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29/03/2006 | FRANCE | N°04/02919

France | France, Cour d'appel de Rouen, 29 mars 2006, 04/02919


R.G : 04/02919 - 04/3231 - 04/3095 COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE 1 CABINET 1 ARRET DU 29 MARS 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'EVREUX du 04 Juin 2004 APPELANTS : S.A. MAAF ASSURANCES CHAURAY 79036 NIORT CEDEX 09 représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour assistée de Me Gérard MITTON, avocat au barreau d'EVREUX S.A.R.L. COBIL 40 route de Paris 27420 CHATEAU SUR EPTE représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assistée de Me Patrick MOUCHET, avocat au barreau de ROUEN Monsieur Gilbert X... "Y..." 40 rue de Paris R.N. 14 27420 CHATEA

U SUR EPTE représenté par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAUL...

R.G : 04/02919 - 04/3231 - 04/3095 COUR D'APPEL DE ROUEN CHAMBRE 1 CABINET 1 ARRET DU 29 MARS 2006 DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'EVREUX du 04 Juin 2004 APPELANTS : S.A. MAAF ASSURANCES CHAURAY 79036 NIORT CEDEX 09 représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour assistée de Me Gérard MITTON, avocat au barreau d'EVREUX S.A.R.L. COBIL 40 route de Paris 27420 CHATEAU SUR EPTE représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assistée de Me Patrick MOUCHET, avocat au barreau de ROUEN Monsieur Gilbert X... "Y..." 40 rue de Paris R.N. 14 27420 CHATEAU SUR EPTE représenté par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour assisté de Me JOLLY, avocat au barreau de D'EVREUX INTIMES : Monsieur Jacques Z... 41 rue du Chesnay 27510 TOURNY représenté par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour assisté de Me FERIAL, avocat au barreau d'EVREUX, Me Marie-Ange BEVERAGGI, avocat au barreau d'EVREUX SARL COBIL 40, route de Paris 27420 CHATEAU SUR EPTE représentée par la SCP HAMEL FAGOO DUROY, avoués à la Cour assistée de Me MOUCHET, avocat au barreau de ROUEN COMPAGNIE AGF IART 87, rue de Richelieu 75060 PARIS CEDEX 02 représentée par la SCP GALLIERE LEJEUNE MARCHAND GRAY, avoués à la Cour assistée de Me QUINCHON, avocat au barreau de PARIS S.A. MAAF ASSURANCES Chauray 79036 NIORT CEDEX représentée par la SCP GREFF PEUGNIEZ, avoués à la Cour assistée de Me Gérard MITTON, avocat au barreau d'EVREUX Monsieur Gilbert X... exerçant sous l'Enseigne Y... 40 route de Paris 27420 CHATEAU SUR EPTE représenté par la SCP COLIN VOINCHET RADIGUET ENAULT, avoués à la Cour assisté de Me JOLLY, avocat au barreau de

D'EVREUX COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 06 Février 2006 sans opposition des avocats devant Monsieur BOUCHÉ, Président, en présence de Madame LAGRANGE, Conseiller, rapporteur, Le magistrat rapporteur a pour la société COBIL de sa responsabilité en qualité de dépositaire des matériels de Monsieur Z...,

- condamné Monsieur X... in solidum avec la M.A.A.F. à payer:

[* à Monsieur Jacques Z... les sommes de 39 933,85 ç à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et de 1 350 ç au titre des frais irrépétibles,

*] aux A.G.F. les sommes de 141 131,65 ç en leur qualité d'assureur subrogé dans les droits de la société COBIL, et de 3 438,62 ç en remboursement des frais et honoraires de l'expert avec intérêts sur ces sommes au taux légal à compter du jugement et de 1 000 ç au titre des frais irrépétibles,

* à la société COBIL la somme de 1 200 ç d'indemnité procédurale,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné in solidum Monsieur X... et la M.A.A.F. aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que:

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que:

- la responsabilité de l'entreprise Y... est engagée dès lors que les opérations d'expertise ont établi que le feu aurait été limité à son seul local et que les dispositions réglementaires n'avaient été respectées, peu important la cause du déclenchement de l'incendie,

- le fait que les autres sociétés n'aient pas déclaré leurs activités est sans incidence sur la survenance du sinistre,

- l'attitude du gérant de la société COBIL ne peut être stigmatisée car un homme seul ne pouvait combattre le feu avec un extincteur,

- le dépôt par Monsieur Z... n'est pas contesté et des factures sont produites pour justifier de la valeur des objets,

Les 30 juin 2004, 2 juillet 2004 et le 23 juillet 2004, la S.A. M.A.A.F. Assurances la S.A.R.L. COBIL et Monsieur X... ont respectivement et régulièrement interjeté appel de ce jugement.

rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Monsieur BOUCHÉ, Président Monsieur PERIGNON, Conseiller Madame LAGRANGE, Conseiller GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame A..., Greffier DEBATS : A l'audience publique du 06 Février 2006, où l'affaire a été mise en délibéré au 29 Mars 2006 ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 29 Mars 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Monsieur BOUCHÉ, Président et par Madame A..., Greffier présent à cette audience. * * *

La S.C.I. du 40 Route de Paris est propriétaire à Château sur Epte de locaux industriels qu'elle a donnés à bail à plusieurs entreprises.

Ces locaux ont été détruits par un incendie le 22 mars 2000.

Les bâtiments étaient ainsi occupés:

- les no 1, 2 et 2bis par la société SERYPACK exerçant une activité de stockage de cartonnages,

- le no2ter par Monsieur X... exerçant sous l'enseigne Y... exerçant une activité de récupération de vieux papiers et assuré auprès de la M.A.A.F.,

- le no3 par la société COBIL exerçant une activité de fabrication de billes de polystyrène pour l'allégement des bétons et assurée auprès de la S.A. AGF Iart,

- le no4 par la société LOGISREC fabriquant des palettes.

Par ordonnance de référé du 19 avril 2000 un expert judiciaire a été désigné pour déterminer les causes de l'incendie. Il a remis son rapport le 9 décembre 2002.

Monsieur Z..., qui avait entreposé du matériel endommagé par la tempête de décembre 1999 dans les locaux professionnels de la société

Par ordonnance en date du 23 mars 2005, les trois instances ont été jointes.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 décembre 2005, Monsieur Gilbert X... demande à la Cour, réformant le jugement entrepris, de débouter la S.A. AGF IART, la M.A.A.F., la société COBIL et Monsieur Z... de l'intégralité de leurs demandes et de prononcer sa mise hors de cause, et subsidiairement, faisant droit à son appel provoqué, de condamner la société COBIL à le garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre à quelque titre que ce soit. Il demande également la condamnation in solidum des quatre autres parties, ou l'une à défaut de l'autre, au paiement d'une indemnité procédurale de 3 000 ç outre les dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise.

Il soutient que:

- il appartenait aux demandeurs d'établir que le feu a pris naissance dans les locaux de Y... et que l'incendie est dû à une faute de Y...,

- l'expert s'est appuyé pour le mettre en cause sur un témoignage unique, non vérifié et non corroboré sans respect du contradictoire, et ses constatations ne permettent pas de dire que le feu a pris dans les locaux de Y... où les déchets inertes sont à combustion lente, - il appartient à Monsieur Z... d'établir l'existence d'un dépôt dans les locaux de la société COBIL. Il rappelle que l'article 1341 du code civil dispose qu'un certain nombre de contrats, dont les "dépôts volontaires" doivent être établis par écrit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 mai 2005, Monsieur Jacques Z... demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et, à titre subsidiaire, le recevant en son appel incident, de

COBIL, a fait constater par huissier les dégâts dus à l'incendie et a ensuite fait assigner, les 29 septembre et 3 octobre 2000, la S.A.R.L. COBIL et son assureur, la S.A. AGF IART, pour obtenir paiement solidaire de la somme principale de 40 070,08 ç avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation outre une indemnité procédurale.

Puis, la société COBIL et son assureur ayant répliqué que l'origine du sinistre se trouvait dans les locaux occupés par Y..., Monsieur Z..., les 10 décembre 2001 et 7 janvier 2002, a alors fait assigner Monsieur X... et son assureur la M.A.A.F. en paiement solidaire de la même somme.

La S.A. AGF IART a fait assigner , le 20 mars 2003, Monsieur X... et la M.A.A.F. pour demander au tribunal de juger que la cause du sinistre réside dans le défaut de respect par Monsieur X... des dispositions prévues par l'arrêté préfectoral du 23 novembre 1998 l'obligeant à évacuer dans un centre agréé l'ensemble des déchets banals et industriels stockés dans le bâtiment, que ce défaut est à l'origine de l'incendie et engage sa responsabilité et de condamner in solidum Monsieur X... et son assureur

la M.A.A.F. à garantir la S.A. AGF IART prise en sa qualité d'assureur de la société COBIL de toutes condamnations susceptibles d'être mises à sa charge dans l'instance l'opposant à Monsieur Z...

Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement en date du 4 juin 2004, le tribunal de grande instance d'Evreux a :

- déclaré Monsieur X..., exerçant sous l'enseigne Y..., responsable de l'incendie, qui a détruit les locaux de la société COBIL et le matériel de Monsieur Z... le 22 mars 2000, et tenu à réparation in solidum avec son assureur,

- dit que cet incendie constitue un cas de force majeure exonératoire

condamner la société COBIL et son assureur la S.A. AGF IART in solidum au paiement de 39 933,85 ç à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal à compter du jugement. Il demande également la condamnation de toute partie succombante à lui payer une indemnité procédurale de 3 000 ç outre les dépens.

Il conteste le moyen soulevé par la M.A.A.F. qui prétend que l'occupation du bâtiment 2ter par Y... se situait dans le cadre d'un contrat de dépôt puisque cette enseigne n'était plus locataire des lieux depuis février 1998 et n'exerçait plus aucune activité alors que des balles de papier très inflammables étaient stockées dans les locaux à l'initiative de Y... qui les y avait laissées. Il rappelle que Y... avait fait l'objet d'une procédure administrative avec mise en demeure de se conformer à la réglementation sur les installations classées. Il en conclut que toutes ces carences fautives permettent de retenir la responsabilité délictuelle de Monsieur X... sur le fondement de l'article 1384-2 du code civil.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 30 décembre 2005, la S.A.R.L. COBIL demande à la Cour, statuant dans les limites de son appel incident, de condamner la S.A. AGF IART à lui payer les sommes de 40 070,08 ç et de 1 799,35 ç avec intérêts de droit à compter du 27 octobre 2000 outre une indemnité procédurale de 3 000 ç.

Elle rappelle que la S.A. AGF IART ne peut lui retenir sur son indemnisation les sommes qu'elle a payées à Monsieur Z... et, en outre, que le contrat ayant pris fin le 27 mars 2000, les primes d'assurance déjà payées doivent lui être remboursées. Enfin, elle conteste que la S.A. AGF IART puisse lui opposer une exception de non-garantie sur le fondement de la définition prévue au "lexique" concernant les différents biens loués, mis à disposition ou confiés à l'assuré, la distinction entre le matériel professionnel et les biens confiés étant matérialisée par une virgule : "nous garantissons... les biens mobiliers : matériel professionnel, mobilier et agencement vous appartenant, ou ceux loués, mis à votre disposition ou confiés". Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 janvier 2006, la S.A. AGF IART demande à la Cour de :

- à titre liminaire, lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur la qualification du contrat de dépôt de marchandises au regard de l'article 1924 du code civil,

- confirmer le jugement en ce qu'il déclaré Monsieur

X... exerçant sous l'enseigne Y... responsable du sinistre incendie conformément aux conclusions expertales,

- débouter Monsieur X... de son argumentation injustifiée tendant à être disculpé dans la survenue du sinistre,

- condamner, en conséquence, in solidum Monsieur X... et la M.A.A.F. à la garantir intégralement de toute condamnation qui serait susceptible d'être mise à charge dans le litige principal l'opposant à Monsieur Z...,

- confirmer le jugement ayant condamné in solidum Monsieur X... et son assureur à lui rembourser la somme de 141 131,65 ç suivant quittance subrogative versée aux débats,

- les condamner à lui rembourser la somme de 3 438,62 ç au titre des honoraires d'expertise judiciaire dont elle a fait l'avance pour le compte de qui il appartiendra,

- les condamner aux montants précités assortis des intérêts au taux légal à compter des paiements effectués avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

- subsidiairement, la déclarer recevable et fondée à opposer l'exception de garantie à son assurée, la société COBIL, en application des conditions particulières du contrat souscrit et, en conséquence, condamner la société COBIL à lui rembourser les sommes qui lui ont été réglées à hauteur de 141 131,65 ç et 3 438,62 ç,

- condamner les parties succombantes à lui payer une indemnité procédurale de 3 000 ç outre les dépens.

La société d'assurances fait valoir que, selon les conclusions de l'expert, le point de départ de l'incendie se situe dans la partie des bâtiments occupée par Y... dont le défaut de respect des règlements applicables aux installations classées a été par la suite établi par la procédure pénale.

A titre subsidiaire, si la Cour devait infirmer le jugement et retenir la responsabilité de la société COBIL, même dans une infime proportion, la S.A. AGF IART soutient que le contrat souscrit ne

garantit pas les meubles et objets qui ne sont pas à usage professionnel pour la société COBIL et donc les objets confiés par Monsieur Z... qui ne sont pas susceptibles d'être utilisés par son assurée.

Enfin, elle demande le débouté des prétentions de la société COBIL à son encontre au motif qu'elle ne démontre pas avoir payé 40 070,08 ç à Monsieur Z... et que les primes d'assurances aient été injustifiées.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 janvier 2006, la S.A. MA.A.F. Assurances demande à la Cour, réformant le jugement entrepris, de :

- débouter Monsieur Z..., la société COBIL et les AGF de l'intégralité de leurs demandes, de constater que son assuré n'a aucune responsabilité et, en conséquence,

- dire que le contrat d'assurances de Monsieur X... ne peut trouver ici application,

- en tout état de cause, donner acte du plafond de garantie recours des voisins et des tiers pour 2 002 875,19 ç, préjudice immatériel

inclus,

- condamner Monsieur Z..., la société COBIL et les AGF au paiement d'une indemnité procédurale de 3 000 ç outre les dépens de première instance et d'appel et débouter Monsieur X... de ses demandes à son encontre au titre des frais irrépétibles et des dépens.

La S.A. M.A.A.F. Assurances articule son appel principalement autour de deux séries de moyens :

- la qualification de l'occupation du bâtiment 2ter par Monsieur X... exerçant sous l'enseigne Y... :

* le bail liant celui-ci à la Foncière de Château sur Epte a été résilié le 28 février 1998 et Y... a quitté les lieux à cette date,

* le propriétaire a déménagé les balles de papier dans le bâtiment 2ter evenu inutilisable,

* dès lors, le stockage par le propriétaire s'est effectué dans le cadre d'un contrat de dépôt et à titre gratuit, - les éléments

constitutifs de la responsabilité de son assuré ( faute et ligne de causalité entre une faute et le dommage) ne sont pas réunis:

[* les circonstances de la naissance de l'incendie ne sont pas précises dès lors que les témoignages sont divergents et que l'expert n'a retenu que celui du motocycliste qui a découvert le feu et qui a déclaré que les flammes étaient au pied des balles de papier,

*] plusieurs témoins, cependant, ont localisé le départ de feu en partie haute au fond du hangar, zone mitoyenne sans séparation avec la partie des locaux utilisés par SERYPAC pour stocker des cartons,

[* un tiers est à l'origine du sinistre puisque le contenu d'un camion accidenté la veille a été entreposé,

*] la propagation du feu est uniquement due à l'absence de mur coupe-feu imputable aux sociétés présentes sur le site qui étaient,

chacune au titre de son activité, soumises à déclaration et aucune faute n'est imputable à Monsieur X... à ce titre.

SUR CE

Attendu que le fondement de l'indemnisation des tiers ayant subi un préjudice du fait d'un incendie est celui de l'article 1384-2 du code civil disposant que "celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable" ;

Attendu qu'il est au préalable observé que les pièces sur lesquelles l'expert s'appuie pour étayer son rapport ne sont pas jointes à celui-ci ;

1/ Sur l'origine du sinistre.

Attendu que, même si le bail avait été résilié en 1998, les ballots de papier entreposés dans le local no2ter de la Route de Paris appartenaient à Monsieur X... exerçant sous l'enseigne Y... en vertu d'un accord amiable avec le bailleur, le groupe "Villages Entreprises" selon le rapport d'expertise (p15) ; qu'il s'agissait donc d'une mise

à disposition gratuite de locaux et non d'un dépôt effectué par Monsieur X... entre les mains du bailleur contrairement à ce que soutient la M.A.A.F. ;

Attendu que l'incendie a été découvert le 20 mars 2000 vers 20h10 par un motocycliste circulant sur la route de Paris ; que, selon le rapport d'expertise, ce premier témoin déclarait aux services de la gendarmerie avoir vu les lueurs d'un feu dans la partie du bâtiment occupée par les ballots de Y... ; qu'il précisait qu'il devait s'agir d'un petit feu, "au-dessus des balles de papier, venant du fond entre le dessus du papier et le plafond" ;

Attendu que, contrairement à ce que soutiennent Monsieur X... et la M.A.A.F.,les deux autres témoins - Monsieur B..., gérant de la société COBIL, et Monsieur C..., gardien du site - attestent de façon identique avoir vu le feu au niveau des premières rangées de balles de papier ; que Monsieur B... a fait le tour du bâtiment et a pu pénétrer par l'entrée commune à sa société et à SERYPACK jusqu'à

l'extrémité de l'aile "proche de la société Y..." et a vu de la fumée provenant du stockage de papiers ; qu'il ne peut être donc utilement soutenu que le feu aurait commencé au fond de l'entrepôt dans le local mitoyen sans séparation occupé par SERYPACK ; que l'expert a d'ailleurs répondu à cet argument déjà invoqué par un dire du conseil de la M.A.A.F. en précisant que "si le feu avait pris dans la partie occupée par la société SERYPACK, il y aurait eu enfumage complet de cette partie de l'entrepôt avant que les flammes n'atteignent l'entrée du local de Y...; or l'examen des témoignages montre que cela n'a pas été le cas" ; que cette réponse n'est pas en contradiction avec ce qui n'est qu'un rappel liminaire des faits par l'expert en page 5 de son rapport tels qu'ils lui étaient alors rapportés ;

Attendu que la naissance de l'incendie a bien eu lieu à partir des ballots de papiers dont Monsieur X... exerçant sous l'enseigne Y... était le

détenteur, peu important la circonstance de l'accident d'un semi-remorque survenu la veille dont les appelants ne font reposer le rôle que sur des suppositions ;

2/. Sur la responsabilité de Monsieur X...

Attendu que la responsabilité de Monsieur X... ne peut être retenue que s'il est démontré une faute par lui commise ou par une personne dont il est responsable ;

Attendu que la faute à rechercher est non pas seulement celle qui a donné naissance au sinistre mais s'étend à toute négligence ou imprudence ayant concouru à l'extension et à l'aggravation du sinistre ;

Attendu qu'il résulte des termes du rapport d'expertise que Monsieur X... n'avait fait aucune

Attendu qu'il résulte des termes du rapport d'expertise que Monsieur X... n'avait fait aucune déclaration et n'avait demandé d'autorisation pour le stockage de papier compressé

transféré dans les locaux occupés au 2 ter ; que dans le cadre d'une visite de surveillance, le service des installations classées avait constaté ce stockage illicite ; que, par arrêté préfectoral de mise en demeure daté du 23 novembre 1998, Monsieur X... avait été enjoint d'évacuer le stock ; que, lors d'une visite sur le site le 10 février 1999, l'ingénieur des sites et installations classées avait constaté le stockage de 1 400 tonnes de papier compressé dans des conditions de stockage en infraction avec la réglementation en vigueur ; que l'expert rapporte qu'aux yeux de cet ingénieur, le risque principal était l'incendie ; qu'une procédure avait été engagée mais classée sans suite après que Monsieur X... avait donné son engagement au cours de l'année 1999 de régulariser dans les meilleurs délais ;

Attendu que Monsieur X... n'a pas tenu ses engagements de régulariser cette situation illicite et dangereuse puisque, lors de sa visite le 26 février 2000, soit à peine un mois avant l'incendie, le même ingénieur constatait que rien n'avait

évolué et qu'"il régnait le plus grand désordre (déchets de papier, vieux chiffons et divers matériaux propices à la propagation d'un incendie) entre l'entrée du bâtiment et le stock" et ce, sans aucun appareil de lutte contre l'incendie et pour un stock évalué à 1 100 tonnes ;

Attendu que Monsieur X..., en contrevenant ainsi de façon réitérée aux règles de sécurité et malgré la procédure engagée contre lui, a commis une faute qui a favorisé non seulement l'incendie mais aussi sa propagation alors même qu'il n'existait pas de coupe-feu dans les locaux du site ; que cette faute est ainsi en relation de causalité avec la destruction complète de ces derniers ;

Attendu que le fait pour les autres sociétés occupant le site de ne pas avoir satisfait elles aussi aux obligations de déclaration au service des installations classées est indifférent au regard de la faute de Monsieur X... qui a contribué non seulement à la naissance de l'incendie mais également à son développement rapide et ravageur ;

Attendu, en conséquence, que la faute ainsi commise engage la responsabilité de Monsieur X... sur le fondement de l'article 1384-2 du code civil ;

3/. Sur l'existence du dépôt par Monsieur Z... dans le local de la S.A.R.L. COBIL.

Attendu que si l'article 1341 du code civil dispose que les "dépôts volontaires" excédant une somme fixée par décret (1 500 ç au 1er janvier 2005) doivent être passés sous signatures privées ou par acte authentique, en revanche, l'article 1924 du même code atténue les effets de cette obligation en disposant que si ce dépôt n'est pas prouvé par écrit, celui qui est attaqué comme dépositaire en est cru sur sa déclaration soit pour le fait même du dépôt, soit pour la chose qui en faisait l'objet ;

Attendu que Monsieur X... soutient que la preuve du dépôt n'est pas rapportée par écrit ; que, cependant, le dépositaire, la société COBIL déclare que les biens meubles ont été déposés par Monsieur Z... dans son local au no3; qu'il est donc cru sur cette

déclaration conformément aux dispositions de l'article 1924 du code civil ;

Attendu que la S.A.R.L. COBIL, dépositaire, était tenue à une obligation de moyens d'apporter les mêmes soins aux choses déposées qu'aux siennes propres; qu'elle ne peut s'exonérer de cette obligation qu'en démontrant que la détérioration des biens déposés est due à une cause étrangère ou à la force majeure ;

Attendu que l'incendie en lui-même provoqué par la carence fautive d'un tiers et la rapidité de sa propagation constituent les éléments caractérisant la force majeure d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité eu égard à la nature des produits entreposés ;

Que la responsabilité de la S.A.R.L. COBIL dans le dommage subi par Monsieur Z... ne peut être retenue ;

Attendu, en conséquence, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de Monsieur X... exerçant sous l'enseigne Y... pour l'incendie qui a détruit les

locaux de la S.A.R.L. COBIL et le matériel de Monsieur Z... ;

4/. Sur le montant du préjudice subi par Monsieur Z....

Attendu que Monsieur Z... a fait établir par huissier le descriptif des biens détruits par l'incendie ; que la valeur de 39 933,85 ç retenue par le tribunal et qu'il maintient en cause d'appel sera confirmée ;

Que cette somme portera intérêts à compter de la date du jugement ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur X... et la M.A.A.F. à payer ladite somme à Monsieur Jacques Z... ;

5/. Sur la garantie de la M.A.A.F. à l'égard de Monsieur X...

Attendu que "Y..." a souscrit un contrat d'assurance multirisque professionnelle auprès de la M.A.A.F. ; que les conditions générales de ce contrat limitent la garantie pour le recours des voisins et des

tiers à la somme de 11 820 000 francs selon la pièce produite par la M.A.A.F. ; que celle-ci admet dans ses écritures un plafond de garantie à hauteur de 13 138 000 francs soit 2 002 075,19 ç pour les sinistres de l'année 2000 au titre des recours des voisins et des tiers ; que c'est donc cette limite qui sera retenue ;

6/. Sur les demandes de la S.A. A.G.F. Iart.

Attendu que la S.A. A.G.F Iart est subrogée dans les droits de son assurée, la S.A.R.L. COBIL ; qu'elle est donc fondée à demander à Monsieur X... et à son assureur, la M.A.A.F., le remboursement des sommes qu'elle a versées à la S.A.R.L. COBIL en indemnisation des préjudices subis par celle-ci du fait de l'incendie ;

Attendu que la S.A. A.G.F Iart produit aux débats une quittance subrogative datée du 27 octobre 2000 et portant sur la somme de 425 763 francs s'ajoutant à l'acompte de 500 000 francs versé le 13 avril 2000, de 69 595 francs correspondant à la délégation d'honoraires consentie par la société COBIL et sur celle de 262 842 francs

réservée en raison de l'action intentée par Monsieur Z... ; que sur ce montant total de 1 258 140 francs, le gérant de la société assurée a protesté contre la rétention de la somme de 262 842 francs, soit 40 070,08 ç) ;

Attendu que la somme devant revenir à la S.A.R.L. COBIL en indemnisation de son propre préjudice s'élève ainsi à 425 763 F + 500 000 F = 925 763 F, soit 141 131,65 ç ; que la société ne peut réclamer à son assureur le montant des frais d'expertise dès lors qu'elle lui en a donné délégation de paiement, pas plus que le montant de l'indemnité due à Monsieur Z... dès lors que l'indemnisation de ce dernier incombe solidairement à Monsieur X... et à la M.A.A.F. et qu'elle ne ne démontre pas avoir indemnisé de quelque façon que ce soit son déposant ;

Attendu, en revanche, que la S.A. A.G.F Iart est fondée à demander le

remboursement par Monsieur X... et la M.A.A.F. des sommes de 141 131,65 ç ( 925 763 F) et de 3 438,62 ç correspondant aux honoraires d'expertise judiciaire dont elle a fait l'avance ;

Que le jugement, en conséquence, sera confirmé dans ses dispositions relatives au remboursement de ces deux sommes à la S.A. A.G.F. Iart ; Attendu que ces sommes porteront intérêts à compter de la date du jugement et qu'il sera fait application des règles d'anatocisme prévues à l'article 1154 du code civil pour les intérêts dus depuis au moins un an à la date de la demande à ce titre, soit le 15 juin 2005, date des premières conclusions en faisant la demande ;

7/. Sur l'appel incident de la S.A.R.L. COBIL à l'égard de la S.A. AGF Iart.

Attendu que la S.A.R.L. COBIL ne démontre pas avoir réglé la somme de 40 070,08 ç à Monsieur Z... ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande de paiement à ce titre ;

Attendu qu'elle ne démontre pas plus avoir résilié le contrat d'assurance avec la S.A. A.G.F. Iart à la date du sinistre ; qu'elle

n'est donc pas fondée à demander la restitution des primes d'assurance payées pour l'entier premier semestre 2000 ;

Attendu que le jugement sera donc confirmé en ses dispositions relatives à ces demandes ;

8/. Sur les frais et dépens.

Attendu qu'il est équitable que Monsieur Z..., la S.A.R.L. COBIL et la S.A. A.G.F.Iart n'assument pas les frais qu'ils ont dû engager en cause d'appel ; que Monsieur X... et la S.A. M.A.A.F. seront solidairement condamnés à payer à chacun d'eux la somme de 2 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu'ils seront condamnés aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT que les intérêts sur les sommes de 141 131,65 ç et 3 438,62 ç échus au profit de la S.A. A.G.F. Iart et dus au moins pour une année entière à la date du 15 juin 2005 seront eux-mêmes productifs d'intérêts au taux légal à compter de cette date,

CONDAMNE solidairement Monsieur X... et la S.A. M.A.A.F. à payer à Monsieur Z..., la S.A.R.L. COBIL et la S.A. A.G.F.Iart chacun la somme de 2 000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement Monsieur X... et la S.A. M.A.A.F. aux dépens d'appel avec droits de recouvrement direct par la S.C.P. d'Avoués GALLIERE-LEJEUNE-MARCHAND-GRAY, la S.C.P. d'Avoués HAMEL-FAGOO-DUROY et la S.C.P. d'Avoués DUVAL-BART conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rouen
Numéro d'arrêt : 04/02919
Date de la décision : 29/03/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-03-29;04.02919 ?
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