorganisation des services a dû être mise en place pendant l'absence de la salariée et que le fait qu'ait été ajouté un échelon hiérarchique au-dessus de madame [Y] ne saurait être considéré comme un agissements de harcèlement moral, que les fonctions support de services à domicile ont été réaménagées dans un espace commun au sein duquel a été placé le bureau de Madame [Y] mais qu'elle était toujours convoquée aux réunions et que la dégradation de l'état de santé alléguée ne permet pas de démontrer l'existence d'un lien avec une faute de l'employeur. Elle fait valoir par ailleurs que contrairement à ce que soutient la salariée, Madame [M] a été engagée en qualité de directrice de filière, catégorie cadre et membre du comité de direction, par contrat à durée indéterminée du 2 mars 2015, cette embauche étant rendue nécessaire par les dispositions du décret n°2007-221 du 19 février 2007, le poste de Madame [M] et celui de madame [Y] ayant vocation à coexister.

A l'appui de ses moyens, l'association EOP LA produit :

-le contrat de travail à durée indéterminée du 2 mars 2015 aux termes duquel Madame [M] était engagée en qualité de responsable de filière services à domicile, catégorie F, coefficient 560 dans le cadre d'un forfait annuel de 108,50 jours de travail moyennant une rémunération mensuelle brute de 1499,40 euros.

-le texte du décret n°2007-221 du 19 février 2007.

-le document unique de délégation de mission accordée à Madame [M] le 20 août 2018.

-le diplôme de maîtrise en droit public de Madame [M].

Alors que le contrat de travail de Madame [M] ne contient aucune définition précise de ses fonctions, qu'il n'est accompagné d'aucune fiche de poste susceptible d'éclairer la cour sur les fonctions qu'elle aurait pu exercer effectivement, et distinctes de celles précédemment exercées par Madame [Y], les documents ainsi produits par l'employeur ne sont pas de nature à remettre en cause l'organigramme versé aux débats par la salariée mettant en évidence la perte de ses attributions essentielles au profit de madame [M] à son retour de congé de maternité. Ensuite, il n'est justifié d'aucun élément relatif à une réorganisation des locaux susceptible de remettre en cause avant 2018 l'affirmation de la salariée selon laquelle son bureau avait été repris en 2017 par madame [M], si bien qu'aucun élément objectif ne vient justifier qu'elle ait dû travailler en open-space à son retour de congé de maternité. Enfin, si l'employeur se prévaut des dispositions du décret n°2007-221 du 19 février 2007 pour justifier l'embauche de Madame [M], et produit au soutien de cette affirmation un document de délégation du 20 août 2018, le texte du décret prévoit que le délégataire chargé de la direction d'un ou plusieurs établissements ou services sociaux ou médico-sociaux doit être titulaire d'une certification de niveau II enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles prévues à l'article L335-6 du code de l'éducation, mais il prévoit également que les salariés exerçant ces fonctions pouvaient valider les acquis de l'expérience et disposaient d'un délai de plusieurs années à cet effet. Or, tandis que madame [Y] était déjà salariée de l'association en 1999, qu'elle a accédé à son poste de responsable de services en 2013, l'employeur ne peut se prévaloir d'une circonstance imprévisible susceptible de justifier la perte de ses attributions essentielles par la salariée au retour de son congé de maternité, et ce d'autant plus que celle-ci justifie, postérieurement à la rupture du contrat de travail de l'obtention d'une qualification d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale. A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que les modalités de gestion de son personnel par l'association EOP LA s'accompagnant d'une perte des attributions de la salariée, d'une rétrogradation fonctionnelle de fait, doublée de la perte de son bureau à son retour de congé maternité constituaient autant d'éléments à l'origine de la dégradation de son état de santé sans que l'association ne justifie dans ce contexte que les faits matériellement établis par madame [Y] étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est en conséquence établi.

Compte tenu des circonstances telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, et notamment des prescriptions d'antidépresseurs et d'anxiolytiques jusqu'à janvier 2024, le montant des dommages-intérêts réparant le préjudice subi du fait d'un harcèlement moral sera fixé à 10 000 euros.

Pour autant, le harcèlement moral ainsi subi n'est pas à l'origine de la rupture du contrat de travail initiée par l'employeur pour motif économique.

Aussi, le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande aux fins de nullité du licenciement formée par la salariée.

$gt;Sur le licenciement pour motif économique

 

En application de l'article L1233-3 du code du travail, dans sa version issue de la Loi nº2016-1088 du 8 août 2016, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1º A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée

de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2º A des mutations technologiques ;

3º A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4º A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Selon l'article L1233-4 du code du travail, dans sa version applicable en l'espèce, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

                    $gt;

 

En l'espèce la lettre de licenciement à laquelle il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs expose que la rupture du contrat de travail de la salariée procède de la décision de supprimer définitivement le poste de travail de Madame [Y] afin de sauvegarder la compétitivité de l'association.

Au soutien de sa prétention, l'association fait valoir que le résultat d'exploitation était négatif sur trois exercices consécutifs en 2015, 2016 et 2017, que le résultat comptable était également négatif en 2016 et 2017 et que ces éléments étaient significatifs d'une perte de rentabilité, d'une situation concurrentielle détériorée et de la menace de difficultés économiques sérieuses en l'absence de mesures d'économie, que le rapport d'audit organisationnel et financier qu'elle avait fait réaliser en septembre 2017 soulignait encore une baisse constante d'activité depuis deux ans mais que pour autant la masse salariale avait été maintenue alors que le rapport établi par le département de l'Aveyron relevait une pression sur le coût de la structure, si bien qu'elle devait réduire la masse salariale, et qu'au-delà de la suppression du poste de Madame [Y] elle avait été amenée à fusionner des postes administratifs mais qu'en dépit d'une économie de charges de personnel de 152 000 euros au cours de l'exercice 2018, cet exercice se terminait avec des pertes de -75 783 euros.

Il ressort toutefois des pièces produites que si le résultat d'exploitation était négatif au cours de trois exercices consécutifs en 2015, 2016 et 2017, cet élément doit être relativisé puisque si le résultat des exercices 2015 et 2016 était respectivement de -38 868 euros et de -25 082 euros, le résultat de l'exercice 2017 n'était plus que de -20 497 euros, et que si l'employeur établit au moyen des documents comptables qu'il verse aux débats une persistance de résultats négatifs au 31 décembre 2018 en dépit d'une réduction de la masse salariale de -152 000 euros au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2018, les documents qu'il verse aux débats ne permettent pas de justifier l'ambiguïté dans la gouvernance pointée par le rapport d'audit, liée à l'embauche en 2015 d'une salariée supplémentaire dont le rôle se confond avec celui qui était dévolu à Madame [Y]. Or, si l'employeur invoque au soutien de sa prétention la mise en conformité de l'association avec le décret n°2007-221 du 19 février 2007, il ne justifie pas pour autant d'une impossibilité de la validation des acquis de l'expérience par Madame [Y] qu'il avait nommée six années après la publication de ce décret à un poste de responsable de services à domicile couvrant un périmètre équivalent à celui ultérieurement occupé par la responsable de la filière services à domicile. C'est pourquoi, la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver de cause réelle et sérieuse le licenciement consécutif à cette réorganisation.

À la date de la rupture du contrat de travail, la salariée était âgée de quarante-quatre ans et elle avait une ancienneté de dix-huit ans huit mois révolus dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés. Elle bénéficiait d'un salaire mensuel brut moyen de 3125,78 euros. Elle justifie d'une embauche en qualité de cadre administratif, membre du comité de direction de l'association Émile de Rodat, maison d'enfants à caractère social, à compter du 3 février 2020. Elle a été admise au certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité d'intervention sociale le 6 décembre 2022. Au vu des éléments ainsi produits aux débats, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 37 509,36 euros bruts le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

$gt; Sur les demandes accessoires

Compte tenu la solution apportée au litige, l'association EOP LA supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles, et elle sera également condamnée à payer à la salariée qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 5 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Rodez ;

Et statuant à nouveau,

Condamne l'association EOP LA à payer à Madame [O] [E] épouse [Y] les sommes suivantes :

'10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

'37 509,36 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l'association EOP LA à payer à Madame [O] [E] épouse [Y] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'association EOP LA aux dépens ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01600
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.01600 ?
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