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20/02/2006 | FRANCE | N°05-CRD046

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 20 février 2006, 05-CRD046


INFIRMATION PARTIELLE et REJET des recours formés par l'agent judiciaire du Trésor, M. Didier X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Montpellier en date du 30 juin 2005 qui a alloué à M. Didier X... une indemnité de 6 864,13 euros en réparation de son préjudice matériel et une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que par décision du 19 mai 2005 le premier président de la cour d'appel de Mont

pellier a alloué à M. X... une indemnité de 6 864,13 euros au titre de son ...

INFIRMATION PARTIELLE et REJET des recours formés par l'agent judiciaire du Trésor, M. Didier X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Montpellier en date du 30 juin 2005 qui a alloué à M. Didier X... une indemnité de 6 864,13 euros en réparation de son préjudice matériel et une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que par décision du 19 mai 2005 le premier président de la cour d'appel de Montpellier a alloué à M. X... une indemnité de 6 864,13 euros au titre de son préjudice matériel et 10 000 euros au titre de son préjudice moral à raison d'une détention effectuée du 22 septembre au 31 octobre 2002, soit pendant une durée de un mois et neuf jours, pour des faits qui ont donné lieu à une décision de relaxe devenue définitive ;

Que M. X... et l'agent judiciaire du Trésor ont régulièrement formé recours contre cette décision ;

Que le requérant ne demande la réformation de la décision qu'en ce qui concerne son préjudice matériel qu'il souhaite voir augmenté des sommes de 6 042 euros (frais et honoraires de son avocat portugais), 3 582 euros (frais et honoraires de son avocat en France) et 822,13 euros (remboursement des frais d'avion), ainsi que de la perte de revenus et de prime de bonification liés à son incarcération ;

Qu'il sollicite également une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Que l'agent judiciaire du Trésor demande la réformation de la décision en ce qui concerne le préjudice matériel, en sollicitant le rejet des demandes au titre du remboursement du billet d'avion et des frais de justice afférents à l'extradition, et la réduction de l'indemnisation accordée au titre du préjudice moral ;

Que l'avocat général s'en remet à l'appréciation de la commission sur le préjudice matériel et conclut à la confirmation de la décision attaquée en ce qui concerne le préjudice moral ;

Vu les articles 149 et 150 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité doit réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral causé par la privation de liberté ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que pour fixer à 6 864,13 euros ce chef de préjudice, le premier président a pris en compte les honoraires de l'avocat ayant eu en charge la procédure d'extradition de l'intéressé qui, après avoir été condamné par défaut à une peine d'emprisonnement pour escroquerie par le tribunal correctionnel de Perpignan avec mandat d'arrêt, a été détenu au Portugal du 22 septembre 2002 au 25 octobre 2002, date à laquelle il a été remis aux autorités françaises ; qu'il a également inclus le coût du billet d'avion de retour au Brésil où M. X... vit depuis 1991 ;

Attendu que l'intéressé demande également l'indemnisation de ses pertes de revenus que le premier président avait considérées comme non justifiées, ainsi que l'indemnisation des frais d'avocat qu'il a dû exposer en France devant le tribunal correctionnel de Perpignan et la cour d'appel de Montpellier ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor demande le rejet du recours de M. X... et la réduction de l'indemnité allouée par la décision critiquée en s'opposant à toute indemnisation des frais de justice liés à l'extradition au motif qu'ils ne résulteraient pas directement de la privation de liberté mais simplement de la remise d'un individu d'un Etat à un autre ; qu'il conteste également tout remboursement des frais de retour de l'intéressé au Brésil ;

Attendu qu'il est constant que M. X... a fait l'objet d'un mandat d'arrêt visant l'infraction pour laquelle il a été relaxé et que la demande d'extradition des autorités françaises impliquait son placement en détention ; que c'est à juste titre que le premier président a estimé que la période de détention liée à la procédure d'extradition devait être prise en compte ainsi que toutes les conséquences financières en résultant pour l'intéressé ;

Qu'il convient en conséquence d'inclure dans l'indemnité les honoraires de l'avocat portugais Me Castelo Branco rendus nécessaires par la procédure d'extradition et qui tendaient à la remise en liberté du requérant à l'exclusion de ceux portant sur les frais de constitution d'une société, soit un montant limité à la somme de 4 452 euros au lieu de celui de 6 042 euros alloué par le premier président ;

Attendu que les frais d'avocat directement et exclusivement liés à la détention, exposés en France, sont justifiés à hauteur de 1 186 euros ;

Qu'il convient de confirmer également la décision du premier président allouant au demandeur la somme de 822,13 euros correspondant au prix justifié de son billet d'avion de retour au Brésil, dès lors que, compte tenu de sa détention, le requérant n'a pu utiliser son billet de retour et que ce voyage n'avait pas de caractère professionnel ;

Attendu enfin que les déclarations de rendement produites par l'intéressé, justifient l'existence d'une perte de revenus professionnels de 10 000 euros par mois ; qu'en revanche le requérant ne démontre pas que la perte d'une bonification de fin d'année de 20 000 euros puisse être imputée à une détention qui s'est déroulée du 22 septembre au 31 octobre 2002 ; que compte tenu de la durée de l'incarcération et du temps nécessaire à M. X... pour regagner le pays où il exerçait son activité professionnelle, il convient de fixer à 15 000 euros l'indemnisation de sa perte de revenus ;

Attendu qu'en définitive, il convient d'accueillir le recours de M. X... au titre de son préjudice matériel et de fixer à la somme de 21 461 euros l'indemnité en constituant la réparation intégrale ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que pour accorder au demandeur une indemnité de 10 000 euros à ce titre, le premier président s'est fondé sur l'atteinte à l'honneur et à la considération résultant des circonstances de l'arrestation, intervenue à l'étranger au cours d'un déplacement professionnel, de la nature des faits retenus contre M. X... ainsi que de l'isolement et de l'éloignement de sa famille ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor soutient que cette décision s'appuie sur des éléments (atteinte à l'honneur et à la considération, nature des faits) qui n'ont pas de relation avec la détention ;

Attendu toutefois que compte tenu de l'âge de l'intéressé au moment de son incarcération (55 ans), de la durée de sa détention, des facteurs d'aggravation que constituent l'éloignement de son pays et de sa famille, de l'absence de toute incarcération antérieure, la somme de 10 000 euros allouée par le premier président et non critiquée par le requérant, constitue la réparation intégrale du préjudice moral ; qu'il y a lieu de rejeter le recours de l'agent judiciaire du Trésor ;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Attendu que pour des motifs liés à l'équité, il y a lieu d'allouer au requérant, à ce titre, la somme de 1 000 euros ;

Par ces motifs :

ACCUEILLE le recours de M. Didier X... au titre du préjudice matériel ;

ALLOUE à ce titre à M. Didier X... la somme de 21 461 euros (vingt et un mille quatre cent soixante et un euros) ;

REJETTE le recours de l'agent judiciaire du Trésor ;

ALLOUE à M. Didier X... la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 05-CRD046
Date de la décision : 20/02/2006
Sens de l'arrêt : Infirmation partielle et rejet

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Indemnisation - Conditions - Détention - Période de détention liée à une procédure d'extradition.

Le requérant ayant fait l'objet d'un mandat d'arrêt visant l'infraction pour laquelle il a été relaxé et la demande d'extradition impliquant son placement en détention, la période de détention liée à la procédure d'extradition doit être prise en compte pour l'indemnisation du préjudice causé par la privation de liberté.


Références :

Code de procédure pénale 149, 150

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 30 juin 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 20 fév. 2006, pourvoi n°05-CRD046, Bull. civ. criminel 2006 CNRD N° 3 p. 7.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2006 CNRD N° 3 p. 7.

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gueudet
Avocat général : Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Nési.
Avocat(s) : Avocats : Me Parrat, Me Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.CRD046
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