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02/05/2024 | FRANCE | N°21/01676

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 02 mai 2024, 21/01676


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01676 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5GL





Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 FEVRIER

2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/01366







APPELANTE :



S.A.E.M TAM (TRANSPORTS DE L'AGGLOMERATION DE [Localité 5]

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01676 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5GL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/01366

APPELANTE :

S.A.E.M TAM (TRANSPORTS DE L'AGGLOMERATION DE [Localité 5]

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe GARCIA, substitué par Me Marion CHEVALIER, de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocats au barreau de MONTPELLIER,

INTIME :

Monsieur [G] [V]

né le 08 Septembre 1970 à [Localité 5] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Julie DE RUDNICKI de la SELARL R & C AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 29 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Engagé à compter du 12 août 2007 en qualité de conducteur-receveur par la société Transports Agglomération de [Localité 5] (ci-après TAM), qui exerce une activité de transport urbain et suburbain de voyageurs sur l'agglomération montpelliéraine, M. [V] a été déclaré à plusieurs reprises inapte temporaire à son poste à compter de septembre 2008.

D'octobre 2010 à juin 2011, le salarié bénéficiait d'un congé individuel formation. Placé en arrêt maladie de la fin de l'année 2011 à février 2013, il a été affecté temporairement à raison de son état de santé en mars 2013 au sein de l'équipe 'Velomagg", du 13 mai 2013 au 25 juillet 2014 au poste de 'Jockey', puis à partir du 28 juillet 2014 au poste d'agent de mobilité.

Dans l'intervalle et suivant avis en date des 15 octobre et 4 novembre 2013, le médecin du travail l'a déclaré définitivement inapte à son poste de conducteur-receveur.

Dans la mesure où le salarié était titulaire depuis juillet 2014 d'un mandat de représentant syndical au comité d'entreprise, l'employeur a sollicité en mars 2015 de l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Suivant décision en date du 27 mai 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser ce licenciement. L'employeur a contesté cette décision devant les juridictions administratives. L'arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille du 12 octobre 2018 qui avait annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier et la décision de l'inspecteur du travail, ayant été annulé par décision du Conseil d' Etat, en date du 30 décembre 2020, la Cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur renvoi, a par arrêt du 21 juin 2021 rejeté la requête en annulation de la société TAM visant la décision de l'inspecteur du travail.

Dans l'intervalle, le médecin du travail ayant réitéré le 24 octobre 2017 son avis d'inaptitude du salarié a occupé son poste, tout en précisant que son 'état de santé permettait cependant un reclassement sur un autre emploi dans l'entreprise, en particulier sur un poste d'assistant mouvement tramway, ou d'agent d'atelier, ou de coursier, ou de magasinier, et sur toutes les fonctions - autres que la conduite - exercées dans les périodes précédant l'interruption d'activité, les cinq dernières années', la société TAM a convoqué le 27 novembre 2017 M. [V] à un entretien préalable à un éventuel licenciement et l'a licencié par lettre du 11 décembre 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier le 10 décembre 2018, afin de voir condamner l'employeur à lui payer plusieurs sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité pour ne pas l'avoir informé des motifs s'opposant à son reclassement.

Par jugement du 17 février 2021, le conseil de prud'hommes a statué comme suit :

Dit que le licenciement de M. [V] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société TAM au paiement des somme suivantes :

- 23 264,35 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 431,30 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis ;

- 443,13 euros bruts au titre des congés payés sur préavis.

Rappelle l'exécution provisoire de droit sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 2 215,65 euros

Condamne la société TAM à verser à M. [V] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Ordonne le remboursement par la société TAM aux organismes concernés, les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [V] [G] à compter du jour de son licenciement, et ce dans la limite de deux mois d'indemnités.

Déboute les parties des demandes plus amples ou contraires.

Met les entiers dépens à la charge de la société TAM.

Suivant déclaration d'appel en date du 15 mars 2021 la société TAM a interjeté appel de ce jugement.

' selon ses dernières conclusions n° 3, en date du 20 mai 2022, la société demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de sa demande en paiement de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et de l'absence de notification des motifs s'opposant à son reclassement, de le réformer pour le surplus en ce qu'il a jugé que le licenciement s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée au paiement de diverses sommes au titre de la rupture, et, en conséquence, de dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, dire les demandes de M. [V] injustifiées et dénuées de fondement et débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, subsidiairement réduire le quantum de l'indemnisation à juste proportion au regard de l'absence de tout élément relatif à l'appréciation du préjudice allégué, et condamner à titre reconventionnel M. [V] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

' Aux termes de ses dernières conclusions en date du 9 septembre 2021, M. [V] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et du manquement à l'obligation d'exposer les motifs qui s'opposaient au reclassement du salarié, et statuant à nouveau de condamner la société TAM à lui verser les sommes de 15 000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exposer les motifs qui s'opposent au reclassement et de le confirmer en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

- 23 264,35 euros nets de tous prélèvements sociaux à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 4 431,30 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 443,13 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

- 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage à lui versées dans la limite de deux mois d'indemnité et à supporter les dépens.

L'intimé demande également à la cour d'ordonner la remise de documents de fin de contrat et des bulletins de paie rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, et de condamner la société aux entiers dépens, outre la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et des moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

M. [V] reproche à l'employeur de n'avoir eu de cesse de le muter sur divers postes disponibles à compter du premier avis d'inaptitude et plus spécifiquement de l'avoir 'destitué', en juillet 2014, du poste de 'Jockey' qu'il occupait sans difficulté depuis mai 2013, emploi qui était compatible avec son état de santé, et ce pour l'affecter de nouveau à titre temporaire sur un poste d'agent de parc mobilité situé dans un parking souterrain. Il s'interroge sur l'authenticité de la fiche d'évaluation que lui oppose l'employeur, distincte de celle établie pour ses collègues, dont l'employeur ne faisait même pas état dans la correspondance qu'il lui a adressée en juillet 2014 pour l'informer de son changement d'affectation. Il soutient que l'employeur ne justifie pas des motifs pour lesquels il l'a évincé de ce poste et souligne qu'il sera de nouveau positionné sur un tel poste en fin d'année 2014 pendant 2 mois.

La société réfute toute mauvaise foi de sa part dans la recherche de reclassement qu'elle a diligentée et objecte avoir été confrontée à un nombre important de salariés conducteur-receveur déclarés inaptes pour lesquels elle devait rechercher une solution de reclassement. Elle réplique que l'évaluation de M. [V] à ce poste, en date du 27 juin 2014, s'étant révélée insatisfaisante et négative, contrairement à celles d'autres salariés détachés à ce même poste, son reclassement définitif sur cet emploi ne pouvait être envisagé, en sorte qu'elle a dû l'affecter sur un nouvel emploi avec l'aval du médecin du travail, à savoir celui d'agent de parc mobilité, affectation qui s'est avérée là aussi négative.

Il résulte de l'article L. 1222-1 du code du travail que le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Il incombe à celui qui se prévaut d'un tel manquement d'en rapporter la preuve.

Du 1er septembre 2008, date du premier avis d'inaptitude temporaire à mai 2013, M. [V] a fait l'objet d'arrêts de travail et a bénéficié d'un congé individuel de formation de plusieurs mois, ces suspensions du contrat de travail ayant été précédés ou suivis d'affectations temporaires à 'l'atelier bus', puis au sein de 'l'équipe Velomagg'. Compte tenu du caractère temporaire des avis d'inaptitude rendus ces affectations temporaires advenues avec l'aval du médecin du travail ne sont pas sérieusement critiquables. À défaut de caractériser une quelconque mauvaise foi de l'employeur à ce titre, l'action du salarié n'est pas fondée sur ce point.

En revanche, il en va différemment de la gestion de l'inaptitude définitive du salarié à son poste contractuel advenue au cours de son affectation du 13 mai 2013 au 25 juillet 2014 sur le poste d' 'assistant mouvement tramway', dont l'employeur ne conteste pas sérieusement qu'il correspond à celui de 'Jockey' - ainsi que les pièces n°3 et 7 de la société (historique des affectations du salarié) le confirment - qui consiste notamment à assister/faciliter le travail des conducteurs de tramway (pré préparation des rames et remisage, passage des rames en station service et au lavage [...]) et de la régulation (intervention en ligne, aide au dépannage).

En effet, il résulte des pièces communiquées que :

- par lettre du 6 mai 2013, M. [V] est informé de son rattachement auprès de l'équipe Jockey du CEMH à compter du 13 mai, qu'il travaillera 'en doublage le temps de sa formation (5j)', puis qu' 'après évaluation, il pourra être prolongé sur ces missions sur la période estivale dans un second temps' ;

- le 21 mai 2013, le médecin du travail le déclare inapte temporaire à la conduite en exploitation commerciale, mais apte au poste occupé actuellement d' assistant mouvement tramway ;

- les 15 octobre et 4 novembre 2013, le salarié est déclaré « définitivement inapte à son poste de conducteur-receveur et à tout poste de conduite d'autobus en exploitation commerciale, mais apte sur un poste hors conduite tel que le poste occupé depuis mai 2013 : assistant mouvement tramway (D° production CEMH), et apte sur un poste administratif ou technique sous réserve des compétences professionnelles. À revoir après proposition de reclassement » ;

- si l'employeur a conclu le 1er juillet 2014 avec 5 collègues du salarié des avenants à leur contrat de travail, aux termes desquels MM. [N], [E], [S], [I] et [O] ont été reclassés définitivement au poste de 'jockey', le salarié se verra affecter temporairement au PC Europa pour une formation sur le poste d'agent de parc mobilité à compter du 28 juillet 2024.

- la lettre de l'employeur du 9 juillet 2014 l'informant de cette nouvelle affectation ne comportait aucune explication sur son retrait de l'emploi de jockey occupé depuis mai 2013.

- le 10 décembre 2014, l'employeur proposait à M. [V] un reclassement au poste de jockey pour lequel il lui était remis un avenant à son contrat de travail 'pour une durée de 2 mois dans un premier temps, avenant qui sera transformé à durée indéterminée si l'évaluation réalisée par la hiérarchie est positive', l'avenant précisant bien que ce reclassement [...] pour une durée de deux mois se fait sur un 'poste sur lequel (il a ) été déjà affecté de manière temporaire'.

La société TAM qui conteste tout manquement à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail, expose avoir évalué à la fin du mois de juin 2014, les 'agents intéressés par une affectation définitive sur un poste d'assistant mouvement tramway, évaluation à l'issue de laquelle 5 salariés ont été affectés à un tel poste'.

Toutefois, il ressort du tableau de situation des salariés visés par une inaptitude temporaire ou définitive, arrêté au 1er juillet 2014 (pièce de l'employeur n°14), que parmi les 5 salariés reclassés sur le poste de jockey, 2 d'entre eux, MM. [S] et [E], ont été déclarés inapte définitif postérieurement à M. [V], à savoir respectivement les 19/11/2013 et 28/01/2014. S'agissant des 3 autres, la colonne du tableau précisant la date de leur inaptitude définitive n'est pas renseignée.

Il convient de relever qu'à la date à laquelle ces 5 salariés ont été reclassés à titre définitif sur ce poste, M. [V] y était temporairement affecté depuis plus de 13 mois et avait été déclaré inapte définitivement à son emploi 8 mois auparavant.

La référence faite par l'employeur dans ses conclusions à la 'candidature' de M. [V] sur cet emploi est dépourvue de portée. Alors que la société TAM devait rechercher une solution à son reclassement depuis le 4 novembre 2013, et qu'à cette dernière date le salarié exerçait les fonctions de jockey depuis plus de 5 mois, l'employeur ne justifie pas, par un motif pertinent lié à la capacité restante du salarié ou à ses compétences professionnelles, le fait de ne pas avoir envisagé son reclassement sur un tel poste.

En effet, alors que l'évaluation du 27/06/2014 qui lui est opposée par l'employeur pour justifier sa décision de ne pas l'avoir 'choisi' pour bénéficier d'un reclassement définitif sur cet emploi de 'jockey' n'a nullement été contradictoire et qu'elle n'est pas expressément évoquée dans la lettre que l'employeur a adressée à l'intéressé le 9 juillet 2014, force est de relever à son examen que cette évaluation (pièce employeur n°11), ne fait référence qu'à 'une attitude non constructive, comportement non adapté avec la hiérarchie, quelques retards' et sous la rubrique intitulée commentaires complémentaires : 'investissement et sérieux insuffisants pour intégrer cette nouvelle équipe en cours de construction', sans lien avec son aptitude physique et ses compétences professionnelles et/ou techniques, de telles appréciations ne pouvant justifier le fait que la proposition de reclassement ne lui a pas été faite, sauf faculté pour l'employeur, dans un second temps, de tirer, le cas échéant, les conséquences d'un manque de sérieux et/ou d'implication de l'intéressé à son nouvel emploi.

La société TAM est mal fondée à se prévaloir, par ailleurs de la décision rendue par la Cour administrative d'appel de Montpellier, alors même que cet arrêt a été annulée par arrêt du Conseil d' Etat et que la Cour administrative d'appel de Marseille a jugé définitivement que l'inspecteur du travail n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en estimant notamment que 'le caractère sérieux de la recherche de reclassement, au jour de la demande d'autorisation, formulée en mars 2015, n'était pas démontré'.

Il convient également de relever qu'en affectant temporairement M. [V] sur le poste de jockey, l'employeur précisait dans sa lettre du 6 mai 2013, qu'il pourrait être prolongé à cet emploi durant l'été 2013, sous réserve d'une évaluation laquelle n'est pas versée aux débats, de sorte que le fait qu'au jour de sa déclaration d'inaptitude à son emploi de conducteur-receveur, les 15 octobre et 4 novembre 2013, M. [V] était toujours affecté à un tel poste de jockey, milite en faveur de la thèse défendue par l'intimé selon laquelle son affectation sur cet emploi s'était faite 'sans difficulté' et qu'il disposait des compétences professionnelles attendues pour occuper un tel emploi, pour lequel le médecin du travail avait émis un avis d'aptitude de l'intéressé à l'occuper.

Enfin, l'employeur ne justifie pas, par la seule existence d'autres salariés déclarés inaptes, le maintien de M. [V] pendant de nombreux mois sur ce poste de jockey, manifestement disponible, sans le lui proposer à titre de reclassement.

Il en ressort que M. [V] rapporte la preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail dans la recherche d'une solution de reclassement suite à l'avis d'inaptitude des 15 octobre et 4 novembre 2013. Compte tenu du maintien du salarié dans une situation précaire au cours de laquelle il lui sera de nouveau proposé diverses affectations temporaires, jusqu'au second avis d'inaptitude d'octobre 2017 qui conduira au licenciement du salarié, M. [V] justifie d'un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la cause du licenciement :

Selon l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Il appartient à l'employeur de justifier de l'impossibilité de reclassement.

En l'espèce, à l'issue d'une nouvelle visite de reprise organisée le 27 octobre 2017, à l'issue d'un arrêt de travail qui s'est prolongé du 1er décembre 2016 au 30 septembre 2017, le médecin du travail a conclu que M. [V] était inapte à son poste de conducteur-receveur mais a occupé son poste, tout en précisant que son 'état de santé permettait cependant un reclassement sur un autre emploi dans l'entreprise, en particulier sur un poste d'assistant mouvement tramway, ou d'agent d'atelier, ou de coursier, ou de magasinier, et sur toutes les fonctions - autres que la conduite - exercées dans les périodes précédant l'interruption d'activité, les cinq dernières années.

Convoqué par lettre du 27 novembre 2017 à un entretien préalable, M. [V] a été licencié, par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 11 décembre 2017, pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Il est constant que l'employeur, qui emploie 1 100 salariés, n'a formulé aucune proposition de reclassement à M. [V].

L'employeur justifie par la production du registre du personnel qu'il n'a pas procédé, de la date de l'avis d'inaptitude à celle du licenciement, à l'embauche de salariés sur les postes d'agent ACS, d'assistant mouvement tramway ou jockey, de mécanicien bus, électricien bus, climaticien ou tourneur.

Il n'est pas sérieusement discutable que le salarié ne disposait pas des compétences ou d'une quelconque expérience professionnelle lui permettant d'occuper les postes de carrossier-peintre, électromécanicien ou agent de maintenance (tramway).

En revanche, alors même, d'une part, qu'il ressort du curriculum vitae du salarié qu'il avait exercé, au cours de son parcours professionnel, un emploi de magasinier-coursier auprès de deux employeurs distincts, à savoir le laboratoire pharmaceutique Phytodiff et le Centre hospitalier régional de [Localité 5] et, d'autre part, que les tâches confiées au salarié magasinier travaillant sous l' autorité du Responsable Matériel Roulant et du Chef d'Equipe Magasin, telles que décrites dans le document édité par l'employeur (pièce n°68 : 'le /la Magasinier participe assure la mise à disposition des produits du magasin (ensemble des organes du matériel roulant) et optimise la logistique de la structure. [...] il assure les missions suivantes : réalise le pré-inventaire, réceptionne les colis, réalise le service au comptoir et prépare également les expéditions, assure la mise à disposition des articles gérés en magasin et approvisionnés à la suite de demande d'achats [...]'), ne nécessitaient pas de compétence technique justifiant le suivi d'une formation initiale, la société TAM ne fournit aucune explication pertinente au fait qu'elle n'a pas envisagé de reclasser le salarié sur ce poste disponible, qu'elle a pourvu en contrat de travail à durée indéterminée en décembre 2017 et pour lequel le médecin du travail avait indiqué dans son avis du 2 octobre 2017 que le salarié était apte à l'occuper.

Faute ainsi pour la société de justifier avoir satisfait à son obligation de rechercher loyalement une solution de reclassement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement :

Au jour de la rupture, le salarié, âgé de 47 ans, totalisait 11 années et 5 mois d'ancienneté, et percevait un salaire mensuel brut de 2 215,65 euros.

Si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude.

L'intimé produit un avis de prise en charge au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 22 décembre 2017, qui s'est prolongé jusqu'en décembre 2019. Il indique avoir retrouvé un emploi en janvier 2020.

En vertu de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 10,5 mois de salaire brut.

En l'état de ces éléments, le jugement déféré sera confirmé tant sur l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés afférents que sur l'indemnité pour licenciement injustifié, dont le montant constitue une juste indemnisation de son préjudice, sauf à le réformer en ce que le conseil a dit que cette dernière indemnité était allouée en net, alors qu'elle doit l'être en brut.

Le licenciement ayant été prononcé au mépris des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage.

Sur le non respect des dispositions de l'article L. 1226-2-1 du code du travail :

En application de ce texte, lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

En l'espèce, l'employeur ne conteste pas utilement le grief qui lui est fait à ce titre, faute de justifier avoir informé le salarié, à l'issue de la période de recherche de reclassement des motifs rendant, selon lui, impossible son reclassement.

En l'absence toutefois de justification par le salarié d'un préjudice en lien avec ce manquement, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.

Il sera ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat régularisés, mais sans astreinte laquelle n'est pas nécessaire à assurer l'exécution de cette injonction.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a, d'une part, débouté M. [V] de sa demande indemnitaire au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et, d'autre part, dit que l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 23 264,35 euros était allouée en net.

Statuant des chefs ainsi infirmés,

Condamne la société TAM à verser à M. [V] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Dit que l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 23 264,35 euros allouée au salarié l'est en brut,

Y ajoutant,

Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt.

Rejette la demande d'astreinte.

Condamne la Société TAM à payer à M. [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01676
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.01676 ?
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