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10/03/2009 | FRANCE | N°07-41892

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 mars 2009, 07-41892


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 511-5 du code des ports maritimes et L. 121-1 du code du travail, devenu L. 1221-1 et L. 1221-3 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 février 2007), que M. X... et quatorze autres salariés ont travaillé en qualité de dockers occasionnels pour le compte de la société Atlantique services maritimes (ASM), qui mettait ses dockers à disposition des sociétés de manutention ; que la société a procédé à des licenciements collectifs en mars 2003 et o

ctobre 2004 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de requalifi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 511-5 du code des ports maritimes et L. 121-1 du code du travail, devenu L. 1221-1 et L. 1221-3 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 février 2007), que M. X... et quatorze autres salariés ont travaillé en qualité de dockers occasionnels pour le compte de la société Atlantique services maritimes (ASM), qui mettait ses dockers à disposition des sociétés de manutention ; que la société a procédé à des licenciements collectifs en mars 2003 et octobre 2004 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale de demandes de requalification de leurs contrats en contrats à durée indéterminée et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que, pour débouter les salariés de leurs demandes tendant à voir constater qu'ils avaient été liées à la société ASM par un contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient que les salariés ont tous été employés en qualité de dockers occasionnels à la vacation, sans lien de subordination permanent, pour faire face à l'irrégularité du trafic portuaire, et sans être empêchés de travailler pour un autre employeur ; que l'organisation de la main-d'oeuvre dans les entreprises de manutention (dockers) est régie par les articles L. 511-1 et suivants, R. 511-1 et suivants du code des ports maritimes et que ces textes n'imposent pas, nonobstant le libellé retenu par le titre 1er, que les dockers appartiennent à une entreprise de manutention : c'est l'activité assumée par les ouvriers concernés et le fait qu'ils l'exercent sur les ports maritimes de commerce visés à l'article L. 511-1 qui sont déterminants ; que ces dispositions dérogatoires au droit commun du travail n'interdisent pas la mise à disposition de main-d'oeuvre occasionnelle ; que les appelants ne sauraient invoquer la violation des règles du droit du travail relatives aux entreprises de travail temporaire, inapplicables au cas d'espèce ; que l'article R. 511-4 du code des ports maritimes charge le bureau central de la main-d'oeuvre de l'organisation générale de l'embauchage et du pointage des dockers intermittents et des dockers occasionnels, mais aucun texte ne sanctionne la méconnaissance de cette compétence par une requalification en contrat à durée indéterminée ; qu'il n'est pas contesté que la nature des emplois correspondait aux prévisions des articles L. 511-5 et R. 511-2 du code des ports maritimes et à l'article 2 de la convention collective nationale de la manutention portuaire, textes qui précisent que les occasionnels n'ont aucune garantie d'emploi et ne sont pas tenus de se présenter quotidiennement dans les entreprises ; qu'enfin, par application de l'article L. 511-2-11 du code des ports maritimes, les salariés, qui n'avaient pas conclu de contrat à durée indéterminée avec leur employeur, ne peuvent relever de la catégorie des dockers professionnels mensualisés ;

Qu'en retenant pour les salariés la qualité d'ouvriers dockers occasionnels, après avoir relevé que l'article R. 511-4 du code des ports maritimes n'avait pas été respecté et sans rechercher si les conditions concrètes d'exercice de leur activité qui leur imposaient de se présenter deux fois par jour à l'embauche dans les bureaux de l'entreprise sous peine de sanctions disciplinaires ne les plaçaient pas dans un lien de subordination de droit commun, contraire à la liberté attachée à la qualification de docker occasionnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Atlantique services maritimes (ASM) aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer aux salariés la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. Christophe X... et 14 autres salariés.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les quinze salariés demandeurs, ouvriers dockers occasionnels, de leurs demandes tendant à voir constater qu'un contrat à durée indéterminée les avait liés à la Société ATLANTIQUE SERVICES MARITIMES et à la condamnation consécutive de cette société au versement, à chacun d'eux, de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, dommages et intérêts pour licenciement abusif, indemnité compensatrice de préavis et indemnité de congés payés ;

AUX MOTIFS propres QUE "les appelants ont tous été employés par la SA ATLANTIQUE SERVICES MARITIMES en qualité de dockers occasionnels et il n'est pas contesté qu'ils ont été employés à la vacation sans lien de subordination permanent pour faire face à l'irrégularité du trafic portuaire et sans être empêchés de travailler pour un autre employeur ;

QUE l'organisation de la main-d'oeuvre dans les entreprises de manutention (dockers) est régie par les articles L. 511-1 et s., R. 511-1 et s. du Code des ports maritimes et que ces textes n'imposent pas, nonobstant le libellé retenu pour le titre Ier, que les dockers appartiennent à une entreprise de manutention : c'est l'activité assumée par les ouvriers concernés et le fait qu'ils l'exercent sur les ports maritimes de commerce visés à l'article L. 511-1 qui sont déterminants ;

QUE ces dispositions dérogatoires au droit commun du travail n'interdisent pas de mise à disposition de main d'oeuvre occasionnelle ; que les appelants ne sauraient invoquer la violation des règles du Code du travail relatives aux entreprises de travail temporaire, inapplicables en l'espèce ;

QU'enfin, l'article R. 511-4 du Code des ports maritimes charge le bureau central de la main-d'oeuvre de l'organisation générale de l'embauchage et du pointage des dockers intermittents et des dockers occasionnels, mais (qu')aucun texte ne sanctionne la méconnaissance de cette compétence par une requalification en contrat à durée indéterminée, que de plus, il n'est pas contesté que la nature des emplois correspondait aux prévisions des articles L. 511-5 et R. 511-2 du Code des ports maritimes et à l'article 2 in fine de la Convention collective nationale de la manutention portuaire, textes qui précisent que les occasionnels n'ont aucune garantie d'emploi et ne sont pas tenus de se présenter quotidiennement dans les entreprises ; qu'enfin, par application de l'article L. 511-2-II Code des ports maritimes, les salariés qui n'avaient pas conclu de contrat à durée indéterminée avec leur employeur ne peuvent relever de la catégorie des dockers professionnels mensualisés" ;

ET AUX MOTIFS adoptés QUE "en application de l'article L. 511-2 Code des ports maritimes, les ouvriers dockers sont rangés en "ouvriers dockers professionnels", lesquels peuvent être mensualisés ou intermittents, et ouvriers dockers occasionnels ; qu'aux termes de la Convention collective nationale de la manutention portuaire (…) relèvent de la catégorie des dockers professionnels mensualisés les ouvriers qui concluent avec un employeur un contrat à durée indéterminée et de la catégorie des dockers professionnels intermittents ceux qui sont titulaires de la carte G au 1er janvier 1992 et n'ont pas conclu de contrat à durée indéterminée avec un employeur ; (que) les dockers occasionnels n'ont aucune garantie d'activité et ne tirent pas leur revenu annuel principal de ce travail ; que l'article L. 511-5 du Code des ports maritimes précise que les ouvriers dockers occasionnels constituent une main-d'oeuvre d'appoint à laquelle il n'est fait appel qu'en cas d'insuffisance du nombre de dockers professionnels intermittents ; que la Chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé qu'il s'agissait de textes d'ordre public spécifiques à l'activité portuaire et donc dérogatoires aux règles du Code du travail concernant les contrats à durée déterminée ; que ce statut dérogatoire s'applique aux dockers, quel que soit le statut de la société qui les emploie : entreprise de manutention portuaire proprement dite ou entreprise dont l'activité principale est la mise à disposition de main-d'oeuvre de manutention portuaire ; qu'il n'est fait aucune distinction relative au statut de la société employeur dans la loi du 9 juin 1992 ayant institué les articles L. 511-2 et suivants du Code des ports maritimes ; qu'à partir du moment où le statut dérogatoire au Code du travail s'applique, la discussion née de l'application ou non des contrats à usage constant est inopérante en l'espèce puisque, par nature, l'ouvrier employé dans la catégorie des dockers occasionnels est employé à la demande et ne peut se voir appliquer un contrat à durée indéterminée ;

QU'en l'espèce, il n'est pas contesté que les demandeurs, salariés, n'étaient pas titulaires d'une carte professionnelle G mentionnée à l'article L. 511-2 Code des ports maritimes (ni) qu'ils étaient tous dockers occasionnels auprès de la SA ATLANTIQUE SERVICES MARITIMES (ASM), qu'ainsi, qu'il y ait eu ou non établissement de contrats écrits ou qu'il y ait eu des propositions de reclassement effectuées pour l'ensemble des ouvriers dockers dans le cadre du licenciement économique collectif, aucune requalification ne peut intervenir sur le fondement des dispositions de l'article L. 122-3-1 du Code du travail, inapplicable aux salariés demandeurs" ;

1°) ALORS QUE dans leurs écritures d'appel dont la Cour d'appel a constaté (arrêt p. 2 alinéa 3) qu'ils les avaient reprises à l'audience, les demandeurs avaient expressément contesté avoir, en fait, exercé une activité et bénéficié des droits attachés à la qualification "d'ouvriers dockers occasionnels" justifiant, selon les prétentions de l'ASM, l'application des dispositions du Code des ports maritimes dérogatoires au Code du travail dont cet employeur se prévalait à leur préjudice ; qu'ils avaient ainsi soutenu que, étant directement embauchés par la Société ASM sans passer par l'intermédiaire, pourtant légalement obligatoire, du Bureau central de la main-d'oeuvre du port, ils "devaient se présenter à toutes les embauches du matin et de l'après-midi dans un premier temps, pour ensuite utiliser le téléphone vert pour connaître leur emploi du temps du lendemain matin, et recommencer l'opération l'après-midi", et se trouvaient dès lors contraints de se tenir à la disposition permanente de l'entreprise pour pouvoir travailler ; qu'ils avaient ajouté que "le règlement intérieur de la société…(qui) dans son objet, s'adress(ait) à tous les salariés, y compris les dockers occasionnels,… prévo(yait) dans l'échelle des sanctions… les manquements aux appels, les retards, les absences injustifiées…", dispositions dont ils avaient déduit qu'elles "confirm(aient) le lien de subordination continuel qu'avaient les dockers occasionnels avec leur employeur et précis(ait) de manière explicite la notion d'astreinte continuelle" ; que les salariés avaient ainsi déduit de ces conditions de fait de leur activité, contraires à la liberté qui préside à la qualification de docker occasionnel, l'existence d'un lien salarial de droit commun à durée indéterminée avec la Société ASM ; qu'en retenant, à l'appui de sa décision, qu'il "n'était pas contesté qu'ils (avaient) été employés à la vacation, sans lien de subordination permanent, pour faire face à l'irrégularité du trafic portuaire, et sans être empêché de travailler pour un autre employeur", la Cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile.

2°) ALORS QUE la qualification de l'activité salariée ne dépend pas de la volonté des parties mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; qu'en retenant à l'appui de sa décision la qualité d'"ouvrier docker occasionnel" en laquelle avait été employés les salariés demandeurs sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les conditions concrètes d'exercice de leur activité voulues par l'entreprise qui, méconnaissant le monopole du Bureau central de la main-d'oeuvre portuaire, leur imposaient de se présenter deux fois par jour à l'embauche dans les locaux de l'entreprise, et les prescriptions du règlement intérieur applicable, qui sanctionnait en tant que faute disciplinaire, l'absence ou le simple retard à l'embauche, ou le refus de travailler en période de plein emploi, ne les plaçaient pas, en fait, dans un lien de subordination de droit commun contraire à la liberté inhérente à la qualification de "docker occasionnel", qui suppose que ces ouvriers ne soient pas tenus de se présenter à l'embauche et puissent aller travailler ailleurs que sur le port sans autorisation spéciale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 511-5 du Code des ports maritimes et L. 121-1 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE l'entreprise de travail temporaire qui se place volontairement en dehors du champ d'application de la législation dérogatoire dont elle bénéficie en ne respectant pas les conditions impératives auxquelles est subordonnée son application est soumise au droit commun du travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté, d'une part, que la Société ASM avait pour activité exclusive la mise à disposition provisoire de main-d'oeuvre auprès des entreprises du GUMO et exerçait donc, en fait, une activité d'entrepreneur de travail temporaire ; qu'elle a retenu, d'autre part, que cette société ne respectait pas les dispositions d'ordre public du Code des ports maritimes selon lesquelles l'embauchage des ouvriers dockers occasionnels dans le port se fait par l'intermédiaire exclusif du Bureau central de la main-d'oeuvre du port, qui centralise, organise et contrôle la répartition du travail entre les entreprises demanderesses et les ouvriers dockers intermittents et occasionnels, mais procédait elle-même à ces embauches aux conditions unilatéralement déterminées par ses soins ; qu'en refusant cependant d'appliquer à cet employeur, qui ne respectait pas les conditions d'application du statut dérogatoire qu'il revendiquait, le droit commun du travail au motif inopérant que l'article R. 511-4 du Code des ports maritimes ne prévoyait pas de sanction à la violation des obligations qu'il édictait, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé ce texte, ensemble les articles L. 511-1 à L. 511-5 du Code des ports maritimes, L. 121-1 et L. 124-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-41892
Date de la décision : 10/03/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

DROIT MARITIME - Port - Docker - Statut professionnel - Catégorie professionnelle - Classement - Ouvrier docker occasionnel - Liberté de travailler pour un autre employeur que le port - Appréciation - Office du juge

Les ouvriers dockers occasionnels bénéficient d'un statut particulier leur donnant la liberté de travailler pour un autre employeur que le port qui les emploie. Encourt la cassation pour défaut de base légale, l'arrêt d'une cour d'appel qui après avoir relevé que l'article R. 511-4 du code des ports maritimes chargeant le bureau central de la main-d'oeuvre de l'organisation générale de l'embauchage et du pointage des dockers professionnels intermittents et des dockers occasionnels n'avait pas été respecté, omet de rechercher si les conditions concrètes d'exercice de leur activité qui leur imposaient de se présenter deux fois pas jour à l'embauche dans les bureaux de l'entreprise sous peine de sanctions disciplinaires ne les plaçaient pas dans un lien de subordination de droit commun contraire à la liberté attachée à la qualification de docker occasionnel


Références :

article 2 de la convention collective nationale de la manutention portuaire du 31 décembre 1993, étendue par arrêté du 29 septembre 1994
article L. 511-5 du code des ports maritimes

article L. 121-1 du code du travail devenu L. 1221-1 et L. 1221-3 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 15 février 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 mar. 2009, pourvoi n°07-41892, Bull. civ. 2009, V, n° 67
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, V, n° 67

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Aldigé
Rapporteur ?: M. Texier
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.41892
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