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31/03/2006 | FRANCE | N°05-CRD059

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 31 mars 2006, 05-CRD059


INFIRMATION sur le recours formé par M. Driss X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Rouen en date du 27 juillet 2005 qui lui a alloué une indemnité de 40 000 euros sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 27 juillet 2005, le premier président de la cour d'appel de Rouen, saisi par M. X... d'une requête en réparation à raison d'une détention provisoire effectuée du 5 novembre 1993 au 13 juin 1995, puis du 12 juillet 1995 au 17 octobre

1996, lui a alloué une indemnité de 40 000 euros en réparation de son pr...

INFIRMATION sur le recours formé par M. Driss X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel de Rouen en date du 27 juillet 2005 qui lui a alloué une indemnité de 40 000 euros sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.

LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,

Attendu que, par décision du 27 juillet 2005, le premier président de la cour d'appel de Rouen, saisi par M. X... d'une requête en réparation à raison d'une détention provisoire effectuée du 5 novembre 1993 au 13 juin 1995, puis du 12 juillet 1995 au 17 octobre 1996, lui a alloué une indemnité de 40 000 euros en réparation de son préjudice moral, après avoir déclaré irrecevables les demandes tendant à la réparation d'une perte d'emploi postérieure à sa libération et à l'octroi d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, et a rejeté la demande de réparation d'un préjudice matériel résultant de l'incarcération ;

Que M. X... a régulièrement formé un recours contre cette décision ;

Vu les articles 149 et 150 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ; que cette indemnité répare intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement lié à la privation de liberté ;

Attendu que M. X..., réitérant ses prétentions initiales, sollicite l'allocation de :

- 137 733 euros au titre du préjudice matériel ;

- 15 000 euros au titre d'une perte d'emploi postérieure à l'incarcération ;

- 100 000 euros au titre du préjudice moral ;

- 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que l'agent judiciaire du Trésor comme le procureur général concluent au rejet du recours ;

Sur le préjudice matériel :

Attendu que M. X... fait valoir que son incarcération, comme sa mise en examen, avaient été décidées avec une particulière légèreté, sans aucune charge sérieuse ; qu'il avait travaillé en qualité de manoeuvre sur les silos du port de Rouen et que toute incarcération crée nécessairement un préjudice matériel ; qu'il se réfère enfin aux sommes qui auraient été proposées aux personnes acquittées par décision du ministre de la justice ;

Mais attendu que le bien-fondé de la décision de placement et de maintien en détention échappe au contrôle du premier président statuant en application des dispositions de l'article 149 du code de procédure pénale ; que les provisions accordées aux personnes auxquelles le requérant fait référence sont aussi destinées à les indemniser du dysfonctionnement du service public de la justice et non du seul préjudice subi du fait d'une détention, seul objet de la présente procédure ; qu'elles ne peuvent, en conséquence, constituer des références utiles à la commission ;

Que si la perte de son emploi, survenue plus de trois ans et demi après sa libération, n'est nullement liée à la période de détention, mais à l'affaire elle-même dans laquelle il restait mis en examen, et ne peut en conséquence être indemnisée sur le fondement des dispositions de l'article 149 du code de procédure pénale, en revanche son incarcération a fait perdre à M. X... la chance de trouver et d'occuper un emploi ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 15 000 euros ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que pour obtenir la majoration de l'indemnisation obtenue de ce chef, M. X... fait valoir que sa longue détention a altéré sa personnalité ; que d'autres personnes mises en cause dans la même affaire ont reçu des indemnités plus élevées ;

Attendu que compte tenu de l'âge du requérant (29 ans) lors de son incarcération qui s'est déroulée en deux temps, du choc psychologique enduré en raison de celle-ci, de sa durée, il convient de fixer à 70 000 euros l'indemnité qui assurera la réparation intégrale du préjudice moral ;

Sur les frais irrépétibles :

Attendu que compte tenu de l'équité, il y a lieu d'allouer au requérant une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; la demande formulée au titre des frais irrépétibles devant s'analyser comme fondée sur ce texte, seul applicable en la présente procédure ;

Par ces motifs :

ACCUEILLE le recours de M. Driss X... et statuant à nouveau ;

Lui ALLOUE les sommes de 15 000 euros (quinze mille euros) en réparation de son préjudice matériel et celle de 70 000 euros (soixante-dix mille euros) en réparation de son préjudice moral ;

Lui ALLOUE en outre la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 05-CRD059
Date de la décision : 31/03/2006
Sens de l'arrêt : Infirmation

Analyses

1° REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Appréciation - Critères - Bien-fondé de la décision de placement et de maintien en détention provisoire (non).

1° Le bien-fondé de la décision de placement et de maintien en détention échappe au contrôle du premier président statuant en application des dispositions de l'article 149 du code de procédure pénale.

2° REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Préjudice - Indemnisation - Provisions destinées à indemniser en partie le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice - Eléments de référence (non).

2° Les provisions accordées aux personnes acquittées lors du procès dit "d'Outreau" ne peuvent constituer des références utiles à la commission, comme étant aussi destinées à l'indemnisation du dysfonctionnement du service de la justice et non du seul préjudice subi du fait d'une détention.


Références :

2° :
Code de procédure pénale 149, 150

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 27 juillet 2005

Sur le n° 1 : Dans le même sens que : Commission nationale de réparation des détentions, 2005-11-14, Bulletin criminel 2005, n° 12 (1), p. 49 (infirmation partielle), et les arrêts cités. Sur le n° 2 : Dans le même sens que : Commission nationale de réparation des détentions, 2005-11-14, Bulletin criminel 2005, n° 12 (2), p. 49 (infirmation partielle)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 31 mar. 2006, pourvoi n°05-CRD059, Bull. civ. criminel 2006 CNRD N° 5 p. 15
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2006 CNRD N° 5 p. 15

Composition du Tribunal
Président : Premier président : M. Canivet
Avocat général : Avocat général : M. Charpenel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Breillat.
Avocat(s) : Avocats : Me Dubos, Me Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.CRD059
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