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10/03/2011 | FRANCE | N°10-16084

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 mars 2011, 10-16084


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel statuant en matière de taxe, que la société Groupe Lactalis (la société) a contesté un certificat de vérification des dépens établi à la demande de Mme X..., avoué, qui avait représenté la société Laitière de M

auriac et du Haut-Cantal dans une procédure ayant donné lieu à un arrêt de la cour d...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel statuant en matière de taxe, que la société Groupe Lactalis (la société) a contesté un certificat de vérification des dépens établi à la demande de Mme X..., avoué, qui avait représenté la société Laitière de Mauriac et du Haut-Cantal dans une procédure ayant donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de Riom du 29 juin 2007, en soutenant notamment qu'elle n'avait pas eu connaissance du bulletin d'évaluation ;
Attendu que, pour dire que la procédure était régulière, l'ordonnance énonce que l'article 706 du code de procédure civile prévoit seulement la notification du compte vérifié par le secrétaire de la juridiction et que le destinataire de cette notification est suffisamment en mesure de faire valoir ses moyens de contestation dans la phase ultérieure de saisine du premier président ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société avait demandé la communication en cours d'instance du bulletin d'évaluation qui devait figurer à la procédure soumise au débat contradictoire, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 février 2010, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à la société Groupe Lactalis la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Lactalis
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance de taxe attaquée d'avoir taxé et arrêté le montant de l'état de frais dû à Me X..., avoué, à la somme de 3.669,12 euros ;
AUX MOTIFS QU'au soutien de sa contestation, la société Lactalis fait valoir que l'émolument proportionnel a été calculé au vu d'un bulletin d'évaluation dont elle n'a pas eu connaissance, de sorte qu'il a été impossible de vérifier les critères retenus pour le déterminer, ce qui la prive ainsi de la possibilité d'exercer ses droits ; que cependant, aucun texte n'impose la notification du bulletin d'évaluation, l'article 706 du code de procédure civile prévoyait seulement celle du compte vérifié par le secrétaire de la juridiction ; que le destinataire de cette notification est suffisamment en mesure de faire valoir ses moyens de contestation dans la phase ultérieure de saisine du premier président qui assure le respect du principe de la contradiction ; que l'intérêt du litige n'était pas évaluable en argent et relève bien des dispositions figurant à l'article 13 du décret fixant le tarif des avoués selon lequel le multiple de l'unité de base est déterminé eu égard à l'importance ou à la difficulté de l'affaire ; que le multiple de l'unité de base tel qu'arbitré par le président de la formation ayant statué prend en compte ces considérations appliquées de façon adaptée au litige ; qu'il y a lieu à confirmation du certificat de vérification contesté ;
ALORS QUE, D'UNE PART, si même l'article 706 du code de procédure civile ne prévoit pas expressément la notification aux parties supportant la charge des dépens du bulletin d'évaluation établi par le magistrat ayant fixé, dans le cas où l'intérêt du litige n'est pas évaluable en argent, le multiple de l'unité de base eu égard à l'importance ou à la difficulté de l'affaire, le respect des droits de la défense, ensemble le principe de l'égalité des armes commandent que cette pièce essentielle soit communiquée à la partie débitrice, au plus tard au cours de l'instance devant le juge taxateur ; qu'en décidant le contraire, le juge taxateur viole l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que cette exigence lui interdit de fonder sa décision, ne serait-ce que pour partie, sur une pièce qui n'a pas été régulièrement communiquée ; qu'en retenant, pour taxer comme elle le fait l'état de frais des dépens de l'avoué, le multiple de l'unité de base tel qu'arbitré par le président de la formation ayant statué, cependant qu'il ne ressort, ni de l'ordonnance attaquée, ni des pièces de la procédure, que le bulletin d'évaluation établi par ce magistrat avait été communiqué à la société Groupe Lactalis, ce que cette dernière contestait au reste formellement, le juge taxateur viole les articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'ordonnance de taxe attaquée d'avoir taxé et arrêté le montant d'état de frais dû à Me X..., avoué, à la somme de 3.669,12 euros ;
AUX MOTIFS QUE l'essentiel de l'argumentation du groupe Lactalis repose en réalité sur l'affirmation qu'en dépit des neufs arrêts distincts rendus par la cour, l'avoué ne pourrait prétendre à un émolument proportionnel de base pour chaque procédure ; qu'il est constant que bien que les neuf entreprises en cause, aient constitué une entité économique (le groupe Toury), chacune a fait l'objet d'un plan de cession séparé à quatre repreneurs différents selon la branche d'activité concernée ; que des appels séparés ont été diligentés pour le compte de chacune des neuf sociétés et que la cour avait, par arrêt du 13 juin 2007, rejeté une demande de jonction des procédures en retenant que les jugements déférés concernaient des plans de cession distincts intervenus dans le cadre de procédures collectives indépendantes les unes des autres ; qu'ainsi, selon les dossiers les parties en présence étaient différentes et que l'intérêt du litige n'était pas el même, ; que la fixation du multiple de l'unité de base ne dépend pas de la motivation des décisions rendues en l'espèce qui s'est limitée à l'examen de la recevabilité des appels et des interventions volontaires sans de ce fait aborder l'appréciation des plans de cession décidés par le tribunal, celle-ci n'en faisant pourtant pas moins partie intégrante de l'intérêt du litige ; que la société Groupe Lactalis a en effet mis à profit son intervention pour faire de nouvelles offres de reprise pour chacune des sociétés en cause ; que cet intérêt n'était pas évaluable en argent et relève bien des dispositions figurant à l'article 13 du décret fixant le tarif des avoués selon lequel le multiple de l'unité de base est déterminé eu égard à l'importance ou à la difficulté de l'affaire ; que sans s'arrêter à la comparaison que tente d'établir la société Groupe Lactalis entre la rémunération de l'avocat et celle de l'avoué, cette dernière résultant d'un texte réglementaire, il résulte déjà des éléments ci-dessus retenus pour exclure l'application d'un émolument global que ce même avoué a dû intervenir dans l'urgence (procédure à jour fixe) lui imposant un effort considérable de gestion justifié par l'importance des intérêts financiers, économiques et sociaux en cause ; que cette intervention s'inscrit, à la lecture de l'arrêt et des conclusions échangées, dans un contexte de difficultés juridiques qui sont la conséquence de la mise en oeuvre d'une nouvelle législation et qui ont exigé une disponibilité et une vigilance constantes de la part de l'avoué concerné ; que le multiple de l'unité de base tel qu'arbitré par le président de la formation ayant statué prend en compte ces considérations appliquées de façon adaptée au litige concernant la société en cause ; qu'il y a lieu à confirmation du certificat de vérification contesté ;
ALORS QUE, D'UNE PART, lorsque l'intérêt du litige n'est pas évaluable en argent, le multiple de l'unité pris pour base de calcul de l'émolument proportionnel de l'avoué doit être déterminé en considération de l'importance ou de la difficulté de l'affaire, lesquelles doivent s'apprécier concrètement ; que lorsque le dossier en cause s'inscrit dans une série et que nonobstant les différences qui peuvent être constatées d'un dossier à l'autre, ceux-ci présentent des points de convergence, de sorte que l'avoué n'a pas eu le même travail à fournir pour chacun des dossiers que s'il avait été saisi de dossiers totalement étrangers les uns aux autres, il doit être tenu compte de ces données particulières pour l'appréciation du multiple de l'unité de base affecté à chacun des dossiers ; qu'il s'ensuit qu'en admettant même que les neuf arrêts prononcés le 13 juin 2007 n'aient pu donner lieu au paiement d'émoluments déterminés globalement pour la série entière, le juge taxateur n'en devait pas moins prendre en considération, non seulement les divergences, mais également les points de convergence entre les différents dossiers pour déterminer le multiple de l'unité de base affecté à chacun d'eux ; que faute d'avoir procédé de la sorte, le juge taxateur n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 13 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 ;
ET ALORS QUE, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, le droit d'accès à un tribunal, ensemble le droit au respect des biens font obstacle à ce que la mise en oeuvre du double critère de l'importance et de la difficulté de l'affaire aboutisse au paiement, à la charge de la partie condamnée aux dépens, d'émoluments totalement disproportionnés par rapport au temps et aux forces que l'avoué a pu consacrer réellement au litige ; qu'en refusant de rechercher, comme il y était invité, si la rémunération totale allouée à l'avoué, au titre des neuf émoluments proportionnels accordés dans chacun des dossiers (66.798 euros HT) n'était pas totalement déconnectée du temps et de l'effort intellectuel que l'avoué avait pu réellement leur consacrer, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à ladite Convention, ensemble au regard de l'article 13 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 10-16084
Date de la décision : 10/03/2011
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

FRAIS ET DEPENS - Taxe - Ordonnance de taxe - Ordonnance du premier président - Droits de la défense - Principe de la contradiction - Violation - Cas - Absence de communication au débiteur qui conteste la rémunération de l'avoué du bulletin d'évaluation du multiple de l'unité de base

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avoué - Tarif (décret du 30 juillet 1980) - Emolument - Contestation - Procédure - Droits de la défense - Principe de la contradiction - Violation - Cas - Absence de communication au débiteur qui conteste la rémunération de l'avoué du bulletin d'évaluation du multiple de l'unité de base

Dans les procédures de taxe des émoluments dus aux avoués près les cours d'appel, le bulletin d'évaluation du multiple de l'unité de base, prévu à l'article 13 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980, est un document soumis au débat contradictoire qui doit donc être communiqué au débiteur qui conteste la rémunération de l'avoué


Références :

article 16 du code de procédure civile

article 13 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 18 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 mar. 2011, pourvoi n°10-16084, Bull. civ. 2011, II, n° 63
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, II, n° 63

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Avocat général : M. Marotte
Rapporteur ?: M. Alt
Avocat(s) : Me Blondel

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.16084
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