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31/03/2009 | FRANCE | N°08-40367

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 mars 2009, 08-40367


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 19, paragraphe 2, a), du Règlement (CE) n 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après nommé "le Règlement") ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un État membre peut être attrait dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant

le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; que ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 19, paragraphe 2, a), du Règlement (CE) n 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après nommé "le Règlement") ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un État membre peut être attrait dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; que le lieu de travail habituel est l'endroit où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur en tenant compte de l'intégralité de la période d'activité du travailleur ; qu'en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d'activité devrait être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er juin 2002 par la société Four Winds Charter, société de droit luxembourgeois, domiciliée au Luxembourg, en qualité de matelot pour naviguer à bord du navire "Ontario", battant pavillon luxembourgeois, pendant plusieurs mois de l'année entre la France, l'Italie, la Croatie, la Grèce, la Tunisie, l'Espagne, Gibraltar et le Portugal, a été licencié le 13 janvier 2005 ; que le 12 janvier 2006, il a saisi le conseil de prud'hommes de Cannes de demandes en paiement d'indemnités de congés payés et de rupture ; que son employeur a soulevé l'incompétence de la juridiction française au profit de la juridiction luxembourgeoise ;

Attendu que pour retenir la compétence du conseil de prud'hommes de Cannes, la cour d'appel, après avoir constaté qu'engagé par l'armateur en juin 2002, le salarié accomplissait son travail sur un navire effectuant des trajets internationaux et qu'à compter du 1er septembre 2004 jusqu' au 25 janvier 2005, date de la rupture de son contrat de travail, il avait travaillé au port Canto à Cannes, en a déduit, qu'en raison de l'exécution de ses activités durant cinq mois à Cannes, ce lieu devait être considéré comme le dernier lieu où le salarié avait accompli habituellement son travail, conformément à l'article 19, 2, a, in fine du Règlement ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le dernier lieu de travail habituel au sens de l'article 19 du Règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen subsidiaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société de droit luxembourgeois Four Winds Charter.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le Conseil des Prud'hommes de CANNES était compétent pour connaître du litige ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur Roméo X..., embauché en qualité de matelot pour naviguer sur le « ONTARIO » plusieurs mois de l'année entre la FRANCE, l'ITALIE, la CROATIE, la GRECE, la TUNISIE, l'ESPAGNE, GIBRALTAR et le PORTUGAL, a travaillé au port Canto à CANNES, port d'attache du « ONTARIO », à partir du 1er septembre 2004 jusqu'au 25 janvier 2005, date de la rupture de son contrat de travail, tel que cela ressort du tableau « Extracts of Logbooks M/S ONTARIO » produit par l'intimée ; qu'il a donc accompli habituellement son travail sur cinq mois à CANNES ; que, en conséquence, la S.A. FOUR WINDS CHARTER, ayant son domicile sur le territoire du Luxembourg, peut être attrait devant le Tribunal de CANNES, dernier lieu où le travailleur a accompli habituellement son travail, en vertu des dispositions de l'article 19 du règlement communautaire n° 44/2001 en date du 22 décembre 2000, étant précisé que la clause attributive de juridiction prévue à l'article 18 du contrat de travail est inopposable au salarié conformément aux prescriptions de l'article 21 du même règlement du Conseil de l'Union Européenne ; que le Conseil des Prud'hommes de CANNES est également compétent matériellement, les rapports entre les parties n'étant pas régis par le Code du travail maritime applicable aux seuls contrats d'engagement maritime conclus pour tout service à accomplir à bord d'un navire français ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le jugement et de déclarer que le Conseil des Prud'hommes de CANNES est compétent pour connaître du litige ;

1) ALORS QUE le marin qui effectue son service sur un navire affecté à des trajets internationaux n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays et ne saurait donc attraire son employeur que devant les tribunaux de l'Etat membre où ce dernier a son domicile ou ceux du lieu où se trouve, ou se trouvait, l'établissement qui l'a embauché ; qu'en jugeant que Monsieur X... avait habituellement accompli son travail en FRANCE, à CANNES, pour en déduire que le Conseil des Prud'hommes de CANNES était compétent pour connaître du litige l'opposant à son ancien employeur, quand elle avait elle-même relevé que ce matelot avait été embauché pour naviguer sur le « ONTARIO » plusieurs mois de l'année entre la FRANCE, l'ITALIE, la CROATIE, la GRECE, la TUNISIE, l'ESPAGNE, GIBRALTAR et le PORTUGAL, ce dont il résultait qu'il n'accomplissait pas habituellement son travail en FRANCE et que seules les juridictions luxembourgeoises de l'Etat du domicile de son employeur ou du lieu où se trouvait l'établissement d'embauche étaient compétentes pour connaître du litige, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 19 du règlement du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2) ALORS QUE le dernier lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail est le nouveau lieu de travail habituel où, selon la volonté des parties, le travailleur exerce désormais ses activités de manière durable et où il dispose d'un bureau qui constitue le centre effectif de ses activités professionnelles, à partir duquel il s'acquitte de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur ; qu'une escale de quatre mois et demi, pendant la période hivernale, d'un navire destiné à reprendre ses trajets internationaux ne saurait signifier que les parties ont désormais entendu fixer, de manière durable, le nouveau lieu de travail du marin dans ce port, de sorte que ce dernier n'accomplit toujours pas son travail dans un même pays ; qu'en jugeant que Monsieur X... avait été embauché sur le « ONTARIO » qui effectuait des trajets internationaux, puis qu'il avait travaillé, à partir du 1er septembre 2004 jusqu'au 25 janvier 2005, date de la rupture de son contrat de travail, au port Canto à CANNES, pour en déduire que ce lieu était le dernier lieu où il avait accompli son travail et que, en conséquence, le Tribunal de CANNES était compétent pour connaître du litige, quand cette escale ne signifiait pas que les parties avaient entendu fixer, de manière durable, un nouveau lieu de travail du salarié dans ce port, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 19 du règlement du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le Conseil des Prud'hommes de CANNES était compétent pour connaître du litige ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur Roméo X..., embauché en qualité de matelot pour naviguer sur le « ONTARIO » plusieurs mois de l'année entre la FRANCE, l'ITALIE, la CROATIE, la GRECE, la TUNISIE, l'ESPAGNE, GIBRALTAR et le PORTUGAL, a travaillé au port Canto à CANNES, port d'attache du « ONTARIO », à partir du 1er septembre 2004 jusqu'au 25 janvier 2005, date de la rupture de son contrat de travail, tel que cela ressort du tableau « Extracts of Logbooks M/S ONTARIO » produit par l'intimée ; qu'il a donc accompli habituellement son travail sur cinq mois à CANNES ; que, en conséquence, la S.A. FOUR WINDS CHARTER, ayant son domicile sur le territoire du Luxembourg, peut être attrait devant le Tribunal de CANNES, dernier lieu où le travailleur a accompli habituellement son travail, en vertu des dispositions de l'article 19 du règlement communautaire n° 44/2001 en date du 22 décembre 2000, étant précisé que la clause attributive de juridiction prévue à l'article 18 du contrat de travail est inopposable au salarié conformément aux prescriptions de l'article 21 du même règlement du Conseil de l'Union Européenne ; que le Conseil des Prud'hommes de CANNES est également compétent matériellement, les rapports entre les parties n'étant pas régis par le Code du travail maritime applicable aux seuls contrats d'engagement maritime conclus pour tout service à accomplir à bord d'un navire français ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer le jugement et de déclarer que le Conseil des Prud'hommes de CANNES est compétent pour connaître du litige ;

ALORS QUE le tribunal d'instance connaît des contestations relatives au contrat d'engagement entre armateurs et marins ; qu'en décidant néanmoins que le Conseil des Prud'hommes de CANNES était compétent pour connaître du litige relatif au contrat d'engagement conclu entre la SA FOUR WINDS CHARTER et Monsieur X..., la Cour d'appel a violé l'article R. 321-6, 5°, du Code de l'organisation judiciaire.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-40367
Date de la décision : 31/03/2009
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Lieu d'exécution - Travail accompli dans plusieurs Etats membres - Lieu habituel d'exécution du travail - Caractérisation - Compétence judiciaire - Détermination

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 - Article 19 § 2 - Compétence en matière de contrats individuels de travail - Règles applicables - Détermination - Portée CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 - Article 19 § 2 - Compétence en matière de contrats individuels de travail - Règles applicables - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 19 § 2, a) du Règlement (CE) n° 44/2001, du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale qu'un employeur ayant son domicile sur le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant le tribunal du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; que le lieu de travail habituel est l'endroit où le travailleur accomplit la majeure partie de son temps de travail pour le compte de son employeur, en tenant compte de l'intégralité de la période d'activité du travailleur ; qu'en cas de périodes stables de travail dans des lieux successifs différents, le dernier lieu d'activité devrait être retenu dès lors que, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exerçait de façon stable et durable ses activités. Ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui, s'agissant d'un litige opposant un armateur à son matelot, engagé par une société ayant son siège social à Luxembourg, pour naviguer sur un bateau battant pavillon luxembourgeois, retient la compétence de la juridiction du lieu du port où le bateau était amarré au moment de son licenciement, au seul motif que l'intéressé y travaillait depuis cinq mois, un tel motif étant impropre à caractériser le dernier lieu de travail habituel au sens de l'article 19 du Règlement


Références :

article 19 § 2, a) du Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 novembre 2007

Sur la portée de la détermination du lieu habituel de l'exécution du travail lorsque un salarié exerce la même activité au profit de son employeur dans plusieurs Etats membres, cf. :CJCE, 27 février 2002, affaire n° C-37/00, Rec., I, n° 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 mar. 2009, pourvoi n°08-40367, Bull. civ. 2009, V, n° 93
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, V, n° 93

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Deby
Rapporteur ?: Mme Mazars
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.40367
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