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28/10/2010 | FRANCE | N°09-13990

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 octobre 2010, 09-13990


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été opéré le 17 janvier 1993 d'une hernie discale par M. Y..., chirurgien, à la clinique Sainte-Odile à Haguenau (la clinique) puis qu' ayant réintégré son domicile, il a dû être réadmis à la clinique le 30 janvier, son état s'étant aggravé ; qu'une IRM lombaire, pratiquée le 4 mars 1993, a révélé une spondylodiscite ; que M. X... a recherché la responsabilité de la clinique et de M. Y... ; que la cour d'appel, retenant que ce dernier avait tardé à mettre en place l

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été opéré le 17 janvier 1993 d'une hernie discale par M. Y..., chirurgien, à la clinique Sainte-Odile à Haguenau (la clinique) puis qu' ayant réintégré son domicile, il a dû être réadmis à la clinique le 30 janvier, son état s'étant aggravé ; qu'une IRM lombaire, pratiquée le 4 mars 1993, a révélé une spondylodiscite ; que M. X... a recherché la responsabilité de la clinique et de M. Y... ; que la cour d'appel, retenant que ce dernier avait tardé à mettre en place le suivi permettant l'établissement du diagnostic, l'a condamné à indemniser le préjudice résultant pour M. X... du fait d'avoir supporté des douleurs pendant un mois mais a mis hors de cause la clinique et son assureur, la société Gan ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. X... :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour limiter la réparation du préjudice invoqué par M. X... et exclure tout manquement de M. Y... à son devoir d'information, l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'il est constant que celui-ci a vu deux fois M. X... et qu'il s'est écoulé trois semaines entre la première consultation et l'intervention qu'il a pratiquée, de sorte que M. X... a bénéficié de toutes les informations utiles ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à établir que M. Y... avait satisfait à son obligation d'information à l'égard de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la clinique Sainte-Odile et de la société Gan :

Vu les articles 564 et 753 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait et que, selon le second, elles doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures qu'elles sont, à défaut, réputées avoir abandonnés ;

Attendu qu'en examinant les demandes formées en cause d'appel contre la clinique et son assureur par M. X... alors que, dans ses dernières conclusions déposées en première instance, celui-ci s'était borné à demander au tribunal de statuer ce que de droit à leur égard sans articuler aucune demande, abandonnant par là-même ses prétentions antérieures, de sorte que de telles demandes étaient nouvelles, partant irrecevables, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile, la cour de cassation étant en mesure de mettre partiellement fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

Et attendu que la cassation ainsi intervenue rend inutile l'examen du second moyen du pourvoi principal ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE seulement en ce qu'il a limité la réparation du préjudice subi par M. X... aux conséquences du retard de diagnostic, et en ce qu'il a statué sur les demandes formées par M. X... à l'encontre de la clinique Sainte-Odile et de son assureur, l'arrêt rendu le 17 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Déclare irrecevables les demandes formées par M. X... contre la société Clinique Sainte-Odile et la société Gan ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

Renvoie pour le surplus la cause et les parties concernées devant la cour d'appel de Colmar autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Peignot et Garreau, avocat pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement, dit que le Docteur Y... a respecté son devoir d'information mais n'est responsable dans les suites opératoires que d'un retard de diagnostic, dit que le lien de causalité entre ce retard de diagnostic et les séquelles présentées par Monsieur Xavier X... n'est pas établi, et limité en conséquence le préjudice indemnisable aux douleurs inutilement supportées, soit une somme de 30.000 F (4.573,47 €) ;

AUX MOTIFS QUE si l'expert précise que l'origine infectieuse de cette spondylodiscite ne peut être affirmée (à défaut de prélèvement local) mais est « très probable du fait de l'efficacité des antibiotiques sur les douleurs», il mentionne en caractères gras dans son rapport que « rien dans le déroulement de l'intervention chirurgicale et des soins post-opératoires, tels qu'il sont été rapportés à l'expertise ne permet d'expliquer la survenue de cette spondylodiscite ; il en est de même en ce qui concerne l'environnement lié aux infrastructures et à l'organisation de la clinique » ; que l'expert conclut que le risque infectieux est inhérent à tout geste chirurgical et qu'en matière de chirurgie discale, cette complication est observée dans 1 à 3% des cas, insistant en l'espèce sur le fait que « le demandeur a reçu tous les soins requis par son état au cours de l'intervention et dans les suites opératoires au cours de sa première hospitalisation » ; que sur les griefs formulés à l'encontre du Docteur Y..., il est établi que lorsque Monsieur X... a consulté le Docteur Y..., spécialiste en chirurgie ostéo-articulaire, il avait vainement essayé tous les traitements médicamenteux et physiques possibles, et comme le souligne l'expert, « il était logique de poser l'indication d'un traitement chirurgical » avant de procéder à l'intervention litigieuse ; que le Docteur Z... a cependant fait hospitaliser Monsieur X... le 17 janvier 1993 et une saccoradiculographie a été réalisée le 18 janvier 1993, celle-ci permettant de constater « une amputation radiculaire franche de la racine S 1 droite » ; qu'il est donc constant que le Docteur Y... a vu deux fois Monsieur X... et qu'il s'est écoulé trois semaines entre la première consultation et l'intervention qu'il a pratiquée ; que Monsieur X... a donc bénéficié de toutes les informations utiles, lui laissant décider de la réalité de l'intervention après délai de réflexion suffisant ; que par ailleurs l'expert précise que rien dans le déroulement de l'intervention chirurgicale et des soins post-opératoires ne permet d'expliquer la survenue de cette spondylodiscite, rappelant que le risque infectieux est inhérent à tout geste chirurgical ; qu'il résulte donc de ce qui précède que c'est parfaitement informé par le Docteur Y... que Monsieur X... a opté pour l'intervention chirurgicale, seule solution possible à ses douleurs dorsolombaires invalidantes par la suppression de son hernie discale, laquelle fut effective ; que par ailleurs il est établi que le Docteur Y... n'a commis aucune faute préopératoire, opératoire ou post-opératoire, que Monsieur X... a reçu tous les soins requis par son état et que seul peut être reproché au Docteur Y... un retard diagnostic d'un mois dans la mesure où la réhospitalisation de Monsieur X... date du 30 janvier et que le diagnostic I. R. M. date du 4 mars suivant ; que c'est en conséquence par une parfaite analyse des faits que le premier juge a écarté tous les autres griefs et qu'il n'a retenu que ce retard de diagnostic, révélateur d'une faute consistant dans la mise en place d'un suivi clinique insuffisamment rapproché ;

ALORS QU'en se bornant à effectuer un simple rappel de la chronologie des consultations préalables à l'intervention et à affirmer que cette dernière était nécessaire, pour en déduire que Monsieur X... aurait « bénéficié de toutes les informations utiles », la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le Docteur Y... avait dûment rapporté la preuve de ce qu'il aurait apporté à son patient une information loyale, claire et appropriée sur la nature des investigations, interventions ou traitements envisagés ainsi que des risques pouvant en résulter, lui permettant de comparer les avantages espérés et les risques encourus, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement, rejeté les demandes formulées par Monsieur Xavier X... à l'encontre de la SA CLINIQUE SAINTE-ODILE ;

AUX MOTIFS QUE, sur les griefs formulés contre la CLINIQUE SAINTE-ODILE, dans ses conclusions expertales, le Docteur A... affirme que si l'intervention chirurgicale s'est compliquée d'une spondylodiscite L 5 – S 1, probablement infectieuse, celle-ci n'est expliquée par aucune anomalie pré, per ou post opératoire en rapport avec l'activité du chirurgien ou liée aux structures, au personnel ou à l'organisation de la CLINIQUE SAINTE-ODILE, dont le Docteur Y... n'est par ailleurs pas le préposé ; que c'est en conséquence à bon droit que le premier juge a mis la CLINIQUE SAINTEODILE hors de cause ;

ET AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QU'il est acquis et non contesté depuis le dépôt du rapport de l'expertise diligentée en référé qu'aucune faute ne peut lui être imputée dans la survenance de l'infection nosocomiale ; que sa mise en cause ne peut donc être recherchée que sur le fondement de la responsabilité civile du fait de ses préposés ; que s'il est acquis que le Docteur Y... intervenait dans un cadre libéral au sein de la clinique, force est de relever que ce n'est pas par bordereau de communication de pièces du 25 février 1999 qu'il en est justifié ; qu'avec raison le demandeur a rappelé qu'il ne saurait se contenter de simples allégations (tout comme le tribunal) ; que dans ces conditions, la Clinique Sainte-Odile et le GAN, son assureur de responsabilité civile, conserveront à leur charge les dépens de leur mise en cause et il ne leur sera pas alloué d'indemnité par application des dispositions de l'article 700 du NCPC ;

ALORS, D'UNE PART, QU'un établissement de santé est tenu, en matière d'infection nosocomiale, d'une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère ; qu'en retenant en l'espèce l'absence de faute de la CLINIQUE SAINTE-ODILE dans la survenance de l'infection nosocomiale, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1147 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant encore que la spondylodiscite survenue à Monsieur X... ne serait expliquée par aucune anomalie en rapport avec le chirurgien ou la CLINIQUE SAINTE ODILE, tout en constatant expressément qu'il s'agissait bien d'une infection nosocomiale constituant une complication de l'intervention chirurgicale, ce dont il résultait nécessairement que cette affection était bien liée à la clinique et à l'intervention pratiquée par le chirurgien, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1147, qu'elle a ainsi violé à nouveau par fausse application.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Clinique Saint-Odile et autre

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir examiné au fond la demande de M. X... contre la clinique Sainte Odile et la société Gan assurances Iard ;

ALORS QUE les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions ; qu'en l'espèce, M. X... s'était borné à demander en première instance qu'il soit « statu(é) ce que de droit quant à l'assignation délivrée à la CLINIQUE SANTE ODILE et quant à la garantie du GAN INCENDIE ACCIDENTS » ; que, dans ses conclusions récapitulatives du 31 mai 1999, il ne sollicitait plus la condamnation de la clinique et de son assureur qu'au seul frais de procédure ; que M. X... avait abandonné ses prétentions à l'encontre du Gan et de la clinique en première instance de sorte que sa demande de condamnation in solidum de la clinique et de son assureur sur le fondement de l'obligation de sécurité de résultat de l'établissement de santé était nouvelle en appel et comme telle irrecevable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 122, 564 et 753 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-13990
Date de la décision : 28/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 17 octobre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 oct. 2010, pourvoi n°09-13990


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc et Duhamel, SCP Defrenois et Levis, SCP Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.13990
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