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02/05/2024 | FRANCE | N°21/05609

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4e chambre civile, 02 mai 2024, 21/05609


ARRÊT n°































Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



4e chambre civile



ARRET DU 02 MAI 2024



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05609 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PEV2



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15

juin 2021

Tribunal judiciaire de MONTPELLIER

N° RG 17/00051





APPELANTE :



Madame [H] [D]

née le 17 Octobre 1954 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Agnès JUNILLON substituant Me Nathalie CANCEL BONNAURE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avoca...

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 02 MAI 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/05609 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PEV2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 juin 2021

Tribunal judiciaire de MONTPELLIER

N° RG 17/00051

APPELANTE :

Madame [H] [D]

née le 17 Octobre 1954 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Agnès JUNILLON substituant Me Nathalie CANCEL BONNAURE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant présent sur l'audience

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/013116 du 20/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEES :

S.A.R.L. Adem

[Adresse 1]

[Localité 2]

assignée par acte remis à personne habilitée le 15 novembre 2021

S.A. Helvetia compagnie suisse d'assurances - Société de droit étranger, SA dont le siège social est [Adresse 5] SUISSE domiciliée en son siège spécial en France inscrite au RCS du HAVRE sous le n° 775 753 072 sise [Adresse 3], également domicilié en son établissement sis [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Amélie CECCOTTI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, substituant sur l'audience Me Bruno TIRET, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 mars 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

M. Philippe BRUEY, Conseiller

Mme Marie-José FRANCO, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Charlotte MONMOUSSEAU

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Charlotte MONMOUSSEAU, Greffière.

*

* *

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 5 août 2014, Mme [H] [D] a signé un devis d'un montant de 2 000 euros portant sur un volume de 50 m3 établi par la SARL Adem Déménagement pour effectuer son déménagement de [Localité 10] (Vaucluse) à [Localité 9] (Hérault).

Le 11 août 2014, l'enlèvement des meubles a été effectué à [Localité 10] et la remise s'est terminée le 13 août 2014 à [Localité 9].

Une lettre de voiture a été signée à ces deux dates par la SARL Adem Déménagement et Mme [H] [D]. Lors du chargement, il est précisé que le garage n'a pas été déménagé.

Plus de 18 mois plus tard, le 19 mars 2016, Mme [H] [D] a fait déménager par un autre déménageur les éléments contenus dans son garage (d'un volume de 20 m3), pour un montant de 1 200 euros.

Le 20 avril 2016, Mme [D] a déposé plainte au commissariat de police de [Localité 9] à l'encontre de la SARL Adem Déménagement pour vol de bijoux et abus de confiance, se plaignant de ce que des objets avaient été endommagés à l'occasion du déménagement.

Par acte du 21 décembre 2016, Mme [D] a assigné la SARL Adem Déménagement pour obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Par acte du 27 avril 2017, la SARL Adem Déménagement a appelé en cause et garantie son assureur, la SA Helvetia compagnie suisse d'assurances.

Par jugement contradictoire du 15 juin 2021, le tribunal judiciaire de Montpellier a :

- Déclaré forclose l'action de Mme [D] à l'encontre de la SARL Adem Déménagement et de la SA compagnie suisse d'assurances Helvetia,

- Condamné Mme [D] aux dépens,

- Condamné Mme [D] à payer la somme de 1 500 € à la SARL Adem Déménagement,

- Débouté la SA Helvetia de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

Le 20 septembre 2021, Mme [D] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 4 août 2023, Mme [D] demande à la cour, sur le fondement des dispositions des articles L133-3 et suivants du code de commerce, 2234,2240,2245 et suivants du code civil, de :

- réformer le jugement,

- juger qu'aucune prescription ne frappe son action,

- condamner in solidum les sociétés Adem et Helvetia à lui payer la somme de 30 000 € prévue au contrat pour l'ensemble des préjudices subis,

- condamner in solidum les sociétés Adem et Helvetia à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive sur personne vulnérable,

- condamner in solidum les sociétés Adem et Helvetia aux dépens et à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 8 septembre 2023, la SA Helvetia demande à la cour de :

- Confirmer le jugement,

Subsidiairement,

- Juger que Mme [D] est prescrite en son action,

Très subsidiairement,

- Juger que la SARL Adem bénéficie d'une présomption de livraison conforme,

- Juger que Mme [D] ne justifie pas de son préjudice,

- Débouter de l'intégralité de ses demandes sur la demande en garantie de la SARL Adem à son encontre,

- Juger qu'elle ne doit pas sa garantie,

- En tout état de cause, dans l'hypothèse d'une garantie de la SA Helvetia au bénéfice de la SARL Adem Déménagement, juger qu'elle supportera une franchise de 400 € en l'état des dispositions des conditions particulières du contrat d'assurance et qu'elle ne saurait être tenue à de quelconque dommages et intérêts pour résistance abusive,

- Condamner celle contre laquelle l'action le mieux compètera aux dépens et à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL Adem n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions lui ont été signifiées suivant acte délivré le 15 novembre 2021, remis à personne morale.

Vu l'ordonnance de clôture du 13 février 2024.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.

Aux termes de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Ainsi, la cour d'appel qui n'est pas saisie de conclusions par la SARL Adem Déménagement (intimée) doit, pour statuer sur l'appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.

Sur la forclusion

L'article L. 133-3 alinéa 1er du code de commerce prévoit que la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les trois jours, non compris les jours fériés, qui suivent celui de cette réception, le destinataire n'a pas notifié au voiturier, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée.

L'article L. 224-63 du code de la consommation énonce que: « Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 133-3 du code de commerce, le délai de forclusion applicable aux contrats de transports de déménagement conclus entre un professionnel et un consommateur est fixé à dix jours calendaires révolus à compter de la réception des objets transportés. Les protestations motivées émises par lettre recommandée dans ce délai produisent leurs effets même en l'absence de réserves formulées à la livraison. Les réserves émises par le destinataire à la livraison et non contestées par le transporteur dispensent de la protestation motivée prévue au présent article ».

L'article L. 133-6 du code de commerce dispose que « Les actions pour avaries, pertes ou retards, auxquelles peut donner lieu contre le voiturier le contrat de transport, sont prescrites dans le délai d'un an, sans préjudice des cas de fraude ou d'infidélité.

Toutes les autres actions auxquelles ce contrat peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, aussi bien que celles qui naissent des dispositions de l 'article 1269 du code de procédure civile, sont prescrites dans le délai d'un an.

Le délai de ces prescriptions est compté, dans le cas de perte totale, du jour où la remise de la marchandise aurait dû être effectuée, et, dans tous les autres cas, du jour où la marchandise aura été remise ou offerte au destinataire ».

En l'espèce, le jugement du tribunal judiciaire de Montpellier du 15 juin 2021 a déclaré Mme [H] [D] forclose en son action, pour avoir agi tardivement le 21 décembre 2016, soit plus de deux ans après le déménagement du 13 août 2014.

Les relations entre les parties peuvent se résumer chronologiquement comme suit :

- 5 août 2014 : signature du devis entre Mme [H] [D] et la SARL Adem Déménagement ;

- 11 août 2014 : enlèvement des meubles à [Localité 10] ;

- 13 août 2014 : livraison à [Localité 9] ; à cette occasion Mme [H] [D] signale dans la lettre de voiture que le garage n'a pas été déménagé (par une mention lapidaire : « non fait») ;

- 9 novembre 2014 : courrier d'«UFC Que choisir » à la SARL Adem Déménagement pour solliciter le déménagement du reliquat (garage) ;

- 11 décembre 2014 : courriel du gérant de la SARL Adem Déménagement exposant qu'il prendra en charge « le solde du garage qui ira dans un autre garage ou garde meuble comme convenu, mais en aucun cas au quatrième étage sans ascenseur » ;

- 29 janvier 2015 : courriel de Maître [W] à la SARL Adem Déménagement pour se plaindre, au nom de sa cliente, de dommages et d'objets manquants ;

- 20 avril 2016 : dépôt de plainte de Mme [D] pour vol et abus de confiance ;

- 21 décembre 2016 : assignation par Mme [D] de la SARL Adem Déménagement ;

- 27 avril 2017 : assignation d'appel en garantie par la SARL Adem Déménagement de son assureur, la SA Helvetia compagnie suisse d'assurances.

Il résulte des différentes pièces versées au débat que les réclamations de Mme [D] ont évolué au fil du temps : dans un premier temps, elle reprochait seulement l'absence de livraison du garage, puis quelques semaines plus tard, elle s'est plainte d'objets cassés (notamment, frigo américain, table basse, armoire, commode, vaisselle en miettes) et de bijoux volés.

Madame [D] expose que ses troubles de santé l'ont empêché d'agir et fait valoir que la prescription ne peut donc courir contre elle, dès lors qu'elle a été dans l'impossibilité d'agir en vertu de l'article 2234 du code civil. Elle communique des pièces attestant d'un état dépressif antérieur à la conclusion du contrat qui ne constitue manifestement pas une cause d'impossibilité absolue d'agir. La cour ne peut donc que partager l'analyse du premier juge selon laquelle aucune cause de suspension de la prescription n'est caractérisée en l'espèce au regard de l'état de santé de Madame [D].

Concernant la perte ou la non-livraison de marchandise, selon l'article L. 133-6 du code de commerce précité, le seul cas où le délai de prescription d'un an ne trouve pas à s'appliquer est celui de la « fraude » ou de « l'infidélité ». Madame [D] échoue à rapporter, en l'espèce, la preuve d'une telle fraude de la SARL Adem Déménagement.

Madame [D] est donc soumise au court délai de prescription d'un an prévu à l'article L. 133-6 précité et rappelé à l'article 15 de la lettre de voiture.

Madame [D] prétend que le contrat de déménagement était à exécution successive, comportant plusieurs livraisons. Elle précise qu'il était prévu que deux camions viennent charger puis livrer ses affaires, en deux temps. Elle en déduit que dès lors que la livraison du deuxième camion n'est jamais intervenue, le délai de prescription n'a pu courir.

Toutefois, le devis signé par les parties ne mentionne qu'un seul chargement, incluant le garage (pièce n° 4). Il est indifférent que, par la suite, la SARL Adem Déménagement se soit engagée à livrer une partie de la livraison manquante. Ainsi, le fait qu'une partie des effets personnels de Mme [D] ne lui ait pas été livrée à la date prévue ne reporte pas la date de livraison.

Dès lors, Madame [D] n'est pas fondée à se prévaloir d'un déménagement à exécution successive pour échapper à la prescription.

La SARL Adem Déménagement a reconnu par courriel du 11 décembre 2014 sa responsabilité dans la non-livraison du garage et s'est engagée à déménager le reliquat du déménagement.

Conformément à l'article 2240 du code civil : « La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ».

En l'espèce, la reconnaissance par la SARL Adem Déménagement a donc interrompu le délai de prescription, ce qui a eu pour effet de faire courir un nouveau délai d'un an à compter de la date de la reconnaissance, soit le 11 décembre 2014.

Le délai d'un an prévu par l'article L. 133-6 du Code de commerce a donc expiré le 11 décembre 2015.

Or, Madame [D] a assigné la SARL Adem Déménagement le 21 décembre 2016.

Dès lors, l'action de Madame [D] est irrecevable comme étant prescrite tant à l'encontre de la SARL Adem Déménagement que de la SA Helvetia compagnie suisse d'assurances.

Le jugement sera confirmé.

Sur la résistance abusive

Madame [D] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts fondée sur la résistance abusive, aucun abus n'étant démontré en l'espèce.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [D] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [D] aux dépens d'appel,

Condamne Mme [D] à payer à une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05609
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;21.05609 ?
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