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23/06/1988 | FRANCE | N°87-60245;87-60250

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 juin 1988, 87-60245 et suivant


Vu la connexité, joint les pourvois n°s 87-60.245 et 87-60.250 formés contre le même jugement ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 87-60.250, pris de la violation des articles L. 431-1 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que le 21 février 1980, un protocole d'accord dit protocole d'Amiens a été conclu entre la société anonyme Boussac Saint-Frères (SA BSF), qui employait à cette date 27 000 salariés répartis entre 102 établissements, et les organisations syndicales représentatives pour la mise en place d'un comité central d'en

treprise composé de 62 membres titulaires et 62 membres suppléants et auprès ...

Vu la connexité, joint les pourvois n°s 87-60.245 et 87-60.250 formés contre le même jugement ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 87-60.250, pris de la violation des articles L. 431-1 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que le 21 février 1980, un protocole d'accord dit protocole d'Amiens a été conclu entre la société anonyme Boussac Saint-Frères (SA BSF), qui employait à cette date 27 000 salariés répartis entre 102 établissements, et les organisations syndicales représentatives pour la mise en place d'un comité central d'entreprise composé de 62 membres titulaires et 62 membres suppléants et auprès duquel étaient désignés 10 représentants syndicaux ; qu'en juillet 1982 fut créée la société Compagnie Boussac Saint-Frères (CBSF), laquelle prit en location-gérance l'ensemble des activités exercées par la SA BSF dont le règlement judiciaire avait été, entre-temps, prononcé ; que le comité central d'entreprise fut dès lors cantonné dans son organisation et son fonctionnement à la société locataire-gérante, à l'exclusion de la société bailleresse ; qu'après le vote d'un concordat il fut mis fin à la location-gérance le 31 octobre 1986 et, le lendemain, la SA BSF fut scindée en quatre filiales dont chacune, empruntant la forme d'une société en nom collectif (SNC), devint, à son tour, locataire-gérante d'une branche d'activité de la société mère ; qu'ainsi furent créées les SNC Boussac, SNC Peaudouce, SNC Saint-Frères et SNC-BSF services ; que la CGT ayant dénoncé le protocole d'Amiens et les organisations syndicales n'ayant pas pu s'accorder sur les institutions représentatives à mettre en place, le tribunal d'instance fut saisi du litige ;

Attendu que la Fédération des industries de l'habillement, du cuir et du textile CFDT (Hacuitex) fait grief au jugement attaqué d'avoir exclu la SA BSF de l'unité économique et sociale recherchée entre cette société et les quatre sociétés en nom collectif, alors, d'une part, que l'absence de contestation des mandats, qu'elle avait confirmés, de ses représentants syndicaux auprès du comité central d'entreprise de l'ensemble formé par les " six " sociétés concernées emportait reconnaissance de l'existence entre elles d'une unité économique et sociale en vue du maintien d'un comité central d'entreprise commun puisque la même institution était concernée, qu'ainsi le tribunal d'instance n'a pas, à cet égard, tiré de ses propres constatations la conséquence qui en résultait nécessairement, alors, d'autre part, que tant la mission des délégués syndicaux que celle du comité d'entreprise emportent représentation de la communauté d'intérêts d'une collectivité de travail et nécessitent une direction unique apte à décider et négocier au niveau de l'unité économique et sociale recherchée, que par suite, le tribunal d'instance ne pouvait refuser de reconnaître l'unité économique et sociale résultant de la confirmation des mandats des délégués syndicaux auprès de l'ensemble économique considéré, alors, encore, que ne saurait être exclue d'une unité économique et sociale, en raison du seul fait qu'elle n'emploie pas de personnel, une société holding détenant la quasi-totalité du capital social des autres sociétés et, partant, le pouvoir économique sur l'ensemble, alors,

enfin, que la seule circonstance de la détention par une autre société de la majorité du capital de la SA BSF ne saurait suffire à écarter les conclusions d'Hacuitex selon lesquelles non seulement le directeur général de cette dernière société, gérant des quatre autres, avait reconnu dans une lettre que la SA BSF était le siège de la " direction ", mais encore que les quatre sociétés en nom collectif étaient, de par leur forme, sous la stricte subordination de leur associé unique, cette même SA BSF, unique propriétaire du fonds de commerce et unique porteur de parts, de sorte qu'elle seule détenait les ressources et le pouvoir d'en déterminer l'affectation de même qu'en général la stratégie de l'ensemble, et qu'à ces conclusions déterminantes, il n'a pas été répondu ;

Mais attendu, d'abord, qu'à défaut de l'être par décision de justice, une unité économique et sociale ne peut être reconnue que par convention entre tous les partenaires sociaux ; que l'initiative prise par Hacuitex, fût-ce sans opposition des sociétés concernées, de " confirmer " les mandats de ses délégués au sein d'un ensemble formé par plusieurs sociétés ou ceux de ses représentants auprès d'un comité central d'entreprise prétendu commun à toutes ne pouvait imposer aux autres organisations syndicales le cadre ainsi choisi ; que c'est donc sans s'arrêter à des moyens inopérants qu'à bon droit le tribunal d'instance a estimé ne pas devoir se référer à la situation ayant précédé l'éclatement de la SA BSF ;

Attendu, ensuite, que le tribunal d'instance a relevé que, contrairement à ce que prétendait Hacuitex, le véritable lieu d'exercice du pouvoir économique ne se situait pas au sein de la SA BSF ; qu'ainsi, répondant aux conclusions prétendument délaissées, il a exactement déduit des faits par lui souverainement appréciés que cette société holding, faute de participer au pouvoir de direction, ne pouvait être incluse dans l'unité économique et sociale qu'il reconnaissait par ailleurs exister entre les quatre sociétés en nom collectif ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen du pourvoi n° 87-10.245 :

Vu l'article L. 431-1 du Code du travail ;

Attendu que pour reconnaître l'existence d'une unité économique et sociale entre les quatre sociétés en nom collectif, en conséquence pour déclarer satisfactoire l'offre par elles formulée de la mise en place d'un comité central d'entreprise les regroupant et pour fixer le calendrier de cette mise en place, le jugement attaqué a retenu que si les activités de trois de ces sociétés étaient distinctes, elles n'en étaient pas pour autant disparates mais, au contraire, voisines, toutes étant rattachées au textile ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'identité ou la complémentarité des activités est, avec la concentration du pouvoir de direction et la communauté des travailleurs, un élément constitutif de l'unité économique et sociale, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi n° 87-10.245 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré satisfactoire l'offre de la mise en place d'un comité central d'entreprise regroupant les quatre sociétés SNC Boussac, SNC Peaudouce, SNC Saint-Frères et SNC-BSF services, et fixé le calendrier de cette mise en place, le jugement rendu le 18 mai 1987, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris (7e arrondissement) ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Paris (8e arrondissement)


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 87-60245;87-60250
Date de la décision : 23/06/1988
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Unité économique et sociale - Reconnaissance - Convention entre tous les partenaires sociaux - Nécessité.

1° A défaut de l'être par décision de justice, une unité économique et sociale ne peut être reconnue que par convention entre tous les partenaires sociaux . En conséquence, l'initiative prise par un syndicat, fût-ce sans opposition des sociétés concernées, de " confirmer " les mandats de ses délégués au sein de l'ensemble formé par plusieurs sociétés ou ceux de ses représentants auprès d'un comité central d'entreprise prétendu commun à toutes ne pouvait imposer aux autres organisations le cadre ainsi choisi .

2° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Unité économique et sociale - Appréciation - Critères - Rapport des sociétés entre elles - Société holding - Participation au pouvoir de direction - Défaut - Portée.

2° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Unité économique et sociale - Appréciation - Critères - Appréciation souveraine.

2° Un tribunal peut, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, décider que le véritable lieu d'exercice du pouvoir économique ne se situe pas au sein d'une société holding et que, faute par elle de participer au pouvoir de direction, cette société ne peut être incluse dans une unité économique et sociale .

3° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Unité économique et sociale - Appréciation - Critères - Activité des sociétés - Activités identiques.

3° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Unité économique et sociale - Appréciation - Critères - Activité des sociétés - Activités complémentaires ou connexes 3° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Unité économique et sociale - Appréciation - Critères - Communauté de travail 3° ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'entreprise et délégué du personnel - Unité économique et sociale - Appréciation - Critères - Concentration des pouvoirs de direction.

3° L'identité ou la complémentarité des activités est, avec la concentration du pouvoir de direction et la communauté des travailleurs, un élément constitutif de l'unité économique et sociale En conséquence, doit être cassé le jugement ayant retenu, pour reconnaître l'existence d'une unité économique et sociale entre plusieurs sociétés, que si les activités de trois d'entre elles étaient distinctes, elles n'en étaient pas pour autant disparates mais, au contraire, voisines, toutes étant rattachées au textile


Références :

Code du travail L431-1
nouveau Code de procédure civile 455

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Paris, 18 mai 1987

DANS LE MEME SENS : (3°). Chambre sociale, 1988-03-03 Bulletin 1988, V, n° 162, p. 107 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 jui. 1988, pourvoi n°87-60245;87-60250, Bull. civ. 1988 V N° 392 p. 254
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1988 V N° 392 p. 254

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Le Gall, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Franck
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Caillet
Avocat(s) : Avocats :la SCP Masse-Dessen et Georges, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, M. Choucroy .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1988:87.60245
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