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02/05/2024 | FRANCE | N°21/01802

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 02 mai 2024, 21/01802


ARRÊT n°





























Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01802 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5NB





Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 FEVRIER

2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS - N° RG F 19/00429







APPELANTE :



S.C.A. SCAV LES VINS ROQUEBRUN

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/01802 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O5NB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 FEVRIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS - N° RG F 19/00429

APPELANTE :

S.C.A. SCAV LES VINS ROQUEBRUN

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS

substitué par Me Nadine PONTIER, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEE :

Madame [T] [H]

née le 18 Novembre 1964 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Charles SALIES substitué par Me Eve BEYNET, avocats au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 29 Janvier 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [T] [H] a été engagée à compter du 16 septembre 2010 par la société coopérative agricole Les Vins de Roquebrun selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directrice du personnel administratif et financier, groupe V, catégorie cadre de direction moyennant un salaire mensuel brut de 3000 euros pour un temps de travail effectif de 218 jours par an.

Selon avenant au contrat de travail du 13 octobre 2014, la rémunération mensuelle fixe de la salariée était portée à 3169,84 euros, outre une rémunération variable sur la base de l'excédent du compte de résultat vente directe au taux de 0,47 %, représentant pour l'exercice 2013-2014, une somme de 4000 euros semestriellement.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 septembre 2019 l'employeur convoquait la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 13 septembre 2019.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 septembre 2019, l'employeur notifiait à la salariée son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Béziers par requête du 14 novembre 2019 aux fins de condamnation de l'employeur à lui payer avec exécution provisoire et intérêts au taux légal les sommes suivantes :

'42 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

'10 323,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1032,34 euros au titre des congés payés afférents,

'10 323,47 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'4389,15 euros au titre du solde de tout compte,

'1500 euros au titre des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 15 février 2021, le conseil de prud'hommes de Béziers a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de la salariée et il a condamné la société coopérative agricole Les Vins de Roquebrun à payer à Madame [T] [H] les sommes suivantes :

'15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

'10 323,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1032,34 euros au titre des congés payés afférents,

'10 323,47 euros à titre d'indemnité de licenciement,

' 2675,37 euros au titre du solde de tout compte,

'500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 18 mars 2021, la société coopérative agricole Les Vins de Roquebrun a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 22 octobre 2021, la société coopérative agricole Les Vins de Roquebrun conclut à la réformation du jugement entrepris, au débouté de la salariée de l'intégralité de ses demandes et subsidiairement à la réduction à de plus justes proportions des indemnités éventuellement allouées dans les limites de l'ordonnance du 22 septembre 2017, en tout état de cause à la condamnation de la salariée à lui payer une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 22 juillet 2021, Madame [T] [H] conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf quant au montant des dommages intérêts alloués en raison du caractère abusif du licenciement et elle sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

'42 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

'10 323,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1032,34 euros au titre des congés payés afférents,

'10 323,47 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'4389,15 euros au titre du solde de tout compte,

' 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2024.

SUR QUOI :

$gt;Sur les demandes formées à titre de rappel de salaire et d'indemnités dans le cadre du solde de tout compte

-S'agissant de la demande de rappel de part variable de rémunération

Faisant valoir que dans son courrier du 3 octobre 2019 l'employeur lui indique qu'il régularisera la part variable de sa rémunération dès lors que le compte de résultat de ventes directes de l'exercice 2018/2019 sera connu par ses services, que cependant cette régularisation n'est pas intervenue, la salariée sollicite sur la base d'un chiffre d'affaires de vente directe de 2 693 567,55 euros validé par l'assemblée générale du 2 juillet 2019, non utilement discuté, la somme de 1872,95 euros bruts correspondant au prorata de la part variable de rémunération pour la période n'ayant pas donné lieu à paiement, soit du 1er août 2019 au 23 septembre 2019, date de la rupture du contrat de travail.

Selon avenant au contrat de travail du 13 octobre 2014, l'article 8 du contrat relatif à la rémunération prévoit une rémunération fixe composée d'un salaire brut mensuel de 3169,84 euros et une part variable de rémunération sur la base de l'excédent du compte de résultat de ventes directes au taux de 0,47 %. L'avenant stipule également que « compte tenu de la mise en place d'une rémunération variable en complément de la rémunération fixe, madame [H] accepte de plein droit par dérogation à l'article II du protocole pour prime de production salariés d'être exclue de manière contractuelle dans le contrat de travail de cette prime de production versée annuellement ».

L'article 8 bis de l'avenant au contrat de travail du 13 octobre 2014 précise la méthode de calcul de cette rémunération variable déterminée selon les modalités suivantes : « chaque année au mois de juin, lors de l'assemblée générale le chiffre de l'excédent du compte de résultat ventes directes est communiqué par le commissaire aux comptes de ce fait sur le bulletin de salaire du mois de juillet, il est procédé à la régularisation de la rémunération variable. Celle-ci fait partie intégrante du salaire et ne peut de ce fait être modifiée ou supprimée sans l'accord des deux parties. »

S'agissant d'une prime qui constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice, sans qu'il soit nécessaire que le contrat de travail en fasse mention.

Partant, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande formée par la salariée à ce titre pour le montant de de 1872,95 euros bruts réclamé.

-S'agissant de la demande de rappel de prime de 13e mois

L'article 25 de la convention collective des caves coopératives vinicoles et de leurs unions prévoit que le « treizième mois, versé avec la paye de décembre est égal au douzième des rémunérations brutes perçues par le salarié au cours de l'année civile, à l'exclusion des heures supplémentaires et de toutes autres primes, sauf accord d'entreprise. Les rémunérations supplémentaires versées à l'occasion de la période des vendanges pourront être incluses dans l'assiette du treizième mois après accord au sein de l'entreprise.

Pour prétendre à la prime, le salarié doit justifier au 31 décembre de l'année civile de douze mois de présence effective et être présent pendant les douze mois de l'année civile. En cas de départ en cours d'année le salarié a droit à un prorata égal au douzième des rémunérations versées correspondant au temps passé depuis le début de l'année ».

La rémunération brute figurant sur le bulletin de paie correspond au total du salaire de base et des différentes primes et majorations qui s'y ajoutent en ce compris la part variable de la rémunération prévue aux articles 8 et 8 bis de l'avenant au contrat de travail du 13 octobre 2014.

Aucune stipulation du contrat ne se réfère à la prime de 13e mois et il n'est justifié d'aucun accord d'entreprise à cet égard, si bien que son mode d'attribution est intégralement régi par les dispositions conventionnelles.

La partie variable de la rémunération versée à la salariée en contrepartie de son activité, a, comme il a été vu précédemment la nature d'une prime.

C'est pourquoi alors que les dispositions conventionnelles excluent du montant de la prime de treizième mois les heures supplémentaires aussi bien que toute les primes, la clause selon laquelle le treizième mois est égal au douzième des rémunérations brutes perçues par le salarié au cours de l'année civile, à l'exclusion des heures supplémentaires et de toutes autres primes, sauf accord d'entreprise, ne peut être interprétée comme incluant la part variable de la rémunération telle que définie par les stipulations contractuelles.

Il en résulte, que tandis que l'employeur a versé à la salariée à la date de la rupture de son contrat de travail une prime de treizième mois de 2539,13 euros au prorata de son temps de présence dans l'entreprise, le montant de la demande de rappel de prime formée par la salariée, qui repose sur l'inclusion de la part variable de rémunération dans le mode de détermination de la prime de treizième mois, ne peut être accueilli.

Aussi le jugement du conseil de prud'hommes sera-t-il infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de prime de treizième mois pour un montant de 802,42 euros et la salariée sera déboutée de sa demande à ce titre.

-S'agissant des demandes de rappel de RTT et de rappel de congés payés

La salariée prétend que l'employeur reste lui devoir un reliquat de quatre jours de congés payés et une journée de RTT. Or, il ressort du bulletin de paie du mois de septembre 2019 que les dix jours de RTT acquis et non pris lui ont été payés pour un montant total de 1894,20 euros, et que si elle soutient que l'employeur reste lui devoir quatre jours de congés payés non pris au motif que sur la base de deux jours et demi ouvrable de travail effectif par mois, elle les avait acquis sur l'ensemble de la période, les bulletins de paie de juillet 2019 et de septembre 2019 font ressortir qu'elle était placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle, si bien que ces périodes n'étaient pas considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé, et qu'elle ne peut par conséquent prétendre au solde de congés réclamé dès lors que sa demande correspond par ailleurs à un nombre de jours excédant la durée de quatre semaines de congé annuel.

Aussi, le jugement sera-t-il confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes à ce titre.

$gt; Sur le licenciement pour faute grave

Il ressort de l'article L. 1235-1 du Code du travail qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l'employeur de prouver la réalité de la faute grave, c'est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu'elle empêche la poursuite du contrat de travail.

Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l'ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.

Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et à laquelle il convient de se reporter pour plus ample exposé des motifs fait grief à la salariée d'erreurs en matière de paie, de calcul de l'ancienneté d'une salariée et d'acquisition de droits à congés pendant un arrêt de travail pour accident du travail alors que ses attributions relevaient de sa fiche de poste, et plus particulièrement :

's'agissant de monsieur [Z], d'une absence de versement de la part de rémunération variable décidée par le conseil d'administration dont elle avait la charge de la rédaction du compte rendu de réunion, faisant ainsi courir un risque financier à la société,

's'agissant de monsieur [X] et d'elle-même, d'avoir d'avoir demandé au conseil d'administration le vote d'une délibération octroyant aux cadres de direction (soit elle-même et Monsieur [X]), l'intégration de la part de rémunération variable dans la prime de treizième mois, alors que l'article 24 de la convention collective précise que le treizième mois est égal « au douzième des rémunérations brutes perçues par le salarié au cours de l'année civile, à l'exclusion des heures supplémentaires et de toutes autres primes »,

's'agissant de madame [R], d'avoir déduit des congés payés sur son bulletin de salaire alors qu'elle continuait à en faire l'acquisition pendant les périodes d'arrêt de travail pour accident du travail, d'avoir de la même manière réduit son ancienneté de huit mois pendant cette même suspension de contrat de travail, puis d'avoir décidé de ne pas lui verser de treizième mois en violation de la convention collective, créant ainsi un traitement différencié non justifié avec les autres salariés,

's'agissant de Mesdames [G] et [L], en congé parental, de ne pas leur avoir versé de prime de treizième mois alors qu'au regard de l'ancienneté de ces salariées, la convention collective ne permettait pas de déroger au versement de cette prime en raison d'un congé parental.

$gt;

Relativement au premier grief, l'employeur verse aux débats le contrat de travail signé par le salarié le 9 mai 2016 prévoyant en son article 8 bis le principe du versement d'une rémunération variable sur l'excédent du compte de résultat ventes directes par un taux défini par avenant au contrat de travail qui prendra effet au lendemain de la fin de la période d'essai, et le cas échéant de son renouvellement ainsi que l'acceptation corrélative du renoncement au bénéfice de la prime de production en son article 8 ter. Il produit encore le procès-verbal de conseil d'administration du 20 décembre 2016 aux termes duquel était adopté une délibération fixant à 2575,30 euros le salaire brut de base de monsieur [Z] et à 0,082 % le taux de rémunération variable sur le résultat d'exploitation ventes directes calculé sur la base du résultat de l'exercice 2014-2015 ainsi que le courriel adressé par le salarié à l'employeur le 19 août 2019 demandant la régularisation de sa situation à cet égard.

La salariée se défend de tout manquement au motif que monsieur [Z] aurait refusé de signer l'avenant correspondant. Elle produit un document de préparation de commission du personnel du 20 avril 2017 annexé en pièce jointe à un courriel adressé à l'employeur le 13 avril 2017 faisant état du montant de la rémunération fixe de monsieur [Z] telle que définie consécutivement au conseil d'administration du 20 décembre 2016 ainsi que d'une part variable de 1521,10 euros avec en regard la mention refus du salarié de signer.

Or l'employeur qui se prévaut de la faute de Madame [H] ne produit pas d'élément permettant d'établir qu'aucune proposition d'avenant n'ait été soumise au salarié. Il ne verse pas davantage aux débats les pièces permettant de déterminer si la part variable ainsi proposée ne correspondait pas au taux de 0,082 % du résultat d'exploitation ventes directes de l'exercice 2014-2015, susceptible d'avoir alors motivé un refus de l'avenant proposé, si bien que le grief n'est pas établi.

$gt;

Relativement au deuxième grief, si, comme il a été vu précédemment, l'interprétation des dispositions conventionnelles relatives à l'attribution de la prime de treizième mois, conduit, à écarter la part variable de rémunération, du montant de la rémunération constituant l'assiette de cette prime, l'intention dolosive prêtée à la salariée n'est pas démontrée, dès lors que celle-ci justifie avoir préalablement soumis la question au cabinet chargé d'assister la cave pour les questions sociales, lequel était d'avis d'intégrer le montant de la part variable dans l'assiette de rémunération à prendre en compte pour l'attribution de la prime de treizième mois, et que cette interprétation était même confirmée le 30 mars 2018 par le directeur général signataire de la lettre de licenciement et supérieur hiérarchique de l'intéressée après approbation par le conseil d'administration.

$gt;

Relativement au troisième grief, il est reproché à la salariée d'avoir déduit des congés payés sur le bulletin de salaire de madame [R] alors qu'elle continuait à en faire l'acquisition pendant les périodes d'arrêt de travail pour accident du travail (en réalité de trajet comme l'indique madame [R] elle-même dans son courrier et également l'employeur dans ses dernières écritures). Il lui est également reproché d'avoir réduit son ancienneté de huit mois pendant cette même suspension de contrat de travail, puis d'avoir décidé de ne pas lui verser de treizième mois en violation de la convention collective, créant ainsi un traitement différencié non justifié avec les autres salariés.

L'employeur s'appuyant sur les dispositions conventionnelles fait valoir que les périodes de suspension du contrat de travail n'entrent pas en compte pour la détermination de la durée d'ancienneté exception faite :

-des périodes de maladie professionnelle et d'accident du travail,

-des périodes de maladie ou d'accident non professionnel dans la limite de trois mois,

-des périodes assimilées à un temps de travail effectif par le code du travail.

Ce faisant, alors que les dispositions conventionnelles dont l'employeur se prévaut sont conformes à celles issues de l'article L 1226-7 du code du travail lesquelles prévoient que la durée des périodes de suspension est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l'ancienneté dans l'entreprise lorsque le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet est suspendu, l'employeur ne justifie pas que les dispositions conventionnelles aient permis de prendre en compte pendant huit mois l'ancienneté de madame [R] pendant la suspension de son contrat de travail pour accident de trajet comme elle l'indiquait elle-même dans son courriel du 9 août 2019, expliquant avoir été victime d'un accident de trajet en se rendant sur son lieu de travail le 14 février 2018. La faute n'est par conséquent pas démontrée.

Madame [R] indique dans le courrier de réclamation qu'elle a adressé à l'employeur qu'elle a été victime d'un accident de la route le 14 février 2018 et qu'elle a été par la suite placée en arrêt de travail, pris en charge au titre de la législation sur les « accidents du travail », jusqu'au 1er avril 2019. Or, si le droit de la sécurité sociale en son article L411-2 n'opère aucune distinction entre accident du travail et accident de trajet, le Code du travail distingue nettement l'accident du travail et l'accident de trajet du point de vue de leurs conséquences. Ainsi, l'article L3141-5 du code du travail qui prévoit que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle, exclut de ce bénéfice les absences dues à un accident de trajet, si bien que la faute reprochée à la salariée au visa des dispositions légales et conventionnelles n'est pas établie.

Il s'ensuit que dès lors que l'absence pour accident de trajet n'est pas assimilée à un temps de travail effectif par le Code du travail, le bénéfice de la prime de treizième mois n'est pas justifié pendant la totalité de la durée de l'absence dès lors que selon les dispositions conventionnelles, pour prétendre à la prime, le salarié doit justifier au 31 décembre de l'année civile de douze mois de présence effective et être présent pendant les douze mois de l'année civile. En revanche dans la mesure où les dispositions conventionnelles prévoient également qu'en cas de départ en cours d'année le salarié a droit à un prorata égal au douzième des rémunérations versées correspondant au temps passé depuis le début de l'année, madame [R] pouvait prétendre au bénéfice de cette prime pour la période du 1er janvier 2018 au 14 février 2018 mais également jusqu'au terme de la période de 90 jours au cours de laquelle la salariée avait droit au maintien du salaire, soit depuis la date de l'accident jusqu'au 15 mai 2018 sous réserve d'avoir un an de présence effective dans l'entreprise.

Or madame [H] conteste que madame [R] ait eu « un an de présence effective (douze mois continus) » à la date d'ouverture du droit alors que les dispositions conventionnelles en font un préalable au bénéfice de cette prime. C'est pourquoi, tandis que l'employeur ne justifie d'aucun élément à cet égard, il ne caractérise pas le grief reproché qui ne serait en tout état de cause que très partiellement fondé au vu de ce qui précède.

$gt;

Relativement au quatrième grief, en application du droit applicable à la date des faits litigieux, la durée du congé parental était prise en compte pour moitié pour la détermination des droits liés à l'ancienneté. La loi nº 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture, a modifié l'article L. 1225-54 du Code du travail, lequel prévoit désormais que lorsqu'un salarié réduit son temps de travail dans le cadre d'un congé parental, la durée du congé parental d'éducation à temps partiel est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. En l'espèce, il s'évince des bulletins de salaire des mois de décembre 2017-2018 de Mme [G] et des bulletins de salaire des mois de décembre 2015-2016 de Mme [L], que Madame [G] était en congé parental à temps plein, tandis que madame [L] était en congé parental à temps partiel. Pour autant à la date des faits litigieux et au regard des dispositions conventionnelles supposant 12 mois de présence effective dans l'entreprise au 31 décembre de l'année civile et une présence pendant les 12 mois de l'année civile, les éléments produits aux débats par l'employeur sont insuffisants à caractériser la faute reprochée à madame [H].

Alors qu'il résulte de ce qui précède que les griefs reprochés aux termes de la lettre de licenciement ne sont pas établis, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [H].

La salariée soutient que les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail ne sont pas compatibles avec les exigences de l'article 10 de la Convention n°158 de l'organisation internationale du travail.

En droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux.

Le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement, par application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du même code.

Il s'en déduit que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui prévoient notamment, pour un salarié ayant neuf années complètes d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de trois mois de salaire brut et un montant maximal de neuf mois de salaire brut, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

À la date de la rupture du contrat de travail, la salariée avait une ancienneté de neuf ans dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés. Elle était âgée de 55 ans et elle bénéficiait d'un salaire mensuel brut moyen de 3441,16 euros. Elle ne justifie pas de sa situation postérieurement à juin 2020. Au vu des pièces produites aux débats, la cour dispose par conséquent d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 20 646,96 euros bruts le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La rupture injustifiée de l'emploi ouvre également droit pour la salariée au bénéfice des indemnités de rupture, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité conventionnelle de préavis correspondant à trois mois de salaire pour un montant de 10 323,48 euros, outre 1032,34 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnité conventionnelle de licenciement pour un montant non utilement discuté de 10 323,47 euros correspondant à un mois de salaire par année d'ancienneté, outre un tiers de mois de salaire par année au-delà des trois premières années de présence dans l'entreprise.

$gt;Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution apportée au litige, la société coopérative agricole Les Vins de Roquebrun supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer à la salariée qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Béziers le 15 février 2021 sauf en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de prime de treizième mois formée par la salariée et quant au montant des dommages intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Condamne la société coopérative agricole Les Vins de Roquebrun à payer à Madame [T] [H] une somme de 20 646,96 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute Madame [T] [H] de sa demande de rappel de prime de treizième mois pour un montant de 802,42 euros ;

Condamne la société coopérative agricole Les Vins de Roquebrun à payer à Madame [T] [H] une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société coopérative agricole Les Vins de Roquebrun aux dépens ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01802
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.01802 ?
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