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10/03/2011 | FRANCE | N°09-16687

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 mars 2011, 09-16687


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu les articles 724 et 725 du code de procédure civile ;
Attendu que le recours contre la décision fixant la rémunération d'un expert est recevable si avant l'expiration du délai prévu pour l'exercice d'un tel recours, il est dirigé contre toutes les parties et si copie de la note exposant les motifs du recours, remise ou envoyée au greffe de la Cour, est simultanément envoyée par l'appelant à toutes ces parties ; que ces formalités, prescrites à peine d'irrecevabilitÃ

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu les articles 724 et 725 du code de procédure civile ;
Attendu que le recours contre la décision fixant la rémunération d'un expert est recevable si avant l'expiration du délai prévu pour l'exercice d'un tel recours, il est dirigé contre toutes les parties et si copie de la note exposant les motifs du recours, remise ou envoyée au greffe de la Cour, est simultanément envoyée par l'appelant à toutes ces parties ; que ces formalités, prescrites à peine d'irrecevabilité du recours, doivent être observées alors même qu'en l'absence de notification de l'ordonnance de taxe, le délai de recours n'a pas commencé à courir ;
Attendu, selon l'ordonnance rendue par le premier président d'une cour d'appel statuant en matière de taxe, que M. X... ayant été commis en qualité d'expert dans le litige opposant Mme Y... à M. Z..., une ordonnance a fixé sa rémunération à une certaine somme ; que Mme Y... a formé contre cette décision un recours dont M. X... a soulevé l'irrecevabilité ;
Attendu que pour déclarer le recours recevable, l'ordonnance retient qu'en application de l'article 725 du code de procédure civile, à défaut de notification de l'ordonnance taxant les honoraires de l'expert et des modalités de recours contre cette ordonnance, M. X... ne saurait se prévaloir de l'irrecevabilité du recours pour inobservation des formes prescrites par l'article 724 du même code ;
Qu'en statuant ainsi, le premier président, qui ne pouvait déclarer le recours de Mme Y... recevable sans l'avoir préalablement invitée à accomplir les formalités prescrites, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 8 juillet 2009, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Douai ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., ensemble l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Thouin-Palat et Boucard ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir déclaré le recours exercé par Maître Y... contre l'ordonnance de taxe du Président du Tribunal de Grande Instance de BEAUVAIS du 11 mai 2007 recevable ;
AUX MOTIFS QU' « en application des dispositions de l'article 725 du Code de procédure civile, à défaut de notification de l'ordonnance taxant les honoraires de l'expert, et des modalités de recours contre ladite ordonnance, Monsieur X... ne saurait se prévaloir de l'irrecevabilité du recours exercé par Maître Y... pour inobservation des formes prescrites par l'article 724 du même Code ; que dès lors Maître Y... doit être déclarée recevable en son recours » ;
ALORS D'UNE PART QUE l'absence de notification, par le technicien, de la décision fixant le montant de ses honoraires a pour seul effet de rendre le délai de recours contre cette décision inopposable aux parties ; qu'elle ne les dispense pas du respect des prescriptions légales régissant les modalités selon lesquelles ce recours doit être effectué, l'irrecevabilité sanctionnant l'inobservation de ces règles pouvant toujours être soulevée par le technicien, peu important qu'il n'ait pas notifié la décision de première instance ; qu'au cas d'espèce, Monsieur X... faisait valoir que le recours exercé par Maître Y... contre l'ordonnance de taxe du 11 mai 2007 était irrecevable faute d'avoir été formé par une note adressée au greffe de la Cour d'appel exposant les motifs du recours et faute d'avoir été dirigé contre toutes les parties au litige principal, comme l'exige l'article du 724 du Code de procédure civile ; qu'en jugeant que faute d'avoir notifié l'ordonnance de taxe à Maître Y..., Monsieur X... ne pouvait soulever l'irrecevabilité du recours exercé par cette dernière à raison de la méconnaissance des dispositions de l'article 724 du Code de procédure civile, le Premier Président de la Cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 725 du même code ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le recours exercé contre l'ordonnance de taxe doit être dirigé contre toutes les parties au litige principal ; qu'à défaut, il est entaché d'une irrecevabilité d'ordre public qu'il appartient au juge de soulever d'office, même si le défendeur n'a pas notifié l'ordonnance conformément aux dispositions de l'article 725 du Code de procédure civile ; qu'en jugeant le recours de Maître Y... recevable, sans relever d'office, comme il y était tenu, le moyen tiré de ce que ce recours était irrecevable faute d'avoir été dirigé contre toutes les parties, le Premier Président de la Cour d'appel a violé les articles 724 et 725 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir ordonné la restitution par Monsieur X... de la somme consignée par Maître Y..., taxé les honoraires dus à Monsieur X... à 15.000 € HT, soit 17.940 € TTC et dit que ces honoraires devraient être réglés par le Trésor Public ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte des dispositions de l'article 284 du Code de Procédure Civile que la rémunération de l'expert doit être fixée en considération des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni ; qu'en l'espèce, il convient de rappeler que c'est par une décision du Tribunal Correctionnel de BEAUVAIS, en date du 29 avril 1999, que M. X... a été désigné avec pour mission de : après s'être fait communiquer les pièces du dossier ainsi que tous les documents comptables qu'il jugerait utiles, après avoir entendu les parties contradictoirement ainsi que tous sachants, - examiner chaque poste du préjudice matériel allégué par Me Y..., en vérifier l'exactitude tant dans son principe que dans son montant, d'y apporter le cas échéant les redressements nécessaires, d'en déterminer très précisément les causes exactes, de fournir à ce sujet tous les éléments permettant au tribunal de déterminer s'il est la cause des infractions commises par M. Z..., - établir un pré-rapport qu'il communiquera aux parties afin qu'elles présentent leurs observations, - répondre à celles-ci ; que pour exécuter sa mission, M. X... s'est vu impartir un délai initial de six mois et le tribunal a fixé une consignation de 50.000 francs, à valoir sur les honoraires de l'expert, à la charge de Me Y... ; que dans la même décision, M. Z... a été condamné à verser à Me Y... une provision de 1.050.000 francs à valoir sur son préjudice matériel et une autre provision de 300.000 francs à valoir sur son préjudice moral ; que Me Y... n'a consigné cette somme de 50.000 francs que le 26 février 2001, ce qui fait que les opérations d'expertises n'ont pu débuter qu'à cette date ; qu'elle a ensuite consigné le 15 janvier 2002 une somme supplémentaire de 15.244,90 € et une autre somme de 30.000 € le 7 novembre 2002 ; que parmi les pièces produites, ne figure qu'une ordonnance en date du 22 juillet 2002, ordonnant le versement d'une consignation supplémentaire de 30.000 € toujours à la charge de Me Y..., et prorogeant pour un an le délai imparti à l'expert pour exécuter sa mission ; qu'il est néanmoins fait référence, dans le dernier pré-rapport de M. X... à une ordonnance rendue le 1er août 2001 prévoyant un complément de consignation de 100.00 francs ; que toutefois, en application des dispositions des articles R.91 et R.92 du Code de Procédure Pénale, s'agissant d'une expertise ordonnée par la juridiction répressive, les consignations auraient dû être payées par l'Etat ; que dès lors, l'ordonnance déférée doit être infirmée en ce qu'elle a autorisé M. X... à se faire remettre, jusqu'à due concurrence, la somme consignée au greffe, soit 52.867,35 € ; que le dossier comporte également des courriers adressés par M. X... au magistrat chargé du contrôle des expertises le 4 avril 2003, puis les 21 novembre 2003, 29 mars 2004, 2 août 2004 et 13 décembre 2004, pour l'informer du déroulement des opérations d'expertise et solliciter une prorogation du délai pour déposer son rapport ; que bien qu'il soit fait mention dans les écritures de Me B... de l'établissement de trois pré-rapports, le dossier fourni ne comporte qu'un pré-rapport en date du 9 avril 2002 et un document daté du 18 octobre 2006 intitulé « état des travaux de l'expert au moment de la demande de récusation » ; que le mémoire de frais produit par M. X... fait apparaître qu'il a facturé cinq réunions d'expertise en cabinet, au prix unitaire hors taxe de 100 €, 290 heures de travail, toujours au prix unitaire hors taxe de 100 €, pour l'étude du dossier et des pièces communiquées, 32 heures à 100 € H.T. pour la rédaction des correspondances et notes diverses et 190 heures à 100 € H.T. pour la rédaction du rapport et du pré-rapport, soit au total 51.700 € H.T., auxquels s'ajoute une somme de 4.385 € H.T. représentant les frais de dactylographie, reprographie et d'affranchissement ; qu'il a ainsi sollicité la taxation de ses frais à hauteur de 56.085 € H.T., soit 67.077,66 € TTC, somme arbitrée par le Président du Tribunal de Grande Instance de BEAUVAIS à 52.867,35 € ; qu'il convient de relever que le dernier pré-rapport, dont la qualité est contestée par Me Y..., contient de longues explications fournies par l'expert sur sa méthodologie et sur les retards successifs pris dans l'accomplissement de sa mission, dont il aurait pu aisément faire la synthèse, sans qu'il soit utile de fournir le détail exhaustif ; que de même, chaque observation de l'une ou l'autre des parties est intégralement reprise, alors qu'il était simplement demandé à l'expert de formuler des conclusions au regard des observations des parties ; qu'ainsi, seuls les résumés de chaque chapitre, limités à quelques pages, permettent actuellement une exploitation d'un travail en tout état de cause inachevé ; que dès lors, au regard des dispositions de l'article 284 du Code de Procédure Civile, il y a lieu de taxer les honoraires dus à M. X..., en considération de l'étude des nombreuses pièces et observations qui lui ont été fournies et de l'exploitation des pièces justificatives, rendue nécessaire par l'absence de fiabilité de la comptabilité de M. Z..., à la somme de 15.000 € HT., soit 17.940 € TTC » ;
ALORS D'UNE PART QUE Maître Y... n'avait jamais soutenu, devant les juges du fond, que la somme qu'elle avait consignée devait lui être restituée dans la mesure où les frais de l'expertise conduite par Monsieur X... devaient être pris en charge par le Trésor Public en application des articles R. 91 et R. 92 du Code de procédure pénale ; qu'en soulevant d'office ce moyen, sans inviter les parties à présenter leurs observations à son propos, le Premier Président de la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le jugement du Tribunal Correctionnel de BEAUVAIS du 29 avril 1999, confirmé par arrêt définitif de la Cour d'appel d'AMIENS du 31 octobre 2000 a condamné Maître Y... à verser une consignation à valoir sur la rémunération de Monsieur X... et a condamné Monsieur Z... aux dépens de l'action civile ; qu'en jugeant que le coût de l'expertise conduite par Monsieur X... devait être supporté par le Trésor Public, de sorte que la somme consignée par Maître Y... devait lui être restituée, le Premier Président de la Cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal Correctionnel de BEAUVAIS et à l'arrêt de la Cour d'appel d'AMIENS précités, en violation de l'article 1351 du Code civil, 6 et 618 du Code de Procédure Pénale, ensemble les principes qui gouvernent l'autorité de la chose irrévocablement jugée par le juge pénal ;
ALORS, ENCORE, QUE les dispositions des articles R.91 et R.92 du Code de Procédure Pénale relatives aux « frais de justice criminelle », ne sont pas applicables aux frais d'une expertise ordonnée par le juge pénal pour déterminer, sur les intérêts civils, le préjudice de la victime, en sorte que c'est à bon droit que le Tribunal de Grande Instance de BEAUVAIS, ayant, sur l'action civile, désigné M. X... avec pour seule mission d'évaluer le préjudice de Me Y..., avait décidé de mettre les frais d'expertise à la charge de cette dernière ; qu'en jugeant que ces frais devaient, en application des textes précités, être supportés par l'Etat et en ne réformant pas ce motif l'ordonnance entreprise, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les articles R.91 et R.92 du Code de Procédure Pénale ;
ALORS ENFIN QUE la procédure de vérification des dépens a pour unique objet la fixation du montant de la rémunération des techniciens, et ne peut porter sur l'identité du débiteur de cette rémunération ; qu'au cas d'espèce, a donc excédé ses pouvoirs en violation de l'article 724 du Code de procédure civile le Premier Président de la Cour d'appel qui a dit que les honoraires de Monsieur X... seraient supportés par le Trésor Public.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-16687
Date de la décision : 10/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

EXPERT JUDICIAIRE - Rémunération - Fixation - Recours - Recours devant le premier président - Recevabilité - Conditions - Formalités légales - Respect - Nécessité - Portée

Les formalités prescrites à peine d'irrecevabilité du recours formé contre la décision fixant la rémunération d'un expert par les articles 724, alinéa 3, et 715, alinéa 2, du code de procédure civile doivent être observées alors même qu'en l'absence de notification de l'ordonnance de taxe, le délai de recours n'a pas commencé à courir


Références :

articles 724 et 725 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 08 juillet 2009

Sur le respect des formalités prescrites à peine d'irrecevabilité du recours formé contre la décision fixant la rémunération d'un expert, à rapprocher :2e Civ., 8 juillet 1981, pourvoi n° 80-12182, Bull. 1981, II, n° 150 (rejet) ;2e Civ., 20 novembre 2003, pourvoi n° 01-14910, Bull. 2003, II, n° 348 (cassation sans renvoi) ;2e Civ., 20 octobre 2005, pourvoi n° 04-16812, Bull. 2005, II, n° 262 (cassation) ;2e Civ., 20 décembre 2007, pourvoi n° 06-20324, Bull. 2007, II, n° 272 (cassation sans renvoi)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 mar. 2011, pourvoi n°09-16687, Bull. civ. 2011, II, n° 62
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, II, n° 62

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : M. Marotte
Rapporteur ?: Mme Nicolle
Avocat(s) : SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:09.16687
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